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ADLC, 22 décembre 2014, n° 14-D-20

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du papier peint en France

ADLC n° 14-D-20

22 décembre 2014

L'Autorité de la concurrence (section IV),

Vu la décision n° 10-SO-07 du 4 novembre 2010, enregistrée sous le numéro 10-0101 F, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des papiers peints ; Vu la demande des sociétés Tapetenfabrik Gebr. Rasch GmbH&Co. KG et Rasch France SARL du 9 juin 2010, enregistrée sous le numéro 10-0058AC, et tendant à obtenir le bénéfice du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu l'avis conditionnel de clémence n° 10-AC-05 du 4 novembre 2010 ; Vu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu les décisions liées à la protection du secret des affaires n° 10-DSA-249 du 18 novembre 2010 ; n° 11-DSA-52 du 7 février 2011 ; n° 12-DSA-65 du 15 février 2012 ; n° 12-DSA-66 du 15 février 2012 ; n° 12-DSA-67 du 15 février 2012 ; n° 12-DSA-68 du 21 mars 2012 ; n° 12-DSA-179 du 3 mai 2012 ; n° 12-DSA-180 du 3 mai 2012 ; n° 12-DSA-184 du 9 mai 2012 ; n° 12-DSA-185 du 9 mai 2012 ; n° 12-DSA-210 du 14 juin 2012 ; n° 12-DSA-307 du 7 septembre 2012 ; n° 12-DSA-308 du 7 septembre 2012 ; n° 12-DSA-309 du 16 septembre 2012 ; n° 13-DSA-76 du 26 février 2013 ; n° 14-DSA-30 du 18 février 2014 ; n° 14-DSA-31 du 18 février 2014 ; n° 14-DSA-32 du 18 février 2014 ; Vu les décisions de déclassement n° 13-DEC-26 du 5 juin 2013 ; n° 13-DECR-08 du 13 mars 2013 ; n° 13-DECR-09 du 13 mars 2013 ; n° 13-DECR-11 du 13 mars 2013 ; n° 13-DECR-17 du 5 avril 2013 ; n° 13-DECR-18 du 5 avril 2013 ; n° 13-DECR-23 du 21 mai 2013 ; n° 13-DECR-24 du 21 mai 2013 ; n° 13-DECR-30 du 6 mai 2013 ; n° 13-DECR-31 du 9 avril 2013 ; Vu les procès-verbaux du 5 septembre 2013 et 24 septembre 2013 par lesquels les sociétés MCF Investissement SAS, Société de Conception et d'Édition (SCE.) SAS Decoralis SA, AS Création France SAS, AS Création Tapeten AG, Zambaiti France SAS et Zambaiti International SRL ont déclaré ne pas contester le grief qui leur a été notifié et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Graham & Brown France SARL, Graham & Brown Limited, Lino Verbeke, Filip Melis, Alex Vrombaut, Stéfan Pieters, curateurs de la société Grandeco Wallfashion Group SA, Gimv N.V., MCF Investissement SAS, Société de Conception et d'Édition (SCE.) SAS, Décoralis SA, AS Création France SAS, AS Création Tapeten AG, Tapetenfabrik Gebr. Rasch GmbH&Co. KG, Rasch France SARL, Zambaiti SAS, Zambaiti International SRL et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du gouvernement et les représentants des sociétés Graham & Brown France SARL, Graham & Brown Limited GIMV N.V., MCF Investissement SAS, Société de Conception et d'Édition (SCE) SAS, Décoralis SA, AS Création France SAS, AS Création Tapeten AG Zambaiti SAS Rasch GmbH & Co. KG, Rasch France SARL et Zambaiti International SRL entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 7 octobre 2014 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA PROCÉDURE

1. LA DEMANDE DE CLÉMENCE

1. Par procès-verbal du 9 juin 2010, le rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") a reçu une demande de clémence présentée par la société Tapetenfabrik Gebr. Rasch GmbH & Co. KG (ci-après " Rasch Allemagne ") et sa filiale Rasch France SARL (ci-après " Rasch France ") sur le fondement du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce. Ces sociétés souhaitaient porter à la connaissance de l'Autorité des informations établissant l'existence de pratiques potentiellement prohibées par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après " TFUE ") dans le secteur des papiers peints. Les deux demandeurs impliquaient également dans les pratiques les sociétés L'Éditeur SA (ci-après " L'Éditeur ") Grandeco Wallfashion Group NV (ci-après " Grandeco "), MCF Investissement SAS (ci-après " MCF "), Société de Conception et d'Édition SAS (ci-après " SCE "), Graham & Brown (ci-après " G&B " ou " G&B France ") et Zambaiti SAS (ci-après " Zambaiti").

2. Par l'avis n° 10-AC-05 du 4 novembre 2010, l'Autorité a accordé aux demandeurs le bénéfice conditionnel de la clémence avec une exonération totale des sanctions encourues pour les pratiques dénoncées.

2. LA SAISINE D'OFFICE

3. Par décision n° 10-SO-07 du 4 novembre 2010, l'Autorité s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des papiers peints.

3. LES OPÉRATIONS DE VISITE ET SAISIE

4. Le 30 novembre 2010, des opérations de visite et saisies ont été menées dans les locaux de sociétés L'Éditeur, G&B France, Grandeco, MCF, Rasch France, SCE et Zambaiti après autorisation du juge des libertés et de la détention en date du 23 novembre 2010 prise sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

4. LA NOTIFICATION DES GRIEFS

5. La rapporteure générale de l'Autorité a adressé le 28 juin 2013 une notification de griefs pour des pratiques prohibées au titre des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE aux sociétés suivantes : L'Éditeur, G&B, Graham&Brown Limited (ci-après " G&B Limited), Grandeco, Grandeco Wallfaschion Group NV SA, Gimv N.V., MCF, Décoralis SA (ci-après " Décoralis "), AS Création France SAS (ci-après " AS Créations France ") , AS Création Tapeten AG, Rasch France, Rasch Allemagne, SCE, Zambaiti et Zambaiti International SRL (ci-après " Zambaiti International ").

6. Les sociétés MCF, SCE, et leurs sociétés mères, Décoralis, AS Création France, et AS Création Tapeten AG, ont demandé à bénéficier de la procédure, prévue au III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, de non-contestation des griefs qui leur avaient été notifiés. Les sociétés Zambaiti et Zambaiti International ont également demandé à bénéficier de la même procédure de non-contestation des griefs.

5. LE SECTEUR D'ACTIVITÉ

a) Les papiers peints

7. Le secteur concerné est celui des papiers peints. Les papiers peints, qui subissent directement la concurrence des autres produits de revêtement de murs, s'en distinguent principalement par la nature de leurs matériaux et leur technique de pose. Ils peuvent être regroupés selon leurs caractéristiques, par exemple papiers peints traditionnels imprimés, papiers vinyles ou métallisés, papiers velours ou floqués, paille japonaise, papiers peints d'apprêt ou destinés à être peints.

8. Les papiers peints sont commercialisés en rouleaux et sous deux formes : en " balle " c'est-à-dire par carton, ou en " rompu " c'est-à-dire à l'unité. Le prix d'un rouleau varie de dix euros en entrée de gamme à une centaine d'euros pour le très haut de gamme, en fonction de la qualité, de la création et du coût des matières premières et de production. Chaque année, de nouvelles collections sont réalisées et commercialisées sur le marché, avec en général trente à quarante références. La durée de vie d'une collection varie entre un et cinq ans (cote n° 8846, étude Xerfi 700 " Papiers peints (marché et distribution) ").

9. La filière française du papier peint peut être schématisée comme suit :

<emplacement tableau>

10. Au stade amont de la production, deux catégories d'acteurs peuvent être distinguées :

- d'une part, les fabricants dont certains, comme Grandeco (ex-Grantil), Inaltéra et UGEPA, sont à la fois éditeurs et producteurs de papiers peints ;

- d'autre part, les éditeurs de papiers peints comme Texdecor, Nobilis, Texam et SCE, qui conçoivent des papiers peints en sous-traitant tout ou partie de la production, notamment à l'étranger.

11. Les fabricants et éditeurs de papiers peints vendent surtout aux professionnels et, dans une moindre mesure, aux particuliers.

12. Selon l'étude Xerfi de 2012, le chiffre d'affaires du secteur de la fabrication des papiers peints s'élève à 27,3 millions d'euros en 2009 (cote n° 8724). Le leader de la fabrication en France selon cette étude est le groupe Décoralis qui édite, produit par le biais d'UGEPA et distribue par le biais de Texam des papiers peints pour les particuliers et les professionnels.

13. Par ailleurs, des producteurs européens de papiers peints, principalement anglais, italiens, allemands et belges commercialisent également leurs marchandises sur le marché français au travers de leurs filiales françaises. Simples canaux de commercialisation, ces filiales sont cependant assimilées à leurs sociétés mères et sont donc considérées comme des fabricants de papiers peints.

b) L'échelon intermédiaire de la commercialisation du papier peint

14. Sur le marché de gros, l'offre est destinée, d'une part aux professionnels du bâtiment, d'autre part aux particuliers et transite par les trois principaux canaux de vente que sont :

- les grossistes spécialisés en revêtements muraux et négociants professionnels (par exemple Delzongle) qui représentent 30 % du volume des ventes en 2007 ;

- les grandes surfaces spécialisées (par exemple 4 Murs, Chantemur) qui représentent 40 % du volume des ventes en 2007 ;

- les grandes surfaces de bricolage (par exemple Leroy Merlin, Castorama, Mr Bricolage) qui représentent 30 % des ventes en 2007 (cotes n°s 8834, 8844 et 8862, étude Xerfi 700 " Papiers peints (marché et distribution) ").

15. Le secteur est très atomisé et hétérogène, d'une catégorie de distributeurs à l'autre et en termes de supports et de gammes. Les enseignes spécialisées en revêtements muraux disposant d'une offre de papiers peints regroupaient plus de 830 points de vente en 2010. Mais la très grande majorité des distributeurs réalisent une part minoritaire de leur chiffre d'affaires dans la vente de papiers peints, qui constitue une offre complémentaire aux autres revêtements muraux traditionnels.

16. Les pratiques dénoncées dans la présente affaire ont eu lieu sur le marché intermédiaire mettant en relation deux types d'opérateurs : les producteurs et importateurs, d'une part, et les distributeurs, négociants et détaillants spécialisés, d'autre part.

c) L'évolution économique récente du secteur

17. Le secteur des papiers peints a connu une évolution défavorable ces dernières années, qui ont été marquées par un déclin prononcé de la production, une restructuration par le biais de nombreuses concentrations et un essor notable de la pénétration des fabricants européens.

18. Le déclin du papier peint a été rapide. Dans les années 70, 100 millions de rouleaux de papier peint se vendaient chaque année en France, chiffre ramené à 30 millions en 2012.

19. Cette évolution s'explique par une conjonction de facteurs. Sur la période 2007-2010, la concurrence des peintures et enduits, davantage à la mode et plus faciles d'utilisation, mais aussi des autres substituts (revêtements muraux en PVC et en toile de verre), le recul de l'activité du bâtiment en termes de construction et d'entretien de rénovation, ainsi que les arbitrages de consommation des ménages au détriment des dépenses non contraintes ont conduit à une baisse rapide de la consommation des papiers peints.

20. La dernière étude Xerfi souligne que depuis 2005, la production nationale a été divisée par près de deux pour tomber à un peu plus de 28 millions de rouleaux en 2011.

<emplacement tableaux>

21. Ces chiffres ont conduit à une diminution quasi continue depuis le début des années 2000 du nombre de fabricants français, malgré l'apparition de deux nouvelles structures en 2009. Plus de la moitié de ces établissements employait moins de 10 personnes en 2009 et les effectifs salariés n'ont cessé de reculer depuis 2000 pour atteindre 714 personnes entre 2002 et 2009.

<emplacement tableaux>

22. On peut ainsi relever la disparition, après liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce, des sociétés suivantes : Abélia Décors en juin 2005 ; Essef Décors Muraux en juillet 2006 ; Marx Papiers Peints en novembre 2009 et Decopoche en décembre 2010. En outre, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire a été prononcée par le tribunal de commerce à l'encontre de Rouge de Garance en octobre 2010. Les sociétés L'Éditeur et Grandeco, enfin, sont également en liquidation judiciaire depuis, respectivement, le 16 février 2011 et le 25 janvier 2013.

23. Le secteur s'est également restructuré via des concentrations, notamment via la fusion de Grantil et Idéco en juillet 2007 et l'acquisition en décembre 2008 par AS Création, société allemande, de SCE (Lutèce) et de MCF (Montecolino), qui étaient jusqu'alors possédées par le groupe français Décoralis.

24. Ce mouvement de restructuration s'est accompagné d'un développement de l'implantation directe de nombreuses filiales de distribution de producteurs de papiers peints européens et d'une augmentation relative des importations d'Allemagne (+5,8 %), de Belgique (+7,8 %) et du Royaume-Uni (+5,3 %). Les grandes marques européennes, notamment allemandes, italiennes, britanniques et belges disposent d'une notoriété supérieure à la majorité des éditeurs et fabricants nationaux.

25. L'Allemagne est le premier fournisseur de papiers peints de la France : elle représente la moitié des achats extérieurs en valeur en 2010. La forte position des opérateurs allemands sur le marché français des papiers peints s'exerce notamment par le biais des sociétés AS Création, Pickhardt+Siebert, PS International, Sedim, Rasch France et Marburg.

6. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

a) L'Éditeur

26. Créée en 1994 et située à Marolles-en-Brie (94), cette société anonyme est un éditeur qui faisait fabriquer ses papiers peints par des industriels et pour son compte et assurait aussi une activité de vente, via les grossistes et les grandes surfaces de bricolage.

27. L'Éditeur a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée le 16 février 2011.

28. Son chiffre d'affaires s'élève à [...] euros pour 2010 (cote VC n° 16415). Selon le demandeur de clémence, l'Éditeur détient une part de marché d'environ 5% sur le marché français du papier peint (cote n° 40).

b) Graham & Brown France

29. G&B France est la filiale française du groupe anglais Graham & Brown Limited (ci-après " G&B Limited "), fondé en 1946 et dont le siège social est à Blackburn, dans le Lancashire.

30. La société mère détient 100 % des parts de sa filiale française, créée en 1999 à Armentières dans le Nord (59) et dont le siège social se trouve depuis 2013 à Santes (59).

31. Cette société réalise son chiffre d'affaires principalement avec les grandes surfaces de bricolage et les grandes surfaces spécialisées. Celui-ci s'élève à 14 079 000 euros en 2010 (cote n° 15450).

c) Grandeco

32. Grandeco est la filiale française de la société de droit belge Grandeco Wallfashion Group N.V., qui a acquis en 2007 la société de droit français Grantil SA, fondée en 1964 et dont le siège est situé à Châlons-en-Champagne dans la Marne (51). Grantil est devenue Grandeco après la reprise par la maison mère de l'activité de papiers peints du groupe belge Balta Industries, et de la société de droit belge Ideco.

33. La société belge Grandeco Wallfashion Group N.V., a été intégrée en 2009 par Grandeco Group Services, elle-même détenue majoritairement par la société à capital risque bruxelloise Gimv N.V.

34. Une procédure principale de faillite a été ouverte à l'égard de la société Grandeco Wallfashion Group N.V. (siège social) le 25 janvier 2013. Une procédure secondaire de liquidation judiciaire a été ouverte par décision du 29 janvier 2013 à l'égard de la filiale française et est toujours en cours à ce jour.

35. Grandeco a réalisé un chiffre d'affaires de 25 332 721 euros en 2010 (cote n° 5141). Grandeco aurait à l'époque détenu, selon le demandeur de clémence, une part d'environ 12 % du marché français du papier peint (cote n° 40).

d) Rasch France

36. Rasch France est la filiale opérationnelle française du groupe allemand Rasch. Fondé en 1861, celui-ci est l'un des principaux groupes industriels des papiers peints en Allemagne. Le groupe produit en Allemagne et en Pologne et emploie plus de 700 personnes dans le monde.

37. La société mère détient 100 % des parts de sa filiale française, fondée en 1986 et dont le siège social est à Quincy Voisins, en Seine-et-Marne (77).

38. Rasch France a réalisé un chiffre d'affaires de 8 347 323 euros en 2010 (cote n° 16201). Le groupe Rasch estimait alors détenir environ [...%] du marché du papier peint en France.

e) MCF

39. MCF est une SAS fondée en 1988, dont le siège social se trouve à Ballancourt-sur-Essonne (91). Elle commercialise du papier peint sous la marque Montecolino.

40. Son actionnaire majoritaire a été la société Décoralis, qui a détenu 70,29 % des parts à compter du 1er janvier 2005 et 79,99 % entre le 24 janvier 2005 et décembre 2008, puis la société AS Création France, qui a possédé 70 % du capital entre le 18 décembre 2008 et 15 juillet 2011 et 100 % aujourd'hui.

41. La société AS Création France est elle-même filiale à 100 % du groupe AS Création Tapeten AG, société de droit allemand.

42. Le chiffre d'affaires réalisé par MCF atteignait 11 077 096 euros en 2010 (cote n° 15107). MCF détenait alors, selon le demandeur de clémence, une part d'environ 12 % du marché français du papier peint (cote n° 40).

f) SCE

43. La SAS Société de Concept et d'Édition (SCE), fondée en 1974, a son siège social à Boves dans la Somme (80).

44. Son actionnaire majoritaire a été la société Décoralis, qui en a détenu 51 % des parts entre le 1er janvier 2005 et le 18 décembre 2008, puis la société AS Création France, qui en a possédé 75 % du capital entre le 18 décembre 2008 et le 15 juillet 2011. Elle en détient aujourd'hui 100 %. Comme il a déjà été indiqué au paragraphe 41 de la présente décision, la société AS Création France est elle-même filiale à 100 % de la société de droit allemand AS Création Tapeten AG.

45. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 26 453 461 euros en 2010 (cote n° 15295). SCE détenait, selon le demandeur de clémence, une part d'environ 19 % du marché français du papier peint.

g) Zambaiti

46. Zambaiti France est la filiale opérationnelle française du groupe italien Zambaiti Parati. Fondé en 1974, ce groupe lombard, présent dans 78 pays, figure parmi les trois premiers producteurs italiens de papiers peints et exporte 98 % de sa production. La maison-mère détient 100 % de la filiale française Zambaiti.

47. La société Pickhardt + Siebert, dont le siège social est aux Ulis en Essonne (91), a été fondée en 1972 par un fabricant allemand de papiers peints et a été rachetée par Zambaiti Parati en 1997, date à partir de laquelle elle prend le nom de Zambaiti.

48. Zambaiti France commercialise les produits de sa maison-mère et se positionne sur les papiers peints haut de gamme classiques pour les pièces à vivre et les chambres.

49. Zambaiti France a réalisé un chiffre d'affaires de [...] euros en 2010 (cote n° VC 15840). Selon le demandeur de clémence, Zambaiti détenait alors une part d'environ 6% du marché français du papier peint (cote n° 40).

50. Zambaiti France a ouvert, le 16 décembre 2013, une procédure pour cessation d'activité.

B. LES PRATIQUES RELEVÉES

51. Les pièces du dossier et les déclarations recueillies au cours de l'instruction ont révélé l'existence, depuis 2006, de pratiques concertées ayant pris la forme d'échanges d'information entre entreprises concurrentes portant sur les conditions commerciales en matière de collections communes, sur les niveaux prévisibles d'évolution tarifaire annuelle à venir et, en 2010, sur les chiffres d'affaires mensuels et trimestriels passés. Le cadre (1) et le contenu de ces échanges (2) seront successivement examinés.

1. LE CADRE DES ÉCHANGES D'INFORMATIONS

a) Une particularité du secteur : les collections communes ou collections d'encartage

52. Les collections communes, dites aussi d'encartage, se présentent sous forme d'albums d'échantillons de papiers peints réalisés au profit des clients grossistes des fournisseurs, qui les mettent à disposition de leurs propres clients (distributeurs, magasins, sociétés du bâtiment, peintres, etc.). Ces collections d'encartage, qui sont fabriquées en grand nombre, permettent aux distributeurs, aux sociétés de bâtiment et in fine aux utilisateurs de connaître les références et de faire leur choix en fonction des qualités de l'échantillon. La majorité des fournisseurs de papiers peints participe à la fabrication des collections communes, qui représentent une charge significative pour eux.

53. Une collection commune peut contenir en effet plusieurs centaines de feuilles de papier peint provenant de différents fabricants, chaque échantillon étant identifié par des références portées à son dos. Les échantillons nécessaires pour confectionner les collections communes sont réalisés à partir de " rouleaux coupés ", sachant qu'un rouleau de papier peint peut être utilisé pour découper une vingtaine d'échantillons. À titre d'exemple, selon le demandeur de clémence, les collections d'encartage demandées par le grossiste Décor Ouest Distribution (ci-après, " D.O.D. ") en 2009 comprenaient 757 références, dont 162 de Rasch France, le solde étant réparti entre les concurrents. Le grossiste ayant commandé environ 2000 exemplaires, la réalisation de ces collections a exigé la consommation de 16 200 rouleaux de papier peint pour la seule société Rasch France.

54. Selon les acteurs du secteur, la réalisation de collections d'encartage est une pratique typiquement française, onéreuse et aujourd'hui difficile à amortir compte tenu du nombre de rouleaux de papier peint consommés par rapport au nombre de rouleaux vendus (cote n° 5671).

b) Les conditions commerciales des collections communes

55. Les collections communes constituent un outil de promotion destiné à faciliter la commercialisation des papiers peints. Leur coût est donc réparti entre fournisseurs et clients grossistes, parfois sous forme de forfait, par exemple 30 euros l'album pour le client Socoda, parfois sous forme de gratuité des rouleaux coupés, le plus souvent selon des modalités commerciales négociées entre le fabricant et le grossiste combinant plusieurs modalités de partage de coût.

56. Dans un procès-verbal du 17 avril 2012, Grandeco pointe la diversité des modes d'amortissement des collections :

" La collection est facturée avec remise d'échantillonnage puis amortissement sur deux années, c'est-à-dire la durée de vie de la collection, soit le client négocie un prix forfaitaire non amortissable. Soit, il y a une remise d'échantillonnage de 100 % et donc c'est gratuit pour le client. Grandeco pratique ces trois types de facturation. On ne parle pas d'échantillonnage mais de remise simplement " (cote n° 6292).

57. Dans un procès-verbal du 11 avril 2012, l'ancien directeur général de la société L'Éditeur a indiqué :

" Nous, à de très rares exceptions près, on a toujours facturé l'échantillonnage. (...) c'était dans les années 50 que de l'échantillonnage où les rendements étaient tellement élevés que les rouleaux coupés étaient donnés. Puis, on a facturé l'échantillonnage amortissable à un taux de X % du chiffre d'affaires généré par l'échantillonnage pendant deux ans. Mais compte tenu du déclin du métier, les grossistes n'étaient jamais remboursés à 100 % de leur facture d'échantillonnage et c'est la raison pour laquelle certains clients ne voulaient rien payer et souhaitaient faire porter tout le risque sur le fournisseur [...] " (cote n° 5671).

58. Lorsque le prix de l'échantillonnage n'est pas forfaitaire et que les rouleaux ne sont pas cédés gratuitement, pratique devenue rare, les clients grossistes bénéficient en premier lieu d'une remise consentie par les fournisseurs sur le prix des rouleaux coupés destinés à réaliser les collections. Cette remise varie de 40 % à 100 %.

59. Les grossistes bénéficient également en deuxième lieu des " remises d'amortissement " accordées pour leur permettre d'amortir leur investissement dans la collection d'encartage. Ces remises qui, selon Rasch France, ne sont pas systématiquement pratiquées par tous les fournisseurs, dépendent du coût de la collection et du chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur auprès du client. Elles portent sur la différence entre le chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur auprès de son client grossiste et le coût de fabrication de la collection, le taux étant en général de [... %] à [... %] (cote n° VC 40 de la saisine n° 10-0058 AC ; cote n° 38). Selon les déclarations du demandeur de clémence, l'amortissement peut être, ou non, plafonné.

60. Enfin, la " participation au rouleau coupé " correspond à un service de coopération commerciale facturé par les clients grossistes pratiquant l'encartage à leurs fournisseurs de papiers peints. Les grossistes considèrent en effet que la fourniture de collections communes contribue à la vente du papier peint. Ce service de coopération commerciale, présenté comme ayant pour but d'amortir le coût de la reliure des collections, est également négocié entre fournisseurs et grossistes.

61. À titre d'exemple, Rasch France a produit les conditions commerciales (" conditions d'encartage ") qu'elle a consenties au client D.O.D. en 2009 : pour cet échantillonnage, prix du rouleau fixé à [...%] du prix " balle ", c'est-à-dire en carton, remise d'amortissement fixée à [...%], et enfin participation au rouleau coupé fixée à deux euros hors taxe par rouleau à la charge du fournisseur de papier peint (cote n° VC 41 de la saisine n° 10-0058 AC ; cote n° 39).

62. En pratique, les collections communes sont le plus souvent réalisées par les clients grossistes, qui choisissent leurs échantillons et négocient les conditions commerciales avec les fournisseurs. Mais il peut arriver également que ces clients demandent à un ou plusieurs fournisseurs de leur préparer des collections communes selon un critère de choix et de fourchettes de prix préétablis. Cela a été le cas, à partir de 2006, de D.O.D., qui a alors contacté Rasch France ainsi que certains de ses concurrents afin qu'ils réalisent ensemble à sa place des collections d'encartage, sous sa supervision (cote n° 40).

63. Ces fabricants ont accepté de créer, en 2007, sept collections pour la saison 2008-2009, et en 2009, cinq collections pour la saison 2010-2011. Rasch France affirme que les parties mises en cause se sont réunies " généralement deux fois par an afin de préparer les collections d'encartage communes pour DOD " (cotes nos 42 et 43 de la saisine n° 10-0058 AC). Dans sa demande de clémence, Rasch France a synthétisé ces réunions et leurs participants dans le tableau suivant :

<emplacement tableaux>

64. La société D.O.D. participait aux réunions d'encartage pour une partie de leur durée. Selon Rasch France, les concurrents se retrouvaient avant la réunion, en dehors de sa présence, pour échanger sur les conditions d'encartage qu'ils annonçaient ensuite séparément à D.O.D.

65. La participation des sociétés L'Éditeur, Grandeco, MCF, Rasch France, SCE et Zambaiti à tout ou partie de ces collections communes est confirmée par les déclarations des représentants du grossiste D.O.D., les déclarations de ces sociétés et les éléments découverts lors les opérations de visite et saisie (agendas, notes de frais). Seul G&B n'a pas participé à ces réunions.

66. Rasch France précise que les participants à ces réunions se surnommaient " l'Association des Malfaiteurs du Papier Peint ", ou l'acronyme AMPP retrouvé dans les documents saisis lors des opérations de visite et saisies.

67. Ces réunions ont constitué l'un des cadres principaux d'échanges d'informations sensibles entre les concurrents. Selon le demandeur de clémence, Rasch France et les concurrents se rencontreraient également en marge des réunions dites de l'A3P, qui regroupe les principaux acteurs du secteur des papiers peints en France. Bien que ce ne fût pas l'objet principal des réunions, il arrivait que des informations sensibles y fussent échangées.

68. Les concurrents pouvaient également, selon le demandeur de clémence, échanger ces informations commercialement sensibles au cours de conférences téléphoniques en dehors des réunions. Selon les éléments produits lors de l'instruction, des échanges téléphoniques se sont déroulés le 28 mai 2008 entre les sociétés Grandeco, MCF, Rasch France et Zambaiti, le 1er septembre 2010 entre les sociétés Rasch France et l'Éditeur et le 2 septembre 2010 entre Rasch France et G&B.

2. LE CONTENU DE CES ÉCHANGES

69. Au cours de ces réunions, les fournisseurs ont échangé des informations sur les conditions commerciales des conditions d'encartage, et en particulier sur le niveau des remises d'échantillonnage, d'amortissement et de participation au rouleau coupé (a) mais également sur le niveau prévisible des évolutions tarifaires (b) ainsi que sur les niveaux de progression de leurs chiffres d'affaires respectifs (c).

a) Les conditions commerciales pour la réalisation des collections communes

70. Les demandeurs de clémence ont affirmé que l'objectif de ces discussions était :

" [...] d'éviter que des fournisseurs ne proposent aux clients des conditions d'encartage 'en décalage', i.e. d'un montant trop élevé par rapport à celles octroyées par d'autres fournisseurs " (cote n° 48 de la saisine n° 10-0058 AC ; cote n° 46), et que " Ces échanges permettent également à Rasch France et aux concurrents de vérifier les dires des clients, qui peuvent prétendre que certains fournisseurs proposent des conditions d'encartage plus favorables afin d'obtenir des remises d'échantillonnage supérieures, des taux d'amortissement plus élevés (ou des plafonds plus bas voire pas de plafond) ou encore des participations au rouleau coupé d'un montant plus élevé " (cote n° 49 de la saisine n° 10-0058 AC et cote n° 47 de la saisine n° 10-0101 F).

71. Les notes manuscrites prises lors de la réunion du 17 mai 2006 par le directeur commercial de Rasch France, intitulées " Réunion Encartage - Fournisseurs papiers peints " résument le contenu des échanges, en présentant des éléments précis et chiffrés sur les conditions commerciales générales appliquées en matière de collections communes par chaque fournisseur ayant participé à cette réunion, à savoir les sociétés Zambaiti, MCF, L'Éditeur, Grantil (désormais Grandeco), Lutèce (SCE) et AS Création.

<emplacement tableaux>

72. Y apparaissent en effet les montants de remise en matière d'échantillonnage, de participation aux rouleaux coupés et d'amortissement et ce, pour certains fournisseurs, selon le type de collection concerné (produits réguliers, ou produits bâtiments par exemple). Ces notes comportent également des informations sur les objectifs à venir de certains de ces fournisseurs en matière de politique ou stratégie commerciale (pourcentage de collections bâtiments reconduites par exemple pour Rasch France ; " moins de réguliers " et " année prochaine : peut-être retour sur les prix nets " pour Grantil (devenu Grandeco) ; " stabiliser les conditions " pour Lutèce (SCE) ; " 1 paiement à échéance normale (plus 2 ans) et les rlx entre 5 à 6 euros " pour Zambaiti.

73. Plusieurs pièces issues tant de la demande de clémence que des opérations de visite et saisie ainsi que des déclarations de divers responsables commerciaux des sociétés concurrentes corroborent l'existence d'échanges d'informations sur les collections communes.

74. En premier lieu, le demandeur de clémence précise dans sa demande avoir eu des échanges avec des fournisseurs concurrents notamment sur le taux d'amortissement demandé par la société D.O.D. aux six fournisseurs concernés, échanges qui ont conduit à une décision commune de ces fournisseurs. Bien que les concurrents aient proposé en premier lieu un taux d'amortissement à [... %], la société D.O.D. a demandé un chiffre plus élevé, à 12,5 %. Cette demande a fait l'objet de discussions communes entre les concurrents.

75. À l'appui de cette affirmation, deux courriels du 27 octobre 2008 témoignent d'un consensus entre les fournisseurs sur le niveau du taux d'amortissement à accorder à D.O.D. Dans un premier courriel, le directeur commercial de la succursale française de Grandeco (cote n° 114) confirme l'accord conclu entre les différents fournisseurs :

" Je lui confirme notre accord Grantil, et au nom de tous, la précision de cet accord sur la correction d'amortissement collectif des 6 fournisseurs présents les collections, sur la biennale 2008-2009. Charge à chacun d'entre vous de lui envoyer une confirmation propre sur cette base d'amortissement à 12,5 % ".

76. Dans le second courriel, le directeur commercial de Rasch France adresse à ses concurrents les " Nelles données pour Amortissements Encartage 2008-2009-CEDI/Rasch " et précise notamment que :

" L'échantillonnage a été facturé à hauteur de 50 % du prix balle 2007, et sera amortissable à 12,5 % des références encartées et pendant la durée de vie des collections ".

77. En second lieu, le demandeur de clémence précise aussi avoir eu des échanges avec ses concurrents sur le niveau de participation au rouleau coupé lors de la réunion du 22 avril 2009 :

" Rasch France a ainsi indiqué aux concurrents qu'elle allait proposer à DOD une participation de deux euros HT par rouleau coupé, ce qu'elle a effectivement fait ".

78. Les notes manuscrites (cotes nos 3865 à 3868 ; cotes n° 94 à 97 du scellé n° l) prises par M. Pascal X... (Zambaiti) lors de la réunion " confrères " du 22 avril 2009 corroborent l'existence de ces échanges d'informations. Ces notes listent les différents taux de participation au rouleau coupé par client et par fournisseurs : L'Éditeur, Grandeco, MCF, Lutèce (SCE) et Rasch France.

79. Dans le même sens, dans un échange de courriels des 22 et 29 mai 2007, saisi dans les locaux de la société L'Éditeur, ayant pour objet " RE :DOD/CEDI ", adressé aux sociétés L'Éditeur, Grandeco, Lutèce (SCE), Montecolino (MCF) et Rasch, M. Jean-Marie Y..., directeur commercial de Grandeco indique avoir rencontré M. François Z... (DOD) le 23 mai et que ce dernier " [leur] demande de revoir notre participation au [rouleau] coupé avec augmentation de 10 % au [rouleau] coupé " (cotes nos 5690, 10 545 à 10549 et 2084).

80. Rasch France note également que ces échanges ont eu tendance avec le temps à s'institutionnaliser. Ainsi, L'Éditeur a remis à chacun des participants présents à la réunion du 22 avril 2009 un tableau vierge qu'elle avait préalablement préparé afin que chaque participant puisse prendre en note les informations échangées, afin de lister, pour chacun des participants, leurs clients respectifs et les conditions d'encartage qui leur étaient appliquées, en particulier les participations au rouleau coupé et les remises d'échantillonnage.

81. Rasch France n'a pas souhaité utiliser ce support d'échange d'informations mais quatre exemplaires de ce tableau rempli ont été saisis, respectivement dans les locaux des sociétés Grandeco, MCF, SCE et Zambaiti. La similitude des renseignements inscrits montre qu'ils ont été renseignés lors d'une même rencontre. Y figurent des informations relatives aux prix et remises pratiqués en matière de collections communes par les sociétés L'Éditeur, Grandeco, MCF, Rasch France, SCE et Zambaiti.

82. M. Jean-Marie Y... (Grandeco) M. Aymeric B... (MCF), M. Frédéric A... (ancien responsable commercial de la société SCE) et M. Pascal X... (Zambaiti) ont reconnu avoir rempli ce tableau, sur la base du tableau vierge distribué par la société L'Éditeur (cotes nos 5228 à 5230, 4324 et 4880, 6456 à 6457 et 6458). M. Michel C... (directeur général de MCF) a confirmé que le tableau était un résumé des conditions générales de vente de chaque fabricant (cotes nos 5208 et 5872).

83. Les éléments contenus dans ce tableau sont confirmés par les notes manuscrites " réunion Confrères 22.04.2009 " découvertes dans les locaux de la société Zambaiti détaillant également les informations échangées à cette date entre ces fournisseurs concurrents.

84. Selon les demandeurs de clémence, les échanges d'informations entre fournisseurs sur les conditions de collections communes ne se sont pas limités aux conditions applicables au client D.O.D. mais ont aussi concerné l'ensemble de leurs clients communs depuis au moins 2007.

85. Les demandeurs de clémence ont ainsi indiqué que, lors de la réunion du 22 avril 2009, les concurrents ont échangé sur le prix minimum de 30 euros HT d'une collection pour le client Socoda et sur les remises à lui accorder pour la préparation de ces collections. À l'appui, ils ont produit les notes manuscrites du 22 avril 2009 prises par M. Stéphan D... lors de cette réunion.

86. Grandeco et Zambaiti admettent avoir participé à ces échanges (cotes nos 5686 à 5687 et 6458).

87. Les notes manuscrites intitulées " Réunion Confrères 22.04.2009 ", déjà évoquées plus haut, comportent des informations relatives aux conditions commerciales de chaque fournisseur concurrent concernant le client Socoda, les remises accordées et certaines modalités de réalisation de ces collections communes (cotes nos 3865 à 3868).

88. Par ailleurs, une télécopie du 20 juillet 2009 adressée par la société L'Éditeur aux sociétés MCF (anciennement Montecolino) et Zambaiti indique qu'au cours d'une réunion D.O.D., ceux-ci ont également échangé des informations sur le prix d'un projet de maquette pour le client PPG (cote n° 2482).

89. Enfin, les notes citées au paragraphe 78 comportent aussi des informations relatives à des clients autres que ceux cités par les demandeurs de clémence comme " Zolpan/Matéris ", " LM ", " EP ", " SPE ", " SAPP ", " Nuances ", " LBP ", " SERVI ", " CAD ", " ESP R ", " GAB " et témoignent de la participation des sociétés suivantes : L'Éditeur, Grandeco, Lutèce (soit SCE), MCF, Rasch France et Zambaiti aux collections communes réalisées par ces différents clients ainsi que les conditions commerciales en matière de collections communes propres à chacune. Il est également fait référence à des données chiffrées relatives notamment à la participation au rouleau coupé et au taux d'amortissement.

b) Les niveaux prévisibles des évolutions tarifaires

90. Selon les demandeurs de clémence, ces échanges d'informations portaient sur les hausses par rapport au tarif de base en vigueur pour l'année à venir (cotes nos 4630 et 6525, 4631 et 6526).

91. Dans une audition du 11 avril 2012, M. Jean-Yves E..., ancien président directeur général de L'Éditeur, explique que les distributeurs demandaient chaque année aux fournisseurs, dès le mois d'août, leur prévision de hausse globale pour l'année suivante (cote n° 5676).

92. Dans une attestation, M. Dario F..., gérant des sociétés Rasch France et Rasch Allemagne, affirme qu'il a eu connaissance annuellement des hausses prévues par les concurrents par l'intermédiaire de M Stéphan D... et que celui-ci détenait ces informations à la suite des échanges avec ses principaux concurrents, qui se déroulaient depuis au moins 2005 (cotes nos 143 à 144 ; cotes nos 163 à 164 de la saisine n° 10-0058 AC). Une deuxième attestation, établie par M. Stéphan D..., précise les modalités de ces échanges (cote n° 51 ; cotes nos 51 à 54, 62 de la saisine n° 10-0058 AC).

93. Les pourcentages d'augmentation tarifaire prévus figurent également dans la dernière colonne des tableaux distribués par L'Éditeur lors de la réunion du 22 avril 2009 (voir paragraphes 80 et suivants de la présente décision). Grandeco, MCF, SCE et Zambaiti ont rempli ce tableau. Les augmentations annoncées ont été appliquées, comme le confirment les informations transmises par ces sociétés sur leurs niveaux de hausse pour l'année 2009.

94. Lors de la conversation téléphonique du 1er septembre 2010 entre M. Stéphan D... (Rasch France) et M. Laurent G... (société l'Éditeur), ce dernier lui a demandé quelle hausse tarifaire il prévoyait pour 2011. M. Stéphan D... a répondu qu'elle serait de 3 % et son correspondant a indiqué qu'il appliquerait sûrement 4 %. M. Laurent G... n'exclut pas avoir eu, le 1er septembre 2010, un échange téléphonique avec M. Stéphan D... sur les niveaux de hausse tarifaire à venir (cotes nos 10332 à 10 333). Sur présentation de l'exemplaire du tableau saisi dans les locaux de la société SCE, il confirme que les hausses inscrites dans ce tableau correspondent aux hausses prévisionnelles de tarifs (cote n° 10365).

95. Par ailleurs, M. Jean-François H... (ex-directeur général de G&B France) reconnaît avoir eu le 2 septembre 2010 un échange téléphonique avec M. Stéphan D... sur les niveaux de hausse tarifaire à venir (cote n° 7166). Cet échange a ensuite été consigné par écrit par M. Stephan D.... Ces notes manuscrites, datées du même jour, indiquent " Appel téléphonique de Mr Jean François H... Sté Graham and Brown. Il m'a laissé un message téléphonique très clair pour me demander ma future hausse (Ecarter message ?) Je l'ai 1 heure après au téléphone et m'a confirmé qu'il faisait à priori 4 % comme Lutèce qu'il avait eu au téléphone avant. Je lui ai répondu que moi je ferais 3 % ". Le message laissé sur le répondeur a été confirmé par un constat d'huissier en date du 3 septembre 2010 :

<emplacement tableaux>

96. Par courriel en date du 2 septembre 2010, M. Jean-François H... s'adresse à M. Mourad I..., son supérieur hiérarchique, à qui il écrit : " j'ai eu au téléphone TOUS LES ACTEURS du PP (...)" et l'informe des pourcentages de hausses des concurrents pour 2011 et du caractère confidentiel de ces informations :

" (...) Voici les HAUSSES :

LUTECE/AS 4 %

ERISMAN 3 %

RASH 3 %

GRANTIL/IDECO 3.50 %

AMBAITI 2.50 % à 3.50 % selon produits

II est IMPOSSIBLE de passer une HAUSSE de 7 %

Concernant CASTO et LM nous ferons des hausses compensées comme pour les GSS

Pour le reste je ferai 5 %

Je pense que malgré n'importe quelle présentation power point ...... Passer une hausse de 7 % est un SUICIDE ! ! ! !

Merci de me confirmer ta position " (cote n° 1097).

c) Le chiffre d'affaires passé

97. Les demandeurs de clémence ont indiqué que les mêmes concurrents pouvaient échanger des informations plus générales sur leurs activités. Cela a été le cas au cours de la réunion D.O.D. du 15 avril 2010, à l'occasion de laquelle des échanges ont eu lieu sur les niveaux de progression des chiffres d'affaires des sociétés présentes au cours du premier trimestre 2010 (cote n° 49 de la saisine n° 10-0058 AC ; cote n° 47). Les notes manuscrites de M. Stéphan D... du 15 avril 2010 portent mention des pourcentages d'évolution des chiffres d'affaires des trois derniers mois concernant les sociétés L'Éditeur, Grandeco, MCF, Rasch France, SCE et Zambaiti.

98. Grandeco a confirmé un échange d'informations en avril 2010. M. Jean-Marie Y... a déclaré :

" Sur le fait que j'ai donné les chiffres à un moment donné, il ne me semblait pas anormal face aux signes d'inquiétudes des confrères de donner des signes et calmer les ragots portés à l'extérieur sur le dos de Grantil au vu de sa santé difficile à l'époque. Là, je me suis senti un peu obligé de le faire s'agissant uniquement de pourcentage de chiffre d'affaires de Grandeco et pour moi quand je l'ai fait c'est après le plan social que nous avons subi. Cet échange d'information a donc dû se dérouler en avril 2010. C'est pour cela que j'ai donné ces chiffres et les autres aussi sous réserve du poker menteur " (cote n° 6302).

99. Il a également été saisi des notes manuscrites de M. Pascal X..., de la société Zambaiti, intitulées " Réunion Confrères Avril 2010 " portant mention de données chiffrées relatives au niveau d'évolution du chiffre d'affaires des sociétés L'Éditeur, Grandeco, MCF, Rasch France et SCE pour le premier trimestre 2010 (cotes nos 3869 à 3870), chaque mois et cumul.

100. Zambaiti admet l'existence d'échanges d'informations occasionnels :

" Après lors de rencontre DOD, il y a eu une fois des échanges sur les hausses, c'est dans le tableau qu'on a évoqué précédemment. Sur les niveaux de chiffre d'affaires, lors d'une réunion DOD en 2010, suite à l'année 2009 catastrophique et au mauvais démarrage de 2010, on avait fait un tour de table pour savoir où on en était car un de nous était très inquiet sur sa situation (...) " (cote n° 6527).

101. Il a également été saisi des notes manuscrites de M. Aymeric B... portant mention de données chiffrées relatives à l'évolution des chiffres d'affaires des mêmes fournisseurs concurrents (cote n° 2441 ; cote n° 235 du scellé n° 5) et concordantes avec celles de M. Stéphan D... et de M. Pascal X....

C. LE GRIEF NOTIFIÉ

102. Au vu de ce qui précède, la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence a adressé le 8 juillet 2013 une notification des griefs pour des pratiques prohibées par les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.

103. Il a ainsi été fait grief aux entreprises :

" - L'Éditeur SA (N° RCS : 398 397 323 Créteil) sise 21, Avenue de la Belle Image - 94 440 Marolles-en-Brie - France ;

- Graham & Brown SARL sise Port Fluvial de Santes 1ère avenue - 59 211 Santes (N°R.C.S. : 423 396 324 Dunkerque et Lille Métropole) et imputé également à Graham & Brown Limited, société de droit britannique sise à India Mill Harwood Street Blackburn Lancashire - Angleterre ;

- Grandeco Wallfashion Group NV SA (Société Anonyme de Droit Belge - numéro d'entreprise 0889387654) sise Wakkensesteenweg -Industriepark Zuid - 8700 Tielt- Belgique et ayant une succursale France N°RCS : 499 098 606 Châlons-en-Champagne - sise 7 avenue Ampère - 51 000 Châlons-en-Champagne - France) et imputé également à GIMV NV sise Karel Oomsstraat 37 - 2018 Antwerpen 1 - Belgique - numéro d'entreprise 0220324117 ;

- MCF Investissement SAS (N° RCS : 343 518 379 Évry) sise 17, Rue Eugène Pereire - 91 610 Ballancourt-sur-Essonne - France et imputé également aux sociétés Décoralissa (N° RCS : 423 587 443 Amiens) sise rue de l'île Mystérieuse - 80 440 Boves - France, AS Création France SAS (N° RCS : 957 519 911 Lyon) sise 13, Rue Jean Bart - 69003 Lyon - France et AS Création Tapeten AG (Nr Duns : 327245627) sise Sudstraat 47 - 51645 Gummersbach - Allemagne ;

- Rasch France SARL (N° RCS : 718 205 925 Meaux) sise 11, Rue de la Bonne Rencontre, ZAE, 77 860 Quincy Voisins - France et imputé également à Tapetenfabrik Gebr. Rasch GmbH & Co.KG (Nr Duns : 315094466) sise Raschplatz 1, - 49 565 Bramsche - Allemagne ;

- Société de Conception et d'Édition (SCE) SAS (N° RCS : 300 188 232 Amiens) sise Pôle Jules Verne 20 Boulevard Michel Strogoff - 80 440 Boves - adresse postale : B.P. 4 - Longueau - France et imputé également aux sociétés Décoralissa (N° RCS :423 587 443 Amiens) sise rue de l'île Mystérieuse - 80 440 Boves - France, AS Création France SAS (N° RCS : 957 519 911 Lyon) sise 13, Rue Jean Bart-69003 Lyon - France et AS Création Tapeten AG (Nr Duns : 327245627) sise Sudstraat 47 - 51645 Gummersbach - Allemagne ;

- Zambaiti France SAS (N° RCS : 722 023 041 Évry) sise 4, Avenue de Parana Parc d'activités de Courtaboeuf - 91 940 Les Ulis - France et imputé également à Zambaiti International SRL (N° RCS : Bergamo BG - 0403548) sise Via A. Pertini 2 -24021 - Albino - Bergamo - Italie ;

D'avoir dans le secteur des papiers peints, mis en œuvre sur le territoire national, des pratiques concertées consistant en des échanges d'informations (confidentielles ou relevant du secret des affaires) présentant un caractère sensible portant sur les conditions commerciales en matière de collections communes (en particulier celles réalisées pour la société DOD. et concernant d'autres clients communs comme notamment Socoda, Akzo Nobel, PPG, Delzongle Aquitaine, Delzongle Midi-Pyrénées, Maison du Papier Peint), ainsi que sur les niveaux prévisibles d'évolution tarifaire annuelle à venir concernant les prix des papiers peints et sur les niveaux d'évolution de leurs chiffres d'affaires mensuels et trimestriels. Ces échanges sont intervenus entre sociétés fournisseurs en situation de se faire concurrence sur le marché des papiers peints français qui ont ainsi directement et réciproquement bénéficié, grâce à cette concertation, d'informations susceptibles de leur permettre de prévoir, surveiller et contrôler leur comportement respectif en matière de conditions commerciales, de prix et de volume de leurs chiffres d'affaires.

En mettant en œuvre ces pratiques, les destinataires des griefs ont mis en place sur le marché français des papiers peints un mode d'échanges d'informations substituant au libre jeu de la concurrence, à l'autonomie et à l'incertitude, une collusion entre concurrents.

Ces pratiques avaient pour objet et ont pu avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence sur le marché français des papiers peints, notamment en permettant à ces sociétés de faire obstacle à la fixation des conditions commerciales en matière de collections communes et des prix des papiers peints par le libre jeu du marché. Ceci leur a permis de garantir une meilleure maîtrise de leur politique et/ou stratégie commerciale sur les conditions commerciales en matière de collections communes, d'évolution tarifaire annuelle des prix de papiers peints et d'évolution de leur chiffre d'affaires et tendre ainsi à limiter de fait l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence entre entreprises.

Elles sont prohibées par les articles 101 TFUE et L. 420-1 1° et 2° du Code de commerce.

Ces pratiques ont été mises en œuvre au moins depuis le 17 mai 2006 et jusqu'au 30 novembre 2010. La participation respective des entreprises à la pratique relevée s'établit comme suit :

- du 17 mai 2006 au 30 novembre 2010 pour les échanges d'informations sur les conditions commerciales en matière de collections communes et les échanges sur les niveaux prévisibles d'évolution tarifaire à venir relatifs aux prix des papiers peints : L'Éditeur SA, Grandeco Wallfashion Group NV SA (et imputé également à GIMV NV), MCF Investissement SAS (et imputé également à Décoralissa, AS Création France SAS et AS Création Tapeten AG), Rasch France SARL (et imputé également à Tapetenfabrik Gebr. Rasch GmbH & Co.KG), Société de Conception et d'Édition (SCE) SAS (et imputé également à Décoralissa, AS Création France SAS et AS Création Tapeten AG), Zambaiti France SAS (et imputé également à Zambaiti International SRL) ;

- courant avril 2010 pour les échanges d'informations sur leurs chiffres d'affaires mensuels et trimestriels : L'Éditeur SA, Graham & Brown SARL (et imputé également à Graham & Brown Limited), Grandeco Wallfashion Group NV SA (et imputé également à GIMV NV), MCF Investissement SAS (et imputé également à Décoralissa, AS Création France SAS et AS Création Tapeten AG), Rasch France SARL (et imputé également à Tapetenfabrik Gebr. Rasch GmbH & Co.KG), Société de Conception et d'Édition (SCE) SAS (et imputé également à Décoralissa, AS Création France SAS et AS Création Tapeten AG), Zambaiti France SAS (et imputé également à Zambaiti International SRL) ;

- le 2 septembre 2010 pour les échanges d'information sur les niveaux prévisibles d'évolution tarifaire à venir relatifs aux prix des papiers peints : Graham & Brown SARL (et imputé également à Graham & Brown Limited) ".

D. LA MISE EN OEUVRE DU III DE L'ARTICLE L. 464-2 DU CODE DE COMMERCE

104. Les sociétés MCF, SCE, Décoralis, AS Création France et AS Création Tapeten AG, Zambaiti et Zambaiti International, destinataires de la notification des griefs, ont sollicité le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, selon lesquelles " lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la sanction ".

105. La mise en œuvre de ces dispositions a donné lieu à l'établissement de deux procès-verbaux signés le 5 septembre et le 24 septembre 2013 (cotes nos 14874 à 14 877 et 15 004 à 15 007) par lesquels les sociétés intéressées ont déclaré ne pas contester les griefs notifiés.

106. Pour tenir compte de la non-contestation des griefs, le rapporteur général adjoint s'est engagé à proposer au collège que la sanction pécuniaire encourue, le cas échéant, par les sociétés concernées soit réduite de 10 % par rapport au montant qui leur aurait été normalement infligé.

II. Discussion

A. SUR L'APPLICABILITÉ DES RÈGLES DE CONCURRENCE DE L'UNION

107. Le grief a été notifié sur le fondement des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.

1. RAPPEL DES PRINCIPES

108. L'article 101, paragraphe 1, du TFUE prohibe les accords horizontaux ou verticaux ayant pour objet ou pour effet actuel ou potentiel de porter atteinte à la concurrence et qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres.

109. Il est de jurisprudence constante que, pour être susceptible d'affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique concertée doit, sur la base d'un ensemble d'éléments de fait et de droit, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d'un effet avéré à cet égard (arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l'Union européenne (ci-après, la " Cour de justice "), du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a., C-215-96 et C-216-96, Rec. p. I-135, point 47, et de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe, p. 6).

110. Se fondant sur les jurisprudences de l'Union et nationale, et à la lumière de la communication n° 2004-C 101-07 de la Commission européenne du 27 avril 2004 portant lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82, devenus 101 et 102, du TFUE (JOUE 2004 C 101, p. 81), l'Autorité considère, avec constance, que trois éléments doivent être démontrés pour établir que des pratiques sont susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres : l'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits ou les services en cause, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation.

111. Dans les cas d'ententes s'étendant à l'intégralité ou à la vaste majorité du territoire d'un État membre, le Tribunal de première instance des Communautés européennes (devenu depuis le Tribunal de l'Union européenne, ci-après le " Tribunal ") a jugé " qu'il existe, à tout le moins, une forte présomption qu'une pratique restrictive de la concurrence appliquée à l'ensemble du territoire d'un État membre soit susceptible de contribuer au cloisonnement des marchés et d'affecter les échanges intracommunautaires. Cette présomption ne peut être écartée que si l'analyse des caractéristiques de l'accord et du contexte économique dans lequel il s'insère démontre le contraire " (arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259-02 à T-264-02 et T-271-02, Rec. p. II-5169, point 181). Sur pourvoi, la Cour de justice a précisé à cet égard, dans un arrêt du 24 septembre 2009, que " (...) le fait qu'une entente n'ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le [TFUE] " (arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank/Commission, C-125-07 P, C-133-07 P et C-137-07 P, Rec. p. I-8681, point 38).

112. Il est, par ailleurs, de jurisprudence établie que la démonstration du caractère sensible de l'affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce entre États membres peut résulter d'un ensemble de critères, parmi lesquels figurent la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position des entreprises en cause sur le marché (arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, précité, p. 6).

2. APPRÉCIATION DE L'AUTORITÉ

113. Il incombe à l'Autorité de démontrer que ces trois conditions sont remplies en l'espèce, en vérifiant l'existence de courants d'échanges entre États membres sur le produit en cause et en s'attachant à démontrer que ces pratiques sont susceptibles d'affecter les échanges de manière sensible.

114. En premier lieu, les volumes d'échanges de papier peint en provenance d'Allemagne, de Belgique ou d'Italie sont significatifs. L'étude Xerfi de février 2012 sur le papier peint (marché et distribution) précise que :

" Les importations françaises de papiers peints couvrent une importante partie de la demande. Ainsi, les achats extérieurs représentaient en valeur prés de 53 % de la consommation des ménages en 2010. Les majors européens de la fabrication ont développé une importante présence chez les grossistes et détaillants du marché via des filiales commerciales implantées en France. Ces dernières, qui sont sous capitaux allemands, italiens, britanniques et belges, disposent d'une notoriété supérieure à la majorité des éditeurs et fabricants nationaux. Parallèlement, les enseignes de décoration murale ont entrepris un mouvement d'internationalisation de leurs approvisionnements ".

115. En effet, certaines parties mises en cause dans cette affaire produisent des papiers peints depuis plusieurs sites implantés en Allemagne, Belgique, Royaume-Uni et Italie et les commercialisent ensuite dans chacun des États membres au travers de filiales de commercialisation.

116. S'agissant de la question de savoir si cette affectation peut être qualifiée de sensible, il y a lieu de rappeler que ces pratiques impliquent des sociétés faisant partie des principaux fabricants présents dans le négoce de papiers peints en France et pour certaines en Europe.

117. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause dans la présente affaire sont susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres et doivent, par conséquent, être analysées au regard des règles de concurrence tant internes que de l'Union, ce que les parties ne contestent pas en l'espèce.

B. SUR LE MARCHÉ PERTINENT

118. Il résulte de la pratique décisionnelle de l'Autorité et de la jurisprudence que lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes ou des pratiques concertées, comme c'est le cas en l'espèce, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d'abus de position dominante, dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour permettre de qualifier les pratiques observées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en place (décisions n° 09-D-17 du Conseil du 22 avril 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Basse-Normandie et n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, point 28 ; voir également, en ce sens, l'arrêt du Tribunal de première instance du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T-62-98, Rec. p. II-2707, point 230).

119. Le marché géographique, quant à lui, comprend le territoire sur lequel les entreprises sont engagées dans l'offre et la demande en cause et sur lequel les conditions de concurrence sont homogènes.

120. Les pratiques examinées concernent l'activité de production et de distribution en gros de papiers peints. Les papiers peints se distinguent des autres produits de revêtements de murs principalement par la nature de leurs matériaux et par leur technique de pose. Ces spécificités caractérisent le marché pertinent aux fins de la présente affaire.

121. Compte tenu notamment du caractère national de la plupart des marques de fabricants et de la spécificité dans chaque pays des négociations commerciales avec la grande distribution, la délimitation géographique du marché est nationale.

122. Il s'en déduit que les pratiques ont concerné le marché des papiers peints, marché de dimension nationale.

C. SUR LE BIEN-FONDÉ DES GRIEFS

1. SUR LES CONSÉQUENCES DE LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE DE NON-CONTESTATION DES GRIEFS

a) Rappel des principes

123. L'organisme ou l'entreprise qui choisit de solliciter le bénéfice de la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce doit respecter les conditions imposées à cet égard, en ne contestant pas la réalité des griefs qui lui ont été notifiés.

124. L'intéressé doit ainsi renoncer à contester, non seulement la réalité de l'ensemble des pratiques visées par la notification des griefs, mais également la qualification qui en a été donnée au regard des dispositions du droit de l'Union et du Code de commerce, ainsi que sa responsabilité dans la mise en œuvre de ces pratiques (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011-01228, p. 23). Cette renonciation doit, sur l'ensemble de ces points, être expresse, complète et dépourvue d'ambiguïté (décisions n° 04-D-42 du 4 août 2004 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre du marché de la restauration de la flèche de la cathédrale de Tréguier, paragraphe 15, n° 06-D-09 du 11 avril 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des portes, paragraphe 303 ; voir également, en ce sens, décisions n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale, paragraphes 226, 228 et 425, et n° 11-D-07 du 24 février 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux de peinture d'infrastructures métalliques, paragraphe 113).

125. Une telle renonciation à contester les griefs suffit pour permettre à l'Autorité de considérer que l'ensemble des infractions en cause sont établies à l'égard des parties qui ont fait ce choix procédural (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France e.a., n° 2009-03532, p. 10, et sur pourvoi arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2011, Manpower France e.a., n° 10-12.913 ; voir également les décisions n° 04-D-42, précitée, paragraphe 12, et n° 11-D-07, précitée, paragraphe 113).

b) Application au cas d'espèce

126. En l'espèce, le grief rappelé au paragraphe 103 ci-dessus et relatif aux pratiques décrites aux paragraphes 51 à 101, ci-dessus, n'a pas été contesté par les entreprises MCF, SCE, et leurs sociétés mères, Décoralis, AS Création France et AS Création Tapeten AG, Zambaiti France et Zambaiti International. Il est donc établi à leur égard.

127. Il demeure en revanche nécessaire de démontrer la participation individuelle à cette infraction de chacune des parties n'ayant pas fait le choix procédural de la non-contestation des griefs (arrêt de la Cour de cassation, Manpower France e.a., précité, p. 5).

128. Il s'agit, en l'espèce, des sociétés L'Éditeur, Grandeco et sa société mère Gimv NV, G&B France et sa société mère G&B Limited, qui ont toutes contesté les griefs.

2. SUR LE GRIEF NOTIFIÉ

129. Les investigations ont permis de réunir un faisceau d'indices graves, précis et concordants permettant d'affirmer que les parties mises en cause se sont concertées en échangeant des informations sur les conditions commerciales en matière de collections communes, les niveaux prévisibles d'évolution tarifaire et enfin les niveaux d'évolution de leurs chiffres d'affaires.

130. Il convient, en premier lieu, de rappeler les principes qui guident la qualification de telles pratiques (a) et en deuxième lieu, d'analyser leur application au cas d'espèce (b).

a) Rappel des principes

Les pratiques concertées

131. La notion de pratique concertée vise " une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (...). Les critères de coordination et de coopération retenus par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable " plan ", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du Traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. (...) S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact, directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de tenir soi-même sur le marché " (arrêt de la Cour de justice du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, points 26, 173 et 174).

132. Comme l'a expliqué la Commission européenne dans ses lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du Traité aux accords de coopération horizontale : " un échange d'information peut donc constituer une pratique concertée s'il diminue l'incertitude stratégique sur le marché et, partant, facilite la collusion, c'est-à-dire si les données échangées présentent un caractère stratégique. En conséquence, l'échange de données stratégiques entre concurrents équivaut à une concertation, en ce qu'il diminue l'indépendance de comportement des concurrents sur le marché et leur incitation à se livrer concurrence " (paragraphe 61).

133. La démonstration de l'existence d'une pratique concertée requiert, non seulement une concertation entre les entreprises, mais aussi un comportement sur le marché résultant de cette concertation et ayant un lien de causalité avec elle. À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice qu'" il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché " (Arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-249/92 P, Rec. 1999 p.I-04125, point 121).

134. Cette présomption du lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le marché est applicable même si la concertation n'est fondée que sur une seule réunion des entreprises concernées (Cour de justice, 4 juin 2009, T-Mobile, points 60 et 63).

135. Cette présomption est également applicable lorsque l'entreprise s'est limitée à recevoir des informations des concurrents, sans leur en communiquer. En effet, le Tribunal a considéré qu'" une entreprise, de par sa participation à une réunion ayant un objet anticoncurrentiel, non seulement a poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais a dû nécessairement prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. [...] Cette conclusion est applicable également lorsque [...] la participation d'une ou de plusieurs entreprises à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel se limite à la seule réception d'informations relatives au comportement futur de leurs concurrents sur le marché " (arrêt du 12 juillet 2001, Tate & Lyle, T-202-98, T-204-98 et T-207-98, point 58). En effet, dans un tel cas, le degré d'incertitude sur le fonctionnement à venir du marché en cause est atténué pour tous les concurrents impliqués, en raison des informations ainsi échangées (lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale, paragraphes 62).

136. Afin de renverser cette présomption, il incombe à l'entreprise concernée de prouver que la concertation n'a influencé d'aucune manière son propre comportement sur le marché. La preuve contraire doit ainsi être apte à exclure tout lien entre la concertation et la détermination, par cette entreprise, de son comportement sur le marché. À cet égard, il y a lieu de relever que des données relatives aux prix pratiqués par l'entreprise concernée ne sauraient suffire, en tant que telles, à renverser ladite présomption. En effet, ces données ne permettent pas de démontrer, à elles seules, que cette entreprise n'a pas tenu compte des informations échangées avec ses concurrents pour déterminer son comportement sur le marché (Cour de justice, 5 décembre 2013, Solvay Solexis SpA, point 39).

L'objet anticoncurrentiel des pratiques concertées

137. Une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel au sens de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de sa finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s'insère, elle est concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du marché commun. Il n'est pas nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée, restreinte ou faussée ni qu'il existe un lien direct entre cette pratique concertée et les prix à la consommation (Cour de justice, 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., point 43).

138. À cet égard, il importe peu que les parties aient agi sans intention subjective de restreindre la concurrence et se soient concertées pour des motifs parmi lesquels certains étaient légitimes (Cour de justice, 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C-209-07, Rec. p. I-8637, point 21).

139. Les pratiques concertées consistant en des échanges d'informations entre concurrents poursuivent un objet anticoncurrentiel lorsqu'elles sont susceptibles d'éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées (arrêt précité de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., point 43).

140. Les échanges d'informations permettent aux entreprises de se coordonner lorsqu'ils sont de nature " à atténuer ou à supprimer [...] toute incertitude quant au caractère prévisible des comportements [des] concurrents " (TPICE, 27 octobre 1994, John Deere, T-35-92, § 51). Tel est notamment le cas lorsque les informations échangées portent sur des intentions futures. Ainsi, dans une récente affaire relative au commerce des bananes dans l'Europe du Nord, la Commission européenne a considéré que " les discussions et les révélations portant soit sur les "tendances de prix, soit spécifiquement sur les prix de référence, avaient pour objet de coordonner l'établissement des prix de référence par les parties " (Décision de la Commission du 15 octobre 2008 précitée, § 268).

141. Une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel alors même qu'elle n'a pas de lien direct avec les prix à la consommation (arrêt précité de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., points 36 à 39).

142. Enfin, dans l'arrêt Tate & Lyle du 12 juillet 2001, le Tribunal a jugé que " (...) le seul fait d'avoir reçu lors de ces réunions des informations concernant des concurrents, informations qu'un opérateur indépendant préserve comme secrets d'affaires, suffit à manifester l'existence chez elle d'un esprit anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt Solvay/Commission, précité, point 100) " (CJCE, 12 juillet 2001, Tate & Lyle plc, British Sugar plc et Napier Brown & Co. Ltd, Rec 2001 II-02035, point 66).

La preuve des pratiques concertées

143. L'existence d'une pratique concertée peut être démontrée par des éléments prouvant que des contacts ont eu lieu entre un certain nombre d'entreprises et qu'elles poursuivaient précisément le but d'éliminer par avance l'incertitude relative à leur comportement futur sur le marché (arrêts de la Cour de justice, 16 décembre 1975, Suiker Unie précité, points 175 et 179 et du Tribunal, 12 juillet 2011, Fuji Electric Co. Ltd./Commission, T-132-07, Rec. 2011 II-04091, point 88, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR et autres c. Commission, affaires T-25-95 et autres, point 19).

144. La Cour d'appel de Paris et la Cour de cassation ont confirmé la valeur probatoire d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants (Cour de cassation, 7 avril 2010, Société puériculture de France SAS, n° 09-11853 ; Cour d'appel de Paris, 19 janvier 1999, Gerland Routes SA e.a.).

145. Concernant les déclarations d'un demandeur de clémence, le tribunal a jugé : " Quant aux déclarations, une valeur probante particulièrement élevée peut par ailleurs être reconnue à celles qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d'une entreprise, troisièmement, proviennent d'une personne tenue de l'obligation professionnelle d'agir dans l'intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l'encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d'un témoin direct des circonstances qu'elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 62 supra, points 205 à 210). En outre, bien qu'une certaine méfiance à l'égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné la possibilité, invoquée par les requérantes, que ces participants aient tendance à minimiser l'importance de leur contribution à l'infraction et de maximiser celle des autres, il n'en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de l'application de la communication sur la coopération en vue d'obtenir une immunité ou une réduction de l'amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l'entente. En effet, toute tentative d'induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T-120-04, Rec. p. II-4441, point 70) " (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T-112/07, non encore publié, points 69 et s., soulignement ajouté).

Sur le standard de preuve de la participation à une pratique concertée

146. En ce qui concerne le standard de preuve de la participation d'une entreprise à une entente horizontale, il convient de rappeler qu'une entreprise doit s'abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d'échanger sur leurs politiques commerciales et notamment sur le prix des biens ou des services qu'elles offrent sur le marché. Ce type de réunion n'appelle qu'une réponse de la part des entreprises : refuser d'y participer ou, si la bonne foi du participant est surprise, se distancier sans délai et publiquement du mécanisme anticoncurrentiel dont la réunion est le support. La participation à une seule de ces réunions, même si elle est passive, suffit en effet à conforter le mécanisme de l'entente : d'une part, elle renseigne sur le comportement commercial que les autres acteurs ont décidé d'adopter sur le marché, alors que l'autonomie qu'exige la concurrence entre entreprises suppose que ces dernières restent dans l'incertitude sur la stratégie de leurs concurrents ; d'autre part, elle permet aux participants plus actifs d'escompter que l'absence d'opposition de l'entreprise en cause ne viendra pas perturber le jeu collusif (décision n° 07-D-48 du Conseil du 18 décembre 2007, précitée, paragraphe 180, confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 25 février 2009, précité, p. 9 ; voir également arrêt précité de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8-08, Rec. p. I-04529, point 60).

147. La responsabilité d'une entreprise déterminée est ainsi valablement retenue lorsqu'elle a participé à des réunions en ayant connaissance de leur objet anticoncurrentiel. Son assiduité plus ou moins grande à ces réunions, la durée de sa participation à l'entente ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues peuvent avoir des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour de justice Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 145).

148. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, dès lors qu'une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu'elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu'elle souscrit au résultat des réunions et qu'elle s'y conformera, il peut être considéré comme établi qu'elle participe à l'entente résultant desdites réunions (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec.p. II-1711, point 232, du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12-89, Rec. p. II-907, point 98, du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141-89, Rec. p. II-791, points 85 et 86, et du 20 mars 2002, T-21-99, Dansk Rorindustri/Commission, Rec. 2002, p.II-1681, points 41 à 56 ; Sumitomo Metal Industries Ltd et Nippon Steel Corp, aff. jointes C-403-04 P et C-405-04 P).

Sur la valeur probante des déclarations recueillies

149. La déclaration du représentant d'une entreprise reconnaissant sa participation à une entente constitue une preuve se suffisant à elle-même de l'existence et de la participation de l'entreprise à l'infraction en cause. En revanche, une déclaration mettant en cause une entreprise et émanant du représentant d'une entreprise concurrente constitue un simple indice de la participation de l'entreprise concernée à l'entente en cause. Il doit donc être recherché si un tel indice est corroboré par d'autres éléments de preuve, tels que des déclarations concordantes d'autres entreprises inculpées ou d'autres indices matériels (décision n° 11-D-02 de l'Autorité du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphes 372 et 373).

b) Appréciation de l'Autorité

Rasch France

150. Rasch France a participé à des pratiques concertées consistant à échanger des informations sur les conditions commerciales en matière de collections communes, les niveaux d'évolution de leurs chiffres d'affaires et les hausses tarifaires. Ces pratiques ont été établies sur la base de faits qu'elle a dénoncés dans le cadre d'une demande de clémence. Rasch France n'a pas produit d'observations en réponse à la notification des griefs ou au rapport de nature à remettre en cause ces conclusions.

151. Rasch France est donc tenue pour responsable de l'ensemble de l'infraction notifiée entre le 17 mai 2006 et le 30 novembre 2010.

L'Éditeur

152. Le dossier démontre que la société L'Éditeur a participé aux réunions et échanges téléphoniques décrits aux paragraphes 52 et suivants, dont l'objet anticoncurrentiel a été établi plus haut.

153. La société L'Éditeur, placée en liquidation judiciaire en février 2011, n'a pas soumis d'observations en réponse à la notification des griefs et au rapport.

154. Il y a donc lieu de considérer qu'ont été réunis à l'encontre de L'Éditeur des indices graves, précis et concordants suffisamment probants pour caractériser sa participation aux pratiques entre le 17 mai 2006 et le 30 novembre 2010.

Zambaiti, MCF et SCE

155. Comme rappelé au paragraphe 126, ci-dessus, les entreprises MCF, SCE, et leurs sociétés mères, Décoralis, AS Création France et AS Création Tapeten AG, Zambaiti France et Zambaiti International n'ont pas contesté les griefs.

156. Les pratiques sont donc établies pour les entreprises MCF, SCE, et leurs sociétés mères, Décoralis, AS Création France et AS Création Tapeten AG, Zambaiti France et Zambaiti International.

Grandeco

157. Il résulte des éléments du dossier que Grandeco a participé à l'ensemble des pratiques constatées. Grandeco n'a pas soumis d'observations en réponse à la notification de grief et au rapport de nature à remettre en cause ses conclusions. Dans son courrier du 12 juin 2014, le curateur de la société Grandeco a souhaité rappeler la situation financière de Grandeco, placée en liquidation judiciaire.

158. Seule Gimv NV, la société mère de Grandeco, a répondu à la notification des griefs et au rapport. Elle conteste à titre principal son imputabilité.

159. S'agissant des faits allégués contre Grandeco, Gimv NV conteste que, dans leur principe même, les réunions D.O.D. puissent être considérées comme anticoncurrentielles et affirme que " les éléments de preuve rapportés dans la notification de griefs ne suffisent pas à établir que les différentes réunions entre concurrents qui se sont tenues, ou sont réputées avoir été tenues, poursuivaient un objet, ou même ont pu avoir un effet, anticoncurrentiel ".

160. Plus particulièrement, la société Gimv NV conteste le caractère anticoncurrentiel des échanges intervenus à certaines réunions D.O.D. citant celle des 2-3 juillet 2007 qui selon ses affirmations " [...] avait pour objet le montage de la collection commune préparée à la demande de D.O.D. [..] " comme en atteste l'" [...] email de Monsieur Y... du 29 mai 2007 aux autres participants [cote 10486]". Elle relève également la présence d'un représentant de la société D.O.D. aux réunions des 25 septembre 2008, 22 avril 2009, 18-19 juin 2009 et 15 avril 2010. Elle souligne que ces " [...] réunions DOD avaient une vocation " technique ", à savoir le montage en commun de collections à travers la sélection manuelle des échantillons des différents fabricants constituant ces collections " ; qu'" elles ont par ailleurs été demandées ou en tout cas suscitées par le client lui-même, lequel a assisté à près de la moitié d'entre elles ".

161. Enfin, la société Gimv NV estime que n'est pas rapportée à suffisance de droit la preuve du caractère anticoncurrentiel des échanges d'informations se rapportant à d'autres clients communs ainsi que des échanges sur le pourcentage d'évolution du chiffre d'affaires semestriel ayant eu lieu lors d'une seule réunion tenue le 15 avril 2010.

162. En ce qui concerne en premier lieu les échanges intervenus dans le cadre de ces réunions D.O.D., seuls certains ont été qualifiés d'anticoncurrentiels : il s'agit uniquement des échanges qui portaient : (i) sur les conditions commerciales en matière de collections communes, (ii) sur les niveaux prévisibles d'évolution tarifaire annuelle, et (iii) sur les chiffres d'affaires mensuels et trimestriels.

163. Le caractère technique des réunions D.O.D., le fait qu'elles aient été sollicitées par son représentant ainsi que la présence éventuelle, non permanente, d'un représentant de la société D.O.D. à ces réunions ne sauraient remettre en cause le caractère anticoncurrentiel des informations échangées à cette occasion entre fournisseurs concurrents. Il résulte notamment des déclarations des demandeurs de clémence, de M. Frédéric A... (SCE), et du représentant légal de la société que la société D.O.D. n'a pas participé à l'ensemble des réunions et que les échanges litigieux ont eu lieu hors sa présence (cote n° 6513).

164. S'agissant du caractère anticoncurrentiel des échanges d'informations sur d'autres clients communs ainsi que sur les pourcentages d'évolution sur les chiffres d'affaires, il convient de rappeler ce qu'établit la nature anticoncurrentielle de ces échanges. Par nature ces échanges créaient une collusion en réduisant nécessairement l'incertitude sur la stratégie des concurrents et la concurrence. En effet, la seule participation à ces échanges, qui portaient sur des éléments précis et sensibles de leur stratégie commerciale, permettait aux intéressés de déterminer leur comportement futur en ayant connaissance des intentions de leurs concurrents.

165. En ce qui concerne la participation de Grandeco aux pratiques constatées, Gimv NV indique ne pas être en mesure de contester la participation de la société Grandeco, représentée par M. Jean-Marie Y..., aux réunions visées à la notification de grief, à l'exception de la participation à la réunion du 17 mai 2006 pour laquelle elle soutient que " [...] la présence de représentants de Grandeco n'est pas avérée " (cotes nos 14905 à 14 938).

166. Elle ajoute, sans pouvoir contester la participation de M. Jean-Marie Y... à la réunion du 24 avril 2007, compte tenu de l'existence d'une note de frais du 23 au 27 avril 2007 au nom de Jean-Marie Y... qui confirme son déplacement à cette date à Assevilliers, que " [...] le flou règne sur cette réunion " et estime qu'il s'agissait vraisemblablement d'une réunion de l'association professionnelle A3P (cotes nos 14905 à 14 938).

167. Les éléments résultant des constatations suffisent cependant à établir la participation de la société Grandeco à toutes les réunions visées à la notification de grief.

168. Il ressort en effet des constatations exposées plus haut que la participation de la société Grandeco à la réunion du 17 mai 2006 résulte des notes prises lors de cette réunion par M. Stéphan D..., produites par les demandeurs de clémence, des déclarations de Zambaiti, qui admet l'existence d'une réunion en 2006 sur l'encartage, et de l'enregistrement de cette réunion sur la messagerie de l'ordinateur de M. Pascal X... de la société Zambaiti dans les termes " Réunion DOD avec confrères " de 12 heures à 13 heures 30.

169. Sur le fond, M. Jean Marie Y... a bien admis avoir rempli le tableau évoqué au paragraphe 82 ci-dessus, sur le modèle distribué par la société L'Éditeur, et dont d'autres exemplaires ont été découverts lors des opérations de visite et saisies chez d'autres participants à l'entente. Par ailleurs, des notes manuscrites et des déclarations de M. Pascal X... (société Zambaiti) confirment la participation de Grandeco à des échanges d'informations sur les " autres clients " Akzo Nobel, PPG et Delzongle, lors de cette même réunion.

170. Ces pratiques concertées ont un objet anticoncurrentiel en raison de leur teneur et de leur finalité. Il importe peu que les parties aient agi sans intention subjective de restreindre la concurrence et se soient concertées pour des motifs parmi lesquels certains étaient légitimes. L'objet anticoncurrentiel de ces pratiques est donc établi en ce que les participants menaient une stratégie concertée de maîtrise des conditions commerciales offertes pour l'élaboration des collections communes et d'échange d'informations sur l'évolution du prix de vente des papiers peints sur le marché.

171. Il ressort des éléments de preuves exposées plus haut que la participation de Grandeco au grief notifié est établie.

172. Grandeco est tenue pour responsable de ces pratiques commises entre le 17 mai 2006 et le 30 novembre 2010 qui sont contraires aux articles 101 paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.

G&B France

173. Il ressort clairement de la notification de grief et du rapport que G&B France n'est mise en cause que pour un échange d'informations par téléphone concernant une hausse tarifaire.

174. En réponse à la notification de grief, les sociétés G&B contestent la valeur probatoire des éléments produits par le demandeur de clémence et ceux présents au dossier concernant cet échange.

175. Elles contestent la teneur de l'échange téléphonique du 2 septembre 2010, en ce qu'il est " [...] provoqué par la société Rasch", et contestent également la valeur probatoire des termes " J'ai eu au téléphone tous les acteurs du PP " du courriel du 2 septembre 2010 adressé par de M. Jean-François H... à son supérieur hiérarchique, soutenant qu'il ne s'agit que d'une allégation qui n'est ni prouvée, ni confortée.

176. Elles exposent également que cet échange d'informations ne peut constituer un accord de volonté dans la mesure où G&B n'a participé à aucune structure de coordination ni à aucune action commune. Elles soutiennent n'avoir transmis aucune information sur leur comportement sur le marché ni recherché un avantage de l'information prétendue transmise. Enfin, elles soulignent que l'information dénoncée par les demandeurs de clémence ne correspond finalement pas à la hausse imposée par la direction de G&B.

177. S'agissant de l'entretien téléphonique entre les sociétés Rasch et G&B, l'existence de cet échange a été rapporté par le demandeur de clémence.

178. Selon le demandeur de clémence, M. Jean-François H... (G&B) a laissé à cette date un message sur le téléphone portable de M. Stéphan D..., confirmé par un constat d'huissier du 3 septembre 2010 (cotes nos 149 à 151), au sujet des hausses prévues pour l'année à venir (cote n° 52).

179. Ces affirmations sont corroborées par les notes manuscrites de M. D... du 2 septembre 2010 portant mention manuscrite de " Appel téléphonique de Mr Jean François H... Sté Graham and Brown. Il m'a laissé un message téléphonique très clair pour me demander ma future hausse (Ecarter message ?) Je l'ai 1 heure après au téléphone et m'a confirmé qu'il faisait à priori 4 % comme Lutèce qu'il avait eu au téléphone avant. Je lui ai répondu que moi je ferais 3 % ".

180. Cet échange est enfin corroboré par le courriel du même jour adressé par M. Jean-François H..., de la société G&B France, à son supérieur hiérarchique, lequel indique :

" Mourad,

Ce mail est confidentiel :

J'ai eu au téléphone TOUS LES ACTEURS du PP ........ Voici les HAUSSES :

LUTECE/AS 4 %

ERISMAN 3 %

RASH 3 %

GRANTIL/IDECO 3.50 %

AMBAITI 2.50 % à 3.50 % selon produits

II est IMPOSSIBLE de passer une HAUSSE de 7 %

Concernant CASTO et LM nous feront des hausses compensées comme pour les GSS

Pour le reste je ferai 5 %

Je pense que malgré n'importe quelle présentation power point ...... Passer une hausse de 7 % est un SUICIDE ! ! ! !

Merci de me confirmer ta position " (cote n° 1097).

181. Les pourcentages transmis dans ce courriel ont été confirmés par la société Rasch France et par les documents également saisis dans les locaux de la société L'Éditeur (cotes nos 49, 149 à 151, 145 à 148) pour les sociétés concernées.

182. En réponse au rapport, G&B maintient ne pas contester la matérialité de cet échange téléphonique tout en affirmant ne pas en reconnaître le contenu tel que dénoncé par les demandeurs de clémence.

183. S'agissant de la responsabilité de G&B à raison du comportement d'un de ses responsables, selon la pratique décisionnelle de l'Autorité, un cadre d'entreprise qui participe à une réunion concernant les activités de l'entreprise qui l'emploie est réputé représenter ou engager cette entreprise.

184. En l'espèce, il est constant que M. H... représentait G&B puisqu'il se comportait comme le représentant de cette société, notamment en recueillant des informations sur les conditions commerciales des autres acteurs du marché. Ces informations communiquées et recueillies par M. H... ont permis à G&B d'élaborer sa stratégie commerciale. Dans ces conditions, la participation de G&B à cet échange d'information est établie.

185. S'agissant du caractère anticoncurrentiel de cet échange, il convient de rappeler qu'un seul échange ponctuel peut suffire à réaliser la finalité anticoncurrentielle recherchée (arrêt de la Cour de justice de l'Union du 4 juin 2009, T-Mobile, précité, point 59). Cette concertation ponctuelle visait une harmonisation du comportement sur le marché des opérateurs du marché pour l'année 2011. En effet, les prévisions de hausse globale étaient discutées entre concurrents une fois par an à compter du mois d'août pour l'année suivante.

186. Cet échange d'information a porté sur un pourcentage de révision annuelle qui constitue un élément déterminant de la fixation du tarif général de base. Cette information sur le niveau prévisible de hausse tarifaire ne saurait être assimilée à une donnée agrégée. Il s'agit d'un échange d'informations confidentiel et stratégique qui, contrairement à ce qu'affirme G&B, réduit l'incertitude sur le comportement futur des opérateurs concurrents sur ce secteur et permet donc d'annoncer aux distributeurs des hausses supérieures sans craindre d'être hors marché.

187. Conformément à la jurisprudence, des pratiques concertées consistant en des échanges d'informations de données individualisées concernant de futurs prix doivent être considérées comme une restriction de concurrence par objet (arrêt du Tribunal, T-857-08, Fresh Del Monte, points 344 et 345).

188. S'agissant enfin du fait que l'information échangée ne corresponde pas à la hausse finalement appliquée par G&B, il faut rappeler que s'il apparaît que les échanges visés en l'espèce n'ont été suivis d'aucun accord exprès, par exemple de fixation de prix, il n'en est pas moins établi que le seul fait d'accepter de fournir, d'une part, et de chercher et recevoir ces informations, d'autre part, a permis à chacun des participants, tant lors des réunions qu'à l'occasion des échanges téléphoniques, de déterminer son comportement futur en ayant connaissance des intentions de ses concurrents et, ainsi, de fausser le jeu de la concurrence et ce, quelle qu'ait été la nature de son rôle dans ces échanges, c'est-à-dire passif ou actif, même en l'absence de toute coordination ultérieure de comportement des participants.

189. En conclusion, il y a donc lieu de considérer qu'ont été réunis à l'encontre de la G&B France suffisamment d'éléments probants pour caractériser sa participation le 2 septembre 2010 à l'une des trois branches du grief, participation dont les effets ont perduré au moins jusqu'à la date de cessation des pratiques, le 30 novembre 2010.

190. G&B France est tenue pour responsable de la pratique concertée ayant consisté en un échange téléphonique d'informations le 2 septembre 2010 portant sur le pourcentage de hausse globale prévisionnel des tarifs communiqués six mois avant aux distributeurs pour l'année 2011.

D. SUR L'IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES

1. SUR LE DROIT APPLICABLE

191. La notion d'entreprise et les règles d'imputabilité relèvent des règles matérielles du droit de la concurrence de l'Union. L'interprétation qu'en donnent les juridictions de l'Union s'impose donc à l'autorité nationale de concurrence et aux juridictions nationales lorsqu'elles appliquent les articles 101 et 102 du TFUE parallèlement aux règles de concurrence internes du Code de commerce (arrêts de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8-08, Rec. 2009 p. I-4529, points 49 et 50, et de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011-01228, p. 18).

a) Sur l'imputabilité au sein d'un groupe de sociétés

192. Il résulte d'une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises, comprises comme désignant des entités exerçant une activité économique.

193. Le juge de l'Union a précisé que la notion d'entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97-08 P, Rec. 2009 p. I-8237, point 55, du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C-201-09 P et C-216-09 P, Rec. 2011 p. I-2239, point 95, du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C-521-09 P, non encore publié au Recueil, point 53, et de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011-01228, p. 18).

194. Il résulte également d'une jurisprudence européenne établie que c'est cette entité économique qui doit, lorsqu'elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de responsabilité personnelle (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 56, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., précité, point 95, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 53), sur lequel repose le droit de la concurrence de l'Union (arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C-90-09 P, Rec. p. I-1, point 52).

195. En droit interne comme en droit de l'Union, au sein d'un groupe de sociétés, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Ces solutions jurisprudentielles cohérentes sont fondées sur le fait qu'en l'absence d'autonomie de la société filiale par rapport à la société mère, ces deux sociétés font partie d'une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens du droit de la concurrence (voir notamment les arrêts de la Cour de justice, Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, Arcelor Mittal Luxembourg/Commission et Commission/Arcelor Mittal Luxembourg e.a., précité, point 96, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 54, et l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, Lacroix Signalisation e.a., précité, pp. 18 et 19).

196. Les juridictions nationales ont ainsi jugé que les pratiques mises en œuvre par une société filiale ne sont imputables qu'à celle-ci dès lors qu'elle est en mesure de définir sa propre stratégie commerciale, financière et technique, et de s'affranchir du contrôle hiérarchique de la société dont elle dépend (voir l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 25 mars 2008, Cemex Bétons Sud-Est, non cassé sur ce point ; Cour d'appel de Paris du 26 juin 2007, Guerlain, non cassé sur ce point, s'agissant de sociétés soeurs et arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 1996, Jean Lefebvre, s'agissant de succursales ; voir aussi, pour un rappel de la pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence sur ce point, la décision n° 09-D-36 du 9 décembre 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, paragraphes 408 et ss.). A contrario, la Cour d'appel de Paris a jugé que " l'imputation des pratiques d'une filiale à sa société mère, qui ne constitue qu'une faculté, peut intervenir lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome sa ligne d'action sur le marché, mais applique les instructions qui lui sont imparties par la société mère " (arrêt du 28 octobre 2010, Maquet).

197. Il n'est pas exigé pour imputer à une société mère les actes commis par sa filiale de prouver que la société mère a été directement impliquée dans les comportements incriminés ou encore qu'elle en a eu connaissance. Ainsi que le relève le juge de l'Union, " ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 CE qui permet à la Commission d'adresser la décision imposant des amendes à la société mère d'un groupe de sociétés (...) " (arrêt du 27 octobre 2010, Alliance One International e.a./Commission, T-24-05, Rec. 2010 p. II-5329, point 169 ; dans le même sens, arrêt précité Akzo Nobel, point 59).

b) Sur l'imputabilité en cas de transformation de l'entreprise

198. Ainsi qu'il ressort d'une jurisprudence constante, lorsque l'existence d'une infraction est établie, il faut déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise mise en cause au moment où l'infraction a été commise, afin qu'elle réponde de cette infraction (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6-89, Rec. p. II-1623, point 236, et de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas e.a., n° 01-17896 et 02-10066). L'infraction doit par ailleurs être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger la sanction (arrêt de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97-08 P, Rec. p. I-8237, point 57).

199. Tant que la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, c'est elle qui doit être tenue pour responsable de ces pratiques. En particulier, elle continue de l'être même si les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction ont été cédés à une tierce personne (arrêt de la Cour de cassation du 20 novembre 2001, Sacer e.a., n° 99-16776 et 99-18253 ; voir également décision n° 08-D-09 du 6 mai 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des pompes funèbres à Lyon et dans son agglomération, paragraphe 211, confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 31 mars 2009, Agence funéraire lyonnaise pompes funèbres Viollet, n° 2008-11 353, p. 24).

200. Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n'en continue pas moins à répondre de l'infraction commise (arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 59 ; voir également décision n° 01-D-14 du 4 mai 2001 relative à des pratiques relevées lors de marchés de fabrication et de mise en œuvre d'enrobés bitumeux sur les routes départementales de l'Isère, p. 20).

201. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a commis les pratiques a cessé d'exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a juridiquement été transmise, c'est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur de l'infraction, et, à défaut d'une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle (arrêts BNP Paribas e.a., précité, et de la Cour d'appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., n° 2008-01095, p. 5).

202. C'est en particulier le cas lorsqu'une personne morale est absorbée par une autre. Dans ce cas, les pratiques dont la société absorbée est l'auteur sont imputées à la personne morale qui a absorbé cette dernière (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich/Commission, T-259-02 à T-264-02 et T-271-02, Rec. p. II-5169, paragraphe 326). Il peut également en être de même pour la société résultant de la fusion entre l'auteur des pratiques et une autre entité.

203. Dans le cas particulier où une société a été rachetée pendant les pratiques reprochées, chacune des deux sociétés mères successives peut se voir imputer les pratiques pour la période de détention du contrôle de la filiale qui lui est propre (voir notamment l'arrêt de la Cour de justice du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, aff. jointes C-247-11 P et C-253-11 P, point 133).

2. APPRÉCIATION EN L'ESPÈCE

a) S'agissant de la société Rasch Allemagne

204. La société Rasch France est la filiale opérationnelle française à 100 % de Rasch Allemagne (société Tapetenfabrik Gebr. Rasch GmbH & Co. KG).

205. Il résulte des principes rappelés ci-dessus que la société Rasch Allemagne est présumée exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale sur le marché, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par les intéressées.

206. Il y a donc lieu d'imputer les pratiques de Rasch France à sa société mère Rash Allemagne.

b) S'agissant de la société Gimv NV

207. La société Gimv NV conteste l'imputabilité à son encontre des pratiques reprochées à sa filiale Grandeco à compter de son acquisition le 12 juillet 2007.

208. La Cour d'appel de Paris a jugé que " l'imputation des pratiques d'une filiale à sa société mère, qui ne constitue qu'une faculté, peut intervenir lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome sa ligne d'action sur le marché, mais applique les instructions qui lui sont imparties par la société mère " (arrêt précité du 28 octobre 2010, Maquet).

209. Au cas présent, les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que Grandeco n'a pas déterminé de façon autonome sa ligne d'action sur le marché. Dès lors, il n'y a pas lieu d'imputer les pratiques de Grandeco à sa société mère Gimv NV

c) S'agissant de G&B Limited

210. Les sociétés G&B exposent que le grief ne peut être imputé à G&B Limited dans la mesure où cette dernière n'aurait été informée de l'échange d'informations du 2 septembre 2010 reproché à sa filiale qu'à l'occasion de la notification des griefs (cotes nos 16938 à 16 959).

211. Il convient de rappeler que la société G&B Limited détient 100 % du capital de la société G&B France. Il résulte des principes rappelés supra que G&B Limited est présumée exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale sur le marché.

212. Comme il a été expliqué au paragraphe 197 de la présente décision, il n'est pas exigé, pour imputer à une société mère les actes commis par sa filiale, de prouver que la société mère a été directement impliquée dans les comportements incriminés ou encore qu'elle en a eu connaissance, dès lors qu'elle détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale (voir notamment l'arrêt précité du 27 octobre 2010, Alliance One International e.a./Commission, point 169 ; et dans le même sens, l'arrêt précité Akzo Nobel, point 59).

213. En outre, la Cour d'appel de Paris a rappelé que, pour renverser cette présomption, il ne suffit pas pour la société en cause de soutenir qu'elle n'est pas impliquée dans les infractions mises en œuvre par sa filiale, mais il lui appartient de démontrer, indépendamment des comportements reprochés, qu'elle n'exerçait pas une influence déterminante sur sa filiale et ce, en justifiant d'un ensemble d'éléments - relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques l'ayant unie à sa filiale - de nature à démontrer que ces deux personnes morales ne constituaient pas une entité économique unique (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 juillet 2013, n° 2012-05160).

214. Au cas présent, en se bornant à affirmer de manière non étayée qu'elle n'avait pas connaissance des pratiques de sa filiale avant la notification des griefs et en ne démontrant pas qu'elle n'exerçait pas une influence déterminante sur sa filiale, G&B Limited n'apporte aucun élément suffisant pour renverser la présomption rappelée au paragraphe 211.

d) Concernant Zambaiti International

215. Zambaiti indique avoir fait l'objet d'une cession de fonds de commerce et du personnel le 15 décembre 2013 au bénéfice de la société Filpassion (cotes nos 17045 à 17 052) et déclare qu'a été ouverte, le 16 décembre 2013, une procédure pour cessation d'activité.

216. Les sociétés Zambaiti France et Zambaiti International n'ont pas contesté les griefs et donc l'imputation des pratiques.

217. En conséquence, il y a lieu d'imputer les pratiques à Zambaiti International.

e) S'agissant des sociétés Décoralis, AS Création France et AS Création Tapeten AG

218. Entre 2006 et 2010, les sociétés MCF et SCE ont été détenues successivement par Décoralis puis AS Création France, elle-même détenue par AS Création Tapeten AG.

219. La société AS Création France occupe les fonctions de président au sein des sociétés MCF et SCE depuis le 18 juin 2012 en remplacement de la société AS Création Tapeten AG, qui occupait elle-même ces fonctions du 17 juin 2009 au 18 juin 2012. AS Création Tapeten AG est président de la société AS Création France.

220. Les sociétés Décoralis, AS Création France et AS Création Tapeten AG n'ont pas contesté les griefs et donc l'imputation des pratiques de leurs filiales MCF et SCE pour la période pendant laquelle elles détenaient ces filiales.

221. En conséquence, il y a lieu d'imputer les pratiques aux sociétés Décoralis, AS Création France et AS Création Tapeten AG pour la période de détention du contrôle de MCF et SCE qui leur est propre, en vertu du principe ci-dessus rappelé.

E. SUR LES SANCTIONS

222. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce et l'article 5 du règlement n° 1-2003 habilitent l'Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ainsi que 101 et 102 du TFUE.

223. Aux termes du quatrième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce " [si] le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".

224. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [titre VI du livre IV du Code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ".

225. En l'espèce, ces critères légaux seront appréciés selon les modalités pratiques décrites dans le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.

226. Chacune des entreprises en cause dans la présente affaire a été mise en mesure de formuler des observations sur les principaux éléments de droit et de fait du dossier susceptibles, selon les services d'instruction, d'influer sur la détermination de la sanction pouvant lui être imposée. La présentation de ces différents éléments par les services d'instruction ne préjuge pas de l'appréciation du collège sur les déterminants de la sanction, qui relève de sa seule délibération.

227. Dans le cas des sociétés MCF, SCE et leurs sociétés mères successives et des sociétés Zambaiti et Zambaiti International, il sera fait application du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, qui dispose que " [l]orsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la sanction ".

1. SUR LA VALEUR DES VENTES

228. La valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits ou services en relation avec les infractions effectuées par les entreprises en cause, durant leur dernier exercice comptable complet de participation à ces infractions, est retenue comme assiette de leur sanction respective. En effet, comme l'a indiqué l'Autorité dans le communiqué du 16 mai 2011 précité, au paragraphe 23, " La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part ".

229. Certes, le Code de commerce, en ne se référant pas au chiffre d'affaires lié au secteur ou au marché en cause, mais uniquement au chiffre d'affaires mondial consolidé ou combiné, n'impose pas à l'Autorité de procéder de la sorte (arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997, Société française de transports Gondrand frères, n° 95-16378). Pour autant, ce paramètre constitue généralement une référence appropriée et objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à la réalité économique de l'infraction en cause, et plus précisément à son ampleur ainsi qu'au poids relatif sur le secteur concerné de chacune des entreprises qui y a participé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011-03298, p. 72 ; voir également arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011-01228, pp. 37 et 38), comme cela ressort aussi de la jurisprudence constante des juridictions de l'Union (arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80, Rec. p. 1825, points 119 à 121, du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322-07 P, C-327-07 P et C-338-07 P, Rec. p. I-7191, point 114).

230. Si l'Autorité peut imposer à chaque entreprise ou organisme mis en cause plusieurs sanctions dans l'hypothèse où l'intéressé a commis plusieurs infractions (arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2007, Bouygues Télécom e.a., n° 07-10303, 07-10354 et 07-10397), il lui est également loisible, eu égard à la connexité des secteurs ou des marchés en cause, d'une part, et à l'objet général des pratiques, d'autre part, d'infliger une seule sanction au titre de plusieurs infractions commises par une même entreprise ou un même organisme (voir arrêts de la Cour de cassation du 22 novembre 2005, Dexxon Data Media e.a., n° 04-19102, et de la Cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club e.a., n° 2008-00255, p. 20). À cette fin, elle peut ne prendre en considération, comme assiette, qu'une seule et même valeur des ventes, en relation avec l'ensemble des pratiques en cause.

231. En l'espèce, un grief unique visant des pratiques concertées consistant en des échanges de trois types d'informations ayant été notifié, il y a lieu, s'agissant des sociétés qui ont participé aux trois échanges du grief, de ne prendre en considération, comme assiette, qu'une seule et même valeur des ventes : le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au titre des ventes de papiers peints.

232. Les catégories de produits à prendre en considération à cette fin sont celles concernées par les pratiques reprochées, c'est-à-dire les ventes de papiers peints en relation avec les infractions durant la période pendant laquelle chacune des mises en cause a individuellement participé à ces dernières.

233. Eu égard à la participation individuelle des sociétés L'Éditeur, Grandeco, MCF, SCE, Rasch France et Zambaiti à l'infraction, telle que visée par le grief et constatée ci-dessus aux paragraphes 150 à 172, le dernier exercice comptable complet retenu pour déterminer cette valeur des ventes sera l'exercice 2009.

234. S'agissant de la société G&B France, l'infraction, telle que visée par la deuxième branche du grief et constatée ci-dessus au paragraphe 190, s'est déroulée en 2010. L'exercice comptable retenu pour déterminer la valeur des ventes sera l'exercice 2010.

235. Compte tenu des données chiffrées à la disposition de l'Autorité, les chiffres d'affaires relatifs à ces exercices, correspondant aux ventes de papiers peints en relation avec le grief, à l'exclusion de toute autre activité des entreprises en cause, peuvent être tenus pour représentatifs de l'activité annuelle de chacune des entreprises pour les ventes de papiers peints en relation avec les infractions durant la période pendant laquelle chacune d'elles a individuellement participé à ces dernières.

236. Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous récapitule les valeurs des ventes servant d'assiette à la sanction individuelle de chacune des entreprises (en euros) :

<emplacement tableau>

2. SUR LA DÉTERMINATION DU MONTANT DE BASE

237. En application du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le montant de base de la sanction imposée à chacune des entreprises en cause sera déterminé en fonction de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, critères qui se rapportent tous deux aux pratiques constatées. Les appréciations de l'Autorité à cet égard trouveront une traduction chiffrée dans le choix d'une proportion de la valeur des ventes retenue pour chaque entreprise en cause, démarche qui, comme indiqué plus haut, permettra de proportionner l'assiette de la sanction à la réalité économique des infractions, d'une part, et au poids relatif sur le secteur concerné de chacun des participants, d'autre part. Il doit être procédé à une appréciation globale tant de l'importance du dommage causé à l'économie que de la gravité des faits, avant de prendre en compte, de manière individualisée, la situation de chaque entreprise et sa contribution personnelle aux pratiques (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, précité, p. 68).

238. La durée des pratiques, qui constitue un facteur pertinent pour apprécier tant la gravité des faits (arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, Orange France, n° 11-22144) que l'importance du dommage causé à l'économie (arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge ciments e.a., n° 10-17482 et 10-17791), fera l'objet d'une prise en compte sous ce double angle selon les modalités pratiques décrites dans le communiqué du 16 mai 2011 précité.

a) Sur la proportion de la valeur des ventes

Sur la gravité des trois pratiques visées par le grief

239. Les entreprises en cause ont mis en œuvre des pratiques concertées consistant en des échanges d'informations sur les conditions commerciales en matière de collections communes, les niveaux prévisibles d'évolution tarifaire annuelle à venir concernant les prix des papiers peints et, enfin, les niveaux d'évolution de leurs chiffres d'affaires mensuels et trimestriels.

240. L'Autorité procède à une appréciation globale tant de l'importance du dommage causé à l'économie que de la gravité des faits, avant de prendre en compte, de manière individualisée, la situation de chaque entreprise ou partie et sa contribution personnelle aux pratiques (voir l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord, n° 2011/03298, p. 68, non cassé sur ce point). Cette appréciation globale est la même pour toutes les entreprises qui participent à une même infraction.

241. Pour apprécier la gravité des faits, l'Autorité tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence :

- la nature de l'infraction ou des infractions en cause et des faits retenus pour la ou les caractériser (entente entre concurrents, abus de position dominante, etc.), ainsi que la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés (prix, clientèle, production, etc.) et, le cas échéant, leur combinaison ; ces éléments revêtent une importance centrale dans le cas des pratiques anticoncurrentielles expressément visées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 et 102 du TFUE, en considération de leur gravité intrinsèque ;

- la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause (activité de service public, marché public, secteur ouvert depuis peu à la concurrence, etc.) et, le cas échéant, leur combinaison ;

- la nature des personnes susceptibles d'être affectées (petites et moyennes entreprises [PME], consommateurs vulnérables, etc.) ; et

- les caractéristiques objectives de l'infraction ou des infractions (caractère secret ou non, degré de sophistication, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d'une législation, etc.).

242. Au cas d'espèce, il convient d'évoquer successivement la nature des infractions en cause, la nature du secteur et des services concernés et les caractéristiques concrètes de ces pratiques.

Sur la nature des infractions en cause

243. S'agissant en premier lieu des pratiques concertées concernant les collections communes (première branche), il y a lieu de rappeler que celles-ci ont consisté en des échanges d'informations portant sur des données futures, à savoir les conditions commerciales des collections communes pour plusieurs clients, dont le plus important est DOD. Ces informations portaient plus particulièrement sur le prix forfaitaire d'une des collections, le rabais de vente par rouleau coupé ainsi que le niveau de participation au rouleau coupé et les remises d'amortissement de 12,5 %. Ces pratiques ont donc eu pour objet une concertation entre concurrents sur les conditions de vente aux grossistes des rouleaux nécessaires à la réalisation des collections communes, ainsi que sur la coopération commerciale, au lieu de laisser ces paramètres de la concurrence à la libre appréciation de chacune des entreprises, dans le cadre d'une détermination autonome de sa politique commerciale et de son comportement sur le marché.

244. Concernant plus particulièrement les remises d'amortissement, les sociétés MCF, SCE et leurs sociétés mères successives estiment que la gravité doit être tempérée en ce que les concertations sur les collections communes n'ont pas touché un déterminant du prix des papiers peints mais seulement le montant de la répercussion du coût d'un outil promotionnel.

245. Bien que la remise d'amortissement puisse porter effectivement sur le prix final des papiers peints, le dossier ne présente pas assez d'éléments pour démontrer les conséquences réelles sur les prix finaux des échanges sur ces remises. Dès lors, concernant les pratiques concertées concernant les collections communes, il sera pris en compte, au titre de la gravité, la seule manipulation des prix de gros des papiers peints.

246. En deuxième lieu, s'agissant des échanges d'informations sur les niveaux d'évolution de leurs chiffres d'affaires mensuels et trimestriels (troisième branche), il convient de relever qu'il s'agit d'informations passées. Ces pratiques correspondent à un simple échange ponctuel d'informations rétrospectives au sens du paragraphe 26 du communiqué du 16 mai 2011 et présentent à ce titre un degré de gravité intrinsèque moindre.

247. En troisième et dernier lieu, s'agissant des pratiques concertées concernant les prévisions de hausse tarifaire (deuxième branche), elles ont consisté en des échanges d'informations portant sur des données futures de fixation de prix.

248. Ces pratiques horizontales de concertation sur les prix se substituent à la libre appréciation par chaque entreprise de sa stratégie tarifaire. Cette concertation sur les hausses tarifaires à venir a non seulement diminué l'incertitude du comportement des opérateurs concernés lors des négociations futures avec les distributeurs mais a également concouru à la fixation d'un prix final à un niveau supérieur à celui qui aurait résulté d'une situation de concurrence non faussée.

249. Les pratiques sur les hausses tarifaires futures visaient donc, par leur nature même, à manipuler un paramètre essentiel de la concurrence sur le marché concerné. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les pratiques concertées horizontales d'échanges d'informations en matière de prix peuvent être considérées comme faisant partie des violations d'une particulière gravité au sens du communiqué du 16 mai 2011 précité, même s'il ne s'agit pas d'accords de prix ou d'ententes de fixation des prix stricto sensu (voir en ce sens décision de la Commission du 3 septembre 2014, Smart Cards, point 408 : " les arrangements de coordination des prix comptent, par leur nature même, parmi les violations les plus graves " de l'article 101 du TFUE).

250. Ces pratiques concertées sur les prix ne peuvent en effet tendre qu'à confisquer, au profit des auteurs de l'infraction, le bénéfice que les opérateurs en aval de la chaîne de valeur et les consommateurs sont en droit d'attendre d'un fonctionnement concurrentiel de l'économie. Il ressort de la jurisprudence des juridictions européennes que la qualification d'infractions très graves s'applique aux accords mais également aux pratiques concertées (arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, Polimeri Europa SpA / Commission, T-59-07, §225 ; arrêt du Tribunal du 14 mars 2013, Fresh del Monte Produce, T-587-08, §771 et 772). De la même façon, le constat du caractère très grave d'une entente horizontale de fixation de prix futurs s'applique également lorsqu'une telle infraction se matérialise par des échanges d'informations (Tribunal de l'Union européenne, Tate & Lyle plc. contre Commission, 12 juillet 2001, aff. T-202-98, 204-98 et 207-98, point 103 ; Tribunal de l'Union européenne, Fresh del Monte Produce, Inc. contre Commission, 14 mars 2013, T-587-08, point 778).

251. La société Zambaiti allègue que les échanges d'informations ne seraient pas considérés par la Cour d'appel de Paris et l'Autorité comme étant, par nature, très graves.

252. Mais il a déjà été dit que les pratiques en cause, en l'espèce, sont des pratiques concertées horizontales de concertation sur les prix futurs et non de simples échanges d'informations, au sens du point 26 du communiqué du 16 mai 2011, qui porteraient sur des données passées.

253. Les sociétés MCF, SCE et leurs sociétés mères successives soutiennent que les concertations sur les niveaux tarifaires des papiers peints ne portaient que sur des pourcentages de hausse dont l'application n'aurait pas été certaine, car comme le souligne Zambaiti, les sociétés en cause seraient en situation de faiblesse face aux distributeurs avec qui elles négocient les prix.

254. Mais il y a lieu de rappeler que ces pratiques ont pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence sur le marché français des papiers peints, sans que l'éventuelle circonstance que le résultat escompté ne soit pas atteint dans tous les cas puisse remettre en cause la gravité intrinsèque de la pratique. C'est seulement au stade de la recherche de l'importance du dommage à l'économie que les arguments mis en avant par les sociétés MCF et SCE pourront être examinés.

Sur la situation du secteur dans lequel sont intervenues les pratiques

255. Il faut noter que les pratiques ont été mises en œuvre par des entreprises qui figuraient au moment des faits parmi les principales entreprises d'édition, fabrication et commercialisation des papiers peints présentes sur le territoire national, représentant la majorité des ventes de papiers peints en valeur en France.

256. La société Zambaiti estime qu'il y aurait lieu de prendre en considération la situation difficile du secteur pour atténuer la gravité des faits.

257. Cependant, la situation difficile d'un secteur ne peut justifier la mise en place d'une entente anticoncurrentielle. En effet, il ressort de la jurisprudence européenne que les arguments sur la crise du secteur et le fait que la concertation a permis la survie des entreprises ne peuvent, en aucun cas, justifier des concertations anticoncurrentielles (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Sté métallurgique de Normandie et autres/Commission, T-147-89). Il en est de même au niveau national comme l'a relevé le Conseil de la concurrence dans plusieurs décisions (décision n° 88-D-13 du 15 mars 1988 relative à des pratiques relevées dans le secteur des feuilles d'aluminium transformé pour l'emballage et le conditionnement des produits laitiers frais, décision n° 05-D-03 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'eau de javel ; voir aussi l'arrêt de la cour d'appel du 26 janvier 2010, n° 2009-03532, p. 23, confirmé sur ce point par l'arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2011, n° T 10-12.913).

Sur les caractéristiques concrètes des pratiques

- Le caractère secret des pratiques

258. La concertation intervenue entre les sociétés en cause revêtait un caractère secret, élément rendant les pratiques particulièrement difficiles à détecter et traduisant le caractère délibéré de celles-ci.

259. Les sociétés MCF, SCE, AS Création France et AS Création Tapeten AG et Décoralis estiment que, concernant les pratiques concertées sur les collections communes, la gravité devrait être tempérée au motif de l'absence de caractère secret puisque ces collections ont été réalisées à la demande des clients.

260. Mais il y a lieu de rappeler que seule l'élaboration technique des collections communes a été sollicitée par le client commun D.O.D et que les concertations entre concurrents se sont tenues en marge de ces réunions techniques, hors la présence de tout représentant du client commun. Le caractère secret des pratiques concertées consistant en des échanges d'informations doit par conséquent être considéré comme établi.

- La sophistication des infractions

261. Les pratiques en cause revêtaient un faible degré de sophistication, élément qui vient tempérer la gravité intrinsèque des faits.

262. En effet, il y a lieu de relever, tout d'abord, la fréquence peu élevée des réunions ou prises de contact portant sur les échanges reprochés. Par ailleurs, le mode d'organisation des réunions était peu structuré : les discussions avaient lieu principalement en marge de la réalisation des collections communes.

263. Concernant particulièrement les pratiques concertées portant sur des hausses tarifaires, aucun mécanisme de surveillance entre concurrents n'a été mis en évidence dans le dossier.

Sur l'importance du dommage causé à l'économie

264. Il est de jurisprudence constante que l'importance du dommage causé à l'économie s'apprécie de façon globale pour les pratiques en cause, c'est-à-dire au regard de l'action cumulée de tous les participants, sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chacun d'entre eux pris séparément (arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e.a., n° 02-11754, et de la Cour d'appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole L'Ardéchoise, n° 2007-10 371, p. 6).

265. Ce critère légal ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale qu'elles sont de nature à engendrer pour l'économie (voir, par exemple, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 2007-18 040, p. 4).

266. L'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause (arrêts de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010-12 049, p. 5, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, précité, et du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., n° 2012/23 945, p. 89). L'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée (arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France e.a., n° 09-12984, 09-13163 et 09-65940).

267. En se fondant sur une jurisprudence établie, l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'incidence économique de la pratique en cause, de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée, entre autres, par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des participants sur le secteur ou le marché concerné, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur ou du marché concerné (voir, par exemple, arrêts de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, précité, p. 5 et du 26 janvier 2012, précité, p. 89 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, précité). Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13910).

268. En l'espèce, il convient, en premier lieu, d'examiner l'ampleur des pratiques, en second lieu, les caractéristiques économiques du secteur en cause et, enfin, les conséquences conjoncturelles des pratiques.

Sur l'ampleur des pratiques

- S'agissant des caractéristiques des pratiques elles-mêmes

269. Les pratiques concertées consistant, tout d'abord, en des échanges d'informations sur les conditions commerciales relatives aux collections communes (première branche) ont, pour ce qui concerne la remise d'échantillonnage et la participation au rouleau coupé, affecté une faible part du marché, puisque la fabrication des collections communes représentaient à peine 2 % du chiffre d'affaires de l'activité de fourniture de papiers peints.

270. En revanche, la pratique d'échanges sur les remises d'amortissement a pu affecter marginalement, en fonction des conditions offertes aux différents clients, la formation des prix de gros pour au moins une partie des papiers peints vendus par les participants à l'infraction.

271. Ensuite, concernant l'échange isolé d'informations sur les niveaux de progression des chiffres d'affaires au cours du trimestre écoulé (troisième branche), il est ponctuel et porte sur des données passées et peu détaillées, ce qui ne permet pas de contrôler les éventuelles déviations par rapport à une ligne d'action commune qui aurait porté sur les hausses de prix. En effet, la simple comparaison des évolutions de chiffre d'affaires ne permet pas de connaître précisément l'évolution des prix pratiqués.

272. Enfin, sur la pratique concertée consistant en des échanges d'informations sur les intentions de hausses tarifaires pour l'année à venir (deuxième branche), les informations échangées concernent un pourcentage de hausse générale annuelle des " tarifs de base " (liste du tarif général d'un fournisseur par catégorie de produits), tous distributeurs confondus.

273. Une telle concertation revêt un intérêt stratégique, puisque chaque année, les fournisseurs annoncent la hausse générale des tarifs de base à l'ensemble de leurs distributeurs. Par conséquent, les échanges d'informations sur le pourcentage de hausse entre fournisseurs concurrents permettent à ceux-ci d'afficher des augmentations relativement similaires, ce qui limite la capacité de négociation des distributeurs. Ainsi, s'il est vrai, comme les sociétés MCF, SCE et leurs sociétés mères successives le soulignent (cotes nos 16990 et 17030), qu'il existe une marge de négociation entre les hausses annoncées de façon générale à l'ensemble des distributeurs et la hausse réelle appliquée à chaque distributeur et négociée individuellement, il n'en reste pas moins que l'échange affecte le processus de négociation et la mise en concurrence des fournisseurs par les distributeurs.

274. De plus, sur un marché où les tarifs sont hétérogènes et nombreux, il est plus pertinent de se coordonner sur les hausses de prix que sur les niveaux de prix. Par conséquent, le fait que les échanges d'informations aient porté sur des hausses moyennes de prix et non des prix n'est pas en soi susceptible de remettre en cause l'ampleur du dommage à l'économie. De même, contrairement à ce qu'évoquent les sociétés MCF et SCE dans leurs mémoires en réponse (cotes nos 16980 à 16 981 et 17 020 à 17 021), cette pratique a pu affecter l'ensemble des collections et pas uniquement les anciennes collections reconduites, dès lors que l'échange d'informations portait sur la hausse du tarif de base, qui correspond à un tarif moyen par catégorie de produits, mêlant les anciennes et les nouvelles collections. La concertation portait donc sur la hausse d'un prix moyen d'une catégorie de produits dont la composition pouvait varier d'une année sur l'autre, en fonction de l'arrivée de nouvelles collections ou de la reconduction d'anciennes collections.

275. En revanche, comme évoqué au stade de l'appréciation de la gravité, il ressort du dossier que ces concertations sont peu structurées et que l'existence de mécanismes de surveillance n'est pas établie. En l'absence de ces mécanismes, l'efficacité de la pratique est moins assurée, car le marché est peu transparent, les négociations avec les distributeurs - dont le contrepouvoir d'achat peut être significatif comme l'évoquent les sociétés MCF et SCE (cotes nos 16990 et 17030) - sont individuelles, et des remises viennent se déduire du tarif de base. De plus, dans un marché en déclin comme celui du papier peint, en l'absence d'échange d'informations régulier et fréquent sur les volumes, il est difficile aux membres d'une collusion de savoir si la baisse de demande à laquelle ils font face vient de la baisse de la demande globale pour les produits de papier peint ou d'une déviation de l'un des concurrents.

- S'agissant des opérateurs ayant mis en œuvre les pratiques en cause

276. Bien que les parts de marché cumulées des membres de l'échange d'informations représentent nettement plus de la moitié des ventes de papiers peints en valeur en France, l'ampleur des trois pratiques visées par le grief et l'importance du dommage qu'elles ont pu causer à l'économie sont limitées par l'existence de concurrents importants n'ayant pas pris part aux pratiques reprochées. Ainsi, certains fournisseurs significatifs n'ont pas participé aux pratiques, parmi lesquels le groupe Texdecor, et sa filiale Casadeco, qui serait le leader du marché français du papier peint d'après les déclarations du directeur commercial et administratif de la société Zambaiti, et le groupe Marburg, qui se présente comme un leader mondial dans la fabrication de papiers peints et de revêtements muraux.

Sur les caractéristiques économiques du secteur

277. Pour appréhender le dommage à l'économie, l'Autorité s'attache également à prendre en compte les caractéristiques économiques objectives du secteur en cause, dans la mesure où ces dernières sont de nature à influer sur les conséquences conjoncturelles ou structurelles des pratiques.

278. En l'occurrence, le papier peint semble subir une concurrence vive des autres produits de revêtement mural, comme la peinture, ce qui serait la raison de la crise de ce secteur (cotes nos 8709 et 8710).

Sur les conséquences conjoncturelles et structurelles des pratiques

279. S'agissant des pratiques concertées sur les hausses tarifaires, le surprix causé n'a pas été estimé. Cependant, les évolutions annuelles de prix moyen par rouleau de chaque fournisseur sont hétérogènes, ce qui tend à montrer que les échanges d'informations n'ont pas permis un alignement des hausses de prix en moyenne.

280. En conséquence, tant l'ampleur des pratiques et les caractéristiques économiques objectives du secteur que les conséquences conjoncturelles et structurelles des pratiques permettent de conclure que les pratiques reprochées aux sociétés en cause ont causé un dommage certain, mais limité, à l'économie.

Conclusion sur la proportion de la valeur des ventes

281. Compte tenu de l'appréciation faite ci-dessus de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, il y a lieu de retenir, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause une proportion de 10 % de la valeur de leurs ventes.

b) Sur la durée des pratiques

282. Comme indiqué précédemment, la durée d'une infraction aux règles de concurrence est un facteur qu'il convient de prendre en compte dans le cadre de l'appréciation tant de la gravité des faits que de l'importance du dommage causé à l'économie. En effet, plus une telle infraction est longue, plus l'atteinte qu'elle porte au jeu de la concurrence et la perturbation qu'elle entraîne pour le fonctionnement du secteur ou du marché en cause, et plus généralement pour l'économie, peuvent être substantielles et persistantes. La jurisprudence de l'Union sur ce point relève d'ailleurs que " [s]i une entente fixe l'état du marché au moment où elle est conclue, sa longue durée peut en rigidifier les structures [...]. Le retour à l'état de libre concurrence sera d'autant plus difficile et long que la durée de l'entente aura elle-même été longue " (arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, aff. C-389-10 P, Rec. p. I-13125, point 75).

283. Dans le cas d'infractions qui se sont prolongées plus d'une année, l'Autorité s'est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes : la proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de mise en œuvre du comportement en cause, à la valeur des ventes de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes de mise en œuvre suivantes. Au-delà de cette dernière année complète, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.

284. Dans chaque cas d'espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d'entre elles pendant l'exercice comptable retenu comme référence.

285. Au cas présent, le grief notifié concerne, pour toutes les entreprises en cause à l'exception de G&B France, la période allant du 17 mai 2006 jusqu'au 30 novembre 2010.

286. Il convient par conséquent de retenir pour les entreprises ayant participé aux trois branches du grief un coefficient tenant compte de la durée de 4 années, 6 mois et 13 jours.

287. Les sociétés G&B soulignent le caractère ponctuel de leur participation à la pratique reprochée (cotes nos 16938 à 16 959).

288. Comme déjà évoqué au paragraphe 147 ci-dessus, l'assiduité plus ou moins grande de la société à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel, la durée de sa participation à l'entente ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues peuvent avoir des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour de justice Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 145).

289. Au cas présent, G&B a participé à un échange téléphonique le 2 septembre 2010 et s'est concertée avec l'ensemble de ses concurrents sur les niveaux prévisibles d'évolution tarifaire annuelle à venir concernant les prix des papiers peints.

290. Toutefois, G&B France n'a pas participé à toutes les pratiques dénoncées par le grief, ce qui a des conséquences, comme évoqué au paragraphe 288 ci-dessus, non pas sur l'existence de sa responsabilité mais sur l'étendue de celle-ci, qui sera appréciée plus loin, au stade de la participation individuelle à l'infraction.

291. En vertu des principes ci-avant évoqués, il est établi que G&B France a pris pleinement part à la pratique concertée consistant en un échange d'informations sur les hausses tarifaires de l'année à venir. Dès lors, il y a lieu de retenir comme durée la période allant de l'entrée de G&B France dans la pratique concertée concernée jusqu'à la fin de cette pratique, telle qu'elle a été fixée pour toutes les autres sociétés mises en cause, soit le 30 novembre 2010.

292. En conséquence, la durée de participation de G&B France à la deuxième branche du grief notifié est fixée à 3 mois.

c) Conclusion sur la détermination du montant de base

293. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, eu égard à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques en cause, le montant de base de la sanction pécuniaire déterminé en proportion des ventes liées à la commercialisation des services en relation avec les infractions commises par les sociétés en cause, d'une part, et de la durée des pratiques, d'autre part, est le suivant :

<emplacement tableau>

3. SUR L'INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS

294. L'Autorité s'est ensuite engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu'il s'agisse d'organismes ou d'entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.

295. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de la mise en œuvre des infractions en cause, ainsi que d'autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.

a) Sur la participation individuelle des entreprises

296. L'Autorité s'est engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu'il s'agisse d'organismes ou d'entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.

297. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l'infraction, ainsi que d'autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.

298. Les sociétés G&B soutiennent que la faible durée de participation aux pratiques anticoncurrentielles, les faibles parts de marché détenues par leur établissement français et l'absence d'implication dans deux des trois branches du grief doivent être prises en compte au titre des circonstances atténuantes (cotes nos 16938 à 16 959).

299. Il a déjà été tenu compte au titre de la durée des pratiques de la brièveté de la participation de la société à l'infraction.

300. En revanche, il est établi que la société G&B France n'est tenue pour responsable que de la seule deuxième branche du grief, à savoir la pratique concertée consistant en des échanges sur les hausses tarifaires de l'année à venir, au demeurant la pratique la plus grave.

301. Ainsi, G&B France n'étant pas tenue responsable de l'ensemble des pratiques visées par le grief notifié, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 247 265 euros.

b) Les autres éléments d'individualisation

302. Aux termes du paragraphe 48 du communiqué sanctions du 16 mai 2011, l'Autorité peut adapter la sanction infligée à une entreprise à la baisse pour tenir compte du fait que cette entreprise mène l'essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l'infraction (entreprise " mono-produit ").

303. Sur la base des données transmises par les intéressées, l'Autorité constate que les sociétés L'Éditeur et Zambaiti ont réalisé, pendant la durée des pratiques, la quasi-totalité de leur chiffre d'affaires sur le marché en relation avec l'infraction.

304. Il ressort des pièces du dossier que, s'agissant de L'Éditeur, les ventes réalisées en relation avec l'infraction s'élevaient, en 2009, à 1 702 000 euros, ce qui représente 94 % du chiffre d'affaires de l'entreprise qui était, quant à lui, de 1 815 000 euros. Dans ces conditions, l'entreprise L'Éditeur, qui menait l'essentiel de son activité sur le secteur ou le marché en relation avec l'infraction à la date des faits, constitue une entreprise mono-produit au sens du point 48 du Communiqué sanction. Il y a lieu de lui accorder une réduction du montant de la sanction de 70 %.

305. S'agissant de Zambaiti, les ventes réalisées en relation avec l'infraction s'élevaient, en 2009, à 4 904 800 euros, ce qui représente 82 % du chiffre d'affaires de l'entreprise qui était, quant à lui, de 5 967 269 euros. Dans ces conditions, l'entreprise Laboratoires Vendôme, qui menait l'essentiel de son activité sur le secteur ou le marché en relation avec l'infraction à la date des faits, constitue une entreprise mono-produit au sens du point 48 du Communiqué sanction. Il y a lieu de lui accorder une réduction du montant de la sanction de 70 %.

306. Les sociétés MCF, SCE, AS Création France, et AS Création Tapeten AG considèrent que le montant de la sanction pécuniaire devrait être abaissé compte tenu du fait qu'AS Création exerce ses activités dans le seul secteur du papier peint.

307. Mais il apparaît que les comptes du groupe constitué par MCF et AS Création France et AS Création Tapeten AG, d'un côté, et le groupe constitué par SCE, AS Création et AS Création Tapeten AG, d'un autre côté, ne permettent pas de conclure à une activité " mono-produit ".

c) Conclusion sur la détermination du montant individualisé

308. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, eu égard aux circonstances atténuantes et aggravantes, le montant individualisé de la sanction pécuniaire est le suivant :

<emplacement tableau>

4. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX

a) Sur la vérification du respect du maximum légal

309. L'article L. 464-2 du Code de commerce dispose que " Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".

310. Par ailleurs, le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose qu'en cas de non-contestation de grief " [...] le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. ".

En ce qui concerne l'entreprise L'Éditeur

311. Le chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé connu réalisé par L'Éditeur SA était de 5 463 000 euros en 2005. Le montant maximum de la sanction s'élève à 546 300 euros en ce qui concerne L'Éditeur. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 308 ci-dessus.

En ce qui concerne l'entreprise Grandeco

312. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe GIMV NV était de 1 053 209 000 euros en 2011. Le montant maximum de la sanction s'élève à 105 320 900 euros en ce qui concerne les sociétés Grandeco Wallfashion Group NV Suce France et Grandeco Wallfashion Group NV. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 308 ci-dessus.

En ce qui concerne les entreprises MCF et SCE

Pour la sanction visant les sociétés MCF, SCE, AS Création France et AS Création Tapeten AG.

313. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe AS Création Tapeten AG était de 199 818 000 euros en 2013. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 9 990 900 euros en ce qui concerne les sociétés MCF, SCE, AS Création France et AS Création Tapeten AG. Ce montant est supérieur au montant mentionné au paragraphe 308 ci-dessus.

Pour la sanction visant les sociétés MCF, SCE et Décoralis

314. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Decoralis SA était de 65 667 255 euros en 2007. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 3 283 363 euros en ce qui concerne la société Décoralis. Ce montant sera comparé au montant de la sanction finale, dont Décoralis est solidairement responsable avec les sociétés MCF et SCE, au paragraphe 349 ci-après.

En ce qui concerne l'entreprise Rasch

315. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Rasch était de 123 761 128 euros en 2008. Dans ses réponses, Rasch précise que " Rasch Allemagne n'étant pas tenue, conformément à la réglementation allemande applicable, d'établir et n'établissant pas de comptes consolidés, sont également fournis ses chiffres d'affaires corrigés des ventes effectuées à ses filiales (" ventes intragroupes "), tel que cela aurait été le cas si Rasch Allemagne avait décidé d'établir des comptes consolidés. Dans un souci de transparence, les calculs à cet égard sont précisés au sein d'un second tableau également joint." (côte 16199). Le montant maximum de la sanction s'élève à 12 376 113 euros en ce qui concerne les sociétés Rasch France et Rasch Allemagne. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 308 ci-dessus.

En ce qui concerne l'entreprise Zambaiti

316. Le chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé connu réalisé par Zambaiti France était de 6 939 093 euros en 2008. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 346 955 euros en ce qui concerne la société Zambaiti France (imputé également à Zambaiti International). Ce montant étant inférieur au montant mentionné au point 308 ci-dessus, il devra être retenu.

En ce qui concerne l'entreprise G&B

317. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe G&B Limited était de 90 560 000 livres sterling soit 104 344 660 euros en 2011 (taux de change moyen annuel euro/livres de 0,867893 en 2011). Le montant maximum de la sanction s'élève à 10 434 466 euros en ce qui concerne les sociétés G&B France et G&B Limited. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 308 ci-dessus.

b) Sur la prise en compte de la procédure de clémence

318. Par procès-verbal en date du 9 juin 2010, le rapporteur général adjoint de l'Autorité a reçu une demande des sociétés Rasch France et Rasch Allemagne sollicitant l'application d'une mesure de clémence dans le secteur des papiers peints en France sur le fondement de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce (cotes nos 2 à 3 de la saisine n° 10-0058 AC).

319. Par avis n° 10-AC-05 du 4 novembre 2010 (cotes nos 761 à 767 de la saisine n° 10-0058 AC) et conformément au communiqué de procédure du 2 avril 2009 relatif au programme de clémence français, paragraphe 14, l'Autorité a relevé que :

" Les sociétés Rasch France et Rasch Allemagne ont dénoncé des pratiques d'échanges d'informations stratégiques, imbriquées dans des pratiques de concertation quant à la définition de variations de prix. Elles ont en outre dénoncé des pratiques de concertation relatives aux prix de revente des produits par les grossistes (clients diffuseurs) et les distributeurs. Si elles sont avérées, de telles pratiques sont susceptibles d'entrer dans le champ des articles L. 420-1 du Code de commerce et, le cas échéant, 101§1 TFUE.

Les modalités de fonctionnement, la période concernée, les participants aux pratiques dénoncées ont fait l'objet de descriptions détaillées par les demandeurs de clémence.

À l'appui des déclarations produites par les demandeurs, les pièces suivantes ont notamment été fournies :

a) des courriels échangés entre concurrents attestant de la réalité des réunions ;

b) des notes de frais renforçant la crédibilité des contacts réguliers ;

c) des notes manuscrites montrant la réalité et la nature des échanges ou accords effectués de visu ou par un contact téléphonique ;

d) un constat d'huissier attestant de la réalité d'un contact téléphonique et du contenu des éléments échangés ;

e) des échanges de courriels attestant d'échanges relatifs aux prix pratiqués et montrant l'ancienneté et l'actualité des pratiques.

f) des échanges de courriels confirmant la communication de recommandations tarifaires ou de niveaux de prix accordés à des distributeurs concurrents ;

g) des échanges de courriels attestant de demandes ou de surveillances relatives aux prix de revente des clients diffuseurs ou distributeurs ;

Les demandeurs de clémence sont les premiers à avoir dénoncé ces pratiques à l'Autorité de la concurrence qui ne disposait pas, lors du dépôt de la demande de clémence, d'informations ni d'éléments de preuves suffisants pour procéder ou faire procéder de sa propre initiative à des mesures d'investigation ciblée au titre de l'article L. 450-4 du Code de commerce. "

320. Et a accordé aux sociétés Rasch France et Rasch Allemagne :

" le bénéfice conditionnel de la clémence avec une exonération totale des sanctions éventuellement encourues en France pour les pratiques dénoncées par elles sur le marché du papier peint en subordonnant l'exonération envisagée aux conditions suivantes :

Les sociétés Rasch France SARL et Tapetenfabrik Gebr. Rasch Gmbh & Co. KG devront apporter à l'Autorité de la concurrence une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'instruction, soit :

- fournir sans délai à l'Autorité toutes les informations et tous les éléments de preuves qui viendraient en leur possession ou dont elles peuvent disposer sur l'entente présumée ;

- se tenir à sa disposition pour répondre rapidement à toute demande visant à contribuer à l'établissement des faits en cause ;

- mettre à disposition de l'Autorité, pour les interroger, leurs représentants légaux et leurs salariés actuels, ainsi que, dans la mesure du possible, leurs anciens représentants légaux et salariés.

L'Autorité portera une attention particulière au respect de cette condition, dès lors que subsistent des nuances ou divergences entre certaines déclarations communiquées.

- Les sociétés Rasch France SARL et Tapetenfabrik Gebr. Rasch Gmbh & Co. KG ne devront pas avoir pris de mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions.

- Rasch France SARL et Tapetenfabrik Gebr. Rasch Gmbh & Co. KG ne devront pas avoir détruit ou falsifié des preuves de l'entente présumée, ni avoir divulgué leur intention de présenter une demande ni la teneur de celle-ci, sauf à d'autres autorités de concurrence.

- Rasch France SARL et Tapetenfabrik Gebr. Rasch Gmbh & Co. KG devront effectivement avoir mis fin à leur participation aux activités illégales présumées. Afin de préserver l'efficacité des mesures d'enquête, la date de fin des participations aux pratiques est fixée au jour des opérations de visites et saisies qui seront diligentées par l'Autorité de la concurrence. "

321. En ce qui concerne la première condition, les sociétés Rasch France et Rasch Allemagne ont fourni une coopération totale, permanente et rapide, notamment en communiquant des documents relatifs aux pratiques dénoncées et en expliquant à la fois le périmètre, la durée, ainsi que l'objet et les modalités d'application de l'entente à l'occasion d'auditions, de demandes d'informations des rapporteurs ou dans leurs écritures. Aucun élément recueilli ne permet de dire que ces sociétés se seraient abstenues de communiquer immédiatement un élément de preuve qui serait venu en leur possession. Cette coopération ayant porté sur l'ensemble des pratiques dénoncées, le fait que la notification des griefs n'ait retenu qu'une partie des pratiques dénoncées ne saurait remettre en cause le respect de cette première condition par les intéressées.

322. En ce qui concerne la deuxième condition, aucun élément recueilli ne permet d'établir que les sociétés Rasch France et Rasch Allemagne auraient pris des mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions.

323. En ce qui concerne la troisième condition, aucun élément recueilli ne permet de dire que les sociétés Rasch France et Rasch Allemagne auraient détruit ou falsifié des preuves de l'entente présumée, ni divulgué leur intention de présenter une demande, sauf à d'autres autorités de concurrence.

324. En ce qui concerne la quatrième condition, il résulte de la notification des griefs et des éléments produits par les sociétés Rasch France et Rasch Allemagne pendant l'instruction et dans leurs observations que ces sociétés ont mis fin à leur participation aux activités illégales présumées après l'opération de visite et saisie intervenue dans ses locaux sur le territoire français le 30 novembre 2010 et ce, conformément aux obligations posées par l'Autorité dans son avis.

325. Il s'ensuit que les quatre conditions posées par l'Autorité dans son avis susvisé doivent être considérées comme étant remplies.

326. En conséquence, les demandeurs de clémence bénéficient de l'exonération totale de sanction encourue pour les pratiques qu'ils ont dénoncées.

c) Sur la prise en compte de la non-contestation des griefs

327. Le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce permet au rapporteur général de proposer à l'Autorité de tenir compte, dans le cadre de la détermination de la sanction, du fait qu'une entreprise ou un organisme choisit de ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés. Le rapporteur général peut, par ailleurs, lui proposer de tenir compte du fait que l'intéressé s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir.

328. En l'espèce, les sociétés MCF, SCE, Décoralis, AS Création France et AS Création Tapeten AG ont signé un procès-verbal de non-contestation de grief le 5 septembre 2013 (cotes nos 14874 à 14 877).

329. De même, les sociétés Zambaiti et Zambaiti International ont signé un procès-verbal de non-contestation de grief le 24 septembre 2013 (cotes nos 15004 à 15 007).

330. La renonciation à contester les griefs, qui a principalement pour effet d'alléger et d'accélérer le travail d'instruction, en particulier en dispensant les services d'instruction de la rédaction d'un rapport lorsqu'elle est le fait de l'ensemble des entreprises mises en cause, ne peut conduire à accorder aux intéressés qu'une réduction de sanction relativement limitée.

331. Les sociétés MCF, SCE, Décoralis, AS Création France, AS Création Tapeten AG, Zambaiti et Zambaiti International se verront accorder une réduction de 10 %.

d) Sur la quote-part de la sanction à attribuer à chacune des sociétés mères successives de MCF et SCE

332. MCF et SCE ont été possédées majoritairement par deux entreprises successives au cours des pratiques : par Décoralis jusqu'au 18 décembre 2008 puis par AS Création France (et AS Création Tapeten AG) à partir de cette date. Aucune des sociétés mères n'a contesté sa responsabilité solidaire pour la période considérée.

333. Dans le cas où une société auteur des pratiques a été rachetée pendant les pratiques reprochées, les deux sociétés mères successives, attraites en leur seule qualité de société mère à la procédure, sont chacune tenues solidairement responsables avec leur filiale du paiement de l'amende (arrêt de la Cour de justice du 14 avril 2014, Areva e.a. /Commission aff. jointes C-247-11 P et C-253-11 P). Les sociétés mères successives ne sauraient être solidaires entre elles de l'amende, la solidarité ne pouvant jouer qu'à l'intérieur d'une même unité économique, que cette unité existe encore ou non (voir point 129 de l'arrêt précité). En conséquence, la société auteur des pratiques ne peut se voir infliger une amende solidairement avec ses deux sociétés mères successives, sans établissement de quote-part.

334. Les durées de détention des sociétés mères successives pendant la période des pratiques et les pourcentages associés sont les suivants :

<emplacement tableaux>

e) Sur la situation financière des entreprises

335. Au titre des éléments propres à la situation de chaque entreprise ou organisme en cause, l'Autorité s'est en dernier lieu engagée à apprécier les difficultés financières particulières de nature à diminuer la capacité contributive dont les parties invoquent l'existence, selon les modalités pratiques indiquées dans le communiqué du 16 mai 2011 précité.

336. Dans un courrier du 18 avril 2014, l'Autorité de la concurrence a invité toutes les parties mises en cause à lui transmettre tout document permettant de justifier d'éventuelles difficultés financières susceptibles d'impacter leur capacité contributive. Il appartient en effet à l'entreprise de justifier l'existence de telles difficultés en s'appuyant sur des preuves fiables, complètes et objectives attestant de leur réalité et de leurs conséquences concrètes sur sa capacité contributive (voir, en ce sens, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, précité, p. 73).

337. L'examen des éléments financiers et comptables communiqués révèlent que :

- la société L'Éditeur a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, qui a été prononcée le 16 février 2011 et parue au BODACC le 3 mars 2011 ;

- concernant Grandeco, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 29 janvier 2013 ;

- la société Zambaiti est en cessation d'activité depuis le 16 décembre 2013 ;

338. Concernant ces sociétés, et au vu des éléments qui précèdent, conformément à la pratique constante de l'Autorité en cas de liquidation, il n'y a pas lieu d'infliger une sanction aux sociétés L'Éditeur et Grandeco.

339. Au vu du montant individualisé de la sanction rappelé au paragraphe 308 et de la situation financière de Zambaiti, il y a lieu de fixer à son égard une sanction de façon forfaitaire à 50 000 euros.

340. Les sociétés MCF, SCE, Décoralis, AS Création France et AS Création Tapeten AG n'ont pas fait état de difficultés financières particulières et n'ont transmis aucun document à l'Autorité.

341. Cependant, concernant l'ancien groupe constitué par les sociétés MCF, SCE et Décoralis, il apparaît que deux facteurs, dont la combinaison est particulière au cas d'espèce, doivent être pris en compte pour adapter le niveau de la sanction.

342. En premier lieu, la société Décoralis a connu des transformations importantes depuis 2008, date à laquelle Décoralis est devenue une holding financière qui ne réalise plus de chiffre d'affaires et a cessé d'établir des comptes consolidés.

343. Le plafond légal de Décoralis calculé, conformément à l'article 464-2, paragraphe 4, du Code de commerce, sur le chiffre d'affaires HT mondial le plus élevé de l'exercice précédant le début des pratiques à nos jours est basé sur son chiffre d'affaires consolidé réalisé en 2007. Ce plafond légal de 3,28 millions d'euros rappelé au paragraphe 314 ci-dessus est déconnecté de la situation financière actuelle de la holding Décoralis.

344. Bien qu'il soit très regrettable que cette société n'ait pas spontanément soulevé ces difficultés devant l'Autorité, il en découle que Décoralis ne sera pas en mesure d'assumer sa responsabilité solidaire à l'égard de ses anciennes filiales, qui devront donc payer seules cette sanction pour la période durant laquelle Décoralis a été jugée solidairement responsable.

345. La difficulté de cette situation pour les filiales se trouve redoublée par le déclin rapide du marché du papier peint, durement atteint par la désaffection entraînée par un effet de mode qui privilégie peintures et enduits. Comme il a été rappelé au paragraphe 20 ci-dessus, la vente de papier peint a été divisée par deux entre 2005 et 2011 et les difficultés du secteur du bâtiment ces dernières années n'ont fait qu'accentuer ce phénomène.

346. Dans ces conditions et dans la lignée de ce que l'Autorité avait déterminé dans la décision n° 11-D-19 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie, il convient de tenir compte de la baisse importante du chiffre d'affaires et du résultat de ces entreprises entre la période de commission des pratiques et la date à laquelle la sanction doit être payée.

347. Il convient donc de fixer la sanction infligée solidairement aux sociétés MCF, SCE et Décoralis à 1 985 000 euros.

348. En conséquence, la sanction de MCF est ramenée à 1 415 000 euros et la sanction de SCE à 3 564 000 euros.

5. SUR LE MONTANT FINAL DES SANCTIONS

349. La sanction finale totale de MCF et SCE s'élève à 4 979 000 euros. Conformément aux quotes-parts mises en évidence aux paragraphes 334 et 347, les sociétés mères successives de MCF et SCE que sont, d'une part, Décoralis et d'autre part, AS Création France et AS Création Tapeten AG, sont tenues solidairement responsables à hauteur respective de 1 985 000 euros pour la première et de 2 994 000 euros pour les secondes.

350. Par comparaison avec le plafond légal qui leur est propre, l'Autorité observe que le montant final de la sanction de la société Décoralis dont elle est solidairement responsable, soit 1 985 000 euros est inférieur à celui de son plafond légal de 3 283 362 euros (paragraphe 308 ci-dessus).

351. Eu égard à l'ensemble des éléments décrits plus haut, il y a lieu d'imposer aux entreprises en cause les sanctions suivantes :

<emplacement tableaux>

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que les sociétés L'Éditeur SA, Grandeco Wallfashion Group N.V, MCF Investissement SAS, Société de Conception et d'Édition SAS, Rasch France SARL, Zambaiti France SAS et Graham & Brown France SARL ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE.

Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société MCF Investissement SAS, une sanction de 1 415 000 euros ;

- à la Société de Conception et d'Édition SAS, une sanction de 3 564 000 euros ;

- à la société Zambaiti France SAS, solidairement avec sa société mère Zambaiti International, une sanction de 50 000 euros ;

- à la société Graham & Brown France SARL, solidairement avec sa société mère Graham & Brown Limited, une sanction de 247 000 euros.

Article 3 : Les sociétés Décoralis SA, AS Création France SAS et AS Création Tapeten AG sont déclarées solidairement responsables du paiement des sanctions infligées aux sociétés MCF Investissement SAS et Société de Conception et d'Édition SAS dans les conditions suivantes et à hauteur de :

- 1 985 000 euros pour la société Décoralis S.A en ce qui concerne le paiement des sanctions infligées aux sociétés MCF Investissement SAS et Société de Conception et d'Édition SAS ;

- 2 994 000 euros pour les sociétés AS Création France SAS et AS Création Tapeten AG en ce qui concerne le paiement des sanctions infligées aux sociétés MCF Investissement SAS et Société de Conception et d'Édition SAS

Article 4 : Il n'y a pas lieu d'infliger de sanction pécuniaire aux sociétés L'Éditeur S.A et Grandeco Wallfashion Group NV

Article 5 : La société Rasch France SAR.L et sa société mère la société Tapetenfabrik Gebr. Rasch GmbH & Co. KG sont exonérées de sanction pécuniaire au titre des pratiques visées à l'article 1er, par application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

Délibéré sur le rapport oral de Madame Catherine Gonzales, et l'intervention de Madame Juliette Théry-Schultz, rapporteur général adjoint, par Mme Élisabeth Flüry-Hérard, vice-présidente, présidente de séance, Mmes Pierrette Pinot et Séverine Larere, MM. Noël Diricq et Philippe Choné, membres.