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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 28 avril 2015, n° 12-04598

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Girard (SAS)

Défendeur :

Grutter, Renault (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Francke : Conseillers : Mmes Jacob, Blatry

Avocats :

Mes : Grimaud, Gotti, Botto, Bellon, Kestenes

TI Bourgoin-Jallieu, du 11 sept. 2012

11 septembre 2012

Faits, procédure et moyens des parties :

Sur requête de monsieur Patrick Grutter et par ordonnance du 29 août 2011, le président du tribunal d'instance de Bourgoin-Jallieu a enjoint la société Girard de réparer et restituer le véhicule Laguna immatriculé BF 604 ZT et, à défaut, de verser à monsieur Grutter des dommages et intérêts d'un montant de 4 000,00 euro dans le délai d'un mois, l'affaire devant être examinée à l'audience du 4 octobre 2011.

Suivant exploit d'huissier du 4 octobre 2011, la société Girard a appelé en garantie la société Renault.

Le 7 novembre 2011, le véhicule litigieux, utilisé par un employé du garage, a été accidenté sur le parking du magasin Carrefour aux Abrets.

Par jugement du 11 septembre 2012, le tribunal d'instance de Bourgoin Jallieu a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- donné acte à la société Renault que le véhicule litigieux a été remis réparé le 25 novembre 2011 après livraison du câblage moteur,

- constaté que la société Girard, concessionnaire, et la société Renault, fabricant, sont responsables du préjudice subi par monsieur Grutter du fait de retard de réparation et de restitution du véhicule,

- condamné in solidum la société Girard et la société Renault à payer à monsieur Grutter les sommes de :

- 4 000,00 euro à titre de dommages et intérêts,

- 600,00 euro d'indemnité de procédure,

- dit que la société Girard a manqué à ses obligations contractuelles et a majoré le préjudice de son client résultant du seul retard de livraison,

- dit que la société Renault, qui est responsable en partie seulement du préjudice subi par monsieur Grutter, devra relever et garantir son concessionnaire à hauteur d'un quart de la condamnation, soit la somme de 1 000,00 euro,

- condamné la société Girard et la société Renault aux dépens de la procédure.

Suivant déclaration en date du 11 octobre 2012, la société Girard a relevé appel de cette décision.

Au dernier état de ses écritures en date du 10 janvier 2013, la société Girard demande de :

1) à titre principal:

- dire qu'elle n'a failli à aucune de ses obligations,

- débouter monsieur Grutter de l'ensemble de ses prétentions,

2) subsidiairement:

- dire que seule la société Renault est responsable,

- condamner la société Renault à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui seraient mises à sa charge,

3) en tout état de cause: condamner solidairement la société Renault et monsieur Grutter ou qui mieux le devra à lui payer une indemnité de procédure de 3 000,00 euro.

Elle fait valoir que :

* elle n'a pu réparer le véhicule de monsieur Grutter du fait du défaut de livraison de la pièce par la société Renault,

* il ne lui était pas possible de s'approvisionner en dehors du fabricant compte tenu de l'ancienneté du véhicule,

* la pièce relative au faisceau électrique, touchant à l'électronique du véhicule, est spécifique,

* c'est en raison de cette spécificité que la société Renault a été dans l'obligation de faire fabriquer la pièce au Japon,

* l'arrêt des usines suite au tremblement de terre de Fukushima constitue un cas de force majeure,

* le fabricant a reconnu sa responsabilité en prenant en charge le prix de la pièce commandée,

* elle n'a pas été en mesure de communiquer un délai précis de réparation en raison de l'intervention du fabricant qui ne lui a donné aucun délai,

* monsieur Grutter ne démontre pas son préjudice ni comment il serait parvenu à la somme de 4 000,00 euro.

Par conclusions récapitulatives en date du 6 mars 2013, la société Renault sollicite de:

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à supporter la somme de 1 000,00 euro à titre de dommages et intérêts au titre des désagréments subis par monsieur Grutter,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour sur le bienfondé de l'appel de la société Girard,

- débouter monsieur Grutter de son appel incident,

- condamner la société Girard et monsieur Grutter ou qui mieux le devra aux entiers dépens.

Elle expose que:

* le faisceau moteur est une pièce complexe et spécifique nécessitant un délai de livraison d'autant plus important que le véhicule a une ancienneté de plus de 10 ans,

* elle reconnaît sa part de responsabilité mais ne veut pas supporter les griefs pouvant être faits en propre à l'encontre de la société Girard,

* aucun délai de livraison n'avait été convenu,

* elle a offert à monsieur Grutter le prix de la pièce d'un montant de 645,70 euro pour compenser le délai de 3 mois,

* la réparation de la perte de jouissance ne peut être que symbolique au regard de l'ancienneté du véhicule de monsieur Grutter,

* monsieur Grutter ne démontre pas qu'il ait été empêché de partir en vacances ou de se rendre dans sa famille à Lyon.

En dernier lieu, monsieur Grutter conclut à la confirmation du jugement déféré sauf sur le quantum des dommages et intérêts qu'il sollicite à hauteur de 5 000,00 euro et à la condamnation in solidum de ses adversaires à lui payer une indemnité de procédure de 1 500,00 euro en première instance et de 3 000,00 euro en cause d'appel.

Il indique que:

* il a dû attendre 5 mois pour que son véhicule soit réparé,

* ses 2 adversaires sont responsables de son préjudice,

* n'ayant plus l'usage de son véhicule, il n'a pu avec sa famille partir en congés ni aider ses beaux-parents âgés pour faire des courses,

* pendant l'immobilisation de sa Renault, il a continué de payer la location de son garage ainsi que son assurance.

La clôture de la procédure est intervenue le 20 janvier 2015.

Sur ce,

1. sur la demande en dommages et intérêts de monsieur Grutter :

Aux termes de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, le prestataire de service doit, avant la conclusion du contrat, communiquer au consommateur de façon claire diverses informations sur les caractéristiques du service et, notamment, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai dans lequel il s'engage à exécuter le service.

Par application de l'article 1147 du Code civil, l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'obligation se résout par l'allocation de dommages et intérêts.

En l'espèce, monsieur Grutter a déposé son véhicule Laguna en panne le 27 juin 2011 et a pu le reprendre le 25 novembre 2011, soit après un délai d'immobilisation de 5 mois.

Il est constant que la société Girard, bien qu'elle ait pris toutes garanties pour s'assurer le paiement de son intervention par le paiement d'un acompte de 600,00 euro le 28 juin 2011 et le dépôt d'un chèque de banque d'un montant de 2 400,00 euro le 4 juillet 2011, n'a informé monsieur Grutter ni des difficultés de livraison de la pièce à changer ni du délai prévisible de la réparation.

Il a fallu attendre le 14 septembre 2011 pour que lui soit fixée une date de réparation en octobre suivant, non respectée au demeurant.

Le garage et le fabricant, qui allèguent un cas de force majeure du fait de l'accident nucléaire de Fukushima, ne démontrent pas que l'usine de fabrication de la pièce litigieuse se situe au Japon à proximité de la zone accidentée ni même que la relative ancienneté du véhicule soit un obstacle à une réparation dans des délais raisonnables et, en tout état de cause, à une information du consommateur.

Dans ces conditions, aucune exonération de responsabilité ne peut être retenue.

De surcroît, il est établi que le véhicule de monsieur Grutter a été accidenté alors qu'il était en dépôt au sein du garage.

Le garage Girard prétend que son salarié procédait à un essai de la voiture après réparation.

Au regard de l'heure de l'accident, soit 18 heures 30, et de sa localisation, sur le parking d'une grande surface, ces allégations fallacieuses ne peuvent être admises.

Ainsi, la société Girard a commis une faute supplémentaire en n'apportant pas au véhicule déposé dans ses locaux les soins attendus d'un dépositaire normalement vigilant.

Par voie de conséquence, le tribunal a pertinemment retenu la responsabilité conjointe du garage et du fabricant dans le retard de réparation du véhicule.

Il est indiscutable que monsieur Grutter et sa famille, privés sur une longue durée de l'utilisation de leur seule voiture, ont subi un préjudice de jouissance qui ne peut être limité au regard de l'ancienneté du véhicule.

Monsieur Grutter, non éclairé sur la réalité de la situation, dans l'incertitude du délai de la réparation et confronté à l'utilisation de son véhicule avant sa restitution finale, a également subi un préjudice moral.

Les premiers juges ont, à juste titre, fixé l'indemnisation de ces préjudices par l'allocation de la somme de 4 000,00 euro.

Il n'y a donc pas lieu à majoration.

2. sur la demande en garantie de la société Girard à l'encontre de la société Renault:

Le tribunal a parfaitement distingué entre les responsabilités respectives du garage réparateur et du fabricant.

Les premiers juges ont, à cet égard, pertinemment souligné le manque d'information initial du garage Girard, son défaut de renseignement durant les délais de réparation, l'utilisation frauduleuse du véhicule de monsieur Grutter rallongeant encore le délai de restitution et son absence de geste commercial de prêt d'un véhicule de courtoisie.

Dans ces conditions et dans les rapports entre le garage et le fabricant, la société Renault relèvera et garantira la société Girard à hauteur du quart des condamnations.

3. sur les mesures accessoires

L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au seul bénéfice de monsieur Grutter et à la seule charge de la société Girard.

Enfin, la société Girard supportera les dépens de la procédure d'appel avec distraction au bénéfice de maître Botto et de la SCP Mazzieri-Bellon-Cabanne.

Par ces motifs, la cour : statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne la société Girard à payer à monsieur Patrick Grutter la somme supplémentaire de 2 000,00 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes à ce titre, Condamne la société Girard aux dépens de la procédure d'appel avec distraction au bénéfice de maître Botto et de la SCP Mazzieri-Bellon-Cabanne.