CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 20 juin 2014, n° 12-08070
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
André Germain, Françoise Germain
Défendeur :
Lys d'Argent (SARL), Ripert (ès. qual.), De Saint Rapt et Bertholet (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jacomet
Conseillers :
M. Richard, Mme Prignet
Avocats :
Mes Bliek, Guizard
Arrêt :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Annick Prignet, Conseillère pour le président empêché et par Mme Patricia Dardas, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement en date du 27 mars 2012 du Tribunal de commerce de Bobigny ayant :
- débouté Monsieur Madame Germain de leurs demandes,
- reçu la SARL le Lys d'Argent en ses demandes reconventionnelles et y faisant droit constater la validité du contrat de vente qui continue de produire ses effets,
- condamné Monsieur Madame Germain à payer la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouter la SARL le Lys d'Argent du surplus de sa demande.
Vu l'appel interjeté par les époux Germain.
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 janvier 2014 par Mr et Mme Germain, qui demandent à la cour sur le fondement des articles 1153, 1154, 1382 et 1583 du Code civil, l'article L. 111-1 du Code de la consommation de :
- infirmer le jugement,
- dire que la société le Lys d'Argent n'a pas respecté son obligation générale d'information,
- dire qu'ils n'ont pas été en mesure de connaître les caractéristiques essentielles des biens dont ils ont fait l'acquisition et n'ont pu donner valablement leur accord sur la chose vendue,
- constater la nullité de la vente intervenue le 28 avril 2011 entre Monsieur André Germain, Madame Françoise Germain et la société le Lys d'Argent,
- fixer le montant de la restitution à la somme de 12 000 euro TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2011 et arrêtés au 27 juin 2012, date du jugement de redressement judiciaire rendu par le Tribunal de commerce d'Avignon,
- constater l'admission définitive de leur créance de 12 000 euro TTC en principal,
A titre subsidiaire,
- constater que la société le Lys d'Argent a violé son obligation précontractuelle d'information,
- fixer à la somme de 12 000 euro le montant de leur indemnisation en raison du préjudice subi à ce titre,
En conséquence:
- constater l'admission définitive de leur créance de 12 000 euro à ce titre,
En tout état de cause,
- rejeter toutes prétentions adverses,
- constater que Monsieur et Madame Germain sont bien fondés à solliciter l'indemnisation de leur préjudice économique,
- fixer le montant du préjudice économique subi par Monsieur André Germain et Madame Françoise Germain à la somme de 2 000 euro,
- fixer à la somme de 5 000 euro le montant de l'indemnité due par la société le Lys d'Argent, prise en la personne de son Administrateur judiciaire, la SELARL De Saint Rapt & Bertholet, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
En conséquence :
- constater l'admission définitive de leur créance de 2 000 euro au titre de leur préjudice économique ;
- constater l'admission définitive de leur créance de 5 000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 avril 2014 par le Lys d'Argent, qui demande à la cour sur le fondement des articles 1108, 1116, 1134, 1147, 1156 à 1162 et 1736 du Code civil, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- constater la validité du contrat de vente,
- dire qu'il continue de produire ses effets,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de vente aux torts des époux Germain,
- condamner les époux Germain à payer à titre de dommages et intérêts la somme de 12 000 euro à la société le Lys d'Argent et la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens d'appel et de première instance.
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 10 avril 2014.
Sur ce,
Considérant que le 28 avril 2011, la société le Lys d'Argent entreprise de menuiserie a conclu, lors de la Foire de Paris, un contrat avec les époux Germain portant sur la réalisation de meubles de cuisine en chêne peint, de modèle cyrielle, et leur agencement pour un montant TTC de 31 794 euro ; que le jour de la vente, les époux Germain ont payé un acompte correspondant à 40% du prix global soit 12 000 euro ; que le 30 avril 2011, puis le 7 juin 2011, par voie d'huissier, les époux Germain ont mis en demeure la société Lys d'Argent de leur restituer la somme de 12.000euro en invoquant la nullité du contrat ; que les époux Germain ont assigné la société le Lys d'Argent devant le Tribunal de commerce de Bobigny en remboursement des 12 000 euro versés ; que le jugement déféré a été prononcé le 27 mars 2012 ; que par acte d'huissier du 25 juillet 2012, les époux Germain ont appelé à la cause la SELARL De Saint Rapt & Bertholet prise en la personne de Maître Bertholet, en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société le Lys d'Argent, et Me Christian Ripert en qualité de mandataire judiciaire désignés par jugement du Tribunal de Commerce d'Avignon en date du 27 juin 2012 ; que les époux Germain ont déclaré leur créance au passif du redressement judiciaire de la société Lys d'Argent suivant bordereau du 17 juillet 2012 ;
Considérant que l'article L. 111-1 du Code de la consommation dispose que tout professionnel, vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ; considérant qu'un contrat de vente qui ne répond pas à cette exigence ne s'est pas régulièrement formé dès lors que les informations manquantes ou les imprécisions ont privé l'acheteur d'une connaissance fidèle des éléments justifiant son engagement ; que tout vendeur professionnel de meubles destinés à être posés et installés dans un lieu spécifiquement défini et auxquels ils doivent être adaptés ce qui est le cas d'une cuisine aménagé doit s'informer des besoins de l'acquéreur non professionnel et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose qu'il se propose d'acquérir et de son aptitude à atteindre le but recherché, de sorte qu'il puisse s'engager en toute connaissance de cause ;
Considérant que s'agissant d'une cuisine complète à aménager, le fabricant a l'obligation préalable de vérifier la possibilité de réaliser les prestations sur place en adéquation avec le local, en tenant compte des réseaux qui existent ; qu'en l'espèce, aucune cote n'a été relevée puisqu'il résulte du bon de commande que le premier versement doit être effectué à la commande et le deuxième versement doit intervenir à la prise de cotes, ce qui signifie qu'elles sont prises alors que les meubles sont déjà en fabrication ; que la société le Lys d'Argent a établi un plan très succinct de l'emplacement des éléments de cuisine sans indication de la dimension des meubles ; que la production du plan de leur maison par les époux Germain ainsi que les dimensions figurant sur le bon de commande outre qu'elles sont incomplètes ne pallient pas à cette absence de plan côté du projet de cuisine en fonction des contraintes du local à aménager ;
Considérant que la société le Lys d'Argent n'étant pas en mesure de produire un plan technique d'implantation de la cuisine soumis à l'approbation des clients et revêtu de leur signature, ne démontre pas s'être informée des besoins de ceux-ci, de la faisabilité du projet afin de leur permettre de donner un consentement éclairé quant au contrat ;
Considérant que les époux Germain n'ayant pu en conséquence valablement donner leur accord sur la chose vendue et sur son prix, le contrat litigieux doit être considéré comme nul sur le fondement de l'article 1583 du Code civil ;
Considérant que le jugement sera infirmé et la créance des époux Germain à l'égard de la société le Lys d'Argent sera fixée à la somme de 12 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2011, date de la mise en demeure et arrêtés au 27 juin 2012, date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
Considérant que l'absence de professionnalisme de la société le Lys d'Argent quant aux modalités de souscription du contrat a causé un préjudice aux époux Germain qui ont mobilisé en vain pendant 3 ans la somme de 12 000 euro, préjudice qui sera indemnisé par l'allocation de la somme de 1 500 euro ;
Considérant qu'il y a lieu d'allouer aux époux Germain une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, l'intimé étant débouté de sa demande de ce chef ;
Considérant que Maître Bertholet, en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société le Lys d'Argent assumera la charge des dépens d'appel, ceux de 1ère instance étant inclus dans la créance des époux Germain ;
Par ces motifs, La Cour : Infirme le jugement, Statuant à nouveau, Déclare nul le contrat conclu le 28 avril 2011 entre la société le Lys d'Argent et les époux Germain, Fixe la créance des époux Germain au redressement judiciaire de la société le Lys d'Argent :
- à la somme de 12 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2011 et arrêtés au 27 juin 2012 au titre de la restitution de l'acompte versé,
- à la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts,
- à la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- aux dépens de 1ère instance,
Rejette toute autre demande, Condamne Maître Bertholet, en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Lys d'Argent d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.