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Décisions

CA Bordeaux, 5e ch. civ., 13 novembre 2015, n° 15-04218

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sodisco (SARL)

Défendeur :

CSF (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Barrailla

Conseillers :

MM. Sabard, Chelle

Avocats :

Mes Loumadine, Brouard, Cadiot-Feidt, Charlet

T. com. Bordeaux, du 9 juill. 2014

9 juillet 2014

Le 20 juillet 2004 la société CSF a conclu avec la société Sodisco un contrat d'approvisionnement en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce ouvert commune de Nantiat qui se situe dans le ressort de la Cour d'appel de Limoges.

Par ordonnance en date du 9 juillet 2014 le juge des référés du Tribunal de commerce de Bordeaux a jugé que la société Sodisco avait brutalement rompu le contrat susmentionné et a constaté l'impossibilité de maintenir les relations contractuelles.

La société CSF a par la suite fait assigner notamment la société Sodisco devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Bordeaux afin de la voir condamner sous astreinte à lui communiquer toutes pièces concernant la rupture du bail, et concernant le sort des marchandises et des mobiliers ainsi que le livre d'entrée et de sortie du personnel.

La société Sodisco a demandé au juge des référés de se déclarer incompétent au profit du Tribunal de commerce de Limoges ou à défaut au profit du Tribunal de commerce de Paris conformément à la clause compromissoire.

Par ordonnance en date du 18 novembre 2014, le juge des référés a rejeté cette exception d'incompétence, et s'est déclaré compétent pour connaître du litige. Sur le bien-fondé du référé il a ordonné la réouverture des débats, et a renvoyé la cause à une audience ultérieure.

La société Sodisco a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 25 juin 2015 le conseiller de la mise en état a fait droit à la demande d'irrecevabilité de l'appel invoquée par la société CSF et a en conséquence déclaré irrecevable l'appel relevé par la société Sodisco en retenant que celle-ci aurait dû former un contredit et qu'il ne pouvait être fait état d'un quelconque excès de pouvoir de la part du président du tribunal de commerce statuant en référé.

Le 9 juillet 2015 la société Sodisco a déposé au greffié une requête aux fins de déféré par laquelle elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnances du conseiller de la mise en état et à titre principal de déclarer son appel recevable.

A titre subsidiaire elle sollicite que l'acte de signification de l'ordonnance de référé du 18 novembre 2014 soit déclaré nul.

Elle réclame en tout état de cause que la société CSF soit condamnée à lui verser la somme de 3 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle formule les mêmes prétentions dans ses conclusions notifiées le 28 juillet 2015.

Elle fait valoir :

- qu'en application de l'article 98 du Code de procédure civile la voie de l'appel est seule ouverte contre les ordonnances de référé et que le conseiller de la mise en état a violé cet article ;

- que son adversaire ayant fondé ses demandes sur l'article 145 du Code de procédure civile sans faire mention des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, l'appel qu'elle a relevé devant la Cour d'appel de Bordeaux est recevable ;

- que dans son ordonnance du 18 novembre 2014, le juge des référés a tranché une partie du principal et qu'il a excédé ses pouvoirs ;

- que l'acte de signification de l'ordonnance de référé délivré par la société CSF qui mentionne que l'appel doit être relevé devant la Cour d'appel de Bordeaux lui ouvre le droit d'appel contre cette ordonnance devant cette juridiction ;

- que l'acte de signification du 16 décembre 2014, de l'ordonnance de référé doit être annulé en raison de ce qu'il a été fait par la société CSF France qui a été radiée du registre du commerce et en raison de ce qu'il prévoit que l'appel doit être exercé devant la Cour d'appel de Bordeaux ;

- que le second acte de signification en date du 22 janvier 2015, de l'ordonnance de référé qui mentionne que l'appel doit être formé devant la Cour d'appel de Paris ne fait pas apparaître qu'il annule et remplace le premier que la mauvaise foi de la société CSF est patente puisque elle n'a pas procédé à la rectification de la précédente signification et qu'elle n'est dès lors pas fondée à invoquer l'irrecevabilité de l'appel.

Les 10 août 2015 la société CSF a notifié des conclusions par lesquelles elle demande à la cour de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état en ce qu'elle a déclaré l'appel irrecevable et par substitution de motifs de retenir que seule la Cour d'appel de Paris était compétente pour connaître du litige et en tout état de cause de dire irrecevable l'appel immédiat de l'ordonnance de référé qui s'est limitée à rejeter une exception d'incompétence sans vider sa saisine.

Elle demande que la société Sodisco soit condamnée au paiement de 10 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient :

- que comme l'indique la société Sodisco la voie de l'appel était ouverte contre l'ordonnance de référé mais que les ordonnances attaquées doivent être confirmées par substitution de motifs ;

- que l'appel a été porté devant une juridiction incompétente pour connaître du litige en raison des dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce qui attribuent compétence à la Cour d'appel de Paris dès lors que le Tribunal de commerce de Bordeaux a eu à connaître des dispositions de l'article L. 442-6 5ème du Code de commerce, qu'un appel mal dirigé est un appel irrecevable et que l'inobservation des articles L. 442-6 et D. 442-3 est sanctionnée par une fin de non-recevoir ;

- qu'il résulte de la combinaison des articles 544 et 545 du Code de procédure civile qu'une décision qui se borne à rejeter une exception de procédure tout en réservant le fond du litige dès lors que le juge s'est déclaré compétent pour en connaître est insusceptible d'un appel immédiat, et que le juge des référés n'ayant pas statué sur la demande de communication de pièces son ordonnance ne peut être frappée d'appel ;

- que le société Sodisco ne peut se prévaloir d'un appel nullité alors qu'elle n'a pas saisi la Cour d'appel de Bordeaux d'un tel appel nullité de la décision entreprise, que la clause compromissoire s'appréciera devant le juge du fond, que le juge des référés du Tribunal de commerce de Bordeaux était compétent pour statuer sur la demande d'instruction in futurum, et que l'excès de pouvoir invoqué par la société Sodisco pour les besoins de la cause ne peut être retenu ;

- que la demande de nullité de l'acte de signification de l'ordonnance du 18 novembre 2014 invoquée à titre subsidiaire par la société Sodisco est irrecevable comme formée pour la première fois en cause d'appel, que cette demande est infondée s'agissant d'une erreur purement matérielle commise par le président du tribunal de commerce, que la nullité ne peut être encourue en cas d'erreur dans l'indication de la voie de recours dans l'acte de signification et qu'en l'absence de grief la nullité ne peut être prononcée.

A l'audience du 11 septembre 2015 à laquelle elle avait été initialement fixée l'affaire a été renvoyée à l'audience du 9 octobre 2015 à la demande de l'avocat de la société Sodisco.

Le 8 octobre 2015 la société Sodisco a notifié de nouvelles conclusions.

Le 9 octobre 2015 la société CSF a notifié des conclusions par lesquelles elle demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions sus mentionnées.

Motifs de la décision

Sur la recevabilité des conclusions de dernière heure de la société Sodisco :

Il résulte des éléments de la cause que l'avocat de la société Sodisco avait connaissance de la date à laquelle l'affaire serait évoquée puisque c'est sur sa demande et de manière contradictoire qu'à l'audience du 11 septembre 2015 l'affaire a été renvoyée à l'audience du 9 octobre 2015.

La veille de cette audience du 9 octobre, la société Sodisco a notifié des conclusions comportant des éléments nouveaux par rapport à ses précédentes conclusions concernant, la non application des dispositions des articles L. 442-6-I-5 et D. 442-3 du Code de commerce, concernant la jurisprudence en matière d'excès de pouvoir et concernant l'application de la clause compromissoire et l'absence de portée des arguments de la société CSF.

Ces conclusions de dernière heure qui nécessitaient une réponse de la société CSF, seront dès lors déclarées irrecevables comme faisant échec au principe du contradictoire.

Sur la voie de recours ouverte contre l'ordonnance de référé :

L'article 98 du Code de procédure civile prévoit que la voie de l'appel est seule ouverte contre les ordonnances de référé.

L'irrecevabilité de l'appel ne pouvait donc être prononcée par le conseiller de la mise en état au motif que l'ordonnance de référé attaquée aurait dû faire l'objet d'un contredit alors que la société Sodisco s'est conformée aux dispositions de ce texte en relevant appel de cette décision.

Sur la détermination de la cour d'appel compétente pour connaître de l'appel de la société Sodisco :

Il résulte des dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce que :

Pour l'application de l'article L. 442-6 le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixées conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre.

Ce tableau donne compétence en première instance au Tribunal de commerce de Bordeaux pour les litiges survenus dans le ressort de la Cour d'appel de Limoges.

L'article D. 442-3 ajoute que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est la Cour d'appel de Paris.

L'article L. 442-6 du même Code de commerce concerne notamment les litiges relatifs à la rupture brutale des relations commerciales établies sans préavis écrit.

En l'espèce le litige principal porte sur les conséquences des ruptures brutales des contrats d'approvisionnement et de franchise qui ont été constatées par l'ordonnance de référé du Tribunal de commerce de Bordeaux du 29 juillet 2014.

Même si la demande de production de pièces soumise au juge des référés a été introduite au visa de l'article 145 du Code de procédure civile, il n'en reste pas moins qu'elle vise également l'ordonnance de référé du 29 juillet 2014.

Elle a par ailleurs été formulée devant le Tribunal de commerce de Bordeaux qui n'est compétent que si l'article L. 442-6 du Code de commerce s'applique puisque dans le cas contraire le Tribunal de commerce de Limoges aurait dû être saisi en raison du lieu du litige.

La demande de la société CSF s'inscrit donc dans le cadre de la rupture brutale des relations contractuelles même s'il n'est pas fait expressément référence à l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Il en résulte qu'en application de l'article D. 442-6 du Code de commerce l'appel devait être formé devant la Cour d'appel de Paris.

Il importe peu par ailleurs que l'acte de signification de l'ordonnance de référé du 16 décembre 2014 mentionne que l'appel doit être formé devant la Cour d'appel de Bordeaux.

L'indication erronée d'une cour d'appel non compétente pour statuer sur le recours d'une partie ne lui donne pas en effet le pouvoir de statuer sur celui-ci.

La signification de l'ordonnance effectuée le 2 décembre 2014 par la société CSF n'a donc pas ouvert à la société Sodisco la possibilité de saisir la Cour d'appel de Bordeaux alors que la loi qui donne compétence à la Cour d'appel de Paris pour connaître de l'appel ne lui attribue pas la possibilité de le faire.

L'appel relevé par la société Sodisco sera dès lors déclaré irrecevable, la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités ayant seulement pour effet de ne pas faire courir le délai de recours.

La Cour de Bordeaux ne dispose dès lors pas du pouvoir pour statuer sur les autres prétentions des parties, seule la Cour d'appel de Paris disposant du pouvoir de statuer sur la recevabilité de l'appel-nullité, la validité de l'acte de signification de l'ordonnance de référé, et la validité de la deuxième signification intervenue le 22 janvier 2015 de l'ordonnance de référé invoqués par la société Sodisco. Il en va de même du moyen d'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il a été exercé immédiatement invoqué par la société CSF.

L'appel relevé devant la Cour d'appel de Bordeaux par la société Sodisco sera en conséquence déclaré irrecevable.

L'ordonnance attaquée sera confirmée par substitution de motifs.

Il sera fait application au profit de la société CSF des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, La COUR, Déclare irrecevables les conclusions du 8 octobre 2015 notifiées par la société Sodisco la veille de l'audience comme portant atteinte au principe du contradictoire, Confirme par substitution de motifs l'ordonnance attaquée qui a déclaré irrecevable l'appel formé par la société Sodisco devant la Cour d'appel de Bordeaux celui-ci devant être formé devant la Cour d'appel de Paris, Se déclare incompétente pour statuer sur les autres prétentions des parties, Condamne la société Sodisco à payer à la société CSF une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.