CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 13 novembre 2015, n° 13-13999
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Securinfor (SA)
Défendeur :
France Numérique (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mme Prigent, M. Richard
Avocats :
Mes Hardouin, Zeitoun-Kernevez, Partouche
Le 24 mars 2010, la société Securinfor a souscrit un bon de commande auprès de la société France Numérique portant sur un photocopieur de marque Canon avec connexion imprimante, chargeur et tri brochure, financé dans le cadre d'une location moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels d'un montant de 2 300 euro HT;
Il était également souscrit le 24 mars 2010, un contrat de service avec effet au 15 avril 2010 pour une durée de 5 ans incluant la délivrance de 20 000 copies couleur en contrepartie d'un forfait trimestriel de 1 600 euro HT et de 20 000 copies noir et blanc en contrepartie d'un forfait trimestriel de 150 euro HT.
Le 18 janvier 2012, Securinfor adressait à France Numérique le courrier suivant :
" Souhaitant procéder cette année à une renégociation du contrat qui nous lie, nous vous informons par la présente de la résiliation à titre conservatoire du dit contrat relatif au copieur référencé ci-dessus. Nous vous remercions de bien vouloir nous indiquer par retour les modalités de résiliation et vous rapprocher de nos services pour nous permettre de donner la suite qu'il convient à ce dossier dans les meilleurs délais ".
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 23 janvier 2012, la société France Numérique a indiqué avoir pris acte de cette demande de résiliation anticipée en sollicitant le règlement des indemnités prévues aux conditions générales des contrats, soit une somme globale de 70 750,03 euro TTC décomposée comme suit :
- 30 708,48 euro TTC au titre de la résiliation anticipée du contrat de service,
- 39 228,27 euro TTC au titre de la résiliation anticipée du contrat de location,
- 813,28 euro TTC au titre de l'indemnité pour le retrait des machines.
La société France Numérique a adressé à la société Securinfor, le 7 février 2012 une mise en demeure de payer la somme de 70 750,03 euro TTC et le 10 février 2012, elle a également sollicité le paiement de la somme de 3 031,86 euro TTC au titre de la facture pour les tambours des machines.
Une mise en demeure de payer la somme globale de 73 781,89 euro TTC (soit : 70 750,03 + 3 031,86) a été adressée le 13 février 2012 à la société Securinfor par le conseil de la société France Numérique, sans résultat.
Par acte d'huissier en date du 23 mars 2012, la société France Numérique a assigné la société Securinfor aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 73 781,89 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 février 2012 pour la somme de 70 750,03 euro TTC et de la mise en demeure du 13 février 2012 pour la somme de 3 031,86 euro TTC.
Par jugement en date du 17 juin 2013, le Tribunal de commerce de Créteil a :
- condamné Securinfor à payer à France Numérique la somme de 30 708,48 euro avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2012,
- débouté France Numérique de sa demande en paiement de la facture FA2012-0211,
- débouté Securinfor de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de maintenance du 24 mars 2010,
- débouté Securinfor de sa demande de dommages et intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire sous réserve de constitution d'une caution bancaire en cas d'appel,
- condamné Securinfor au paiement de la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Securinfor a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2014, Securinfor demande sur le fondement des articles 1134, 1147, 1152, 1156, 1162, 1184 et suivants du Code civil et l'article L. 442-6 alinéa 2 du Code de commerce de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf celles ayant débouté France Numérique de sa demande de condamnation au titre de la facture n° FA 2012-0211 d'un montant de 3 031,86 euro TTC ;
A titre principal :
- débouter la société France Numérique de toutes ses demandes ;
- ordonner la résiliation judiciaire du contrat du 24 mars 2010 aux torts exclusifs de France Numérique,
- condamner la société France Numérique à lui verser la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts,
A titre subsidiaire :
- déclarer que la clause prévoyant une indemnité de résiliation du contrat de maintenance du 24 mars 2010 d'un montant égal à 100 % du prix des échéances du contrat de location restant à courir jusqu'au terme du contrat est non écrite en application de l'article L. 442-6 alinéa 2 du Code de commerce ;
- si une indemnité de résiliation du contrat de maintenance du 24 mars 2010 devait être appliquée, celle-ci ne saurait être évaluée à une somme supérieure à 2 000 euro et non à 25 676 euro ;
En tout état de cause :
- dire la société France Numérique mal fondée en son appel incident et en ses demandes et l'en débouter ;
- condamner la société France Numérique à lui verser la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 28 novembre 2013, la société France Numérique demande sur le fondement des articles 1101 et suivants, 1134 et suivants, 1146 et suivants du Code civil de :
- débouter Securinfor de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté France Numérique de sa demande de paiement de la facture FA2012-0211,
- condamner Securinfor au paiement de la somme de 3 031,86 euro TTC au titre de la facture FA2012-0211 pour les tambours des machines avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 février 2012,
- condamner Securinfor au paiement des frais bancaires afférents à la constitution de la caution bancaire par le CIC pour la période qui s'étend de la date de constitution jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir,
- condamner Securinfor au paiement d'une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
Motifs de la décision
Securinfor fait valoir qu'elle n'a pas, par son courrier du 18 janvier 2012, entendu résilier par anticipation le contrat la liant à la société France Numérique mais seulement renégocier celui-ci et que lui soient communiquées, à toutes fins, les conditions d'une telle résiliation, que les relations contractuelles entre les parties se sont poursuivies au moins jusqu'au 3 février 2012, date à laquelle une réunion s'est tenue afin de trouver une solution optimale pour la poursuite des relations contractuelles.
La société France Numérique réplique qu'une résiliation anticipée " à titre conservatoire " n'existe ni dans les conditions générales contractuelles de vente (contrat de location) ni dans les conditions générales contractuelles de maintenance (contrat de service), ni juridiquement. Elle expose que, soit une société décide de résilier le contrat par anticipation, soit elle décide de ne pas résilier, que le courrier de résiliation anticipée adressé par Securinfor est sans aucune ambiguïté puisqu'il mentionne bien en son objet le terme " résiliation ", que dans le strict respect de ses obligations contractuelles, le Directeur des ventes de France Numérique s'est déplacé le 3 février 2012 dans les locaux de la société Securinfor afin de trouver une solution optimale pour la poursuite des relations contractuelles mais la proposition financière formulée par France Numérique n'a pas été acceptée par Securinfor ce qui n'aurait pas permis de revenir sur la résiliation anticipée.
Aux termes du jugement et des conclusions des parties, le litige relatif à la résiliation ne porte que sur le contrat de maintenance du photocopieur.
Le 18 janvier 2012, Securinfor adressait à France Numérique le courrier suivant avec pour objet : " résiliation contrat copieur IR AD C 5045 N° GFV10886 "
" Souhaitant procéder cette année à une renégociation du contrat qui nous lie, nous vous informons par la présente de la résiliation à titre conservatoire du dit contrat relatif au copieur référencé ci-dessus. Nous vous remercions de bien vouloir nous indiquer par retour les modalités de résiliation et vous rapprocher de nos services pour nous permettre de donner la suite qu'il convient à ce dossier dans les meilleurs délais ".
Securinfor indique dans ses conclusions que " Mécontente des nombreux dysfonctionnements du matériel pris en location et surtout de la carence de la société France Numérique à intervenir au titre de la maintenance dans des délais acceptables, Securinfor a souhaité renégocier les conditions des conventions la liant à sa cocontractante et notamment celles du contrat de maintenance ".
Il n'en demeure pas moins que si comme elle l'indique dans son courrier, Securinfor envisageait de renégocier le contrat, elle a précisé que l'objet de son courrier portait sur la résiliation du contrat, qu'elle a informé son cocontractant " de la résiliation à titre conservatoire du dit contrat " et " de bien vouloir nous indiquer par retour les modalités de résiliation ".
Lorsque Securinfor a pris connaissance des conditions financières de la résiliation, elle est revenue sur sa décision de résilier le contrat.
Aux termes du courrier du 18 janvier 2012, Securinfor ne s'est pas contentée de solliciter la renégociation du contrat, elle a également signifié la résiliation du contrat.
Les parties reconnaissent avoir tenté de renégocier les modalités du contrat au cours d'un rendez-vous qui s'est déroulé le 3 février 2012. Cependant, les parties n'étant parvenues à aucun accord sur la renégociation du contrat, celui-ci a pris fin et les dispositions contractuelles s'appliquent, aucune faute ne pouvant être reprochée à France Numérique qui n'a fait qu'exécuter la décision de Securinfor. La résiliation a pris effet au 18 janvier 2012, date du courrier de cette dernière, les discussions ultérieures n'ayant pas abouti et Securinfor " ayant sollicité la résiliation à titre conservatoire " du contrat. Le fait que par courrier du 9 février 2012 adressé à France Numérique, Securinfor se ravisait en précisant qu'elle n'avait pas effectivement résilié le contrat est inopérant puisque cette correspondance est postérieure à la réunion du 3 février 2012 au cours de laquelle les négociations avaient échoué.
Securinfor allègue que la résiliation ne pouvait prendre fin qu'à l'issue d'un préavis de trois mois. Aucun délai de préavis n'est prévu dans la convention pour la résiliation anticipée du contrat. De plus, Securinfor qui est à l'origine de la résiliation ne pourrait revendiquer un délai de préavis qu'elle n'a pas elle-même respecté.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que Securinfor avait unilatéralement résilié le contrat de maintenance.
L'article 9-2 des conditions générales de la convention de maintenance stipule qu'en cas de résiliation anticipée du contrat, le client sera redevable d'une indemnité de résiliation qui a été évaluée à 30 708,48 euro. Cette clause n'est pas sanctionnable sur le fondement de l'art. L. 442-6, I, 1° du Code de commerce car elle est la contrepartie de la possibilité de résilier de manière anticipée un contrat à durée déterminée.
L'article 1152 du Code civil prévoit que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter de payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre, que néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire ;
L'indemnité due en cas de résiliation anticipée du contrat qui est stipulée à la fois pour contraindre le débiteur à l'exécution du contrat et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par le créancier, s'analyse bien en une clause pénale susceptible d'être modérée ou augmentée conformément à l'article 1152 alinéa 2 du Code civil.
Le montant de cette indemnité est manifestement excessif eu égard au préjudice effectivement subi par la société créancière ; il convient donc de réduire cette somme et de la fixer à 10 000 euro de sorte que la société France Numérique qui n'aura plus à assumer le coût des consommables et des interventions techniques pour le photocopieur bénéficiera cependant du profit auquel elle pouvait légitimement prétendre ; le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Securinfor à payer à France Numérique la somme 30 708,48 euro, l'appelante étant condamnée à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'indemnité de résiliation. Le caractère indemnitaire de cette somme exclut d'y appliquer la TVA. Cette indemnité inclut tous les préjudices subis par France Numérique liés à la résiliation du contrat ; sa demande en remboursement de frais bancaires sera rejetée.
L'article 9-2 des conditions générales de la convention de maintenance prévoit qu'à l'issue du contrat, le client aura l'obligation de laisser France Numérique récupérer le tambour sur le photocopieur. En cas de non restitution, celui-ci sera facturé au client. Securinfor ne proposant pas de restituer les tambours et continuant à utiliser le photocopieur, elle devra en régler la facture produite soit la somme de 3 031,86 euro.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie ;
Par ces motifs, Infirme le jugement sauf sur les dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, Statuant à nouveau des chefs infirmés, Constate que la société Securinfor a résilié unilatéralement le contrat de maintenance à la date du 18 janvier 2012, Condamne la société Securinfor à payer à la société France Numérique la somme de 10 000 euro au titre de l'indemnité de résiliation et celle de 3 031,86 euro au titre des tambours, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne la société Securinfor aux dépens d'appel.