CA Limoges, ch. civ., 5 novembre 2015, n° 13-01241
LIMOGES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Royal Kids (SARL)
Défendeur :
Riout, Zakarian, Parc Limoges (SARL), Parc Limoges Nord (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sabron Conseillers
Avocats :
Mes Coudamy, Baboin, Chabaud, Délirant
FAITS et PROCÉDURE
En juin 2010, la société Parc Limoges, dirigée par MM. Olivier Riout et Olivier Zakarian, a conclu un contrat de franchise avec la société Royal kids pour l'exploitation d'un parc de jeux pour enfants.
Désireux d'ouvrir un parc de jeux à Limoges Nord, MM. Riout et Zakarian ont constitué la société Parc Limoges Nord qui a régularisé un contrat de réservation avec la société Royal kids le 12 octobre 2011.
La société Parc Limoges Nord ayant refusé de signer le contrat de franchise et de verser la redevance prévue dans ce contrat, la société Royal kids l'a assignée ainsi que la société Parc Limoges et MM. Riout et Zakarian devant le Tribunal de commerce de Limoges en paiement de diverses sommes, en soutenant que ceux-ci avaient manqué à leurs obligations contractuelles et qu'ils s'étaient livrés à des actes de concurrence déloyale et parasitaire, ainsi que pour obtenir la cessation, sous astreinte, de leurs activités de parc de jeux, outre la publication du jugement à intervenir.
Par jugement du 2 septembre 2013, le tribunal de commerce a notamment :
- dit que la rupture du contrat de franchise conclu entre la société Royal kids et la société Parc Limoges est imputable à la société Royal kids qui n'a pas respecté ses obligations contractuelles de franchiseur,
- condamné la société Parc Limoges à payer à la société Royal kids une somme de 9 600 euro, représentant 50 % des redevances restant dues, pour non-respect du formalisme imposé pour la rupture du contrat,
- condamné la société Parc Limoges Nord à payer à la société Royal kids une somme de 8 970 euro au titre de l'engagement de priorité exclusive de territoire.
La société Royal Kids a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
La société Royal kids reprend ses demandes initiales en soutenant n'avoir commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, à la différence des intimés qui, selon elle, se sont appropriés son concept et les fruits de ses efforts économiques.
Les intimés, appelants incidents, concluent à la résiliation judiciaire du contrat de franchise, à la date du 13 octobre 2012, aux torts de la société Royal kids qui a manqué à ses obligations contractuelles et au rejet des demandes de cette société. Ils demandent la condamnation de la société Royal kids à leur rembourser l'intégralité de leurs frais engagés afin de changer leur nom commercial, ces frais s'élevant à la somme de 4 962,85 euro.
MOTIFS
Sur la rupture des relations contractuelles.
Attendu que les parties sont liées par deux contrats :
- un contrat de franchise conclu le 29 juin 2010 entre la société Royal kids (franchiseur) et la société Parc Limoges (franchisé);
- un contrat de réservation conclu le 12 octobre 2011 entre la société Royal kids et la société Parc Limoges Nord dans le cadre du projet d'ouverture d'un second parc de jeux en zone Nord.
Attendu que, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 13 octobre 2012, la société Parc Limoges et la société Parc Limoges Nord ont signifié à la société Royal kids :
- la résiliation du contrat de franchise,
- leur refus de régulariser un nouveau contrat de franchise dans le cadre de l'ouverture du parc de Limoges Nord;
que, dans ce courrier, la société Parc Limoges et la société Parc Limoges Nord font état de manquements graves et répétés de la société Royal kids à ses obligations contractuelles en reprochant à celle-ci:
- d'avoir adressé à la société Parc Limoges, pour l'aménagement de ses locaux, un entrepreneur ayant recours à un salarié non déclaré, ce qui l'a exposée, en sa qualité de donneur d'ordre, à une procédure pénale du chef de l'infraction de travail dissimulé,
- d'avoir privé la société Parc Limoges Nord de tous moyens de communication (suppression de la page Internet et de l'accès au site Internet),
- de ne pas les avoir accompagnées lors de l'ouverture de leur second parc de jeux à Limoges Nord et de ne pas leur avoir prodigué conseils et assistance pour contrer la concurrence,
- d'avoir mis en place une politique de communication publicitaire insuffisante et de ne pas satisfaire à son obligation d'animation du réseau,
- d'avoir demandé à certains fournisseurs de ne plus les faire bénéficier des conditions négociées par Royal kids.
Attendu que les griefs énoncés dans ce courrier fixent les limites du débat.
Attendu que ce courrier se fait l'écho du mécontentement d'autres franchisés du réseau Royal kids; que, cependant, cet argument ne peut être pris en compte, seules les fautes commises à l'égard de la société Parc Limoges et de la société Parc Limoges Nord étant susceptibles d'être retenues comme cause de résiliation des relations contractuelles.
Attendu que le contrat de franchise stipule (article 3-4) que tous les agencements feront l'objet d'une étude par des partenaires agréés par le franchiseur et seront soumis à l'accord de celui-ci; que si l'agrément suppose évidemment une sélection des entreprises, on ne saurait en déduire que la société Royal kids était informée que l'entreprise qu'elle recommandait à la société Parc Limoges pour l'aménagement de ses locaux employait un salarié non déclaré; que rien dans le dossier ne permet d'affirmer que la société Royal kids avait connaissance de l'infraction commise par l'entrepreneur, seul responsable des conditions d'embauche de son personnel; que la société Royal kids n'avait pas à s'immiscer dans le recrutement du personnel de cette entreprise tierce et que, dès lors, aucune faute ne peut être retenue à son encontre du chef de la recommandation d'une entreprise employant un salarié non déclaré.
Attendu qu'il n'est pas démontré que la société Royal kids aurait privé les intimés de l'accès aux moyens de communication Internet propres au réseau; qu'il n'est pas davantage établi qu'elle serait intervenue auprès de ses fournisseurs pour que les commandes des intimés ne soient pas satisfaites.
Attendu que le contrat de franchise indique que les relations entre les parties sont fondées sur l'indépendance et la loyauté qui sont considérées comme des conditions essentielles, le franchiseur s'engageant à rester disponible pour son franchisé lorsque celui-ci le sollicitera, que ce soit pour des informations ou des documents; que, selon ce contrat, le franchiseur s'engage à transmettre à son franchisé les normes " Royal kids " et à l'aider dans la mise en place d'un plan de lancement et d'animation de son centre ainsi qu'à se tenir à sa disposition pour répondre à toutes questions en rapport avec la franchise; que les obligations du franchiseur à l'égard du franchisé consistent notamment :
- à le conseiller et à l'assister, en particulier au moyen d'une permanence téléphonique,
- à organiser, au minimum une fois par an, des réunions périodiques pour faire le point des expériences,
- à effectuer des visites bilan pour permettre au franchisé d'harmoniser son centre avec le concept " Royal kids ",
- à fournir au franchisé des brochures et des articles publicitaires et à contrôler la communication du réseau pour maintenir une image de qualité homogène.
Attendu que, dans le cadre de l'exécution de ses obligations contractuelles, la société Royal kids justifie avoir remis à la société Parc Limoges :
- un " guide ouverture " dont la finalité est de conseiller le franchisé dans le choix du mobilier et des divers matériels nécessaires à l'agencement du centre,
- des dossiers d'aide à la gestion du centre (classeur caisse, planning d'animateur, règlement intérieur, fiscalité, comité d'entreprise),
- un guide proposant au franchisé divers supports publicitaires et de communication (cartes de visite, dépliants publicitaires, flyers, invitations, tickets d'entrée, cartes pass,...),
- un guide relatif au choix de panneaux d'information à installer dans le centre (sécurité, règlement intérieur du centre, publicité);
que la société Royal kids justifie également avoir conseillé la société Parc Limoges en lui proposant:
- une entreprise susceptible de lui fournir un accès Wifi gratuit,
- une entreprise agréée par l'Apave pour assurer la maintenance et la sécurité du site,
- un contrat de travail type destiné au recrutement des animateurs.
Attendu, s'agissant plus particulièrement du grief tenant à l'insuffisance d'animation du réseau, que la société Royal kids ne dément pas les intimés lorsque ceux-ci lui reprochent de n'avoir organisé que trois visites de leur site en deux ans, sans retour d'informations ni conseils constructifs; que même si le contrat de franchise ne prévoit pas la fréquence des visites, l'accompagnement du franchiseur apparaît insuffisant pour soutenir les intimés qui avaient le projet d'ouverture d'un second parc de jeux et qui se trouvaient confrontés à une concurrence nouvelle dans leur secteur d'activité à raison de l'ouverture d'un parc pour enfants à l'initiative d'une société concurrente; que la société Royal kids ne justifie d'aucune analyse de l'activité du franchisé pas plus que de critiques ou de conseils donnés ou de solutions proposées pour faire progresser celle-ci; qu'aucune stratégie commerciale n'a été élaborée par le franchiseur pour aider la société Parc Limoges à faire face à la concurrence nouvelle; que cette carence de la société Royal kids dans l'exécution de ses missions d'animation et d'assistance, alors même qu'elle s'était engagée dans les termes du contrat de franchise à être toujours disponible pour son franchisé afin que celui-ci ne se trouve jamais seul pour faire face aux difficultés, constitue un manquement à ses obligations contractuelles dont la gravité, à raison du caractère essentiel des obligations en cause, justifie tant la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur telle que signifiée par les intimés le 13 octobre 2012 que le refus de ces derniers de signer un nouveau contrat de franchise pour l'ouverture du parc en zone de Limoges Nord.
Attendu que la résiliation du contrat de franchise étant intervenue aux torts exclusifs de la société Royal kids qui a manqué à ses obligations contractuelles, celle-ci ne peut prétendre à des dommages-intérêts du fait de cette rupture.
Sur le chef du jugement condamnant la société Parc Limoges Nord à payer à la société Royal kids une somme de 8 970 euro au titre du contrat de priorité exclusive de territoire.
Attendu que la société Parc Limoges Nord fait très justement observer que le tribunal de commerce a prononcé cette condamnation alors même qu'il n'était saisi d'aucune demande en ce sens de la part de la société Royal kids; que cette dernière société ne réclame pas la confirmation de ce chef de décision dans ses écritures d'appel par lesquelles elle conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celles rejetant les demandes reconventionnelles des intimés; qu'il convient d'infirmer la condamnation en cause.
Sur les demandes indemnitaires des intimés.
Attendu que, suite à la rupture de ses relations contractuelles avec la société Royal kids, la société Parc Limoges a dû changer sa dénomination sociale pour adopter celle de " Toboggan et Cie " et engager divers frais pour modifier son matériel de communication commercial afin de faire disparaître tous liens avec la marque Royal kids: changement d'enseigne, modification des vitrines, commande de nouveaux supports publicitaires (cartes de visite, flyers, affiches), création d'un nouveau site Internet; que ces divers frais représentent un montant justifié s'élevant à 4 962,85 euro que la société Royal kids sera condamnée à payer à la société Parc Limoges, seule liée par le contrat de franchise résilié.
Sur l'action en concurrence déloyale engagée par la société Royal kids.
Attendu que le contrat de franchise ayant été valablement résilié le 13 octobre 2012, la société Parc Limoges s'est trouvée libérée, à compter de cette date, de l'obligation de non-concurrence visée à l'article 10 de ce contrat qui ne concerne que la période des relations contractuelles, pendant laquelle il n'est justifié d'aucune violation de cette obligation par la franchisée; que la société Parc Limoges Nord, qui n'a pas signé ce contrat de franchise, n'est pas tenue à l'obligation de non-concurrence qu'il stipule.
Attendu, selon l'article 8.21 du contrat de franchise que le franchisé s'interdit, à compter de la cessation de ce contrat, de faire toute référence et/ou utilisation des marques Royal kids et d'entretenir toute ambiguïté sur sa situation vis-à-vis du franchiseur; qu'il cessera notamment d'exploiter l'enseigne, les signes distinctifs et la signalétique du franchiseur; qu'en cas de rupture du contrat de franchise, le franchisé devra faire disparaître toute référence directe ou indirecte, permettant d'établir ou de rappeler à la clientèle son appartenance au réseau ou susceptible d'entretenir de quelque manière que ce soit dans l'esprit du public une confusion entre son exploitation et celle du franchiseur; que toute infraction à ces obligations sera sanctionnée par une pénalité de 1 500 euro par infraction et par jour de retard.
Attendu qu'à compter de la rupture des relations contractuelles, la société Parc Limoges a adopté la dénomination sociale " Toboggan et Cie " ainsi que cela résulte de l'extrait K bis du 16 octobre 2012; que le procès-verbal de constat dressé le 25 octobre 2012 par la SCP Hyvernaud, huissier de justice, démontre que l'enseigne du parc de jeux exploité par la société Parc Limoges a été remplacée par "Toboggan et Cie"; que la présentation extérieure de cette enseigne en lettres de couleurs différentes, tout comme les affiches et le mobilier intérieur, ne présentent aucune originalité particulière et, en tous cas, la société Royal kids ne justifie pas qu'elle bénéficierait d'un droit sur cette présentation ou cet agencement au titre de la propriété intellectuelle; que, s'agissant plus particulièrement du mobilier, les intimés font valoir, sans être utilement contredits sur ce point, que celui utilisé sur leur site n'est pas spécifique à la société Royal kids puisqu'il provient de l'un des trois fournisseurs de mobilier spécialisés dans les parcs de jeux pour enfants, sans exclusivité au profit de la société Royal kids; que toutes références à cette dernière société a disparu que ce soit sur les vitrines, les affiches, les flyers ou les éléments de décoration, la seule présentation colorée ne constituant pas un concept présentant pas une originalité particulière justifiant une protection au titre de la propriété intellectuelle; que les activités de jeux proposées ne sont aucunement originales puisqu'elles sont celles également proposées par la concurrence; que la société Parc Limoges n'a pas imité la démarche commerciale de la société Royal kids puisqu'elle propose au contraire des formules et des prix différents de celle-ci; que dès lors, l'action engagée par la société Royal kids des chefs de concurrence déloyale et de parasitisme ne peut prospérer.
Attendu qu'aux termes du contrat de contrat de réservation conclu entre elles le 12 octobre 2011, la société Royal kids a consenti à la société Parc Limoges Nord une option sur un territoire défini pour l'implantation d'un parc de jeux pendant une durée d'un an à compter de la date précitée; que l'article 7 de ce contrat stipule que dans l'hypothèse où l'option ne serait pas levée, la société Parc Limoges Nord s'interdit expressément et d'ores et déjà d'exploiter, à titre personnel ou non, et de quelque façon que ce soit, toute activité identique ou similaire sur l'ensemble du territoire français pendant une durée de deux ans à compter de la cessation du présent contrat; que cette clause, dont la validité n'est pas contestée pas plus que celle du contrat dans lequel elle est insérée, doit recevoir application.
Attendu que la société Royal kids reproche à la société Parc Limoges Nord d'avoir, en violation de l'interdiction précitée qui expirait, selon ses propres écritures, le 12 octobre 2013, ouvert dès octobre 2012 un parc de jeux <adresse>, ainsi que cela résulte du procès-verbal de constat dressé le 25 octobre 2012 par SCP Hyvernaud, huissier de justice.
Attendu que, même si le défaut de levée de l'option prévue dans le contrat de réservation apparaît imputable aux carences de la société Royal kids dans l'exécution de ses obligations de franchiseur, la société Parc Limoges Nord ne pouvait, sans méconnaître l'interdiction précitée, ouvrir en octobre 2012 son parc de jeux sous l'enseigne " Toboggan et Cie "; que, la violation de cette interdiction s'étant prolongée sur une période d'une année, le préjudice en résultant pour la société Royal Kids sera réparé par l'allocation de dommages-intérêts d'un montant de 5 000 euro à la charge de la seule société Parc Limoges Nord, en l'absence de toute démonstration d'une faute imputable à MM. Riout et Zakarian qui soit détachable de leurs fonctions de gérants.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile.
Attendu que l'équité ne justifie pas l'application de ce texte.
Par ces motifs LA COUR, Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi, Infirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Limoges le 2 septembre 2013, Statuant à nouveau, Prononce la résiliation, à compter du 13 octobre 2012, du contrat de franchise conclut le 29 juin 2010 entre la société Royal kids (franchiseur) et la société Parc Limoges (franchisé), aux torts du franchiseur, Condamne la société Royal kids à payer à la société Parc Limoges la somme de 4 962,85 euro en remboursement de ses frais liés à son changement d'enseigne commerciale, Condamne la société Parc Limoges Nord à payer à la société Royal Kids 5 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la violation de l'interdiction prévue à l'article 7 du contrat de contrat de réservation du 12 octobre 2011, Rejette les autres demandes des parties, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Royal Kids aux dépens et Dit qu'il sera fait application de l'article 699 du Code de procédure civile.