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Décisions

ADLC, 18 décembre 2014, n° 14-D-19

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d'hygiène et de soins pour le corps

ADLC n° 14-D-19

18 décembre 2014

L'Autorité de la concurrence (Section III),

Vu la demande du groupe SC Johnson et de ses filiales, et en particulier la filiale française SC Johnson SAS formulée auprès du rapporteur général du Conseil de la concurrence le 6 décembre 2005 enregistrée sous le numéro 05/0100AC et tendant à obtenir le bénéfice du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu la décision 06-SO-01 en date du 6 janvier 2006 par laquelle le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de l'examen de pratiques d'entente mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides en France (affaire enregistrée sous le numéro 06/0001F) ; Vu la demande de la société Colgate-Palmolive formulée auprès du rapporteur général du Conseil de la concurrence le 24 février 2006, enregistrée sous le numéro 06/0018AC et tendant à obtenir le bénéfice du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce concernant des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien ; Vu la demande de la société Colgate-Palmolive formulée auprès du rapporteur général du Conseil de la concurrence le 28 février 2006, enregistrée sous le numéro 06/0019AC et tendant à obtenir le bénéfice du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce concernant des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'hygiène et de soins du corps ; Vu la décision 06-SO-04 en date du 20 juin 2006 par laquelle le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de l'examen des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'hygiène et de soins du corps (affaire enregistrée sous le numéro 06/0042F) ; Vu la demande de la société Henkel France et de ses filiales formulée auprès du rapporteur général du Conseil de la concurrence le 28 avril 2008, enregistrée sous le numéro 08/0044AC et tendant à obtenir le bénéfice du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce concernant des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien ; Vu la demande de la société Henkel France et de ses filiales formulée auprès du rapporteur général du Conseil de la concurrence le 24 juillet 2008, enregistrée sous le numéro 08/0084AC et tendant à obtenir le bénéfice du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce concernant des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'hygiène et de soins du corps ; Vu la décision en date du 21 janvier 2009 par laquelle le rapporteur général du Conseil de la concurrence a procédé à la disjonction de la partie des saisines n° 06/0001F et n° 06/0042F relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives en France et à l'ouverture d'un dossier distinct pour cette affaire sous le n° 09/0007F ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne, devenus 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, et notamment son article 5 ; Vu les décisions de secret des affaires n° 06-DSA-08 du 14 avril 2006, 06-DSA-62 du 6 novembre 2006, 06-DSA-71 et 72 du 22 novembre 2006, 10-DSA-200, 10-DSA-201 et 10-DSA-202 du 28 septembre 2010, 11-DSA-141, 11-DSA-142 et 11-DSA-143 du 27 juin 2011, 11-DSA-146 du 28 juin 2011, 11-DSA-198 et 11-DSA-211 du 29 juin 2011, 12-DSA-186 et 12-DSA-187 du 14 mai 2012, 12-DSA-198 du 21 mai 2012, 12-DSA-274 et 12-DSA-275 du 20 août 2012, 12-DSA-325 du 3 octobre 2012, 12-DSA-413 du 11 décembre 2012, 13-DSA-11, 13-DSA-30, 13-DSA-33, 13-DSA-34 et 13-DSA-35 du 29 janvier 2013, 13-DSA-36, 13-DSA-37 et 13-DSA-39 du 30 janvier 2013, 13-DSA-40 et 13-DSA-41 du 31 janvier 2013, 13-DSA-67 du 15 février 2013, 13-DSA-76 du 4 mars 2013, 13-DSA-87 du 8 mars 2013, 13-DSA-125 du 18 avril 2013, 13-DSA-137 du 23 avril 2013, 13-DSA-227 du 5 août 2013, 13-DSA-217 du 9 septembre 2013, 13-DSA-250, 13-DSA-251 et 13-DSA-252 du 10 septembre 2013, 13-DSA-253 du 11 septembre 2013, 13-DSA-272 du 3 octobre 2013, 13-DSA-334, 13-DSA-335, 13-DSA-336, 13-DSA-337 et 13-DSA-338 du 23 décembre 2013, 14-DSA-53 du 4 mars 2014, 14-DSA-240, 14-DSA-241, 14-DSA-242, 14-DSA-243, 14-DSA-244, 14-DSA-245, 14-DSA-246, 14-DSA-247 et 14-DSA-248 du 25 août 2014 ; Vu les décisions de déclassement n° 13-DECR-06 du 22 février 2013, 13-DEC-24 du 12 avril 2013, 13-DECR-19 du 15 avril 2013, 13-DECR-21, 13-DECR-22 et 13-DEC-25 du 16 avril 2013, 13-DECR-20 du 17 avril 2013, 13-DECR-26, 13-DECR-27 et 13-DECR-28 du 24 avril 2013, 13-DEC-29 du 30 avril 2013, 14-DEC-05 du 21 février 2014, 14-DECR-06, 14-DECR-07, 14-DECR-08, 14-DECR-09, 14-DEC-06, 14-DEC-07 du 4 mars 2014, 14-DECR-12 du 17 mars 2014 ; Vu le procès-verbal du 19 juillet 2013 par lequel les sociétés Topaze, Unilever France et Unilever France Holdings ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 22 juillet 2013 par lequel la société Johnson & Johnson Santé Beauté France a déclaré ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés et a demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 8 août 2013 par lequel la société SCA Tissue France a déclaré ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés et a demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 8 août 2013 par lequel les sociétés Vania Expansion et Johnson et Johnson Consumer Holdings France ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 22 août 2013 par lequel les sociétés Henkel France et Henkel AG & Co KGaA ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 28 août 2013 par lequel les sociétés Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud et Reckitt Benckiser PLC ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 30 août 2013 par lequel les sociétés Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services et Colgate-Palmolive Company ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 30 août 2013 par lequel les sociétés Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France et the Procter & Gamble Company ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 2 septembre 2013 par lequel les sociétés Beiersdorf SAS, Beiersdorf Holding France SARL et Beiersdorf AG ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Topaze, Unilever France, Unilever France Holdings, Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France, The Procter & Gamble Company, Henkel France, Henkel AG & Co. KGaA, Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services, Colgate-Palmolive Company, Colgate-Palmolive venant aux droits de Sara Lee Household and Body Care France, Hillshire Brands Company, SC Johnson SAS, SC Johnson & Son, Inc. , Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud, Reckitt Benckiser PLC, Bolton Solitaire SAS, Bolton Manitoba S. p. A. , Procter & Gamble France venant aux droits de la société Groupe Gillette France, The Procter & Gamble Company venant aux droits de The Gillette Company, Johnson & Johnson Santé Beauté France, SCA Tissue France, Johnson & Johnson Consumer Holdings France, Vania Expansion, Lascad, L'Oréal, Beiersdorf SAS, Beiersdorf Holding France SARL, Beiersdorf AG et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Topaze, Unilever France, Unilever France Holdings, Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France, The Procter & Gamble Company, Henkel France, Henkel AG & Co. KGaA, Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services, Colgate-Palmolive Company, Colgate-Palmolive venant aux droits de Sara Lee Household and Body Care France, Hillshire Brands Company, SC Johnson SAS, SC Johnson & Son, Inc. , Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud, Reckitt Benckiser PLC, Bolton Solitaire SAS, Bolton Manitoba S. p. A. , Procter & Gamble France venant aux droits de la société Groupe Gillette France, The Procter & Gamble Company venant aux droits de The Gillette Company, Johnson & Johnson Santé Beauté France, SCA Tissue France, Johnson & Johnson Consumer Holdings France, Vania Expansion, Lascad, L'Oréal, Beiersdorf SAS, Beiersdorf Holding France SARL, Beiersdorf AG entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 16 octobre 2014 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA PROCÉDURE

1. L'AFFAIRE 06/0001F RELATIVE À DES PRATIQUES DANS LE SECTEUR DES PRODUITS D'ENTRETIEN ET DES INSECTICIDES MÉNAGERS

1. Par procès-verbal du 6 décembre 2005, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a reçu une demande de clémence de la société SC Johnson et de ses filiales, en particulier sa filiale française SC Johnson SAS, concernant des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers en France (ci-après " le secteur des produits d'entretien "). À cette occasion, la société a révélé l'existence de pratiques d'entente, prenant la forme d'échanges d'informations confidentielles, entre SC Johnson SAS et les sociétés Bolton Solitaire, Colgate-Palmolive, Henkel, Laboratoires Vendôme, Reckitt Benckiser et Sara Lee.

2. Après examen de cette demande, le Conseil de la concurrence a rendu, le 6 janvier 2006, l'avis de clémence n° 06-AC-01, accordant à la société SC Johnson et à ses filiales, en particulier sa filiale française SC Johnson SAS, le bénéfice conditionnel de la clémence, avec une exonération totale de sanction.

3. Par décision n° 06-SO-01 du 6 janvier 2006, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de l'examen de pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien.

4. Le 10 janvier 2006, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a adressé au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après, le directeur général de la concurrence) une demande d'enquête dans le secteur des produits d'entretien.

5. Le 3 février 2006, après autorisation du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre, ont été diligentées, par la direction nationale des enquêtes de concurrence, consommation et répression des fraudes (ci-après " DNECCRF "), des opérations de visite et saisie. Ces opérations se sont déroulées dans une brasserie parisienne, le Royal Villiers, ainsi qu'aux sièges des sept sociétés en cause. L'opération de visite et saisie organisée au restaurant le Royal Villiers a eu lieu pendant une réunion entre Colgate-Palmolive, SC Johnson, Henkel, Bolton Solitaire et Sara Lee.

6. Le 24 février 2006, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a reçu une demande de clémence de la société Colgate-Palmolive concernant des pratiques d'entente mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien. Dans ce cadre, Colgate-Palmolive a apporté de nouveaux éléments relatifs aux pratiques d'échanges d'informations confidentielles dénoncées par SC Johnson.

7. Le 19 juin 2006, le Conseil de la concurrence a rendu un avis de clémence n° 06-AC-05 accordant à la société Colgate-Palmolive le bénéfice conditionnel de la clémence, avec une exonération partielle comprise entre 40 et 50 % du montant des sanctions encourues.

2. L'AFFAIRE 06/0042F RELATIVE À DES PRATIQUES MISES EN OEUVRE DANS LE SECTEUR DES PRODUITS D'HYGIÈNE ET DE SOINS POUR LE CORPS

8. Par procès-verbal du 28 février 2006, la société Colgate-Palmolive a révélé l'existence de pratiques d'entente, prenant la forme d'échanges d'informations confidentielles, dans un autre secteur, celui des produits d'hygiène et de soins du corps (ci-après " le secteur des produits d'hygiène ").

9. Après examen de cette demande, le Conseil de la concurrence a rendu, le 19 juin 2006, l'avis de clémence n° 06-AC-06, accordant à la société Colgate-Palmolive le bénéfice conditionnel de la clémence, avec une exonération totale de sanction.

10. Par décision n° 06-SO-04 du 20 juin 2006, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de l'examen de pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'hygiène.

11. Le 23 juin 2006, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a adressé au directeur général de la concurrence deux nouvelles demandes d'enquête, l'une complémentaire relative au secteur des produits d'entretien et l'autre relative au secteur des produits d'hygiène.

12. Le 6 juillet 2006, des opérations de visite et saisie ont été diligentées par la DNECCRF dans le cadre de deux ordonnances délivrées par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre. Concernant le secteur des produits d'entretien, ces opérations ont visé les sociétés Colgate-Palmolive, Henkel France, Procter & Gamble France, Reckitt Benckiser France, Unilever France, Lever Fabergé France ainsi que l'Institut de liaison et d'études des industries de consommation (ci-après " ILEC ") et PBMO Corporate. Concernant le secteur des produits d'hygiène, ces opérations ont visé les sociétés Beiersdorf, Colgate-Palmolive, Georgia Pacific France, Vania Expansion SNC, Groupe Gillette France, Henkel France, Schwarzkopf, Lascad, L'Oréal, Gemey Maybelline Garnier, Procter & Gamble France, Unilever France et Lever Fabergé France ainsi que l'ILEC et l'institut PBMO Corporate.

3. LA JONCTION DES AFFAIRES 06/0001F ET 06/0042F

13. Par décision du 23 octobre 2006 du rapporteur général du Conseil de la concurrence, les affaires 06/0001F et 06/0042F ont été jointes.

14. Un rapport administratif d'enquête dans le secteur des produits d'entretien ainsi que sur celui des produits d'hygiène a été transmis le 3 juin 2008 au Conseil de la concurrence par le directeur général de la concurrence.

4. LES DEMANDES DE CLÉMENCE D'HENKEL ET PROCTER & GAMBLE

a) Les demandes de clémence d'Henkel

En ce qui concerne le secteur des produits d'entretien

15. Le 28 avril 2008, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a reçu une demande de clémence de la société Henkel France et de ses filiales concernant des pratiques d'entente, prenant notamment la forme d'échanges d'informations confidentielles, mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien.

16. Le 21 janvier 2009, le Conseil de la concurrence a rendu l'avis de clémence n° 09-AC-01 accordant à la société Henkel France le bénéfice conditionnel de la clémence pour les pratiques prenant la forme d'échanges d'informations confidentielles, avec une exonération partielle d'amende de 10 à 20 %.

En ce qui concerne le secteur des produits d'hygiène

17. Le 28 avril 2008, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a reçu une demande de clémence de la société Henkel dénonçant des pratiques d'entente concernant uniquement les produits de douche et les produits d'hygiène dentaire.

18. Par un avis n° 10-AC-04 du 25 octobre 2010, l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") a rejeté cette demande au motif notamment qu'Henkel n'avait pas apporté d'éléments de preuves suffisants pour établir l'existence d'une entente, concernant les produits de douche et les produits dentaires, distincte de l'entente prenant la forme des échanges d'informations dénoncés dans le secteur des produits d'hygiène.

19. Le 24 juillet 2008, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a reçu une nouvelle demande de clémence de la société Henkel concernant des pratiques d'entente mises en œuvre dans le secteur des produits d'hygiène.

20. Eu égard aux différents éléments apportés par Henkel, l'Autorité, dans son avis n° 11-AC-01 du 7 mars 2011, a accordé à Henkel une exonération partielle d'amende comprise entre 20 et 30 %.

b) La demande de clémence de Procter & Gamble

21. Le 26 septembre 2008, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a reçu une demande de clémence de la société the Procter & Gamble Company et de ses filiales concernant des pratiques d'entente mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien.

22. En raison de l'absence de valeur ajoutée des éléments apportés par l'entreprise par rapport à ceux dont le Conseil disposait déjà, la demande de clémence de Procter & Gamble relative à des pratiques prenant la forme d'échanges d'informations confidentielles entre fournisseurs de produits d'entretien a été rejetée.

5. TABLEAU RÉCAPITULATIF DES DEMANDES DE CLÉMENCE

23. Le tableau récapitulatif suivant présente les différents avis de clémence ainsi que le niveau envisagé de réduction d'amende conditionnelle :

<Emplacement tableau>

6. LA DISJONCTION DES DOSSIERS 06/0001F ET 06/0042F ET L'OUVERTURE DU DOSSIER 09/0007F CONCERNANT DES PRATIQUES MISES EN OEUVRE DANS LE SECTEUR DES LESSIVES EN FRANCE

36. Par décision du 21 janvier 2009, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a procédé à la disjonction des dossiers 06/0001F et 06/0042F, d'une part, et à l'ouverture du dossier 09/0007F, d'autre part, dans lequel ont été versées les pièces du dossier portant sur des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives en France.

37. Pour mémoire, le dossier 09/0007F a donné lieu à l'adoption de la décision de l'Autorité n° 11-D-17 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives en France, rendue le 8 décembre 2011. À l'occasion de cette décision, Henkel, Colgate-Palmolive, Unilever et Procter & Gamble ont été sanctionnées pour avoir participé à une entente portant sur la fixation du prix des lessives standard en France, pour une période comprise entre le 18 septembre 1997 et le 1er aout 2004 (septembre 2003 pour Colgate-Palmolive), pratique qui a été suspendue entre le mois d'octobre 1998 et le 2 novembre 1999. Cette entente a consisté en la fixation, en commun, des écarts de prix entre les différentes gammes de lessives et des hausses de tarifs appliquées à ces différents produits ainsi qu'en la coordination des politiques promotionnelles des différents participants à l'entente. Cette décision a été entièrement confirmée par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 30 janvier 2014 qui n'a fait l'objet d'aucun pourvoi. Elle est désormais définitive.

B. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

38. Les pratiques en cause se sont déroulées dans deux secteurs distincts : 1) les produits d'hygiène et de soins du corps et 2) les produits d'entretien et les insecticides ménagers. Elles concernent uniquement les produits commercialisés dans les réseaux de grande distribution. Dans ce contexte, les entreprises mises en cause peuvent être réparties en trois catégories, selon qu'elles sont actives, auprès des enseignes de la grande distribution, dans les deux secteurs (1), dans le seul secteur des produits d'entretien (2) ou dans le seul secteur des produits d'hygiène (3).

39. À cet égard, la classification de chacune des entreprises est faite par rapport à sa situation au moment des pratiques (entre 2003 et 2006). Ainsi, une entreprise qui a été, pendant tout ou partie de la période concernée par l'instruction, active sur les deux secteurs concernés mais qui a, depuis, cédé ses actifs dans l'intégralité d'un des secteurs visés demeure considérée, dans les développements qui suivent, comme un acteur bisectoriel.

1. LES ENTREPRISES BISECTORIELLES

40. Les entreprises présentées ci-après étaient actives à la fois dans le secteur des produits d'entretien et dans le secteur des produits d'hygiène.

a) Colgate-Palmolive

41. Fondé en 1806 aux États-Unis, Colgate-Palmolive est un groupe international de biens de grande consommation, qui commercialise ses produits dans plus de 200 pays et emploie environ 38 000 personnes dans le monde.

42. Les produits fabriqués et commercialisés par Colgate-Palmolive dans les secteurs concernés par l'instruction sont classés en trois catégories : l'hygiène bucco-dentaire, le soin du corps et l'entretien de la maison. Colgate-Palmolive commercialise ses produits au travers de marques dont les plus connues sont Colgate, Palmolive, Sanex, etc. Colgate-Palmolive est également actif dans la fabrication et la commercialisation d'aliments diététiques pour animaux domestiques sous la marque Hill's, présente en France.

43. Colgate-Palmolive est coté à la bourse de New-York. En 2013, son chiffre d'affaires mondial consolidé s'est élevé à 17,420 milliards de dollars.

44. Concernant les principales filiales françaises du groupe, l'activité de holding est dévolue à Colgate-Palmolive Services (RCS 552 136 780). Son chiffre d'affaires en 2012 s'élevait à 46 millions d'euros. La commercialisation des produits est dévolue à Colgate-Palmolive (RCS 478 991 649) qui distribue notamment, en France, des produits d'hygiène bucco-dentaire, des produits de soins du corps et des produits d'entretien de la maison. Son chiffre d'affaires en 2013 s'élevait à environ 579 millions d'euros. Le groupe dispose également d'une filiale dénommée Colgate-Palmolive industriel (RCS : 478 989 668).

b) Henkel

45. Fondé en 1876 à Düsseldorf, Henkel est un groupe international actif dans 125 pays, qui emploie environ 47 000 personnes. Henkel est aujourd'hui présent dans trois grands secteurs d'activité : les détergents, les cosmétiques et les adhésifs, avec des produits destinés aux particuliers et aux professionnels. Ils sont commercialisés sous les marques Vademecum, Diadermine, Fa, Mont Saint Michel, Bref, Somat, Mir, Persil...

46. Henkel est coté à la bourse de Francfort. En 2013, le groupe a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 16,35 milliards d'euros.

47. Henkel s'est implanté en France en 1967, où il a développé ses trois secteurs d'activités précités. Il emploie environ 1 300 personnes sur le territoire français.

48. En France, Henkel est structuré autour de trois sociétés :

- Henkel France SA (RCS : 552 117 590), qui fournit des produits détergents, des produits cosmétiques et des adhésifs à destination des particuliers. En 2013, son chiffre d'affaires s'élevait à environ 742 millions d'euros.

- Schwarzkopf SAS (RCS : 326 280 096), qui fournit des produits cosmétiques à destination des professionnels. En 2013, son chiffre d'affaires s'élevait à 47 millions d'euros.

- Henkel Technologies France SAS (RCS : 592 067 136), qui fournit des technologies adhésives à destination des professionnels. En 2013, son chiffre d'affaires s'élevait à 275 millions d'euros.

c) Procter & Gamble

49. Créé aux Etats-Unis en 1837, Procter & Gamble est un groupe de dimension internationale présent dans le secteur des biens de consommation courante qui emploie environ 120 000 personnes à travers le monde.

50. La tête de groupe, the Procter & Gamble Company, dont le siège social est situé aux États-Unis (Ohio), est cotée aux bourses de New York et de Paris. Lors du dernier exercice clos au 30 juin 2013, le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxe du groupe s'est élevé à 84,2 milliards de dollars.

51. En France, le groupe est actif dans les secteurs des produits de lavage et d'entretien de la maison, des produits d'hygiène et de beauté, des produits alimentaires, des produits de parfumerie vendus en distribution sélective et des produits pharmaceutiques. Il emploie environ 2 600 personnes.

52. Lors de l'exercice fiscal 2012/2013, la holding française de Procter & Gamble (RCS : 542 106 109) a réalisé un chiffre d'affaires de 12,8 millions d'euros.

53. Sa filiale Procter & Gamble France SAS (RCS : 391 543 576) est dédiée à la commercialisation de produits de lavage, d'entretien, de couches, de produits d'hygiène-beauté, de rasage, d'énergie portable, de petit électroménager et d'alimentation. Lors de l'exercice fiscal 2012/2013, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 1,71 milliard d'euros.

54. Procter & Gamble a acquis la société Gillette en 2005. En France, la fusion entre les deux entreprises s'est déroulée en plusieurs étapes. En novembre 2005, Groupe Gillette France est devenu une filiale de Procter & Gamble. En mars 2006, la structure commune a été mise en place (cote 22 610). Enfin, la fusion des entreprises a été réalisée le 1er janvier 2007.

d) Unilever

55. Créé en 1930 en Grande-Bretagne, Unilever est un groupe actif dans 190 pays, qui emploie environ 170 000 personnes. Il opère dans trois grands secteurs d'activité : les détergents et produits d'entretien de la maison, les produits d'hygiène corporelle et de soins du corps et les produits alimentaires. Unilever détient un large portefeuille de marques de notoriété internationale, telles que Lipton, Dove, Knorr, Axe, Rexona, Cif, Skip, etc.

56. En 2013, le groupe Unilever a réalisé un chiffre d'affaires mondial consolidé de 49,8 milliards d'euros.

57. Les sociétés mères du groupe Unilever, Unilever NV et Unilever PLC sont cotées aux bourses de Londres (Unilever PLC), d'Amsterdam (Unilever NV) et de New-York (Unilever NV et Unilever PLC).

58. Le groupe Unilever emploie environ 2 800 personnes en France.

59. Jusqu'en 2001, les produits du groupe étaient commercialisés en France par la société Lever. C'est ensuite la société Lever Fabergé France, née de la fusion entre Lever et Elida Fabergé en 2001, qui a repris la commercialisation des produits du groupe jusqu'en avril 2005, date à laquelle cette société (devenue Unilever France Home and Personal Care Société Industrielle, RCS : 501 569 594) a confié son fonds de commerce en location-gérance à la société Unilever France (RCS : 552 119 216). Cette dernière a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires de 2,7 milliards d'euros.

e) Reckitt Benckiser

60. Créé en 1999, le groupe Reckitt Benckiser est issu de la fusion de la société allemande Benckiser et de la société britannique Reckitt & Colman. Présent dans près de 200 pays à travers le monde, le groupe emploie environ 37 000 collaborateurs. Il est actif dans quatre secteurs : les produits d'entretien de la maison, les produits d'hygiène et de soins du corps, et à titre secondaire, les produits alimentaires et les produits pharmaceutiques. Reckitt Benckiser commercialise des produits notamment sous les marques Air-Wick, Cillit Bang, Calgon, Calgonit, Harpic, Vanish dans le secteur des produits d'entretien et sous les marques Scholl, Stéradent dans le secteur des produits d'hygiène et de soins du corps.

61. Reckitt Benckiser est coté à la bourse de Londres. En 2013, le chiffre d'affaires mondial du groupe s'élevait à 10,043 milliards de livres.

62. En France, le groupe est l'un des leaders sur le marché des produits d'entretien de la maison. Il est également un acteur important sur le marché des produits d'hygiène et des produits pharmaceutiques utilisés en automédication. Le groupe employait environ 700 personnes en 2012.

63. Le groupe Reckitt Benckiser est présent, en France, par l'intermédiaire de deux filiales. La société Reckitt Benckiser France (RCS : 562 102 558) a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 704 millions d'euros en 2013. La société Reckitt Benckiser Healthcare France (RCS : 389 514 555), en charge de l'activité pharmaceutique du groupe, a réalisé un chiffre d'affaires de 122 millions d'euros en 2012.

f) Sara Lee

64. Créé en 1939 aux États-Unis, le groupe Sara Lee a réalisé, en 2011, un chiffre d'affaires d'environ 6,5 milliards d'euros. La structure du groupe a été récemment remodelée, au gré d'un recentrage des activités du groupe dans le secteur alimentaire.

65. L'essentiel de l'activité du groupe a toujours concerné le secteur alimentaire, en particulier les boissons et les produits d'épicerie. Toutefois, jusqu'à la fin des années 2000, y compris à la période des pratiques concernées par l'instruction, le groupe était également actif dans le secteur des produits d'hygiène et dans celui de l'entretien et des insecticides, notamment à travers les marques Sanex, Monsavon, Ambipur et Catch. Il s'est progressivement désengagé de ces secteurs d'activité.

66. À la suite du recentrage de Sara Lee dans le secteur alimentaire, le groupe s'est scindé, en juillet 2012, en deux entités : Hillshire Brands Company pour ses activités en Amérique du Nord et D. E. Masters Blenders 1753 pour ses activités internationales dans le secteur du thé et du café. Le 28 août 2014, Hillshire Brands Company a fusionné avec Tyson Foods, Inc. , groupe américain fondé en 1935, spécialisé dans l'industrie alimentaire et plus spécifiquement les viandes, qui emploie 115 000 salariés dans le monde et a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires de 34,3 milliards de dollars.

67. En France, au cours de l'année 2011, Sara Lee s'est retiré du secteur des produits d'hygiène et d'entretien. La filiale qui était en charge des secteurs des produits d'hygiène et d'entretien, la société Sara Lee Household and Bodycare France (RCS : 708 202 718), a été absorbée, le 1er décembre 2011, après avoir cédé certaines de ses activités, par Colgate-Palmolive SAS qui appartient au groupe Colgate-Palmolive. L'activité " désodorisants d'intérieurs " a été cédée à Procter & Gamble en juillet 2010, l'activité " cirage " et le fonds de commerce Pyrel (insecticides) ont été cédés à SC Johnson respectivement en avril et octobre 2011, l'activité " hygiène-beauté " a été cédée à Unilever le 6 décembre 2010 et, en dernier lieu, le fonds de commerce Catch a été cédé à la société Eau Ecarlate en décembre 2011.

g) Laboratoires Vendôme

68. Créé en 1981 à Dijon, Laboratoires Vendôme est une entreprise spécialisée dans le secteur des produits d'hygiène et de soins du corps. Malgré sa taille plus modeste, elle était, au cours de la période étudiée, l'un des acteurs importants sur le marché français des produits d'hygiène, grâce à ses marques Le Petit Marseillais et Prim'âge.

69. En 2005, Laboratoires Vendôme a acquis la société Savonnerie et Parfumerie Bernard. Cette opération a permis à Laboratoires Vendôme de pénétrer le secteur des produits d'entretien, grâce à l'acquisition de produits vendus sous la marque " La Perdrix " ainsi que de lessives. La reprise, par Laboratoires Vendôme, de la commercialisation des produits d'entretien acquis auprès de la société Savonnerie Bernard, remonte au 1er juin 2005 (cote 33 870). Laboratoires Vendôme s'est aujourd'hui désengagé de cette activité.

70. En 2011, à la suite de l'acquisition de Laboratoires Vendôme par le groupe Johnson & Johnson, la société est devenue Johnson & Johnson Santé Beauté France (RCS : 479 824 724). Elle emploie environ 850 personnes. En 2013, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 499 millions d'euros.

71. Concernant le groupe Johnson & Johnson, auquel Laboratoires Vendôme est désormais rattaché, il est actif dans le secteur des produits pharmaceutiques et des produits d'hygiène (sous les marques Roc, Neutrogena...) et a réalisé un chiffre d'affaires de 71,3 milliards de dollars en 2013 (soit environ 53 milliards d'euros). Il emploie environ 125 000 salariés dans le monde.

2. LES ENTREPRISES MONOSECTORIELLES ACTIVES DANS LE SECTEUR DES PRODUITS D'ENTRETIEN ET DES INSECTICIDES MÉNAGERS

a) SC Johnson

72. Créé en 1886 aux États-Unis, le groupe SC Johnson est l'un des leaders du marché des produits d'entretien et des insecticides. Présent dans plus de 70 pays, le groupe emploie environ 13 000 personnes dans le monde. Il a réalisé un chiffre d'affaires annuel de plus de 7,35 milliards de dollars en juin 2013.

73. SC Johnson s'est implanté en France en 1931, sa filiale française, SC Johnson SAS (RCS : 548 274 042), étant aujourd'hui la deuxième filiale du groupe. En 2013, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 173,67 millions d'euros. Elle emploie environ 150 personnes.

74. SC Johnson est un acteur majeur sur le segment des produits insecticides en France avec les marques Baygon et Raid. Il est également présent dans le secteur des produits d'entretien, grâce aux marques Brise (Glade), K2R, Canard WC.

b) Bolton Solitaire

75. Créé en Italie en 1949, le groupe Bolton est présent dans 125 pays et emploie plus de 3 000 salariés. Il est actif sur différents marchés : l'alimentaire (45 %), les produits d'hygiène et de beauté (24 %), les produits d'entretien (18 %) et les produits adhésifs (13 %). Il est présent grâce à une cinquantaine de marques leaders, dont Omino Bianco, Carolin, WC Net, UHU, Sanogyl... Le groupe a réalisé en 2013 un chiffre d'affaires de 1,52 milliards d'euros.

76. En France, le groupe est actif par l'intermédiaire de plusieurs filiales : Griffon France, Rogé Cavaillès, Saupiquet, UHU France et Bolton Solitaire (RCS : 349 048 819). Cette dernière a réalisé un chiffre d'affaires de 64,68 millions d'euros en 2013. Elle emploie environ 75 collaborateurs. Jusqu'en 2006, date à laquelle le groupe Bolton a acquis Sanogyl, Bolton Solitaire n'était pas actif sur le marché des produits d'hygiène. Ainsi, à l'époque des faits, Bolton Solitaire n'était actif, en France, que dans le secteur des produits d'entretien, grâce notamment aux marques Omino Bianco, Carolin et WC net.

3. LES ENTREPRISES MONOSECTORIELLES ACTIVES DANS LE SECTEUR DES PRODUITS D'HYGIÈNE ET DE SOINS POUR LE CORPS

a) L'Oréal

77. Créé en 1909 en France, le groupe L'Oréal est présent dans 130 pays et emploie près de 75 000 salariés dans le monde. L'Oréal est le leader mondial des produits cosmétiques et a réalisé en 2013 un chiffre d'affaires de 22,98 milliards d'euros. L'Oréal est coté à la bourse de Paris. Le groupe est actif à la fois sur le marché à destination des professionnels et sur le marché grand public.

78. En France, le groupe L'Oréal est le leader sur le marché des produits cosmétiques. La division grand public du groupe est structurée autour de trois sociétés. L'Oréal (RCS : 632 012 100), maison mère du groupe L'Oréal en France, emploie près de 6 000 salariés. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 2,78 milliards d'euros en 2013. Elle gère les produits haut de gamme, vendus sous la marque L'Oréal. La filiale Gemey Maybelline Garnier (RCS : 339 419 962) est en charge des produits de milieu de gamme, vendus par exemple sous les marques Garnier et Gemey Maybelline. La filiale Lascad (RCS : 319 472 775) est en charge des produits standards, vendus par exemple sous les marques Ushuaia, Narta, Mixa, Mennen ou Eau Jeune.

b) Beiersdorf

79. Créé en 1882 en Allemagne, Beiersdorf est actif dans 150 pays et emploie environ 16 000 personnes dans le monde. Le groupe Beiersdorf est présent sur le marché des produits d'hygiène et de soins du corps, sa spécialité étant les soins de la peau. Les produits du groupe Beiersdorf sont vendus sous trois marques principales : Nivea, Eucerin (marque disponible en pharmacie) et la Prairie (marque très haut de gamme). Seule la marque Nivea est vendue dans la grande distribution. En 2013, le groupe Beiersdorf a réalisé un chiffre d'affaires de 6,14 milliards d'euros. Il est coté à la bourse de Francfort.

80. En France, le groupe Beiersdorf est représenté par deux sociétés. Beiersdorf SAS (RCS : 552 088 973) a réalisé un chiffre d'affaires annuel de 249 millions d'euros en 2013. Elle emploie environ 300 personnes. Le groupe est également présent par l'intermédiaire de la société Beiersdorf Holding France SARL (RCS : 421 237 702).

c) Gillette

81. Le groupe Gillette était actif sur le marché des produits d'hygiène et de soins du corps jusqu'en octobre 2005, date à laquelle Gillette et Procter & Gamble ont fusionné aux États-Unis. En France, Gillette a été définitivement incorporée au groupe Procter & Gamble à la suite de l'absorption de la société Groupe Gillette France par Procter & Gamble France le 1er janvier 2007.

82. Gillette commercialisait des produits de rasage, des produits destinés à l'hygiène bucco-dentaire, par l'intermédiaire de la marque Oral-B et des produits de soins commercialisés sous la marque Gillette.

83. En France, le groupe était actif à travers la société Groupe Gillette France (RCS : 325 420 131). Elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 23 janvier 2007, après son absorption par la société Procter & Gamble France. À la suite de l'acquisition de Gillette par Procter & Gamble, l'intégralité des activités du groupe a été transférée à Procter & Gamble.

d) Vania

84. La société Vania Expansion (RCS : 333 297 760) commercialisait, à l'époque des pratiques, en France, des produits d'hygiène féminine ainsi que d'autres produits de soins du corps. En 2013, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 828 299 euros.

85. Initialement détenue à 50 % par la société Georgia Pacific France et à 50 % par le groupe Johnson & Johnson, Vania a été acquise intégralement en 2009 par le groupe Johnson & Johnson, dont l'activité a été présentée ci-dessus.

C. LES SECTEURS CONCERNÉS

1. DÉFINITION GÉNÉRALE DES SECTEURS CONCERNÉS

86. Les entreprises visées sont actives dans le secteur de l'approvisionnement en produits d'hygiène et de soins pour le corps des enseignes de la grande distribution (ci-après " le secteur de l'hygiène " ou le " secteur de l'approvisionnement en produit d'hygiène ") et/ou dans le secteur de l'approvisionnement en produits d'entretien et en insecticides ménagers des enseignes de la grande distribution (ci-après " le secteur de l'entretien " ou le " secteur de l'approvisionnement en produit d'entretien ").

87. Les pratiques ont exclusivement concerné la commercialisation de produits de ces deux secteurs aux réseaux de la grande distribution (essentiellement hypermarchés et supermarchés).

a) Secteur de l'hygiène

88. Plusieurs éléments permettent de distinguer le secteur des produits d'hygiène.

89. Tout d'abord, le Conseil de la concurrence a indiqué, dans une décision de 2008, qu'il existait un secteur des produits cosmétiques et d'hygiène corporelle définis par l'article L. 5131-1 du Code de la santé publique(1).

90. À l'époque des faits, cet article disposait : " on entend par produit cosmétique toute substance ou préparation destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain, notamment l'épiderme, les systèmes pileux et capillaire, les ongles, les lèvres et les organes génitaux externes, ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d'en modifier l'aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles ". Cette définition modifiée, à la marge, par la loi du 5 janvier 2011, est complétée par l'arrêté du 30 juin 2000 qui dresse, à son article 1er, une liste non exhaustive des produits cosmétiques, dont le contenu montre la singularité des produits d'hygiène par rapport aux produits d'entretien.

91. Ensuite, dans les décisions des autorités de concurrence concernant le marché de l'approvisionnement de la grande distribution, adoptées tant au niveau européen que français (2), l'approvisionnement en produits de parfumerie et d'hygiène a été identifié comme un marché de produits distinct.

92. Enfin, l'autonomie du secteur de l'hygiène se reflète dans le déroulement des négociations entre fournisseurs et distributeurs. Au sein des enseignes, les personnes en charge des négociations concernant les produits d'hygiène constituent les principaux interlocuteurs des fournisseurs du secteur de l'hygiène. Ces derniers ne négocient donc pas avec les personnes en charge des produits d'entretien, les négociateurs étant en charge de l'un ou l'autre des secteurs à titre exclusif.

b) Secteur de l'entretien

93. Plusieurs éléments permettent de distinguer le secteur des produits d'entretien.

94. Tout d'abord, la recommandation CEE n° 89/542 du 13 septembre 1989 concernant l'étiquetage des détergents et des produits d'entretien singularise les produits d'entretien en les définissant comme " les produits qui sont conçus pour le lavage, ou le nettoyage, ou intervenant dans de tels processus (tels que les produits présentant des principes de récurage, de rinçage, de prélavage et de trempage) et dont on sait qu'ils risquent d'être déversés dans l'environnement aquatique après leur utilisation ".

95. Ensuite, les décisions des autorités de concurrence concernant le marché de l'approvisionnement de la grande distribution, adoptées tant au niveau français qu'européen, identifient un marché de produits distinct de l'approvisionnement en produits de droguerie (3).

96. Enfin, les panelistes et les distributeurs identifient également un secteur de la droguerie (autrement appelé secteur de l'entretien). En particulier, en ce qui concerne les distributeurs, l'autonomie du secteur de l'entretien se reflète dans le déroulement des négociations : les enseignes regroupent l'intégralité des produits de grande consommation destinés à " l'entretien de la maison ". En outre, les personnes en charge des négociations concernant les produits d'entretien constituent les interlocuteurs principaux des fournisseurs du secteur de l'entretien, à l'exclusion des personnes en charge de la négociation dans le secteur de l'hygiène.

2. L'OFFRE DE PRODUITS D'HYGIÈNE ET D'ENTRETIEN À LA GRANDE DISTRIBUTION

97. Malgré l'existence d'entreprises actives sur les deux secteurs, il existe des différences entre les caractéristiques de l'offre de produits d'hygiène (a) et celle de produits d'entretien (b).

a) Caractéristiques de l'offre dans le secteur de l'hygiène

98. Le secteur de l'hygiène occupe une place non négligeable dans les dépenses des consommateurs français. Ces derniers dépensent en moyenne 190 euros dans les produits de cosmétologie et d'hygiène par an (cote 44 407). Une très grande partie de ces achats est effectuée dans la grande distribution qui représentait à elle seule plus de 90 % des débouchés des industriels du secteur en 2004 (cote 44 597). Le chiffre d'affaires total du secteur de l'hygiène était, en 2006, supérieur à 5 milliards d'euros (cote 24 400).

99. Au sein du secteur de l'hygiène, plusieurs catégories de produits peuvent être distinguées, sur lesquelles ont porté les pratiques des mises en cause, et notamment les suivantes : brosses à dents, dentifrices, déodorants, gels douches, hygiène féminine, lames et rasoirs manuels, maquillages, shampooings, etc.

100. À titre liminaire, il convient de préciser que l'offre de produits dans le secteur de l'hygiène est réglementée, en application des dispositions du Code de la santé publique (articles L. 5131-2 et suivants). La commercialisation de produits d'hygiène est subordonnée à une déclaration faite, à la date des pratiques, à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Il existe également des règles spécifiques portant sur le conditionnement et l'information du consommateur.

101. En premier lieu, le secteur de l'hygiène est caractérisé par la présence de grandes entreprises, dotées d'une forte notoriété, qui sont spécialisées dans le secteur de la beauté, comme le groupe L'Oréal ou Beiersdorf, ou qui appartiennent à des grands groupes diversifiés, à l'instar d'Unilever ou de Procter & Gamble (cote 44 616).

102. Les parts de marché des acteurs du secteur des produits d'hygiène, au moment des pratiques, figurent dans le tableau saisi chez Lascad (cote 16 823), reproduit ci-dessous :

<Emplacement Tableau>

Source : Données IRI issues de la base L'Oréal HB (hors PH, Essuie-tout, Mouchoirs, incontinence, lingettes et changes bébé)

103. Ainsi, le secteur des produits d'hygiène est caractérisé par la présence d'un nombre limité d'acteurs de dimension mondiale : les huit premiers acteurs du marché représentent plus de 70 % du chiffre d'affaires global du secteur, les trois premiers totalisant, à eux seuls, environ 43 % du marché, dont 28,6 en moyenne pour le groupe leader, L'Oréal.

104. En deuxième lieu, il existe une certaine stabilité du marché : la part respective des principaux acteurs du secteur de l'hygiène est relativement constante pendant toute la période présentée, entre 2004 et le milieu de l'année 2006.

105. En troisième lieu, cette stabilité du marché est renforcée par les barrières à l'entrée qui nécessitent pour tout nouvel entrant de disposer de moyens importants en matière de recherche et développement et de publicité (cote 44 613).

106. Les barrières à l'entrée proviennent, tout d'abord, de la politique publicitaire, " élément historiquement clé d'accès au marché, comparativement aux autres marchés " (cote 30 263), essentiel s'agissant d'un " marché de marque et d'image " (cote 24 400). Elles résultent également de l'importance de l'innovation de produits (cotes 24 405, 30 661 et 31 021). Il est toutefois notable que, dans le secteur de l'hygiène, les innovations revêtent un caractère essentiellement incrémental : elles consistent davantage en l'amélioration de produits existants qu'en l'élaboration de produits radicalement nouveaux. Ces innovations permettent d'augmenter la rentabilité du secteur, sans provoquer de réel bouleversement du marché ou de la situation des entreprises. L'ensemble de ces contraintes génère des coûts fixes élevés, qui sont plus facilement absorbés par les grandes entreprises déjà présentes sur le marché, qui bénéficient d'économies d'échelle conséquentes.

107. Les difficultés liées à l'accès aux linéaires des supermarchés, préalable nécessaire pour les fournisseurs de produits de grande consommation, constituent enfin une barrière à l'entrée pour les nouveaux produits (cote 30 225). Ainsi, le Conseil de la concurrence a constaté dans la décision n° 04-D-13 du 8 avril 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par la société des Caves et des producteurs réunis de Roquefort dans le secteur des fromages à pâte persillée que les linéaires constituent une " ressource rare pour [les entreprises commercialisant des produits de grande consommation], dont l'accès fait l'objet d'une forte concurrence entre [producteurs] " (point 55).

108. Si des entrées sur le marché ont été constatées au cours de ces dernières années, elles ont en général été limitées à des segments de marché de niche, comme les produits biologiques, à l'instar des marques Léa Nature ou Le Petit Olivier. Ces marques nouvelles ne constituent qu'une source limitée de pression concurrentielle. Il est d'ailleurs notable qu'aucune des entreprises fabriquant ces produits ne figure dans le tableau reproduit au point 102 ci-dessus.

109. En dernier lieu, le secteur de l'hygiène est caractérisé par une faible élasticité-prix de la demande des produits commercialisés sur le marché aval de la distribution, ainsi que l'illustre la déclaration de M. Etienne X. . . (Vania Expansion) : " il s'agit d'un secteur pour lequel, sauf exception, la concurrence se fait davantage sur la force des marques et la communication marketing des acteurs que sur les prix. Il s'agit de produits qui sont généralement peu élastiques au prix " (cote 40 071).

b) Caractéristiques de l'offre dans le secteur de l'entretien

110. Le secteur des produits d'entretien comporte plusieurs catégories de produits, sur lesquelles ont porté les pratiques des mises en cause, et notamment les suivantes : les désodorisants, les insecticides, les lessives et les produits assouplissants et adoucissants pour le linge, les nettoyants pour le sol et les vitres, les produits de lavage pour la vaisselle à la main ou en machine, etc. Le chiffre d'affaires du secteur des produits d'entretien en France était, en 2006, de 4,2 milliards d'euros (cote 24 389).

111. Il présente un ensemble de caractéristiques propres.

112. En premier lieu, le marché est caractérisé par la présence de grandes entreprises, les huit premières entreprises (toutes concernées par la présente affaire) réalisant près de 70 % du chiffre d'affaires du secteur. Ceci ressort du tableau suivant, issu d'un document saisi le 3 février 2006 (cote 11 508) :

<Emplacement Tableau>

Source : AC Nielsen, Juin 2005

113. En deuxième lieu, le marché est marqué par une certaine symétrie et une stabilité des parts de marché, les cinq principaux acteurs du marché ayant des parts de marché relativement homogènes (entre 9 et 15 %). Les plus petits opérateurs sur le marché ne constituent pas une source de pression concurrentielle réelle, compte tenu du " poids écrasant des leaders " (cote 44 535).

114. En troisième lieu, le marché est caractérisé par l'existence de barrières à l'entrée. Celles-ci résultent de contraintes réglementaires et technologiques liées au caractère polluant du processus de production de produits d'entretien (cote 44 511). Elles tiennent aussi à l'importance des investissements publicitaires et en recherche et développement (cotes 30 263 et 30 264 (VC) / cotes 31 111 et 31 112 (VNC)), même si, le marché des produits d'entretien étant mature, " les consommateurs sont moins perméables à l'innovation " (cote 38 835). Elles sont enfin la conséquence des difficultés liées à l'accès aux linéaires de la grande distribution, en raison de la rareté de la place disponible dans ces espaces de vente et de leur saturation par les entreprises déjà présentes.

115. Compte tenu de ces contraintes, les entrées de nouveaux opérateurs dans le secteur de l'entretien sont très limitées. Les nouveaux entrants ont souvent été cantonnés à des marchés de niche restreints et ne constituaient pas, en 2006, des acteurs de poids du secteur.

116. En dernier lieu, le secteur de l'entretien est caractérisé par une faible élasticité-prix de la demande des produits commercialisés sur le marché aval de la distribution, ainsi que l'illustre la déclaration de Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) selon laquelle les produits étaient " peu élastiques au prix, hors promotion " (cote 39 913).

3. LA DEMANDE DANS LES SECTEURS DE L'ENTRETIEN ET DE L'HYGIÈNE

a) Caractéristiques de la demande

117. La présente décision concerne uniquement des pratiques s'étant déroulées dans les secteurs de l'approvisionnement de la grande distribution en produits d'hygiène et d'entretien.

118. Dans ces deux secteurs, même si l'offre des fournisseurs de produits d'hygiène et/ou de produits d'entretien s'adresse, in fine, aux consommateurs finals, il n'existe pas de transaction commerciale directe entre ces deux catégories d'intervenants. S'agissant de produits de grande consommation, les fournisseurs ont recours aux enseignes de la grande distribution pour accéder à leurs clients finals. Ce sont donc ces opérateurs, en charge de " l'achat pour revente " de produits de grande consommation, qui sont les demandeurs " directs " des produits commercialisés par les fournisseurs.

119. La concurrence entre les fournisseurs de produits d'hygiène d'une part, et ceux de produits d'entretien d'autre part, s'analyse en amont, sur le marché de l'approvisionnement des enseignes de la grande distribution, et non en aval, sur le marché de la distribution de produits de grande consommation aux consommateurs par ces mêmes enseignes.

120. Or, dans chacun de ces secteurs (hygiène ou entretien), des produits qui ne sont pas substituables du point de vue du consommateur, le sont, à un degré plus ou moins fort, du point de vue du distributeur. En effet, comme l'explique M. Sylvain Z. . . , directeur produits PGC (produits de grande consommation) de Carrefour : " [pour un] acheteur de la grande distribution, sous réserve de proposer un assortiment minimum répondant aux attentes des consommateurs, tous les produits d'entretien et d'hygiène sont substituables entre eux, dans une plus ou moins grande mesure " (cote 44 886).

121. Sous réserve de la nécessité de disposer d'un assortiment minimum de nature à satisfaire la demande des consommateurs en produits d'hygiène ou en produits d'entretien, l'acheteur peut décider de favoriser le produit qui génère le plus de marge. Il procède ainsi à un arbitrage (cote 44 885) qui peut le conduire à " déclasser " un produit peu rentable au profit d'un produit qui le serait davantage, quoique non directement substituable au produit déréférencé du point de vue des consommateurs.

122. Compte tenu de cette configuration des négociations, " les fournisseurs d'un même secteur sont en concurrence pour un espace limité dans les linéaires des magasins. En cas de négociations difficiles, l'acheteur peut faire jouer cette concurrence entre ses fournisseurs pour l'accès aux linéaires, et décider de retirer [les] produits [d'un fournisseur] de ses linéaires, pour les remplacer par des produits qui ne sont pas forcément des concurrents directs " (cote 40 046). La concurrence à laquelle se livrent les fournisseurs dans le secteur de l'approvisionnement est donc significativement plus large que celle à laquelle ils se livrent, à l'aval, auprès des consommateurs.

123. Il s'agit donc, pour les fournisseurs, de ne pas être " atypique " et de proposer des conditions commerciales qui ne soient pas en décalage significatif avec celles des autres interlocuteurs de l'acheteur, même si ce ne sont pas des concurrents directs, ainsi qu'en atteste la déclaration du directeur des achats de produits de grande consommation de Carrefour (cote 44 885) :

" L'acheteur gère les négociations avec [plusieurs] fournisseurs. S'il a plusieurs fournisseurs du même secteur qui viennent avec la même hausse et les mêmes explications, ceci crédibilise cette hausse en conduisant l'acheteur à penser qu'il existe un faisceau d'éléments réels qui la justifie.

Même si je sais que certains produits du secteur de l'hygiène ou de l'entretien utilisent des matières premières spécifiques (par exemple, les rasoirs utilisent de l'acier), en tant qu'acheteur, je ne sais pas ce que représente l'acier dans le prix du rasoir. Je ne sais pas non plus si le fournisseur a modifié son mode de fabrication pour prendre en compte cette hausse et a donc finalement réduit son coût de fabrication. Je ne peux donc pas évaluer l'impact de la hausse de chaque matière première spécifique sur le tarif de chaque produit. Je ne prends donc pas en compte ces spécificités et je compare, globalement, les hausses des fournisseurs les uns par rapport aux autres. "

124. Cette déclaration illustre le fait que l'acheteur de la grande distribution analyse le positionnement relatif d'un interlocuteur par rapport à celui des autres fournisseurs. Le fait de proposer des conditions commerciales homogènes entre fournisseurs d'un même secteur, même s'ils ne sont pas concurrents du point de vue des consommateurs, crédibilise les conditions commerciales proposées et rassure les acheteurs.

125. Cette exigence de " cohérence " dans les conditions commerciales des fournisseurs d'un même secteur transparait, avec une particulière acuité, des déclarations des participants aux pratiques qui mettent en lumière les dangers liés à l'adoption de positions isolées (cotes 44 886, 40 046, 39 762 et 39 763).

b) Le pouvoir de négociation des enseignes de la grande distribution

126. Dans le secteur de l'approvisionnement de la grande distribution en produits d'entretien et d'hygiène, la demande présente un caractère oligopolistique, comme cela a notamment été mis en évidence par le rapport remis par M. Guy Canivet en octobre 2004 (ci-après, " Rapport Canivet ") (4).

127. La demande est essentiellement le fait de sept grandes enseignes (Carrefour, Auchan, Casino, Système U, Intermarché, Leclerc et Cora), présentes sur tous les segments de la distribution traditionnelle (superette, supermarché et hypermarché). Trois d'entre elles sont également actives sur le segment des magasins maxidiscomptes. La concentration est encore plus significative au niveau des centrales d'achat : les cinq principales représentaient, à elles seules, en 2004, 86 % du marché (Rapport Canivet, p. 46). En outre, ces centrales d'achats sont elles-mêmes, pour certaines, affiliées à des centrales d'achats européennes. Par conséquent, le poids de chaque enseigne dans le chiffre d'affaires total des fabricants est significatif.

128. Dans ce contexte, les enseignes disposaient d'un pouvoir de négociation important, d'autant plus que les linéaires des enseignes constituaient une ressource rare pour les fournisseurs. Ce pouvoir se manifeste dans les cas les plus extrêmes par des menaces de déréférencement de produits ou des déréférencements effectifs (Rapport Canivet, p. 75). Une telle sanction a un impact non négligeable sur la performance financière des fournisseurs qui se retrouvent ainsi exclus d'une partie du marché, au moins temporairement.

129. Néanmoins, le pouvoir de négociation des distributeurs vis-à-vis des fournisseurs des secteurs de l'hygiène et de l'entretien doit être fortement relativisé.

130. Premièrement, une fois leurs produits référencés par les distributeurs, les fournisseurs font face à une demande annuelle régulière et relativement prévisible de la part de leurs clients, ces derniers devant satisfaire la demande des consommateurs finals en produits d'entretien et en produits d'hygiène, qui s'avère elle-même caractérisée par des cycles d'achat relativement réguliers s'agissant de produits de grande consommation.

131. Deuxièmement, les négociations des accords commerciaux ont lieu entre les fournisseurs et des responsables des achats, au sein des enseignes, qui n'interviennent que sur un secteur précis - en l'espèce le secteur de l'hygiène ou celui de l'entretien. Par conséquent, afin d'évaluer le rapport de force entre un fournisseur et son distributeur, il convient de tenir compte de la part de ce fournisseur, non pas dans les achats totaux de l'enseigne, mais dans les achats relatifs au secteur dans lequel il est actif.

132. Troisièmement, la situation des principaux fournisseurs de secteurs de l'hygiène et de l'entretien vis-à-vis de la grande distribution est sans commune mesure avec celles de producteurs intervenant dans des secteurs où l'offre est moins concentrée, et notamment dans le secteur de l'agro-alimentaire. Dans son avis n° 08-A-07 du 7 mai 2008, l'Autorité avait ainsi noté le caractère particulièrement atomisé de l'offre dans le secteur des fruits et légumes, qui regroupait 300 organisations professionnelles et de très nombreux producteurs individuels. Par comparaison, dans les deux secteurs concernés par la présente affaire, les huit premiers fournisseurs représentaient au moment des faits environ 70 % des parts de marché.

133. En outre, contrairement au secteur agro-alimentaire qui commercialise de nombreux produits frais ou semi-frais dont la période de conservation est courte, ce qui accentue la dépendance des fournisseurs du secteur vis-à-vis des acheteurs, les secteurs de l'entretien

et de l'hygiène se caractérisent par des produits de longue conservation et facilement stockables.

134. Quatrièmement, le pouvoir de la grande distribution s'exerce plus difficilement lorsque les fabricants disposent de marques dites " incontournables ". Or, les fournisseurs des secteurs de l'hygiène et de l'entretien fabriquent et vendent aux distributeurs des produits disposant d'une réputation extrêmement forte auprès des consommateurs, qui sont difficilement imitables. Comme l'a indiqué un distributeur, " le marché de l'hygiène et de l'entretien est particulier car tous les opérateurs, dans un domaine ou un autre, sont incontournables " (cote 34 232). De même, au moment de la mise en œuvre de la loi Dutreil, le dirigeant du groupe Carrefour avait indiqué " Les produits qui subissent les augmentations les plus fortes sont souvent incontournables. Je ne peux les sortir des linéaires " (cote 23 692). À cet égard, les entreprises concernées par les pratiques représentent la quasi-totalité des grandes marques nationales, dans chacun des secteurs en cause, et donc la plupart des produits " incontournables ".

135. Enfin, ce poids important des marques nationales est confirmé par le taux de pénétration des marques de distributeurs, qui s'avère relativement faible tant pour le secteur de l'hygiène que pour le secteur de l'entretien, en comparaison des autres produits de grande consommation. Ainsi, selon les données IRI obtenues auprès de l'ILEC, le taux de pénétration des marques de distributeurs (MDD) dans les " autres produits de grande consommation " passe de 25,0 % au mois de janvier 2003 (début des pratiques) à 28,6 % au mois de janvier 2006 (fin des pratiques), soit un gain de 3,6 points, quand ce taux passe de 15,5 % à 16,5 % pour le secteur de l'entretien (gain de 1 point), et de 8,3 % à 9,5 % (gain de 1,2 point) pour le secteur de l'hygiène sur la même période.

136. L'ensemble de ces éléments montre que, si, à l'époque des pratiques poursuivies, les fournisseurs des secteurs de l'hygiène et de l'entretien faisaient effectivement face à des acheteurs puissants, leur situation leur permettait de contrebalancer dans une très large mesure le pouvoir des distributeurs.

4. LES NÉGOCIATIONS ENTRE FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS À L'ÉPOQUE DES PRATIQUES

137. Le processus de négociation des accords commerciaux étant identique, à l'époque des pratiques, dans les deux secteurs, la présente partie procèdera à une présentation globale.

a) Déroulement des négociations

138. En pratique, chaque industriel actif dans les secteurs concernés par cette affaire conclut, avec chaque enseigne, des contrats qui encadrent leurs relations pour l'année à venir.

139. Afin d'appréhender le déroulement des négociations, seront détaillés le contenu des accords commerciaux et la chronologie des négociations.

Le contenu des documents contractuels qui formalisent la relation commerciale

140. La relation commerciale entre fournisseurs et distributeurs s'organise autour de deux documents principaux : (i) les conditions générales de vente (ci-après " CGV ") qui incluent les grilles tarifaires et (ii) l'accord de coopération commerciale annuel qui précise les services de coopération commerciale fournis par le distributeur pour le compte du fournisseur ainsi que le prix auquel ils sont facturés.

141. Les CGV, communes à tous les distributeurs, permettent au fournisseur d'informer le distributeur du barème des prix applicable (tarifs) et de ses conditions de vente. Les CGV contiennent des indications sur les réductions de prix directement liées à l'acte d'achat-vente. Les réductions de prix incluses dans les CGV se distinguent par leur caractère conditionnel ou non. Alors que les remises sont acquises au jour de la vente, tel n'est pas le cas des ristournes qui sont conditionnées à la réalisation d'un objectif (en termes de volume ou de chiffre d'affaires, par exemple). Il s'agit donc de réductions de prix non acquises au jour de la vente qui ne sont pas prises en compte dans le calcul du seuil de revente à perte (voir les points 185 et s. pour la définition du seuil de revente à perte).

142. Les services de coopération commerciale contenus dans l'accord de coopération commerciale recouvrent quant à eux l'ensemble des actions de nature à stimuler la revente des produits des fournisseurs par les distributeurs, comme la mise en avant des produits ou la publicité sur les lieux de vente. Ces services sont facturés par le distributeur au fournisseur, le plus souvent sous la forme d'un pourcentage du chiffre d'affaires total réalisé par le fournisseur avec l'enseigne concernée.

143. Les réductions de prix non acquises au jour de la vente, qu'elles soient incluses dans les CGV ou dans le contrat de coopération commerciale, constituent la marge arrière du distributeur.

144. Les négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs s'organisent donc autour des tarifs et CGV et du contrat de coopération commerciale, qui déterminent, à l'issue de la négociation, le prix " triple net " payé par le distributeur au fournisseur.

145. À l'époque des pratiques visées, on distingue en effet :

- le prix net, égal au prix de cession brut du produit moins les réductions de prix sur facture acquises au jour de la vente ;

- le prix double net, égal au prix de cession brut moins (i) les réductions de prix sur facture acquises au jour de la vente moins (ii) les réductions de prix sur facture non acquises lors de la vente (ristournes) ;

- le prix triple net égal au prix de cession brut moins (i) les réductions de prix sur facture acquises au jour de la vente moins (ii) les réductions de prix sur facture non acquises lors de la vente, moins (iii) les services de coopération commerciale et, à compter de la loi Dutreil, les services distincts.

146. L'ensemble des éléments contenus dans le contrat de coopération commerciale est négocié, étape par étape, selon le processus suivant.

La chronologie des négociations

147. Pour la période concernée par la pratique, le " cycle de négociation " était composé de trois étapes principales.

L'envoi des tarifs et des CGV

148. Dans un premier temps, débutant en général au mois d'octobre, les nouveaux tarifs, accompagnés des CGV, étaient envoyés à tous les acteurs de la grande distribution.

149. En principe, les nouveaux tarifs entraient en vigueur deux à trois mois plus tard et étaient valables pour une durée d'un an.

150. La réception des nouveaux tarifs d'un fournisseur permet au distributeur d'identifier, d'une part, les hausses de tarif ligne à ligne pour chaque catégorie de produits et, d'autre part, les nouveaux produits commercialisés par l'entreprise. Elle lui permet également de déterminer le niveau de hausse globale des tarifs bruts que son client lui avait adressés, en pondérant les hausses de chaque produit par le chiffre d'affaires qu'il réalisait sur ce produit. C'est sur cette base que débutait la négociation commerciale.

La négociation de la dérive

151. Dans un deuxième temps, le fournisseur et l'acheteur négociaient le contenu du contrat de coopération commerciale, dans le cadre d'un processus bilatéral, qui revêtait un caractère opaque pour les autres fournisseurs et les autres distributeurs.

152. L'enjeu de cette négociation était l'évolution de la rémunération des services de coopération commerciale, communément appelée " dérive ". Compte tenu de l'absence de différenciation par les prix résultant de la définition du seuil de revente à perte, il s'agissait, pour les distributeurs, du seul véritable paramètre de différenciation entre fournisseurs. La " dérive " avait donc un rôle central dans la concurrence que ces derniers se livraient.

153. Cette période de négociation était donc centrée sur la question de la dérive du taux de coopération commerciale contenu dans le contrat, c'est-à-dire de son augmentation par rapport à l'année antérieure, intrinsèquement liée à la hausse moyenne pondérée des tarifs.

154. La négociation de la dérive consistait en une succession d'échanges fréquents et réguliers entre le fournisseur et son distributeur, au cours de laquelle étaient échangées des demandes et des offres de dérive, entre les deux intervenants.

155. À l'issue de ces échanges entre le représentant du fournisseur et l'acheteur du distributeur, était signé un contrat de coopération commerciale qui fixait un taux de coopération commerciale pour les produits concernés, ainsi qu'un certain nombre de services de coopération commerciale et, à partir de la loi Dutreil, de services distincts.

La négociation d'autres éléments du prix après la signature du contrat

156. Une fois conclu le contrat de coopération commerciale, les échanges entre le fournisseur et le distributeur perduraient, le plus souvent à un rythme moins soutenu. Ils pouvaient alors porter sur des éléments de politique commerciale qui n'étaient pas compris dans le contrat, comme les nouveaux instruments promotionnels (ci-après " NIP ") ou des demandes spécifiques intervenant au cours de l'année (promotions liées à un événement anniversaire par exemple).

157. En conclusion, la négociation commerciale entre fournisseurs et acteurs de la grande distribution se caractérise par la longueur du processus et la fréquence des échanges entre le fournisseur et l'acheteur, ainsi que le caractère continu des contacts tout au long de l'année. La fréquence des rencontres permet ainsi aux distributeurs et aux industriels d'ajuster sans cesse leur positionnement, au fur et à mesure des négociations, en fonction des informations dont ils disposent.

b) Méthodes de négociation

158. Le mode de négociation adopté par les distributeurs s'inscrit largement dans une vision compétitive de la relation fournisseur/distributeur, qui laisse une grande place au rapport de force. L'objectif du distributeur est d'isoler son interlocuteur par rapport aux autres fournisseurs afin d'obtenir de lui des conditions commerciales plus avantageuses.

159. Pour ce faire, une des stratégies classiques à laquelle ont recours les acheteurs est de faire référence, lors des négociations avec un industriel, à l'état d'avancement de leurs échanges avec leurs autres interlocuteurs, afin de mettre en exergue l'isolement de l'industriel avec lequel ils négocient, concernant les tarifs, les dérives ou plus généralement l'avancement des signatures des accords de coopération commerciale concernés.

160. Ainsi, l'acheteur met en concurrence les fournisseurs en leur indiquant, le cas échéant, qu'ils proposent des conditions jugées moins bonnes que celles de leurs autres interlocuteurs. Les comparaisons auxquelles procèdent les acheteurs peuvent concerner des entreprises directement concurrentes ou non tant il est vrai que l'objet de la négociation porte moins sur les produits eux-mêmes que sur l'ensemble des avantages commerciaux dont pourra bénéficier le distributeur.

161. Les personnes en charge des négociations commerciales chez les distributeurs pouvaient transmettre des informations délibérément fausses sur la situation des concurrents, ce dont les fournisseurs n'étaient pas dupes.

162. Ce jeu de " bluff " suscitait un besoin d'évaluer la véracité des informations qui leur étaient communiquées par les enseignes, pour " comprendre la stratégie des acheteurs, [...] décrypter autant que faire se peut leur stratégie de négociation et ainsi [...] identifier les situations dans lesquelles [ils] bluffaient " (cote 34 260).

163. L'intérêt, pour les fournisseurs, de disposer d'informations sur l'état d'avancement des négociations des autres opérateurs actifs sur le même secteur était, d'une part, de savoir s'ils étaient effectivement isolés par rapport à leurs concurrents ou si le distributeur leur communiquait des informations erronées et, d'autre part, de cerner le meilleur moment pour signer. Comme l'explique M. Alain A. . . (Gillette) : " la difficulté [du métier] est de connaitre le point de rupture de la grande distribution " (cote 22 612) et de savoir quand effectuer les compromis nécessaires avant que les relations commerciales ne soient rompues par le distributeur.

164. En conclusion, le " bluff " inhérent aux négociations entre fournisseurs et distributeurs, l'importance du positionnement relatif de chaque fournisseur par rapport à celui des autres industriels du secteur et les comparaisons auxquelles procédaient les distributeurs lors des négociations ont accru le besoin d'informations des fournisseurs, dans le but d'apprécier s'ils étaient ou non dans une situation isolée par rapport aux autres opérateurs de leur secteur.

c) L'information à disposition des fournisseurs

165. L'élaboration de la politique commerciale des industriels et la détermination de l'attitude à adopter lors des négociations avec les distributeurs requièrent une connaissance accrue de la situation du marché et une recherche constante de l'information pertinente.

166. En premier lieu, la presse généraliste et spécialisée (type LSA, l'Usine nouvelle) permet d'obtenir des informations générales sur le positionnement des clients, ou d'autres industriels, concurrents ou non.

167. En deuxième lieu, les industriels disposent de salariés qui sont en permanence présents sur le terrain (équipes commerciales auprès des acheteurs ou forces de vente dans les magasins) et qui permettent aux entreprises d'obtenir des remontées d'informations.

168. En troisième lieu, les panels, du type Nielsen ou IRI, permettent d'obtenir des informations passées concernant la taille des marchés, leur segmentation, leur croissance, les prix de revente au consommateur, les parts de marché des marques ou encore les performances des enseignes, lorsque ces dernières l'autorisent. Les informations collectées par les panels sont restituées aux clients en contrepartie du paiement d'un abonnement.

169. L'institut PBMO constitue également une source d'information pour les fournisseurs. Cette société de conseil réalise des études de marché plus ciblées et délivre aux fournisseurs des informations agrégées par secteur d'activité.

170. En quatrième lieu, il existe des cercles d'échanges transectoriels auxquels prenaient part les participants aux pratiques. Les plus importants s'inscrivaient dans le cadre de l'ILEC. Cette association professionnelle représente les intérêts des fournisseurs des produits de grande consommation, vendus sous des marques de notoriété nationale et internationale. Elle réunit des fabricants de produits alimentaires et non-alimentaires. La quasi-totalité des entreprises concernées par les pratiques identifiées étaient membres de l'ILEC au cours de la période analysée.

171. M. Dominique B. . . , délégué général de l'ILEC, a exposé la structure de l'association :

" L'ILEC est structuré à trois niveaux. A un premier niveau, existe un comité commercial ouvert à tous. Les membres sont souvent directeurs de vente (...)

A un deuxième niveau, il existe un bureau commercial où siègent des directeurs commerciaux (...)

Le conseil d'administration forme le troisième niveau. Il rassemble les présidents directeurs généraux ou les directeurs généraux d'entreprises " (cote 34 236).

172. Les membres de l'ILEC communiquent régulièrement à l'association des informations relatives à l'état des négociations avec la grande distribution (chiffre d'affaires par enseigne, déroulement des négociations). Ces données sont collectées selon deux méthodes :

- tous les mois, l'ILEC réalise une enquête par courriel auprès de ses adhérents ;

- lors des comités commerciaux, des questions sont posées aux participants, qui y répondent en utilisant un boitier électronique, de manière anonyme.

173. Une fois recueillis, les résultats de ces enquêtes sont envoyés, de manière agrégée (c'est-à-dire tous fournisseurs confondus), aux membres de l'association ou présentés aux adhérents à l'occasion des comités commerciaux.

174. L'ILEC publie également des enquêtes annuelles, relatives à l'évolution des relations entre distributeurs et fournisseurs. À ces occasions, sont recueillies auprès des adhérents des informations passées, sur l'évolution des prix tarifs, des prix sur facture, de la coopération commerciale ainsi que sur certains aspects de la relation commerciale. À l'époque des faits, certaines de ces données étaient ventilées par secteur. Il s'agissait toutefois de données passées et agrégées, au moins par secteur d'activité.

175. Compte tenu de la nature de ces informations, l'ILEC est vigilante lors de leur collecte et de leur restitution. À cet égard, les demandes réitérées des adhérents de l'ILEC visant à élargir le spectre des informations échangées ont systématiquement été rejetées par le délégué général de l'ILEC (voir également la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-33 du 27 juin 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par l'ILEC, point 40).

176. Enfin, s'il est possible d'obtenir des informations par le biais des distributeurs, sur le positionnement des concurrents, ceci est souvent conditionné à la communication de données en contrepartie. Ainsi que l'a indiqué Mme Amélie C. . . , ancienne directrice commerciale de la branche détergent d'Henkel, " avec [les distributeurs], c'est toujours du donnant-donnant " (cote 22 680). L'obtention d'informations sur la situation des

concurrents est donc conditionnée par un effort de transparence certain des fournisseurs par rapport à leur client et ne permet d'obtenir que des informations de nature parcellaire sur les autres opérateurs actifs dans le secteur.

Conclusion

177. Il résulte de ce qui précède que, pour faire face à l'incertitude inhérente au déroulement des négociations avec les distributeurs, les fournisseurs actifs dans le secteur de l'hygiène et ceux actifs dans le secteur de l'entretien disposaient de sources d'informations diverses.

178. L'ensemble de ces échanges a permis de réduire l'incertitude inhérente au processus de négociation commerciale décrit plus haut. Néanmoins, il s'agissait pour l'essentiel, d'informations générales, non individualisées par entreprise, permettant d'appréhender le contexte global dans lequel se déroulaient les négociations, et non d'informations relatives à la position individuelle de certains concurrents.

179. Ces informations n'étaient pas, en elles-mêmes, suffisamment individualisées pour avoir un effet restrictif sensible de concurrence. Elles s'avéraient suffisantes pour permettre aux fournisseurs de gérer au mieux le déroulement de leurs discussions avec les distributeurs, dans le contexte législatif stable de l'époque, à savoir la loi Galland.

D. L'ÉVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE

180. À compter du début de l'année 2003, dans le but de mettre un terme à la spirale inflationniste des prix résultant du cadre juridique en vigueur, les pouvoirs publics ont aménagé ou modifié les règles applicables aux relations entre fournisseurs et enseignes de la grande distribution.

1. LE CADRE JURIDIQUE PRÉVALANT JUSQU'AU DÉBUT DE L'ANNÉE 2003

181. Les pratiques concernées par la présente procédure se sont formalisées, au plus tard, au moment des premières réformes à la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 dite " loi Galland ". Après avoir rappelé le cadre juridique établi par cette loi (a. ), seront analysés les effets de cette réglementation (b. ).

a) Le cadre juridique instauré par la loi Galland

182. À partir de 1996 et jusqu'au début de l'année 2003, les relations commerciales entre les fabricants et les distributeurs étaient organisées par la loi Galland qui a redéfini le seuil de revente à perte.

183. La loi de finances rectificative n° 63-628 du 2 juillet 1963 interdisait la revente à perte en disposant qu'" est interdite la revente de tout produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif ".

184. L'ordonnance du 1er décembre 1986 a précisé que le prix d'achat effectif du distributeur à son fournisseur était " présumé être le prix porté sur la facture d'achat ". Il s'agissait d'une présomption simple que le distributeur pouvait renverser en apportant la preuve que le prix d'achat effectif était différent du prix mentionné sur la facture. Cette possibilité de remettre en cause le prix porté sur la facture a conduit à certaines dérives en matière de facturation.

185. Pour mettre un terme à ces pratiques, la loi Galland est revenue à une définition stricte du prix d'achat effectif, en disposant que " le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture ". Dès lors, le prix net facturé par le fournisseur devenait sans détour possible le prix minimal auquel le distributeur pouvait revendre ses produits au consommateur.

186. En outre, la loi Galland a établi de nouvelles règles en matière de facturation. Les fournisseurs établissaient chaque année un tarif qui s'appliquait uniformément à tous les distributeurs, la discrimination tarifaire étant interdite.

b) Les effets de la loi Galland

187. La loi Galland a conduit à une très grande transparence tarifaire et a neutralisé la concurrence entre les enseignes au niveau du tarif. L'enjeu de la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs portait désormais sur la marge arrière, constituée notamment par la rémunération des services de coopération commerciale fournis par le distributeur pour le compte du fournisseur. Cette situation a conduit à la hausse des tarifs bruts, à l'accroissement des marges arrière et à une hausse des prix de détail.

La hausse des tarifs bruts

188. La définition par la loi Galland du seuil de revente à perte comme le prix net facturé et le principe de non-discrimination entre les distributeurs ont contribué à la hausse des tarifs bruts. En effet, la législation donnait la possibilité aux fournisseurs de décider d'un prix plancher de revente de leurs produits, ce qui engendrait un mécanisme d'alignement à la hausse des prix des fournisseurs, renforcé par l'exigence de transparence des conditions générales de vente et la limitation des possibilités de discrimination entre acheteurs (voir en ce sens le rapport Canivet, p. 54 à 56).

189. L'alignement à la hausse des prix favorisé par la loi Galland a été renforcé, dans le secteur de l'hygiène et celui de l'entretien, par la faible élasticité-prix des produits concernés. Ce phénomène a notamment été décrit par Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) : " Au moment de la loi Galland, le tarif passait dans les prix. Si vous saviez qu'un concurrent augmentait ses tarifs, normalement vous aviez intérêt à augmenter les vôtres pour ne pas perdre de marge car le décrochage n'aurait pas été forcément significatif pour avoir un effet sur le consommateur, les produits étant peu élastiques aux prix hors promotion " (cote 39 913).

La hausse des taux de coopération commerciale

190. Parallèlement aux effets de la réglementation sur les tarifs, la loi Galland a eu un impact significatif sur les taux de coopération commerciale. La négociation de la marge arrière et de son évolution d'une année sur l'autre est devenue, à l'époque, l'enjeu central des négociations annuelles entre les fournisseurs de produits de grande consommation et les enseignes, d'autant plus qu'en raison de l'impossibilité légale de répercuter les marges arrière dans le prix de vente aux consommateurs, elles constituaient une marge garantie pour les distributeurs. Les demandes des enseignes en matière d'évolution de marges arrière sont donc devenues de plus en plus fortes au fur et à mesure de l'application de la loi Galland. Elles étaient systématiquement répercutées par les fournisseurs au cours de l'année suivante, par l'intermédiaire de hausses de leurs tarifs bruts.

191. Une présentation interne, établie par le directeur commercial de Colgate-Palmolive en mai 2004, illustre cette tendance haussière des marges arrière, avant 2003, dans le secteur de l'entretien (cote 15 300). Elle contient un graphique comparatif des taux moyens de coopération commerciale pour Procter & Gamble, Unilever, Henkel et Colgate-Palmolive, c'est-à-dire les quatre principales entreprises actives dans le secteur des produits d'entretien.

192. Ce graphique, reproduit ci-dessous, montre, d'une part, l'existence d'une hausse importante des taux de marges arrière des principaux acteurs du secteur de l'entretien, entre 1999 et 2003 et, d'autre part, la convergence progressive des taux de coopération commerciale. L'écart s'est réduit significativement entre 1999 (de 13,5 % à 20,6 %) et 2003 (de 21,7 % à 23,7 %).

193. La loi Galland a ainsi conduit à une hausse importante des tarifs bruts des produits commercialisés aux enseignes de la grande distribution ainsi qu'à une convergence, vers le haut, des taux de coopération commerciale. Elle a profité tant aux industriels qu'aux distributeurs (voir en ce sens le rapport Canivet p. 56).

194. Ce constat a également été formulé par le Conseil de la concurrence dans son avis n° 07-A-12 du 11 octobre 2007 relatif à la législation sur l'équipement commercial. À cette occasion, le Conseil a analysé l'impact de la loi Galland sur les relations entre fournisseurs et distributeurs et, in fine, sur les prix de revente aux consommateurs : " [La loi Galland] a ainsi favorisé l'augmentation des marges arrière des distributeurs, aux dépens de leurs marges avant. L'augmentation des seuils de revente à perte obtenue par les producteurs en contrepartie de marges arrière élevées leur a permis d'inciter les distributeurs à aligner leurs prix de vente finals sur le seuil de revente à perte, supprimant dans une large mesure la concurrence intra marque. L'uniformisation du prix de vente final a facilité la collusion tacite entre producteurs, affectant la concurrence inter marques " (point 55).

195. La loi Galland, en imposant un prix plancher de vente des produits de grande consommation et en interdisant toute discrimination entre distributeurs, a donc contribué à l'émergence d'un équilibre tacite entre les différents fournisseurs, qui a facilité un phénomène de hausse convergente des tarifs bruts, des dérives, et, in fine, des prix de revente au consommateur. Les données économiques réunies par l'ILEC montrent que, dans le même temps, le revenu net des fournisseurs est resté stable (cote 38 742). Ainsi, l'équilibre auquel étaient arrivés les opérateurs a impacté directement et négativement la situation des consommateurs, qui ont vu les prix des produits de grande consommation augmenter significativement.

196. La hausse des prix de revente au consommateur a été chiffrée à 17,7 % pour les produits d'hygiène-beauté-entretien entre 1998 et 2004, ce secteur décrochant " la palme des hausses " (cotes 39 260 et 39 261).

2. LA MODIFICATION DU CADRE JURIDIQUE

197. À compter de l'année 2003, les pouvoirs publics ont tenté d'enrayer la spirale inflationniste résultant de la loi Galland, par l'adoption d'une succession de réformes du cadre juridique (a) qui ont introduit dans la relation entre fournisseurs et distributeurs une incertitude de plus en plus forte (b).

a) Présentation des modifications du cadre juridique

La circulaire Dutreil

198. La circulaire du 16 mai 2003 dite " circulaire Dutreil " a réaffirmé la possibilité pour les fournisseurs de procéder à des différenciations tarifaires entre les distributeurs, ce qui était susceptible de faire baisser les prix de vente aux consommateurs (PVC) grâce à une baisse du seuil de revente à perte.

199. La circulaire Dutreil avait pour objectif de dynamiser la négociation commerciale en insistant sur la liberté laissée aux acteurs économiques dans le cadre de l'application de la loi Galland.

200. Notamment, la circulaire :

- rappelait le périmètre de la coopération commerciale en incitant les fournisseurs à transférer au niveau des conditions de vente, et donc en marge avant, les avantages financiers, auparavant en marge arrière, n'entrant pas dans la catégorie " de(s) services spécifiques détachables des seules obligations résultant des achats et ventes " ;

- rappelait la possibilité pour les fournisseurs de procéder à des différenciations tarifaires entre les différents distributeurs (notamment en ce qui concerne les services logistiques et les délais de règlement) ;

- incitait les fournisseurs à se munir de conditions générales de vente ;

- inscrivait sa mise en œuvre dans " un contexte de modération tarifaire ".

201. En facilitant le transfert d'une partie de la marge arrière en marge avant et en favorisant l'incertitude de la négociation commerciale par le biais des différenciations tarifaires, l'objectif de la circulaire était de conduire à une baisse des prix de vente aux consommateurs. Face à l'échec de cette première tentative visant à baisser les tarifs nets, les pouvoirs publics ont oeuvré à l'adoption d'un engagement entre fournisseurs et distributeurs.

L'Engagement pour une baisse durable des prix à la consommation

202. L'engagement pour une baisse durable des prix à la consommation du 17 juin 2004 (ci-après " L'engagement Sarkozy " ou " L'engagement "), sous l'égide du ministre de l'économie, a tenté de mettre un terme à l'inflation des prix des produits de grande consommation par une intervention sur les prix de vente aux consommateurs.

203. À cette occasion, les principaux représentants de l'agriculture, de l'industrie et de la distribution se sont engagés auprès des pouvoirs publics à procéder à " une baisse des prix d'au moins 2 % en moyenne sur les produits de marque des grands industriels, sur la base d'un effort également partagé entre distributeurs et industriels dès septembre 2004 ". Cette baisse des prix devait se traduire par " une baisse des tarifs des marques de notoriété nationale et internationale, apparaissant sur facture, et une diminution des marges arrière des distributeurs ", par le biais d'un avenant au contrat de coopération commerciale. Cet effort consenti par les opérateurs économiques devait se prolonger en 2005, grâce à une nouvelle réduction des marges arrière et à un engagement de modération tarifaire de la part des fournisseurs. Dans l'engagement, les entreprises signataires " réaffirm[aient] leur attachement à la détermination des prix par une libre concurrence, loyale et équilibrée ".

204. L'engagement Sarkozy fixait donc un objectif général de baisse des prix à la consommation de 2 % et indiquait que cette baisse devait intervenir au travers d'une baisse des tarifs des fournisseurs et d'une réduction des marges arrière. L'effort devait en outre être également partagé entre industriels et distributeurs.

205. Les fournisseurs devaient également limiter leurs hausses de tarifs pour 2005, en application du principe de modération tarifaire, à contrecourant de leur attitude antérieure en matière d'évolution tarifaire. En contrepartie, les distributeurs devaient consentir à une nouvelle baisse de marge arrière en 2005, mettant ainsi un terme à la pratique de dérive élevée.

206. Au-delà de ces lignes directrices générales, l'engagement, dont l'application était facultative pour les entreprises, ne fournissait aucune précision sur ses modalités d'application ni sur la méthode exacte devant être suivie par les acteurs économiques. Il renvoyait donc pour ces questions à la négociation individuelle, au travers notamment de la réaffirmation de l'attachement des signataires à la détermination des prix par une libre concurrence.

207. Ainsi, en fixant un simple objectif de résultat, l'engagement conduisait à instiller, dans la négociation commerciale, une incertitude sur les moyens à mettre en œuvre pour l'atteindre. Cette incertitude inhérente à l'engagement devait favoriser la concurrence entre les opérateurs.

208. Ces deux premières tentatives n'ont pas suffi à mettre un terme à la hausse des marges arrière et des prix au consommateur. Face à l'échec de l'engagement, les pouvoirs publics ont eu recours à la voie législative.

La loi Dutreil

209. La loi Galland a été modifiée par la loi du 2 août 2005, dite loi Dutreil, qui a, entre autres, redéfini le prix d'achat effectif comme le " prix unitaire net figurant sur la facture (...) minoré du montant de l'ensemble des avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit, et excédant un seuil de 20 % à compter du 1er janvier 2006. Ce seuil est de 15 % à compter du 1er janvier 2007 " (article L. 442-2 du Code de commerce, en vigueur du 3 août 2005 au 5 janvier 2008).

210. Cette réforme de nature législative autorisait donc la réintroduction d'une partie du montant des marges arrière dans le seuil de revente à perte, ce qui permettait une réduction du prix de vente aux consommateurs.

211. Afin de délimiter le champ exact des avantages financiers susceptibles d'être déduits du prix figurant sur facture, la loi Dutreil a introduit une définition légale de la notion de coopération commerciale et des services distincts de la coopération commerciale, inclus dans le concept global de marge arrière.

b) Les conséquences des réformes du cadre juridique

Une source d'incertitude dans les relations entre fournisseurs et distributeurs

212. Les modifications du cadre juridique ont eu un impact déstabilisant sur le déroulement des négociations avec les distributeurs.

213. En premier lieu, la circulaire Dutreil a généré des incertitudes, renforcées par son caractère non contraignant, en ce qui concerne à la fois la négociation des tarifs, des conditions générales de vente et des dérives.

214. En définissant la notion de coopération commerciale, la circulaire incitait les fournisseurs à sortir des marges arrière les éléments constituant de la fausse coopération commerciale ou de la coopération commerciale abusive pour les réintégrer dans les CGV, ce qui constituait une question saillante pour les fournisseurs.

215. De ce fait, la mise en œuvre de la circulaire Dutreil était susceptible de modifier les relations commerciales. Elle plongeait les industriels dans l'incertitude quant aux réactions de leurs clients à leurs propositions tarifaires. En particulier, les fournisseurs ne savaient pas si tous les distributeurs souhaiteraient procéder à une réintégration de la marge arrière en marge avant. En outre, ils anticipaient des demandes de dérive de marge arrière en hausse, afin de compenser la perte de marge avant utilisée pour financer les baisses de prix de vente aux consommateurs (cote 39 759).

216. Par ailleurs, la circulaire Dutreil a généré une incertitude sur le niveau des hausses de tarifs bruts qui pourraient être passées. La " modération tarifaire " inscrite dans le texte de la circulaire pouvait s'interpréter soit comme un gel des tarifs, soit comme une hausse égale à l'inflation, soit comme une hausse médiane.

217. Enfin, en réaffirmant la possibilité offerte aux fournisseurs de discriminer entre leurs différents clients, dès lors que le traitement différencié est justifié par une contrepartie, la circulaire a accru la concurrence entre les fournisseurs, et a donc contribué à remettre en cause l'équilibre tacite qui existait entre eux.

218. En deuxième lieu, l'engagement Sarkozy a été source d'incertitudes tenant à son application concrète. En effet, au-delà des principes généraux de baisse des prix et de gel des marges arrière qu'il fixait, le texte renvoyait à la négociation individuelle la responsabilité de déterminer les modalités exactes de sa mise en œuvre, au travers de la réaffirmation, en conclusion, de son attachement à " la détermination des prix par une libre concurrence, loyale et équilibrée ".

219. Dans un document intitulé " Engagement du 17 juin 2004 - Boîte à outils " (5), daté du 21 juillet 2004, l'ILEC a fourni à ses adhérents industriels des indications générales sur la marche à suivre pour appliquer l'engagement Sarkozy. Ce texte illustre que, sur de nombreux points, une large liberté était laissée aux partenaires de la négociation commerciale : sur les modalités de la baisse des prix de 2 %, sur la date de prise d'effet des baisses, sur la méthode de partage de l'effort entre industriels et distributeurs, sur la formalisation de la négociation entre fournisseur et distributeur, sur le gel puis la diminution des marges arrière en 2005, sur la notion de modération tarifaire.

220. En troisième et dernier lieu, la loi Dutreil a bouleversé le déroulement antérieur des négociations en rendant possible la réintégration d'une partie de la marge arrière dans le prix de revente au consommateur. Les fournisseurs se sont inquiétés de possibles demandes de dérives très importantes de la part des distributeurs, afin de leur permettre de financer les guerres de prix auxquelles ils étaient susceptibles de se livrer.

221. Il résulte de ce qui précède que les réformes du cadre juridique ont constitué une source d'incertitude de nature à remettre progressivement en cause l'équilibre tacite né de la loi Galland (rapport Canivet, p. 56). En modifiant les termes usuels de la négociation entre fournisseurs et distributeurs, ces réformes ont conduit à en bouleverser les enjeux commerciaux et financiers.

La réponse des distributeurs

222. Face à ces modifications qui ont touché l'ensemble des produits de grande consommation, les distributeurs ont adopté des politiques globales, identiques pour tous les secteurs, qui ont influencé le déroulement des négociations pour toutes les catégories de produits qu'ils commercialisaient.

223. Par ailleurs, les négociations ne se sont pas cantonnées au niveau classique des discussions entre les personnes en charge des négociations dans les enseignes et les représentants commerciaux des fournisseurs. Elles ont inclus les plus hauts niveaux de la hiérarchie commerciale des fournisseurs et des distributeurs. Les directeurs DPH (" Droguerie, parfumerie et hygiène ") des enseignes sont intervenus fréquemment, éventuellement en lieu et place des acheteurs. Les présidents de groupes de distribution ont également pris une part active, soit directement auprès des fournisseurs, soit par des déclarations dans la presse pour dénoncer les abus allégués des industriels.

La réaction des fournisseurs

224. Dans ce contexte, le besoin d'information des fournisseurs de produits d'entretien et d'hygiène s'est considérablement accru. Les entreprises y ont répondu de plusieurs façons.

225. D'une part, elles ont renforcé les systèmes existants de remontée d'informations provenant du terrain, afin d'avoir une meilleure visibilité sur l'évolution de la situation du marché.

226. D'autre part, à l'occasion de l'engagement Sarkozy, l'ILEC a aménagé temporairement sa manière de travailler et a posé à ses adhérents des questions plus précises, tout en veillant notamment à ce qu'aucune recommandation ne soit émise.

227. Toutefois, les nombreuses sources d'informations disponibles et les multiples cercles d'échanges professionnels précités n'étaient manifestement pas considérés comme suffisants par certains fournisseurs pour faire face aux modifications successives du cadre juridique et leur permettre de maintenir la profitabilité qu'ils retiraient de l'équilibre tacite antérieur. C'est la raison pour laquelle des fournisseurs actifs dans le secteur de l'entretien et dans le secteur de l'hygiène ont organisé, dans chacun de ces deux secteurs, un système de concertation explicite.

E. DESCRIPTION DES PRATIQUES POURSUIVIES

1. MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE DES PRATIQUES

228. Les pratiques constatées ont consisté en une concertation sur la politique de prix sous la forme d'échanges d'informations commercialement sensibles et, le cas échéant, d'actes de coopération plus poussés entre entreprises actives dans le secteur de l'hygiène d'une part, et entre entreprises actives dans le secteur de l'entretien d'autre part.

229. Ces échanges ont porté sur les politiques commerciales des fournisseurs et le déroulement des négociations avec les enseignes de la grande distribution. Ils visaient à diminuer l'incertitude inhérente à toute négociation commerciale et à améliorer la position des fournisseurs dans leurs discussions avec les enseignes de la grande distribution.

230. Les pratiques ont reposé, à titre principal, sur des réunions structurées dans le cadre de trois cercles distincts réunissant 1) les directeurs commerciaux d'entreprises actives dans le secteur de l'hygiène, 2) ceux d'entreprises actives dans le secteur de l'entretien et 3) les responsables de vente d'entreprises actives sur ces deux secteurs. Lors de ces réunions, des informations commercialement sensibles étaient présentées et discutées entre concurrents (a). Ces réunions se sont accompagnées d'échanges de documents écrits envoyés par courrier, entre les entreprises, qui seront dénommés ci-après " correspondances " (b). À ces pratiques formalisées, se sont ajoutés des contacts bilatéraux ou plurilatéraux entre entreprises (c).

a) Les trois cercles de réunion

231. La majorité des participants a attribué à ces cercles de réunions une dénomination spécifique. Pour la clarté de l'exposé, elles seront désignées selon l'appellation retenue par Colgate-Palmolive, à savoir :

- " Team PCP " (pour Personal Care Products) pour les réunions de directeurs commerciaux d'entreprises actives dans le secteur de l'hygiène ;

- " Team HP " (pour Home Product) pour les réunions de directeurs commerciaux d'entreprises actives dans le secteur de l'entretien ;

- " Amis " pour les réunions de responsables des ventes d'entreprises actives dans les deux secteurs.

232. Ces trois cercles de réunions ont été organisés sur une base régulière, de façon formalisée, à partir de l'année 2003 au plus tard, ce qui correspond à la période des premiers projets de réforme de la loi Galland, la circulaire Dutreil datant du 16 mai 2003. Seul le cercle des " Amis " a commencé plus tardivement, en septembre 2004.

233. Ces réunions ont toutes cessé le 3 février 2006, date de la première opération de visite et saisie aux sièges de plusieurs entreprises actives dans le secteur de l'entretien.

Les réunions " Team HP "

234. Les réunions " Team HP " réunissaient les directeurs commerciaux d'entreprises actives dans le secteur de l'entretien.

L'origine des réunions " Team HP "

235. Il ressort des déclarations de certains participants aux pratiques que ces réunions existaient depuis au moins 2002. M. Denys E..., ancien directeur commercial de Colgate-Palmolive a ainsi déclaré que " ce genre de réunions existait déjà lors de [son] arrivée à [son] poste de directeur des ventes [c'est-à-dire au plus tard au 1er octobre 1998]" (cote 22 564). M. Philippe F. . . d'Unilever a également indiqué qu'il avait participé à au moins une réunion au cours de l'année 2002 (cote 23 943 ; voir également cote 318 du dossier 08/0044AC).

236. Toutefois, les éléments matériels (notes de réunions, mentions dans les agendas, réservations de salle) permettant d'identifier précisément les dates et l'objet des réunions " Team HP " remontent au plus tôt à l'entrée en vigueur de la circulaire Dutreil, au cours de l'été 2003. Cette date sera donc retenue comme point de départ des réunions " Team HP ".

237. Les réunions " Team HP " présentées ci-après ont eu lieu entre le mois de juillet 2003 au plus tard et le 3 février 2006 dans des hôtels et restaurants, principalement à l'hôtel Marriott à Neuilly-sur-Seine.

Les participants aux réunions " Team HP "

238. Après avoir identifié les participants aux réunions " Team HP ", le rôle particulier joué par Colgate-Palmolive dans les rencontres sera mis en évidence.

239. Cinq entreprises ont participé aux réunions " Team HP ". Elles sont identifiées dans le tableau suivant :

<Emplacement Tableau>

240. Les participants aux réunions " Team HP " ont pu être identifiés à partir des déclarations d'entreprises des demandeurs de clémence (cotes 14 du dossier 06/0018AC, 319 du dossier 08/0044AC et 41 966) et des déclarations des personnes concernées, qui ont toutes reconnu avoir participé à des réunions avec les directeurs commerciaux d'autres entreprises actives dans le secteur de l'entretien.

241. Interrogé sur les participants à ces réunions de directeurs commerciaux dans le secteur de l'entretien, M. Denys E... (Colgate-Palmolive) a déclaré : " le nombre de participants aux réunions était limité pour des raisons de confiance, la confiance étant un élément primordial " (cotes 22 564 et 22 570). Invité à préciser le sens de sa déclaration, il a expliqué que : " pour participer à ces réunions, il fallait une certaine expérience, pour être capable de lire à travers les attitudes de la grande distribution. Il fallait aussi une confiance mutuelle, pour être certain de la qualité des informations échangées ". L'un des éléments mis en avant par l'ancien directeur commercial de Colgate-Palmolive pour préserver cette confiance est l'échange d'informations exactes : " La confiance était la règle d'or. On pouvait éventuellement ne pas répondre si on ne le voulait pas, mais si on parlait, on devait dire la vérité " (cote 39 770).

242. Il résulte de ce qui précède que l'entrée dans le cercle des réunions de directeurs commerciaux dans le secteur des produits d'entretien était conditionnée à la fois par la compétence de la personne et par la confiance que les autres membres du groupe lui accordaient.

243. Si aucune entreprise ayant participé aux réunions " Team HP " n'a joué un rôle prépondérant dans l'organisation matérielle des réunions, tel n'est pas le cas en ce qui concerne la convocation des nouvelles personnes physiques afin qu'elles prennent part aux réunions.

244. Les déclarations convergentes des participants aux réunions montrent que M. Jean-François Q. . . de Colgate-Palmolive, et M. Denys E... avant lui, ont joué un rôle singulier dans le déroulement et la pérennisation des réunions " Team HP ", dans la mesure où ils se sont chargés de la convocation des nouveaux participants. Ainsi, M. E. . . M. . . de Reckitt Benckiser a déclaré : " C'est M. Q. . . qui me contactait pour ces réunions. " (cote 23 014). Ceci ressort également de la déclaration de M. Philippe F. . . d'Unilever qui a indiqué : " La première fois que j'ai été contacté pour ces réunions, c'est à l'occasion d'un forum où quelqu'un de Colgate m'a proposé de participer à des réunions relatives à des sujets d'intérêt général pouvant intéresser les commerciaux (relations industrie-commerce,...). Il me semble qu'il s'agissait de M. E.... " (cote 23 939 ; voir également les cotes 43 894, 43 909, 23 294 et 22 879).

Présentation des réunions " Team HP"

245. Les développements qui suivent permettent d'établir la matérialité de chacune des réunions " Team HP " dont la date a pu être déterminée précisément. Pour chacune d'entre elles, sont précisées, le cas échéant sous la forme d'un tableau, les entreprises participantes et les preuves permettant d'établir leur présence. La preuve de la présence de chacune des entreprises à chacune des réunions repose, pour chaque occurrence, sur un faisceau d'indices graves, précis et concordants constitué, selon la réunion considérée, de déclarations, notamment de demandeurs de clémence, de notes de réunion, de comptes-rendus internes, d'extraits d'agenda ou encore de réservations de salles.

Réunion de l'été 2003

246. Il ressort d'une note manuscrite de M. Eric N. . . datée du 30 juillet 2003 (Bolton Solitaire) (cotes 9 520 et 9 521), de la déclaration d'entreprise de Colgate-Palmolive et de celles d'anciens salariés des entreprises concernées figurant au dossier (cotes 22 466, 38 835, 39 772, 40 213 (VC) et 40 598 (VNC) et 40 516) qu'une réunion entre les directeurs commerciaux d'Henkel, Colgate-Palmolive, Procter & Gamble et Unilever a eu lieu, au cours de l'été 2003, au plus tard au mois de juillet, dans le secteur de l'entretien.

Réunion du 9 décembre 2003

Réunion du 9 juin 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 5 juillet 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 24 août 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 15 novembre 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 6 décembre 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du début de mois de février 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 23 juin 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 22 novembre 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 5 janvier 2006

<Emplacement tableau>

247. Entre l'été 2003 (le mois de juillet au plus tard) et le 3 février 2006 (date de la première opération de visite et saisie dans le secteur de l'entretien qui a mis un terme aux pratiques), les directeurs commerciaux en charge de la commercialisation de produits d'entretien d'Henkel, Unilever, Procter & Gamble, Colgate-Palmolive et Reckitt Benckiser se sont rencontrés, à plusieurs reprises, à intervalles réguliers.

248. Des échanges similaires ont eu lieu entre les directeurs commerciaux des entreprises actives dans le secteur de l'hygiène, dans le cadre de réunions dites " Team PCP ".

Les réunions " Team PCP "

249. Les réunions " Team PCP " réunissaient les directeurs commerciaux de certaines entreprises actives dans le secteur de l'hygiène.

250. Les développements qui suivent permettent d'établir la matérialité de ces réunions.

L'origine des réunions " Team PCP "

251. Il ressort des déclarations de la majorité des participants et du directeur du site " La maison des Arts et métiers " (cotes 24 282 à 24 333) que les réunions " Team PCP " ont commencé avant le début de l'année 2003, voire à l'entrée en vigueur de la loi Galland en 1996 (cotes 22 568, 39 808, 40 044 et 723 du dossier 08/0084AC). M. Alain P. . . , ancien directeur commercial de Beiersdorf, a ainsi indiqué avoir eu connaissance de l'existence de ce groupe de travail " fin 2002 début 2003 " (cote 22 321). M. Philippe F. . . , ancien directeur commercial d'Unilever, a affirmé avoir eu un premier contact avec les membres du groupe " Team PCP " au cours de l'année 2002 (plutôt en fin d'année) (cote 23 939).

252. Le caractère ponctuel de ces réunions (deux à trois fois pas an) ajouté à leur ancienneté (3 à 4 ans avant les opérations de visite et saisie) expliquent l'absence de compte-rendu ou de notes manuscrites les concernant. Les éléments matériels permettant d'identifier précisément les dates et l'objet des réunions " Team PCP ", remontent, dans leur quasi-totalité, au plus tôt à l'entrée en vigueur de la circulaire Dutreil, en juillet 2003. Cette date sera retenue comme point de départ des réunions " Team PCP ".

Les participants aux réunions " Team PCP "

253. Après avoir identifié les participants aux réunions " Team PCP ", le rôle particulier joué par Colgate-Palmolive dans les rencontres sera mis en évidence.

Identification des participants aux réunions " Team PCP "

254. Les huit entreprises ayant participé aux réunions " Team PCP " sont identifiées dans le tableau suivant :

255. Les participants aux réunions " Team PCP " ont pu être identifiés à partir des déclarations d'entreprises des demandeurs de clémence (cotes 13 et 14 du dossier 06/0019AC, 2 et 746 à 748 du dossier 08/0084AC) et des déclarations des personnes concernées, qui ont, pour la grande majorité d'entre elles, reconnu avoir participé à des réunions avec les directeurs commerciaux d'autres entreprises actives dans le secteur de l'hygiène.

256. S'agissant de L'Oréal, il ressort des pièces du dossier qu'elle a participé aux réunions " Team PCP " au cours de deux périodes distinctes :

- jusqu'au 24 mars 2004, L'Oréal était représentée par M. Dominique W. . . , salarié de la société L'Oréal (SA), responsable commercial au sein de la division " produits grand public " ;

- à partir du mois de novembre 2005, L'Oréal était représentée par M. Hervé 1. . . , directeur commercial de la société Lascad, filiale de L'Oréal (cotes 8 156 à 8 158 (VC) / cotes 46 775 à 46 777 (VNC).

257. À l'instar des constatations formulées s'agissant des réunions " Team HP ", l'entrée d'un nouveau participant dans le groupe résultait d'une forme de cooptation, voire, aux termes de l'un des participants, " d'adoubement " (cote 40 072).

258. Les pièces du dossier montrent que le refus de laisser certaines personnes accéder au groupe visait à limiter le nombre de participants aux réunions (cote 15 448, 22 550 et 22 548) ou à s'assurer que le nouvel entrant avait une taille suffisante (cote 22 550).

259. Il existait donc un mécanisme de cooptation, fondé à la fois sur les qualités du salarié susceptible de représenter l'entreprise et les caractéristiques de cette dernière.

Le rôle particulier de Colgate-Palmolive

260. Si aucune entreprise ayant participé aux réunions " Team PCP " n'a joué un rôle prépondérant dans l'organisation matérielle des réunions, les pièces du dossier mettent en exergue le rôle singulier joué par Colgate-Palmolive dans la convocation des participants aux réunions (cotes 22 671, 44 137 et 23 939).

Présentation des réunions " Team PCP"

261. Les développements qui suivent permettent d'établir la matérialité des réunions " Team PCP " dont la date a pu être déterminée. Pour chacune d'entre elles, seront précisées sous forme de tableau, l'identité des entreprises participantes et, pour chacune, les preuves permettant d'établir leur présence. La preuve de la présence de chacune des entreprises à chacune des réunions repose, pour chaque occurrence sur des déclarations, notamment de demandeurs de clémence, des notes de réunion, des comptes-rendus internes, des extraits d'agenda ou encore des réservations de salles.

Réunion du 7 juillet 2003

262. Il ressort des déclarations de six participants aux réunions " Team PCP " qui reconnaissent avoir échangé sur l'interprétation de la circulaire Dutreil, immédiatement après son adoption ou au cours de l'été 2003 (cotes 39 772, 39 809, 40 175, 40 212 (VC)/ 40597 (VNC), 40 044 et 40 507) combinées à l'agenda de M. Alain P. . . (Beiersdorf) (cote 40 116), à la réservation du 7 juillet 2003 pour 7 personnes au restaurant les Arts et Métiers, au nom de L'Oréal (cote 24 285) et à la note du 30 juillet 2003 de M. Eric N. . . (cote 41 401), qu'une réunion s'est tenue à la date du 7 juillet 2003 et a réuni les directeurs commerciaux de plusieurs entreprises actives dans le secteur de l'hygiène, à savoir Colgate-Palmolive, Vania, Beiersdorf, Unilever, Henkel, Gillette et L'Oréal.

Réunion du 18 septembre 2003

<Emplacement tableau>

Réunion du 21 octobre 2003

<Emplacement tableau>

Réunion du 26 novembre 2003

<Emplacement tableau>

Réunion du 2 décembre 2003

<Emplacement tableau>

Réunion du 24 mars 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 4 mai 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 1er juillet 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 30 août 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 5 octobre 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 9 novembre 2004

<Emplacement tableau>

Réunion du 7 décembre 2004

<Emplacement tableau>

Réunion au milieu du mois de janvier 2005

263. Il résulte des demandes de clémence de Colgate-Palmolive (cote 187 du dossier 06/0019AC) et Henkel (cote 745 du dossier 08/0084AC), de l'agenda et des déclarations de M. Jean-François Q... (Colgate-Palmolive) (cote 241 du dossier 06/0019AC et 39 840), d'une réservation de salles aux Arts et Métiers à Paris effectuée par Unilever pour 5 personnes (cotes 24 300 à 24 302), des notes de réunions et déclarations de M. Benoît 2... (Beiersdorf) (cotes 14 797 et 14 798, 22 328), qu'une réunion " Team PCP " s'est déroulée entre le 17 et le 20 janvier 2005, entre Beiersdorf, Unilever, Vania, Colgate-Palmolive et Henkel

<Emplacement tableau>

Réunion du 14 février 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 9 mars 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 11 avril 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 17 mai 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 15 juin 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 11 juillet 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 6 septembre 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 6 octobre 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 9 novembre 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du 7 décembre 2005

<Emplacement tableau>

Réunion du début du mois de janvier 2006

<Emplacement tableau>

264. Entre le 7 juillet 2003 au moins et le 3 février 2006, les directeurs commerciaux en charge de l'activité hygiène des entreprises Beiersdorf, Colgate-Palmolive, Henkel, Vania, Gillette, Unilever se sont rencontrés, à plusieurs reprises, à intervalles très réguliers.

265. À ce noyau dur de participants, se sont ajoutés L'Oréal entre le début des pratiques et le 24 mars 2004 puis entre novembre 2005 et le 3 février 2006, et Procter & Gamble entre le début des pratiques et décembre 2003.

266. En sus de ces échanges entre directeurs commerciaux, à partir de la fin de l'année 2004, les directeurs des ventes de certaines entreprises actives dans le secteur de l'hygiène et/ou de l'entretien, ou parfois leur directeur commercial, se rencontraient également pour échanger sur des sujets similaires, dans le cadre des réunions dites des " Amis ", décrites ci-après.

Les réunions des " Amis "

267. Contrairement aux deux cercles de réunion qui viennent d'être présentés, le cercle des " Amis ", bisectoriel, réunissait, pour la plupart des participants, des cadres d'un niveau hiérarchique inférieur à celui des directeurs commerciaux.

L'origine et l'évolution des réunions des " Amis "

L'origine des réunions des " Amis "

268. Contrairement aux deux cercles de réunions précédents, le cercle des " Amis " n'existait pas avant 2004, même sous une forme moins organisée.

269. Dans leurs déclarations, les demandeurs de clémence font remonter ce cercle d'échanges au mois d'avril 2004 (cotes 321 et 322 du dossier 08/0044AC et 839 et 840 du dossier 08/0084AC). Cependant, les premières réunions dont l'existence est établie avec certitude remontent au mois de septembre 2004.

270. Le processus qui a donné lieu à l'émergence du groupe des " Amis " s'est déroulé en deux étapes. Une rencontre préparatoire a eu lieu le 7 septembre 2004 à la suite d'une réunion de l'ILEC. À cette occasion, selon M. Michel 3. . . (SC Johnson), certains fournisseurs ont décidé de " s'organiser pour résister aux demandes de la grande distribution concernant les conditions d'application de l'accord Sarkozy, car celles-ci étaient manifestement excessives et insupportables pour les fournisseurs " (cote 73).

271. Le cercle des " Amis " a donc émergé dans le cadre de l'engagement Sarkozy, ce qui explique sa nature bisectorielle, l'engagement étant lui-même plurisectoriel. À la suite de cette rencontre, qui ne présentait aucun caractère formel, la fondation du groupe des " Amis " s'est concrétisée par l'organisation de la première réunion, le 21 septembre 2004, après un comité commercial de l'ILEC.

272. Les réunions ont perduré jusqu'à la fin de l'année 2004 et tout au long de l'année 2005, à un rythme quasiment mensuel, malgré la fin de l'application de l'engagement Sarkozy.

La spécialisation par secteur des réunions des " Amis "

273. La disparition des problématiques de nature transversale et les caractéristiques spécifiques de chaque secteur ont conduit à une spécialisation progressive des réunions des " Amis ", qui a débouché sur une scission en deux groupes à la fin de l'année 2005, dupliquant ainsi la structure " Team HP " / " Team PCP " à un niveau hiérarchique inférieur à une période où ces dernières réunions continuaient par ailleurs (cotes 1118 et 1119 du dossier 06/0018AC et 648 du dossier 06/0019AC).

274. Cette scission a pu être datée au mois de janvier 2006, une première réunion préparatoire ayant eu lieu le 19 janvier 2006 entre Colgate-Palmolive, Henkel, Beiersdorf et Reckitt Benckiser.

275. Cette spécialisation en deux structures a modifié la composition du groupe participant aux réunions des " Amis ". En effet, deux nouvelles entreprises actives dans le secteur de l'hygiène ont accédé à ce cercle d'échanges : Lascad, filiale du groupe L'Oréal, et Beiersdorf.

276. Les réunions des " Amis ", dans le secteur de l'hygiène et celui de l'entretien, ont pris fin à compter du 3 février 2006.

Les participants aux réunions des " Amis "

277. Par rapport aux réunions " Team HP " et " Team PCP ", les réunions des " Amis " impliquent de nouvelles entreprises. Après avoir identifié les entreprises participantes à ce troisième cercle, le rôle particulier de certaines d'entre elles dans l'organisation des rencontres sera décrit.

278. Le tableau suivant permet d'identifier les entreprises ayant participé à ces réunions :

<Emplacement Tableau>

279. À ce socle, s'ajoutent des entreprises qui ont participé uniquement à une ou deux réunions des " Amis ".

280. Il s'agit, d'une part, de celles qui n'ont participé qu'aux réunions spécialisées dans le secteur de l'hygiène à la fin de la pratique, c'est-à-dire Beiersdorf (par l'intermédiaire de M. Benoit 2. . . , directeur grands comptes) et Lascad (par l'intermédiaire de M. Jérôme 10. . . , responsable de " business unit ").

281. Il s'agit, d'autre part, d'entreprises qui ont participé à ces réunions pendant une période limitée ou à une seule occasion : Unilever a été représenté par M. Olivier J. . . , à une reprise, au tout début de la pratique. Quant à Gillette, elle a participé à deux réunions, où elle a été représentée par M. Denis 11. . . : celles du 21 septembre 2004 et du 17 février 2005.

282. Les participants aux réunions " Amis " ont pu être identifiés à partir des déclarations d'entreprises des demandeurs de clémence (cotes 3, 841 et 842 du dossier 08/0084AC, 323-324 du dossier 08/0044AC, 12 du dossier 06/0018AC et 11-12 du dossier 06/0019AC) et des déclarations des personnes concernées, qui ont toutes reconnues avoir participé à des réunions avec les directeurs des ventes d'autres entreprises actives dans le secteur de l'entretien et/ou de l'hygiène.

283. La plupart des entreprises ayant pris part à ces réunions participaient également aux cercles " Team HP " et " Team PCP ". La participation à ces deux niveaux de réunions a permis à ces entreprises de croiser les informations obtenues dans le cadre de ces différents cénacles. Ceci a été mis en évidence par la déclaration de M. Alain P. . . (Beiersdorf) qui a déclaré que ceci " permet de recouper les informations. Il est certain que parfois les 59 membres du groupe 5 [Team PCP] faisaient de l'intox. L'important est de recouper l'information pour se faire son idée de ce qui se fait vraiment " (cote 22 322).

Le rôle spécifique de certaines entreprises dans l'organisation des réunions

284. Les déclarations des entreprises dans le cadre de leurs demandes de clémence (cotes 11 du dossier 06/0018AC, 11 du dossier 06/0019AC, 324 du dossier 08/0044AC et 842 du dossier 08/0084AC), les auditions des participants aux échanges (cotes 77 et 46 705 à 46 707) et le cahier de réservation du restaurant " Le Royal Villiers " (cotes 24 229 à 24 246) montrent que les directeurs des ventes de Colgate-Palmolive et d'Henkel et, dans une moindre mesure, le directeur commercial de SC Johnson ont joué un rôle prépondérant dans l'organisation des réunions " Amis ". Ils étaient en charge de la réservation de la salle de restaurant et de la convocation des participants aux réunions.

Description des réunions des " Amis "

285. Ces réunions ont quasiment toutes eu lieu au restaurant " Le Royal Villiers ". La preuve de la présence des entreprises à chacune des réunions, présentée sous forme de tableau, repose sur des déclarations, notamment de demandeurs de clémence, des notes de réunion, des comptes-rendus internes, des extraits d'agenda ou encore des réservations de salles.

Réunion du 21 septembre 2004

<Emplacement Tableau>

Réunion du 4 novembre 2004

<Emplacement Tableau>

Réunion du 3 décembre 2004

<Emplacement Tableau>

Réunion du 14 janvier 2005

<Emplacement Tableau>

Réunion du 17 février 2005

<Emplacement Tableau>

Réunion du 17 mars 2005

<Emplacement Tableau>

Réunion du 14 avril 2005

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Réunion du 12 mai 2005

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Réunion du 27 octobre 2005

<Emplacement Tableau>

Réunion du 30 novembre 2005

<Emplacement Tableau>

Réunion du 19 janvier 2006

<Emplacement Tableau>

Réunion du 26 janvier 2006

<Emplacement Tableau>

Réunion du 3 février 2006

<Emplacement Tableau>

288. C'est à l'occasion de cette dernière réunion qu'ont eu lieu les premières opérations de visite et saisie. Par conséquent, en sus des pièces mentionnées ci-dessus, la participation de ces personnes à la réunion est confirmée par les procès-verbaux de visite et saisie dressés au restaurant " Le Royal Villiers ". Seul M. Gérard H. . . (Henkel) n'est pas mentionné dans ces procès-verbaux de visite et saisie, celui-ci ayant quitté la réunion précipitamment. À cette occasion, ont été saisis des documents de MM. Grégory 4. . . et Eric N. . . de Bolton Solitaire, de Mme Nathalie Y. . . de Colgate-Palmolive, de M. Michel 3. . . de SC Johnson et de M. François D. . . de Sara Lee.

Conclusion sur les réunions des " Amis "

289. Les directeurs de vente ou, dans certains cas, les directeurs commerciaux de Bolton Solitaire, Colgate-Palmolive, Henkel, SC Johnson, Laboratoires Vendôme, Reckitt Benckiser et Sara Lee se sont réunis de façon régulière, à une fréquence élevée, entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006. Au début de l'année 2006, deux rencontres spécialisées dans le secteur des produits d'hygiène ont eu lieu, réunissant certaines de ces entreprises, ainsi que Beiersdorf et Lascad. En outre, Unilever a participé à une réunion à la fin de l'année 2004 et Gillette a participé aux réunions des 21 septembre 2004 et 17 février 2005.

b) Les " correspondances "

290. En sus des réunions, l'existence de correspondances échangées au sein des cercles " Team PCP ", " Team HP " et des " Amis " est établie. Ces échanges impliquaient quasiment les mêmes entreprises que celles ayant participé aux réunions. Grâce à ces correspondances, les participants pouvaient obtenir des informations plus précises et plus exhaustives que celles échangées dans le cadre des réunions. En outre, certains de ces documents compilaient des données identiques à intervalles réguliers (tous les deux mois environ) ce qui permettait d'assurer le suivi des réunions, en complétant et en contrôlant les informations communiquées à l'occasion de ces dernières. 68

291. L'examen des caractéristiques de ces correspondances met en évidence la complémentarité existant entre elles et les réunions, à partir de deux éléments :

- les correspondances sont organisées, dans la quasi-totalité des cas, entre les mêmes entreprises que celles qui ont participé aux réunions ;

- lorsque les correspondances revêtent un caractère systématique, comme c'est le cas dans le cadre du cercle " Team HP " et du cercle " Team PCP ", l'organisation de ces échanges est liée au déroulement des réunions.

L'identité des participants aux correspondances et aux réunions

292. Les correspondances se déroulaient au sein des mêmes cercles d'entreprises que les réunions.

Les correspondances dans le cercle " Team PCP "

293. En sus d'avoir participé aux réunions " Team PCP ", les directeurs commerciaux de Colgate-Palmolive, Beiersdorf, Gillette, Henkel, Unilever, Vania, L'Oréal et de Procter & Gamble (les deux dernières ayant participé à la pratique uniquement à certaines périodes) ont échangé des " correspondances " qui ont également concerné Reckitt Benckiser et Laboratoires Vendôme.

Les déclarations des demandeurs de clémence

294. La participation des entreprises ressort, tout d'abord, des déclarations d'entreprises des demandeurs de clémence (cotes 15 du dossier 06/0019AC et 748 du dossier 08/0084AC).

Les pièces matérielles

295. En sus de ces déclarations d'entreprises, l'identité des participants aux correspondances échangées en parallèle des réunions " Team PCP " est établie à partir des pièces contemporaines des faits.

296. Des tableaux intitulés " Team PCP " datés du second semestre 2005 et du 11 mai 2004 ont été saisis chez Lascad et Beiersdorf. Y figurent les adresses personnelles des directeurs commerciaux de Beiersdorf, Colgate-Palmolive, Henkel, Gillette, Unilever, Vania, Laboratoires Vendôme, Reckitt Benckiser et Lascad (cotes 14 901 et 16 802). Un document identique à ces tableaux a été remis par Henkel (cote 453 du dossier 08/0084AC).

297. Colgate-Palmolive a communiqué à l'Autorité plusieurs tableaux relatifs à l'évolution du chiffre d'affaires cumulé à date de certaines entreprises actives dans le secteur de l'hygiène. Il ressort des déclarations de ses anciens salariés que ces tableaux avaient été " élaborés à partir [des chiffres d'affaires communiqués par les sociétés concurrentes] " et qu'ils étaient ensuite envoyés aux participants à l'échange selon un principe de donnant-donnant (cote 22 571).

298. Parmi ces pièces, figurent des tableaux individuels relatifs au chiffre d'affaires cumulé à date de Beiersdorf, Procter & Gamble, Unilever, Gillette, Vania, Laboratoires Vendôme, Henkel, L'Oréal et Reckitt Benckiser entre mars 2004 et décembre 2005 (cotes 317 à 396 du dossier 06/0019AC). Figurent également des tableaux synthétiques contenant, en tout ou partie, les mêmes informations sur Colgate-Palmolive, Procter & Gamble, Unilever, Henkel, Reckitt Benckiser, L'Oréal, Gillette, Laboratoires Vendôme, Beiersdorf et Vania entre mars 2003 et décembre 2005 (cotes 398 à 472 du dossier 06/0019AC). Ces tableaux étaient élaborés et communiqués dans des délais courts, souvent dans le mois qui 69

suivait la date des informations. Il s'en déduit que ces correspondances se sont déroulées sur une période s'étalant, au moins, du mois d'avril 2003 au mois de janvier 2006.

299. Certains tableaux individuels contiennent des mentions manuscrites qui montrent qu'ils ont été élaborés par les directeurs commerciaux d'entreprises concurrentes et adressés à Colgate-Palmolive (cotes 320, 323, 324 du dossier 06/0019AC). En outre, sur l'un des tableaux relatif à Unilever remis par Colgate-Palmolive, apparait le numéro de fax de cette entreprise. Enfin, certains courriers sont accompagnés de la carte de visite de l'expéditeur (cote 370 du dossier 06/0019AC) ou d'un courrier sur papier à en-tête de l'entreprise à l'origine de l'envoi (cotes 349 et 350 du dossier 06/0019AC). Ces différents éléments confirment que les tableaux individuels ont bien été adressés à Colgate-Palmolive par des concurrents.

Les déclarations des participants aux correspondances

300. Enfin, la quasi-totalité des participants à ces échanges ont reconnu avoir participé à ces correspondances (cotes 22 549, 22 611, 39 815, 23 940, 23 932, 22 676 et 40 191). La majorité des participants a précisé avoir reçu ces documents à leur domicile personnel.

Conclusion

301. Unilever, Beiersdorf, Procter & Gamble, Gillette, Vania, Henkel, L'Oréal et Colgate-Palmolive, c'est-à-dire les participants aux réunions " Team PCP " auxquels s'ajoutent Reckitt Benckiser et Laboratoires Vendôme ont participé à des échanges de correspondances.

302. S'agissant de Procter & Gamble, l'entreprise a continué à participer à des correspondances, jusqu'à la fin de l'année 2004, alors même qu'elle ne participait plus aux réunions " Team PCP " depuis le mois de décembre 2003.

Les correspondances dans le cercle " Team HP "

303. Des correspondances de même nature ont été échangées entre les participants aux réunions " Team HP ", à savoir Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Procter & Gamble et Reckitt Benckiser.

Les déclarations des demandeurs de clémence

304. L'identification des entreprises ayant pris part à des correspondances dans le cadre du cercle " Team HP " ressort, tout d'abord, des déclarations d'entreprise de Colgate-Palmolive et Henkel (cotes 15 du dossier 06/0018AC et 318 du dossier 08/0044AC).

Les pièces matérielles

305. En sus de ces déclarations d'entreprise, l'identité des participants aux correspondances échangées en parallèle des réunions " Team HP " est établie à partir des pièces contemporaines des faits.

306. D'une part, comme dans le secteur de l'hygiène, Colgate-Palmolive a remis à l'Autorité des tableaux relatifs à l'évolution du chiffre d'affaires cumulé à date de certaines entreprises actives dans le secteur de l'entretien. Ces tableaux, élaborés selon un processus identique à celui ayant présidé aux tableaux échangés dans le cadre du cercle " Team PCP ", étaient remplis à partir des données communiquées par les sociétés concurrentes et envoyés aux participants à l'échange selon un principe de donnant-donnant (cotes 22 564 et 22 565).

307. Parmi ces pièces, figurent des tableaux individuels relatifs à l'évolution du chiffre d'affaires cumulé à date d'Unilever, Procter & Gamble, Henkel et Reckitt Benckiser entre mars 2004 et décembre 2005 (cotes 756 à 789 du dossier 06/0018AC). Figurent également des tableaux synthétiques contenant, en tout ou partie, des informations sur Colgate-Palmolive, Procter & Gamble, Unilever, Henkel et Reckitt Benckiser entre mars 2003 et décembre 2005 (cotes 790 à 844 du dossier 06/0018AC). Ces tableaux étaient élaborés et communiqués dans des délais courts, souvent dans le mois qui suivait la date des informations. Il s'en déduit que ces correspondances se sont déroulées sur une période s'étalant, au moins, du mois d'avril 2003 au mois de janvier 2006.

308. Certaines pièces montrent que certains tableaux individuels ont effectivement été transmis à Colgate-Palmolive par des concurrents. Ainsi, sur l'un des tableaux relatif à Unilever, apparait le numéro de fax de cette dernière (cote 763 du dossier 06/0018AC). En outre, l'un des documents est accompagné de la carte de visite professionnelle de l'expéditeur (cote 781 du dossier 06/0018AC).

309. D'autre part, des pièces saisies chez Sara Lee, qui n'a été associée que de façon marginale à ces correspondances, corroborent l'existence de ces correspondances. Ainsi, un document identique aux tableaux récapitulatifs de chiffres d'affaires remis par Colgate-Palmolive, daté de décembre 2002, contenait des informations sur Colgate-Palmolive, Reckitt Benckiser, Procter & Gamble, Unilever, Henkel et Sara Lee. Ont également été saisis un courrier de M. Denys E... daté du 31 janvier 2003 (cote 12 096), et des tableaux synthétiques de conditions générales de vente concernant Sara Lee, Reckitt Benckiser, SC Johnson, Colgate-Palmolive, Unilever, Henkel et Procter & Gamble, datés respectivement du 31 mars 2003 (pour les trois premières entreprises seulement) et du 12 décembre 2003 (cotes 12 081 et 12 088). Ces pièces montrent que les correspondances existaient dès le mois de janvier 2003.

Les déclarations des participants aux correspondances dans le cercle " Team HP "

310. Enfin, les salariés des entreprises précitées ont tous reconnu avoir participé à des échanges de correspondances avec les autres entreprises membres du cercle " Team HP " (cotes 22 564, 22 558, 40 518, 43 909 et 22 680, 22 880, 23 940, 23 925 et 40 191 et 40 194).

Conclusion

311. Les participants aux réunions " Team HP ", à savoir Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Procter & Gamble et Reckitt Benckiser ont participé à des échanges de correspondances, organisés en parallèle des réunions.

Les correspondances dans le cercle des " Amis "

312. Les réunions des " Amis " ont été complétées par des correspondances entre les participants, bien qu'elles aient revêtu un caractère moins institutionnalisé que celles s'étant déroulées dans le cadre des cercles " Team HP " et " Team PCP ".

Les déclarations des demandeurs de clémence

313. Ce constat ressort, tout d'abord, des déclarations des demandeurs de clémence (cotes 13 du dossier 06/0018AC, 12 du dossier 06/0019AC, 840 du dossier 08/0084AC et 322 du dossier 08/0044AC). Ces échanges étaient davantage destinés à pallier l'absence d'informations communiquées lors des réunions qu'à envoyer des données nouvelles ou additionnelles (cotes 13 du dossier 06/0018AC et 12 du dossier 06/0019AC).

Les pièces matérielles

314. L'existence de ces correspondances ponctuelles est ensuite corroborée par les pièces contemporaines des faits.

315. Premièrement, dans un courriel du 12 mai 2005 adressé par M. Grégory 4. . . (Bolton Solitaire) à Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive), apparait en pièce jointe un tableau récapitulatif des évolutions du chiffre d'affaires de Bolton Solitaire pour la période comprise entre janvier et avril 2005 (cotes 860 et 861 du dossier 06/0019AC, 1 231 et 1 232 du dossier 06/0018AC).

316. Deuxièmement, dans ses notes manuscrites relatives à la réunion du 17 février 2005, M. Emmanuel 6. . . a indiqué envoyer ses tarifs et ses conditions générales de vente à Henkel, Bolton Solitaire, Colgate-Palmolive, SC Johnson et Reckitt Benckiser (cote 24 100).

317. Troisièmement, ont été saisies, chez Bolton Solitaire, des étiquettes pré-imprimées sur lesquelles figurent les adresses personnelles de MM. Emmanuel 6. . . , Michel 3. . . , Gérard H. . . , Mme Nathalie Y. . . et M. Grégory 4. . . ,, tous participants aux réunions des " Amis " (cotes 10 060 à 10 065). Le fait que ces étiquettes ne contiennent que le nom des participants aux réunions des " Amis " montre qu'elles étaient destinées à être utilisées entre les participants à ces contacts et que les entreprises avaient, à tout le moins, prévu de recourir à des échanges de documents par courrier. Dans le lot saisi, certaines étiquettes étaient manquantes, ce qui prouve qu'elles ont été effectivement utilisées pour des envois par courrier.

Les déclarations des participants aux correspondances dans le cercle des " Amis "

318. Enfin, la plupart des participants aux réunions ont reconnu avoir échangé, par courrier ou par courriel, des documents entre eux (cotes 22 666, 24 099, 39 929 et 39 930 et cote 76).

Conclusion

319. Colgate-Palmolive, Henkel, SC Johnson, Laboratoires Vendôme, Bolton Solitaire et Reckitt Benckiser ont échangé des correspondances, dans le cadre du cercle des " Amis ".

Des modalités d'organisation intrinsèquement liées aux réunions

320. L'importance accordée aux correspondances était variable selon le cercle d'échanges auquel elles se rattachaient.

321. En particulier, les correspondances échangées entre les membres du cercle des " Amis " avaient vocation à répondre à un besoin ponctuel, et ne revêtaient pas de caractère organisé. Ces dernières correspondances ne seront donc pas étudiées dans cette partie.

322. En revanche, les échanges de correspondances parallèles aux réunions " Team HP " et " Team PCP " ont été organisés par les directeurs commerciaux de Colgate-Palmolive, selon des modalités précises, identiques sur les deux secteurs, en raison de leur caractère récurrent dans le système d'échanges d'informations mis en place par les entreprises. Elles étaient intrinsèquement liées aux cercles de réunion qu'elles étaient destinées à compléter.

Les échanges sur l'organisation des correspondances lors des réunions " Team HP "

323. Tout d'abord, les notes manuscrites prises par M. Jean-François Q. . . (Colgate-Palmolive) à l'occasion des réunions " Team HP " du 9 juin 2004 et du 6 décembre 2004 montrent que les participants aux réunions ont échangé sur les modalités d'organisation des correspondances relatives aux chiffres d'affaires à ces deux occasions.

324. Lors de la réunion " Team HP " du 9 juin 2004, Unilever a manifesté son accord pour prendre part aux correspondances relatives aux chiffres d'affaires qui existaient préalablement entre les participants. Il a précisé qu'il enverrait des informations individuelles pour chaque client, sur une base trimestrielle (cote 1 177 du dossier 06/0018AC).

325. Lors de la réunion " Team HP " du 6 décembre 2004, les entreprises ont à nouveau échangé sur les modalités d'organisation des échanges d'informations relatives aux chiffres d'affaires (cote 1 184 du dossier 06/0018AC). À cette occasion, M. Jean-François Q. . . (Colgate-Palmolive) a indiqué qu'il enverrait des tableaux vierges pour le premier échange relatif aux résultats 2005. Le système devait continuer de manière automatique.

La coordination des échanges et l'existence de sollicitations par Colgate-Palmolive

326. Ensuite, les correspondances échangées dans le cadre des cercles " Team HP " et " Team PCP " ont été coordonnées par les directeurs commerciaux successifs de Colgate-Palmolive, MM. Denys E... et Jean-François Q. . . , qui étaient également en charge de la convocation aux réunions des nouveaux participants.

327. Ce constat ressort des déclarations d'entreprise de Colgate-Palmolive et d'Henkel et de celles des anciens directeurs commerciaux de Colgate-Palmolive (cotes 22 571, 22 565, 22 557 et 22 548).

328. Les pièces matérielles suivantes viennent corroborer ce constat :

- sept courriers similaires dans lesquels M. Jean-François Q. . . sollicite de certains de ses homologues l'envoi de chiffres d'affaires à des périodes déterminées (cotes 308 à 314 du dossier 06/0019AC et 748 à 754 du dossier 06/0018AC) ;

- un courrier adressé le 5 avril 2004 à M. Jean-François Q. . . par M. Denys E... (cotes 474 du dossier 06/0019AC et 846 du dossier 06/0018AC) qui montre que M. Denys E... a continué à assurer la coordination des échanges écrits jusqu'à son départ définitif de l'entreprise au début du mois de mai 2004 ;

- une note en date du 14 janvier 2003 de M. Alain Dominique 12. . . (Sara Lee) (cotes 12 091 à 12 095 et 40 812), qui montre que le directeur commercial de Colgate-Palmolive a sollicité de son homologue de Sara Lee l'envoi de documents, en l'occurrence des grilles tarifaires.

329. Ainsi, Colgate-Palmolive a coordonné les correspondances ayant eu lieu en parallèle des réunions " Team HP " et " Team PCP " en sollicitant les informations auprès des autres participants, en particulier lorsque celles-ci portaient sur les chiffres d'affaires et les grilles tarifaires.

La synthèse et l'envoi des documents récapitulatifs par Colgate-Palmolive

330. Les sollicitations de Colgate-Palmolive étaient suivies d'effet : les entreprises participantes à l'échange renvoyaient les informations à Colgate-Palmolive ou les lui remettaient à l'occasion des réunions " Team HP " ou " Team PCP ". Les directeurs commerciaux de Colgate-Palmolive se chargeaient ensuite de les synthétiser dans un document unique.

331. Ce constat ressort des déclarations des anciens directeurs commerciaux de Colgate-Palmolive (cotes 22 571, 22 565, 22 557 et 22 548), de celles des autres participants aux échanges (cotes 23 015, 22 880, 23 939, 22 657, 22 611, 24 116, 22 322, 73

22 676, 23 933 et 22 680) et des documents synthétiques relatifs aux chiffres d'affaires remis par Colgate-Palmolive et Henkel (cotes 454 et 455 du dossier 06/0019AC) et saisis chez Sara Lee (cote 12 103, 12 104 et 39 776) et Reckitt Benckiser (cote 113 22 à 11 326, 11 330, 11 331, 11 335 à 11 337).

332. Il est donc établi que Colgate-Palmolive était chargée de l'élaboration des documents synthétiques et de leur envoi aux différents participants aux correspondances. L'envoi se déroulait, dans la plupart des cas, aux domiciles personnels des participants.

Les demandes de confirmation du contenu de certains tableaux

333. Dans certains cas, les directeurs commerciaux de Colgate-Palmolive n'ont pas sollicité des participants aux correspondances l'envoi de tableaux remplis mais se sont contentés de demander une validation du contenu des documents.

334. Ainsi, Colgate-Palmolive a remis des tableaux récapitulatifs des conditions générales de vente de ses principaux concurrents (cotes 909 à 912 du dossier 06/0018AC et 540 à 543 du dossier 06/0019AC) datés du 12 décembre 2003 pour les tableaux relatifs au secteur des produits d'entretien et du 23 janvier 2004 et du 12 décembre 2003 pour ceux relatifs au secteur de l'hygiène. Ces tableaux contiennent des informations relatives aux conditions générales de vente de Colgate-Palmolive, Unilever, Henkel, Procter & Gamble, SC Johnson, Eau écarlate, Savonnerie Bernard, Reckitt Benckiser et Sara Lee, pour le secteur des produits d'entretien et de Colgate-Palmolive, Unilever, Henkel, Procter & Gamble, Beiersdorf, L'Oréal, Gillette, Laboratoires Vendôme, Reckitt Benckiser, Werner, Sara Lee, Bourjois, Savonnerie Bernard et Coty, pour le secteur de l'hygiène.

335. M. Denys E. . . a décrit les modalités d'élaboration de ces tableaux : " Les CGV envoyées par les concurrents étaient utilisées pour remplir ces tableaux. Il m'arrivait aussi de demander à mes concurrents si ma compréhension de leurs CGV était exacte en leur envoyant ces tableaux pour vérification " (cote 39 774).

336. L'existence de ce processus de validation de documents est corroborée par les déclarations de la plupart des participants aux échanges (cotes 40 045, 40 177, 40 600, 40 509, 40 519 et 40 814) et par un courrier du 31 janvier 2003 dans lequel l'ancien directeur commercial de Colgate-Palmolive a demandé à un représentant de Sara Lee de vérifier le contenu des tableaux relatifs aux CGV de son entreprise et de confirmer des données confidentielles (niveau des remises logistiques, mode de calcul, remises liées aux conditions de paiement) (cote 12 096).

337. Une fois le contenu de ces tableaux récapitulatifs de CGV confirmé, ces derniers faisaient l'objet d'échanges entre les participants (cotes 22 564, 22 570, 12 081 et 12 088).

338. Il est donc démontré que Colgate-Palmolive a, à certaines occasions, demandé aux participants à l'échange de confirmer le contenu des documents synthétiques relatifs aux conditions générales de vente qu'il élaborait, avant de les renvoyer à l'ensemble des participants ou de les remettre aux participants à l'occasion des réunions " Team HP " ou " Team PCP ".

Conclusion sur les correspondances

339. L'existence de correspondances à la fois dans le secteur de l'entretien et celui de l'hygiène, dans le cadre du cercle des " Amis " et des cercles " Team HP " ainsi que " Team PCP ", en parallèle des réunions est démontrée. S'agissant des deux correspondances organisées en parallèles des cercles Team, elles se sont déroulées dans le cadre d'un système largement formalisé, coordonné par Colgate-Palmolive, l'entreprise étant en charge de la réunion des informations et de l'élaboration des synthèses destinées à être envoyées aux participants. Ces pratiques ont commencé, au plus tard, dans le secteur de l'entretien, au mois de janvier 2003 et, dans le secteur de l'hygiène, au mois d'avril 2003. Elles ont toutes cessé le 3 février 2006, jour des opérations de visite et saisie.

340. Le dossier montre la complémentarité entre les correspondances et les réunions. D'une part, les correspondances ont impliqué quasiment les mêmes entreprises. D'autre part, lorsque ces correspondances étaient organisées de manière formelle, c'est-à-dire en parallèle des réunions " Team HP " et " Team PCP ", elles ont été coordonnées par Colgate-Palmolive qui s'est appuyé sur les réunions pour organiser les correspondances et, dans certains cas, obtenir les informations nécessaires à l'élaboration des documents échangés. Ces correspondances constituent donc une composante des pratiques s'étant déroulées dans le cadre des cercles " Team HP ", " Team PCP " et " Amis ".

c) Les échanges bilatéraux et plurilatéraux

341. Les échanges qui viennent d'être décrits se sont accompagnés, dans chacun des deux secteurs, par des contacts de nature bilatérale ou plurilatérale qui ont permis de les compléter et de les consolider.

342. En premier lieu, l'existence de ce type d'échanges peut être établie à partir des déclarations d'entreprise des demandeurs de clémence ou des déclarations de leurs anciens salariés.

343. Dans le secteur de l'entretien, M. Michel 3. . . (SC Johnson) a reconnu avoir eu des contacts bilatéraux avec M. François D. . . de Sara Lee, à partir du début des années 2000 et jusqu'au premier semestre 2004, avec une interruption en 2002 et/ou 2003 (cote 72). Il a également fait état d'échanges avec M. Eric N. . . (Bolton Solitaire), avant le début des réunions " Amis " (cote 75).

344. M. Najib 18. . . (SC Johnson) a mentionné l'existence de contacts téléphoniques, deux à trois fois par semaine, depuis plus de trois ans, entre M. Michel 3. . . (SC Johnson) et des salariés de Reckitt Benckiser, Henkel, Colgate-Palmolive, Bolton Solitaire, Laboratoires Vendôme et Sara Lee (cote 75).

345. Colgate-Palmolive a révélé l'existence de contacts bilatéraux avec Henkel, qui se sont déroulés entre le 9 janvier 2004 et le 23 décembre 2005 (cote 14 du dossier 06/0018AC).

346. Enfin, Henkel a fait état d'échanges avec Colgate-Palmolive, Sara Lee et Unilever, à quatre ou cinq reprises en 2005 (cotes 326 et 327 du dossier 08/0044AC).

347. Dans le secteur de l'hygiène, à l'instar de ses déclarations dans le secteur de l'entretien, Colgate-Palmolive a révélé l'existence de contacts bilatéraux, notamment entre elle-même et Henkel, entre le 9 janvier 2004 et le 23 décembre 2005 (cote 13 du dossier 06/0019AC).

348. Henkel a fait état de l'existence d'autres échanges, de nature bilatérale ou plurilatérale avec Colgate-Palmolive, Unilever, Vania, Beiersdorf, Reckitt Benckiser, Gillette et L'Oréal (cotes 43 549 et 43 550 et cote 724 du dossier 08/0084AC).

349. En second lieu, le dossier contient de nombreuses pièces qui permettent d'établir l'existence de contacts, de nature bilatérale ou plurilatérale, dans chacun des deux secteurs, entre des entreprises qui participaient aux pratiques organisées dans le cadre des réunions " Team HP ", " Team PCP " et " Amis " ainsi qu'aux correspondances, entre le début de l'année 2003 et le 3 février 2006.

350. Les tableaux ci-dessous présentent, pour chacun des deux secteurs, les principaux contacts bilatéraux ou plurilatéraux, ainsi que les entreprises y ayant pris part.

Dans le secteur de l'entretien

<Emplacement Tableau>

351. L'exposé ultérieur du contenu des échanges montrera que certains d'entre eux ont joué un rôle central dans les pratiques dans la mesure où ils ont constitué le socle d'une étape essentielle de la concertation et ont permis de diffuser des positions décidées dans les cercles formels de réunion aux autres opérateurs du secteur.

d) Conclusion sur les modalités de mise en œuvre des pratiques

352. Le dossier permet d'établir l'existence d'un système de coordination explicite entre entreprises, sous la forme de réunions et de correspondances, organisé au sein de trois cercles d'échanges distincts qui se caractérisent par les interactions entre les pratiques qui composent chacun de ces cercles et par une identité forte des participants. Il s'agit des trois cercles suivants :

Le cercle " Team HP " dans le secteur de l'entretien (ci-après " Cercle Team HP "), constitué des réunions Team HP, organisées entre directeurs commerciaux, et des correspondances échangées en parallèle de ces réunions. Ces dernières ont été coordonnées par Colgate-Palmolive qui s'est appuyé sur les réunions Team HP pour les organiser et, dans certains cas, obtenir les informations nécessaires à l'élaboration des documents échangés à l'occasion des correspondances. Ont participé au Cercle Team HP Henkel, Unilever, Procter & Gamble, Colgate-Palmolive, Reckitt Benckiser.

Les déclarations des participants indiquent que des contacts organisés au sein de ce cercle existaient au moins depuis 2002. Toutefois, les pièces matérielles au dossier ne permettent pas de corroborer ces déclarations. Le début des pratiques sera donc daté des premières pièces matérielles. La première pièce matérielle qui établit l'existence d'échanges au sein du Cercle Team HP date de janvier 2003 (correspondance relative aux chiffres d'affaires à la fin du mois de décembre 2002 saisie chez Sara Lee). Ce cercle a duré jusqu'au 3 février 2006.

Le cercle " Team PCP " dans le secteur de l'hygiène (ci-après " Cercle Team PCP "), constitué des réunions " Team PCP ", organisées entre directeurs commerciaux et des correspondances échangées en parallèle de ces réunions. Ces dernières ont été coordonnées par Colgate-Palmolive qui s'est appuyé sur les réunions Team PCP pour les organiser et, dans certains cas, obtenir les informations nécessaires à l'élaboration des documents échangés à l'occasion des correspondances. Ont participé au Cercle Team PCP Beiersdorf, Colgate-Palmolive, Henkel, Vania, Gillette, Unilever, L'Oréal, Procter & Gamble et, pour les seules correspondances, Reckitt Benckiser et Laboratoires Vendôme.

Les déclarations des participants indiquent que des contacts organisés au sein de ce cercle existaient au moins depuis 2002. Toutefois, les pièces matérielles au dossier ne permettent pas de corroborer ces déclarations. Le début des pratiques sera donc daté des premières pièces matérielles, en dépit des déclarations des participants. La première pièce matérielle qui établit l'existence d'échanges au sein du Cercle Team PCP date d'avril 2003 (correspondance relative aux chiffres d'affaires à la fin du mois de mars 2003 remise par Colgate-Palmolive). Ce cercle a duré jusqu'au 3 février 2006.

Le cercle des " Amis " dans les secteurs de l'hygiène et de l'entretien (ci-après " Cercle des Amis "), constitué des réunions des " Amis " et des correspondances 78

organisées en parallèle de ces réunions. Ont participé au Cercle des Amis, dans le secteur de l'hygiène, Colgate-Palmolive, Henkel, Laboratoires Vendôme, Reckitt Benckiser et, pour les seules réunions, Sara Lee, Beiersdorf, Gillette (deux réunions), Unilever (une réunion), et Lascad (une réunion). Dans le secteur de l'entretien, ont participé aux pratiques Bolton Solitaire, SC Johnson, Colgate-Palmolive, Henkel, Reckitt Benckiser et, pour les seules réunions, Sara Lee et Unilever (une réunion).

Les pratiques constitutives du Cercle des Amis ont commencé le 21 septembre 2004 et ont pris fin le 3 février 2006.

353. Ces différents cercles d'échanges formalisés et organisés se sont accompagnés de contacts bilatéraux ou plurilatéraux dans chacun des deux secteurs concernés, qui ont permis de compléter et de consolider les échanges précédemment décrits. Le premier contact bilatéral identifié date du 14 janvier 2003 dans le secteur de l'entretien et du 22 janvier 2003 dans le secteur de l'hygiène. Ces pratiques ont pris fin le 3 février 2006, sur les deux secteurs.

e) Tableau récapitulatif de la participation des entreprises aux échanges

354. La participation de chaque entreprise aux différents échanges est synthétisée dans le tableau ci-dessous.

<Emplacement Tableau>

2. LE CONTENU DES PRATIQUES

355. Les développements qui suivent montrent que les entreprises concernées se sont concertées, notamment en s'échangeant des informations, sur les principaux éléments du prix de vente de leurs produits aux enseignes (prix " triple net ") lors de chaque évolution du cadre normatif intervenue entre 2003 et 2006.

356. Cette collusion explicite entre les fournisseurs de la grande distribution a visé à maintenir le niveau de marge que leur procurait l'équilibre tacite résultant de la loi Galland, équilibre que les pouvoirs publics ont, à trois reprises, bouleversé en adoptant des dispositions normatives nouvelles, afin de conduire à une baisse des prix de vente au consommateur pour les produits de grande consommation.

357. Il convient de décrire le contenu de cette concertation de façon précise. Pour ce faire, seront d'abord présentés les échanges sur les tarifs et les dérives (qui constituent les éléments principaux du prix triple net) dans le contexte économique et juridique de l'époque, à savoir (a) la circulaire du 16 mai 2003 relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs (la " circulaire Dutreil "), (b) l'engagement pour une baisse durable des prix à la consommation du 17 juin 2004 (l'" engagement Sarkozy " ou " l'engagement ") et (c) la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (la " loi Dutreil ").

358. Seront ensuite présentés les échanges sur les politiques promotionnelles, le déroulement des négociations, les CGV et les chiffres d'affaires qui ont eu lieu pendant toute la période concernée par les pratiques (d).

359. Dans les développements qui suivent, l'examen des réunions " Amis ", Team HP et PCP qui ont servi de support aux pratiques décrites est combiné. En effet, d'une part, quel que soit le niveau hiérarchique des participants, participait à ces réunions la même " entreprise ", sujet du droit de la concurrence ; d'autre part, quel que soit le degré de connaissance de l'existence de ces différents cercles de réunion au sein de chaque entreprise, l'ensemble des informations collectées dans ces différents cercles permettait aux participants de déterminer leur stratégie.

a) Les échanges dans le cadre de la circulaire Dutreil du 16 mai 2003

360. La circulaire Dutreil a constitué la première étape de la démarche initiée par les pouvoirs publics pour réduire la marge arrière octroyée par les fournisseurs aux distributeurs, dans le sens d'une plus grande concurrence et d'une baisse des prix pour les consommateurs. Elle réintroduisait de l'incertitude dans les relations industries/commerce, s'agissant notamment de la réintégration d'une partie de la marge arrière en marge avant et du niveau des hausses de tarifs. Le but poursuivi était celui d'une animation plus forte de la concurrence entre les industriels. C'est dans ce contexte qu'ont eu lieu les échanges ci-dessous examinés.

Les échanges sur les évolutions tarifaires

Constatations dans le secteur de l'entretien

361. Les entreprises concernées se sont concertées en échangeant des informations sur leur volonté ou non de réintégrer de la marge arrière dans les tarifs nets. Ces échanges ont abouti à une position consensuelle des industriels : ne pas réintégrer.

362. Lors d'un contact bilatéral entre Bolton Solitaire et SC Johnson au cours de l'été 2003 (cote 9 517), M. Michel 3. . . (directeur commercial de SC Johnson) a informé son homologue de Bolton Solitaire que SC Johnson n'envisageait pas d'appliquer la circulaire Dutreil en réintégrant de la marge arrière en marge avant.

363. Lors de la réunion Team HP ayant eu lieu au plus tard au cours du mois de juillet 2003, Procter & Gamble, Unilever, Henkel et Colgate-Palmolive se sont concertées sur l'application de la circulaire Dutreil (cotes 9 520 et 9 521).

364. Une position consensuelle a été formulée entre les quatre leaders du secteur de l'entretien. Cette position, qualifiée par certains de " recommandation " (cote 39 772, 40516 et 40517) a porté sur cinq points déterminants rapportés par une note de M. Eric N. . . (Bolton Solitaire) (cotes 9 520 et 9 521) :

" Aucun industriel ne réintégrera (ni alim / ni parf / (...))

Pas de différenciation tarif

Pas de coop[ération] en CGV

Tous pas de dérapage = (0 en coop / invest + en TMD)

Tarif = inflation "

365. La mention " Aucun industriel ne réintégrera " signifie que les participants aux pratiques ont constaté qu'aucun industriel ne réintègrerait, en marge avant, c'est-à-dire dans les prix nets facturés, les réductions qui étaient à l'époque consenties en marge arrière pour les avantages financiers n'entrant pas dans la catégorie " de(s) services spécifiques détachables des seules obligations résultant des achats et ventes ". Ceci avait pour effet de faire échec à la baisse des prix de vente à la consommation (" PVC ") rendue possible par la circulaire Dutreil.

366. La mention " pas de différenciation tarif " renvoie à la possibilité donnée par la circulaire Dutreil de procéder à des différenciations tarifaires, entre les différents distributeurs, notamment dans les services logistiques et les délais de paiement.

367. La mention " tarif=inflation " signifie que les fournisseurs entendaient pratiquer des hausses de tarifs conformes à l'inflation, et donc ne pas interpréter le principe de modération tarifaire comme un gel des tarifs, ce qui aurait pu éroder leur rentabilité d'au moins deux points, le niveau de l'inflation étant proche de 2,1 % en 2003.

368. Dans ces conditions, l'objet de la concertation était la formation d'un consensus entre les quatre participants à cette réunion sur une politique de prix qui évitait délibérément de mettre en œuvre les possibilités de la circulaire Dutreil. Ce consensus s'est diffusé au-delà des participants à la réunion, et notamment aux entreprises Reckitt Benckiser, SC Johnson et Bolton Solitaire, pour devenir une " position de marché ". En effet, alors qu'elles n'étaient pas présentes à la réunion Team HP du mois de juillet 2003, ces trois entreprises ont manifestement été tenues informées du contenu des discussions entre les quatre participants. Tout d'abord, les notes de M. Eric N. . . de Bolton Solitaire ont été prises à l'occasion d'un échange avec SC Johnson, ce qui atteste du fait que cette dernière entreprise avait été destinatrice d'informations sur la position dégagée lors de la réunion Team HP précitée. À l'issue de cet échange bilatéral, Bolton Solitaire partageait désormais l'information. Enfin, Reckitt Benckiser, qui n'avait pas participé à la réunion Team HP du mois de juillet est également mentionnée dans les notes de M. Eric N. . . . Son nom figure dans la liste des entreprises qui sont citées par SC Johnson avant l'énoncé de cette " recommandation ", à côté de Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Procter & Gamble et SC Johnson (cote 9 520). Lors de sa discussion avec Bolton Solitaire, SC Johnson a donc assimilé Reckitt Benckiser aux participants à la réunion Team HP du mois de juillet 2003 : il s'en déduit donc que l'entreprise a été informée de son contenu, à l'instar de Bolton Solitaire et SC Johnson et qu'elles en ont également très probablement partagé les conclusions.

369. Il peut être relevé que les entreprises concernées n'ont pas ou peu réintégré de marge arrière en marge avant, et n'ont donc pas mis en œuvre la circulaire Dutreil. Les tarifs nets ont même été souvent augmentés sur la période 2003-2004, en contradiction avec les objectifs poursuivis par la circulaire (cote 39 959).

370. Seule Unilever a modifié les modalités d'application de sa remise logistique " dans l'esprit de la circulaire " (cote 40 597 et 40 598). Toutefois, l'entreprise en a informé ses principaux concurrents au plus tard lors de la réunion Team HP du 9 décembre 2003, afin de " préserver l'intérêt des réunions et la confiance entre [les participants] " (cote 40 518).

371. Lors de la réunion Team HP du 9 décembre 2003 avec Henkel, Colgate-Palmolive et Unilever, les participants se sont concertés en échangeant des informations sur la date d'application de leurs tarifs dans le cadre de la circulaire Dutreil. Henkel et Unilever ont annoncé que leurs tarifs s'appliqueraient en mars 2004 avec une période de lissage expirant au 1er mai au plus tard. Ces échanges, qui ont eu lieu avant que les tarifs ne soient envoyés aux distributeurs, ont permis à Henkel, Colgate-Palmolive et Unilever de se coordonner sur la date d'application de leurs nouveaux tarifs.

372. En outre, les participants ont échangé de façon détaillée sur les hausses de prix applicables à leurs assouplissants (cote 40 820). Unilever et Henkel ont indiqué une hausse de tarifs strictement identique (1,93 % sur les assouplissants), alors que Colgate-Palmolive a annoncé une hausse très légèrement supérieure (2,02 %).

Conclusion (produits d'entretien)

373. Une concertation a eu lieu dans le secteur de l'entretien entre Henkel, Colgate-Palmolive, Procter & Gamble, Unilever débouchant sur l'élaboration de " recommandations " relatives à la politique tarifaire mise en œuvre par ces entreprises à la suite de la circulaire Dutreil. Cette concertation a été suivie au moins par Reckitt Benckiser, Bolton Solitaire et SC Johnson. Unilever, Henkel et Colgate-Palmolive se sont également concertées sur la date envisagée d'augmentation de leurs tarifs et sur le niveau d'augmentation des tarifs de leurs assouplissants.

Constatations dans le secteur de l'hygiène

Les échanges sur la politique tarifaire mise en œuvre après la circulaire Dutreil

374. Le 7 juillet 2003, a eu lieu une réunion entre Henkel, Colgate-Palmolive, Unilever, Beiersdorf, Gillette, Vania et L'Oréal. Les échanges ont porté sur les mêmes éléments que ceux qui avaient fait l'objet de la " recommandation " d'Henkel, Colgate-Palmolive, Unilever et Procter & Gamble dans le secteur de l'entretien, à savoir l'absence de transfert de marge arrière vers l'avant, l'absence de différenciation tarifaire et l'envoi d'un tarif égal à l'inflation (cotes 38 835, 39 809, 39 772 et 40 044).

375. Les entreprises ayant participé à cette réunion n'ont généralement pas procédé à des réintégrations, adoptant par là la position discutée lors de cette réunion (cotes 40 184, 40185, 40 597, 40 598, 40 153, 40 036, 40 672, 40 075 et 43 966).

Les échanges sur le niveau des hausses de tarifs et l'évolution des CGV

376. Lors de la réunion Team PCP du 18 septembre 2003, à laquelle participaient Henkel, Colgate-Palmolive, Beiersdorf, L'Oréal, Gillette, Vania et Procter & Gamble, les mises en cause ont évoqué le niveau auquel elles entendaient situer leurs tarifs en indiquant si elles souhaitaient une hausse de tarifs ou non et, dans l'affirmative, à quel niveau et à quelle date elles entendaient fixer cette hausse.

377. Colgate-Palmolive et L'Oréal ont annoncé, à des échéances respectives de 6 à 3 mois, des hausses proches de l'inflation (cote 14 850), Procter & Gamble a annoncé des hausses sur les produits leaders, Henkel et Vania (mentionnée dans la note sous le nom de Johnson & Johnson) ont annoncé des hausses nulles et Gillette a annoncé une hausse supérieure à l'inflation.

378. Ces annonces portent sur des hausses de tarifs à venir, ce qui permettait aux participants d'ajuster éventuellement leur stratégie commerciale (cote 8 404 (VC)/ cote 47 024 (VNC)). Elles correspondent généralement à ce qui a été fait par Colgate-Palmolive, Henkel, Gillette, L'Oréal et Vania :

<Emplacement Tableau>

379. Lors de la réunion Team PCP du 2 décembre 2003, à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Henkel, Beiersdorf, Vania, Unilever et L'Oréal, les participants ont échangé sur les CGV, alors que Colgate-Palmolive, Beiersdorf et Unilever n'avaient pas encore adressé leurs tarifs, à la différence d'Henkel et de L'Oréal notamment (cotes 708-710 du dossier 06/0019AC).

380. Les participants se sont mutuellement informés qu'ils avaient proposé de nouvelles CGV aux distributeurs et que certains d'entre eux comme Henkel ou Unilever avaient augmenté leur niveau de ristourne. Les échanges ont également porté sur les conditions de paiement ainsi que sur la réaction des distributeurs aux CGV.

381. Ces échanges permettaient aux participants de comparer leurs CGV respectives et si nécessaire, de confirmer aux autres participants l'interprétation qui pouvait être faite des CGV par les concurrents (cote 40 509). Ils permettaient également de savoir si les participants avaient réintégré ou non de la coopération commerciale dans les CGV.

382. Lors de la réunion Team PCP du 24 mars 2004 à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Henkel, Beiersdorf, Vania, Gillette, Unilever et L'Oréal, les participants ont échangé sur les hausses de tarifs adressées à la grande distribution fin 2003-début 2004 (cotes 716, 717 du dossier 06/0019AC et 21 122).

383. Les hausses communiquées correspondent effectivement à celles envoyées aux distributeurs, à quelques dixièmes près, pour Beiersdorf, Colgate-Palmolive et L'Oréal (cote 8 406 (VC)/ cote 47 026 (VNC)).

<Emplacement Tableau>

384. Lors de la réunion Team PCP du 4 mai 2004 avec Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Gillette, Vania et Beiersdorf, les participants se sont concertés en échangeant des informations sur les hausses passées. Beiersdorf, Henkel et Unilever ont annoncé l'existence ou le niveau de leur hausse de tarif.

Conclusion (produits d'hygiène)

385. Une concertation a eu lieu dans le secteur de l'hygiène entre Henkel, Colgate-Palmolive, L'Oréal, Unilever, Vania, Gillette et Beiersdorf, par le biais d'échanges sur leurs positions futures en ce qui concerne la politique tarifaire mise en œuvre après la circulaire Dutreil.

386. En outre, comme l'indique le tableau suivant, Colgate-Palmolive, Beiersdorf, Gillette, Henkel, L'Oréal, Procter & Gamble, Unilever et Vania ont annoncé aux participants aux réunions Team PCP leur tarif futur et leur tarif effectivement passé (à l'exception de Procter & Gamble qui n'a donné d'informations que sur sa hausse future).

<Emplacement Tableau>

Les échanges sur la dérive

387. Parallèlement à la concertation sur leurs évolutions tarifaires, les entreprises se sont concertées pour limiter les " dérives ".

Constatations dans le secteur de l'entretien

388. Lors d'un contact bilatéral de l'été 2003, le directeur commercial de SC Johnson a indiqué à son confrère de Bolton Solitaire qu'il souhaitait " stopper les dérives de coopération commerciale " (cotes 9 517 et 39 759).

389. Lors de la réunion Team HP qui s'est déroulée au plus tard au cours du mois de juillet 2003, Procter & Gamble, Unilever, Henkel et Colgate-Palmolive se sont concertées sur une position identique (ne pas accorder de dérive) et sur la compensation de ce gel de la dérive par des investissements en NIP (cotes 9 520 et 39 772). Procter & Gamble semble s'être désolidarisé de cette position et avoir décidé de ne pas augmenter les NIP (cote 9 521).

390. Cette prise de position commune est antérieure à la fin du mois de juillet 2003, soit plusieurs semaines avant la mise en œuvre de la circulaire Dutreil dans le cadre des négociations pour l'année 2004.

391. À l'instar du constat formulé s'agissant des évolutions tarifaires, la " recommandation " des quatre leaders de l'entretien s'est propagée sur le marché. Ainsi, SC Johnson et Bolton Solitaire ont eu connaissance de cette position commune et ont pu ajuster leur propre comportement dans les négociations avec la grande distribution. Il est également constant que Reckitt Benckiser a adhéré à cette position, dans la mesure où son nom apparait sur les notes manuscrites de M. Eric N. . . .

392. Une note de M. Gérard H. . . (Henkel Détergents) du 20 novembre 2003 (cote 355 du dossier 08/0044AC), prise lors d'un contact bilatéral avec M. Olivier J. . . d'Unilever, fait écho à cette volonté de limiter les dérives. Elle indique qu'Unilever n'accorderait, en 2004, que 0,10 % de marge arrière supplémentaire aux distributeurs (soit une dérive quasi nulle).

393. Les développements qui suivent montrent que la plupart des participants à la concertation ont, vers la fin de l'année 2003, renoncé à obtenir une dérive nulle, probablement sous la pression des distributeurs.

394. Des échanges bilatéraux entre Colgate-Palmolive et Henkel, en décembre 2003 et janvier 2004, ont permis à ces entreprises d'échanger de façon précise sur leurs taux de coopération commerciale (cotes 15 267, 15 264 et 15 272).

395. Au début des négociations pour 2004, Colgate-Palmolive et Henkel ont proposé ou envisagé une dérive quasi similaire (0,9 % pour Colgate-Palmolive, 1 % pour Henkel) (cote 15 301) et finalement accordé en moyenne, un taux de coopération commerciale proche en 2004 (24,7% pour Colgate-Palmolive, 24,56 % pour Henkel) (cotes 15 290 et 40 868). L'homogénéité des taux constatée tant pour la dérive que pour la coopération commerciale s'explique, au moins en partie, par les échanges d'informations entre ces deux entreprises.

396. Des échanges bilatéraux entre Procter & Gamble et Unilever ont eu lieu concernant la dérive 2004 et le taux de coopération commerciale pour cette année-là (cotes 330 et 355 du dossier 08/0044AC). Lors de son échange avec M. Olivier J. . . d'Unilever le 20 novembre 2003, M. Gérard H. . . (Henkel Détergents) a eu accès aux stratégies commerciales, pour l'année à venir, d'Unilever et de Procter & Gamble à l'égard d'Auchan ou Casino et à la proposition d'Unilever à IRTS (centrale d'achats détenue conjointement par Auchan et Casino) en termes de taux maximum de dérive, concernant les contrats internationaux.

397. La participation aux échanges de Reckitt Benckiser est établie par un tableau du 17-18 mai 2004 communiqué par Colgate-Palmolive, qui fait état d'une dérive 2004 projetée de 1 % pour Reckitt Benckiser en octobre 2003. La dérive de Reckitt Benckiser en 2004 sera de 1,14 %, soit un chiffre proche (cotes 23 216 et 23 217 (VC)/ cotes 45 862 et 45 863 (VNC). Au surplus, a été saisi chez Reckitt Benckiser un tableau en date du 1er décembre 2003, qui fait état des taux de coopération commerciale des quatre leaders du secteur de l'entretien et des dérives envisagées de certains (cotes 11320 et s. ).

Conclusion

398. Entre fin juillet 2003 et fin janvier 2004, Colgate-Palmolive, Henkel, Procter & Gamble, Unilever, Bolton Solitaire, SC Johnson et Reckitt Benckiser, se sont coordonnées en échangeant des informations commercialement sensibles, à caractère prospectif, sur une donnée importante de la détermination future du prix triple net des produits d'entretien, à savoir le niveau de la dérive.

399. Cette concertation a débouché sur une approche consensuelle des quatre leaders du secteur de l'entretien (Procter & Gamble, Unilever, Henkel et Colgate-Palmolive) au moins sur la nécessité de limiter ou de geler la dérive qui est apparue, pour certains, comme une " recommandation ".

400. Si Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever et Procter & Gamble ont échangé entre elles, de façon plurilatérale et bilatérale, leurs propositions de dérive, Bolton Solitaire, SC Johnson et Reckitt Benckiser, sans participer activement à l'ensemble des échanges, y ont adhéré et ont pu adapter leur position sur le marché à partir de ces informations.

93

Constatations dans le secteur de l'hygiène

401. Lors de la réunion Team PCP du 7 juillet 2003 à laquelle ont assisté Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Beiersdorf, Vania, Gillette et L'Oréal, une discussion sur le niveau futur de la dérive a eu lieu. Comme l'ensemble des " recommandations " relatives aux évolutions tarifaires présentées précédemment, la " recommandation " de ne pas " déraper " s'agissant de la dérive était applicable à l'hygiène (cotes 41 401, 38 835 et 39 772).

402. Lors de la réunion Team PCP du 18 septembre 2003 (cote 14 851), un deuxième échange sur la dérive a eu lieu entre Gillette, Vania, Colgate-Palmolive, Henkel, Procter & Gamble, L'Oréal et Beiersdorf. Chacun des participants a annoncé qu'il n'accorderait pas ou peu de dérive en 2004, avant même que la négociation ait commencé (cote 14 851).

403. Des échanges bilatéraux entre Colgate-Palmolive et Henkel ont porté sur les taux d'enveloppe commerciale par catégorie de produits dans le secteur de l'hygiène (cote 15 273). Ces informations concernaient notamment les taux d'enveloppe commerciale et les dérives envisagées par Henkel en 2004, pour les principaux distributeurs ainsi qu'en atteste le document saisi chez Colgate-Palmolive.

404. Des échanges bilatéraux entre Unilever et Procter & Gamble ont également eu lieu concernant leur taux de coopération commerciale et leur dérive pour 2004.

405. Il peut être constaté qu'un alignement a eu lieu entre ces deux entreprises en 2004 dans le secteur de l'hygiène puisque le taux moyen de coopération commerciale de Procter & Gamble toutes enseignes confondues s'est chiffré à 32,93 % (cotes 22 895 et s. ), contre 32,72 % pour Unilever (cotes 24 091 et 24 093). . Eu égard au comportement homogène effectivement adopté par ces deux entreprises à l'issue de ces échanges précis et prospectifs, il s'en déduit que ces échanges ont produit des effets sur leur niveau de dérive pour 2004.

? Conclusion

406. Entre juillet 2003 et fin janvier 2004, une concertation consistant en des échanges d'informations sur le niveau futur de la dérive pour les produits d'hygiène a eu lieu entre Colgate-Palmolive, Henkel, Procter & Gamble et Unilever, et dans une mesure moindre, Beiersdorf, Vania, Gillette et L'Oréal. Ces échanges ont contribué en tout ou partie à l'homogénéité des comportements constatés, que ce soit au niveau des dérives ou des taux de coopération commerciale.

b) Les échanges dans le cadre de l'engagement pour une baisse durable des prix à la consommation du 17 juin 2004

407. Lors de l'engagement, les échanges se sont intensifiés : un nouveau cercle de concertation dit des " Amis " s'est mis en place. Les échanges à cette période ont concerné, comme lors de chaque évolution du cadre juridique, le niveau des tarifs et des dérives mais également le dispositif même de l'engagement.

Les échanges sur la mise en œuvre et la sortie de l'engagement

408. Comme expliqué aux points 202 et suivants, l'engagement Sarkozy visait une baisse de prix de 2 % à compter du 1er septembre 2004, puis une modération tarifaire pour l'année 2005, selon des modalités qui n'avaient pas été définies par le texte.

409. Les difficultés liées à la mise en œuvre de l'engagement concernaient également les industriels non parties à l'accord. En particulier, le risque financier n'était pas moins prégnant pour les industriels comme Bolton Solitaire et Laboratoires Vendôme qui n'avaient pas signé l'engagement : ils risquaient de voir leurs produits dépositionnés par rapport aux produits concurrents touchés par les baisses de prix liées à l'engagement et/ou de riposter de façon disproportionnée à ces baisses de prix, en baissant leur tarif plus que de besoin (cote 9 574).

410. À la différence des échanges précédemment exposés qui concernaient des négociations sectorielles, les échanges sur la mise en œuvre de l'engagement pour une baisse durable des prix à la consommation se sont déroulés de façon transversale et ont concerné à la fois les secteurs des produits d'hygiène et celui des produits d'entretien (cote 34 523).

411. La concertation entre les entreprises mises en cause a porté sur :

- les modalités de la baisse des prix prévue par l'engagement ;

- la sortie de l'engagement ;

- l'état d'avancement des remboursements par les distributeurs.

Les échanges sur les modalités de la baisse des prix exigée par l'engagement

412. Le texte de l'engagement prévoyait une baisse de " 2 % en moyenne sur les produits de marques de grands industriels " sans en préciser les modalités pratiques.

413. Face à cette incertitude, les entreprises mises en cause se sont concertées sur la méthode à utiliser pour pratiquer la baisse de 2 % des tarifs exigée par l'engagement.

La position commune des " 5 big soapers " (ou grands " lessiviers ") et son adoption par le marché

414. Lors de la réunion Team PCP du 1er juillet 2004 avec Colgate-Palmolive, Henkel, Beiersdorf, Vania et Gillette (cotes 14 904 à 14 906), Colgate-Palmolive et Henkel ont fait état de divergences dans leur approche sur les modalités d'application de la baisse de 2 %. Alors que Colgate-Palmolive a annoncé une baisse de 2% pondérée, Henkel a annoncé une baisse de 1 % pondérée et 1 % linéaire (approche 1+1) et a proposé de mentionner la remise linéaire en pied de facture pour ne pas modifier l'assiette ristournable des distributeurs. Vania et Gillette ont exposé une position proche de celle soutenue par Henkel.

415. Le 5 juillet 2004 dans le cadre d'une réunion Team HP (cote 18 807), Colgate-Palmolive, Henkel, Procter & Gamble, Reckitt Benckiser et Unilever ont une nouvelle fois fait état de leurs divergences dans l'approche de la baisse de 2 % exigée par l'engagement.

416. Le 12 ou le 13 juillet 2004, une rencontre s'est tenue entre les cinq leaders du secteur de l'entretien. Colgate-Palmolive, Henkel, Procter & Gamble, Reckitt Benckiser et Unilever ont pris une " position commune " sur la méthode de répercussion de la baisse de 2 % prévue par l'engagement : ils ont opté pour l'approche 1+1. Cette position valait pour les baisses de tarifs qui avaient vocation à débuter en septembre 2004.

417. Cette position commune des cinq leaders du secteur de l'entretien a été communiquée à Bolton Solitaire qui l'a adoptée (cotes 46 549 à 46 551, 9 579 et 9 580, 41 441 et 41 442), à Laboratoires Vendôme (cotes 13 681, 40 202 et 44 028) et SC Johnson (cote 23 420).

418. Après cette réunion, la quasi-totalité des entreprises mises en cause a appliqué le 1+1, à l'exception de Gillette et Procter & Gamble (cotes 857 du dossier 08/0084AC et 339 de 08/0044AC, 18 803, 18 804 et 38 834).

419. Dans un mémorandum du 9 août 2004 intitulé " Carrefour ", M. Pierre I. . . (Unilever) constatait la " désolidarisation " de Procter & Gamble qui " Après avoir accepté 1+1, présent[ait] un 2 % ciblé " (...) " et en récolt[ait] les bénéfices " chez Carrefour. Il soulignait que revenir à un 2 % ciblé pour céder aux exigences de Carrefour comporterait un risque de " mise en porte à faux de ses concurrents " qui ferait courir à Unilever des " risques marketing et commerciaux " (cotes 18 803 et 18 804).

420. Le 21 septembre 2004, avait lieu la première réunion des " Amis ". Les entreprises participantes à l'exception de Gillette " confirm[aient] " leur position sur le " 1+1 " (cote 34 486).

421. L'ensemble des documents contemporains des faits font état d'un alignement quasi-total (hormis Procter & Gamble et Gillette) sur la méthode 1+1 retenue par les grands lessiviers.

422. Le tableau suivant illustre l'évolution du comportement des mises en cause et l'émergence d'un consensus à compter de la réunion du 12 ou du 13 juillet 2004.

<Emplacement Tableau>

Conclusion

423. La plupart des fournisseurs cités ci-dessus ont " coordonné la mise en œuvre (...) de l'accord [Sarkozy] " (cote 317 du dossier 08/0044AC) en choisissant, après en avoir débattu, une même méthode, à savoir une baisse des tarifs de 1 % pondérée et 1 % linéaire (approche 1+1), qui était la plus favorable possible compte tenu du rapport de force avec les distributeurs et de l'enjeu financier de l'engagement.

424. La participation des entreprises aux échanges identifiés ci-dessus est détaillée dans le tableau qui suit :

<Emplacement Tableau>

425. Les entreprises mentionnées dans ce tableau ont pris part à une concertation sur les modalités de mise en œuvre de l'engagement Sarkozy, conduisant à l'émergence d'un quasi-consensus sur la méthode dite " 1+1 " au cours de nombreux échanges qui se sont déroulés dans différents cadres (Cercles Team HP, Team PCP, " Amis ", et contacts bilatéraux ou plurilatéraux) entre juillet et septembre 2004.

426. Lors de la réunion du 21 septembre 2004, les positions des entreprises sur les modalités de mise en œuvre de l'engagement avaient déjà été entérinées et envoyées aux distributeurs, la baisse étant applicable au 1er septembre. Néanmoins, Bolton Solitaire a eu connaissance de la position commune des cinq grands leaders du secteur de l'entretien du 12-13 juillet 2004, avant le 1er septembre 2004, ainsi qu'en atteste un mémorandum interne du 19 juillet 2004 (cotes 9 579 et 9 580). Tel est également le cas concernant Laboratoires Vendôme qui a eu connaissance de la position de ses concurrents sur la mise en œuvre de l'engagement Sarkozy avant le 1er septembre 2004, ainsi qu'en attestent des documents internes datés du 8 juillet 2004 (cotes 13 681 et 44 028).

Les échanges sur la sortie de l'engagement

427. En octobre 2004, un mois après le début de l'application de l'engagement, alors que les fournisseurs avaient baissé leurs tarifs et que les prix de détail avaient effectivement décru dans les linéaires, des dissensions ont commencé à se faire jour entre fournisseurs et distributeurs sur la question des remboursements. En effet, certains distributeurs n'entendaient pas rembourser la totalité de leur quote-part (qui se matérialisait par la remise linéaire de 1 point).

428. S'est donc posée la question de la sortie de l'engagement via l'arrêt des remises linéaires et de la date de cette sortie, une sortie isolée impliquant un risque pour les fournisseurs et les exposant à des mesures de rétorsion par les distributeurs.

429. Lors de la réunion des " Amis " du 21 septembre 2004, les participants ont discuté des suites qu'ils entendaient donner à l'engagement et de l'arrêt de la remise linéaire (cotes 1 125, 1 126 du dossier 06/0018AC, 654 et 655 du dossier 06/0019AC). Henkel, SC Johnson, Reckitt Benckiser, Bolton Solitaire, Laboratoires Vendôme, Gillette et Sara Lee ont exposé la stratégie qu'elles envisageaient concernant la phase 2 de l'engagement.

430. Dix jours après cette réunion des " Amis " a eu lieu une réunion du bureau commercial de l'ILEC, en présence entre autres d'Henkel, Colgate-Palmolive, Beiersdorf et L'Oréal (cote 39 838). Cette réunion a donné lieu à un " accord du bureau " concernant l'arrêt, par certains fournisseurs, de la remise prévue par l'engagement, en l'absence de signature par les distributeurs des avenants prévoyant le remboursement de leur quote-part, à fin septembre 2004 (cotes 14 963 et 40 179).

431. Lors d'une réunion Team PCP du 5 octobre 2004 (cote 727 du dossier 06/0019AC), Henkel et Unilever ont annoncé qu'elles mettaient fin à la remise linéaire prévue par l'engagement (cessation annoncée au 1er janvier 2005 par Henkel).

432. Début octobre 2004, M. Gérard H. . . (Henkel Détergents) a échangé avec ses homologues de Procter & Gamble, Unilever, Reckitt Benckiser et Colgate-Palmolive sur leur intention ou non de continuer la remise linéaire. Certains de ces échanges d'informations bilatéraux sont manifestement à caractère prospectif (Procter & Gamble, Unilever et Reckitt Benckiser) et portent sur une donnée commercialement sensible, à savoir l'arrêt ou le maintien de la remise linéaire de 1 %, avec pour certains, des précisions sur la date d'effet de la mesure ou sur les produits concernés (cote 10 932).

433. Le 27 octobre 2004, M. Gérard H. . . (Henkel Détergents), M. Olivier J. . . (Unilever) et Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) se sont réunis pour confirmer l'arrêt des baisses de prix linéaires et se mettre d'accord pour arrêter les baisses de prix sur les produits promotionnels à fin mars 2005.

434. Les notes manuscrites de M. Gérard H. . . (cote 10 933) reproduites ci-dessous attestent de ces échanges. Elles indiquent le comportement que ces entreprises entendent suivre sur le marché concernant leur remise linéaire et donc leur prix triple net sur plusieurs catégories de produits (assouplissants, adoucissants, produit vaisselle, produit vaisselle main).

435. Colgate-Palmolive, Unilever et Henkel se sont mis d'accord pour arrêter les remises liées à l'engagement sur les produits faisant l'objet de promotions à fin mars 2005, à la condition que cette position soit validée dès le 15 novembre dans le cadre des réunions Team HP.

436. Lors de la réunion des " Amis " du 4 novembre 2004, un consensus s'est dessiné pour abandonner la remise linéaire. Ce consensus est illustré par la mention " 2005? (...) -1 % non " notée sur le compte-rendu de réunion de Mme Nathalie Y. . . de Colgate-Palmolive (cotes 1 137 du dossier 06/0018AC et 666 du dossier 06/0019AC).

437. Lors de la réunion des " Amis " du 3 décembre 2004, M. Gérard H. . . (Henkel Détergents) a confronté sa stratégie de sortie de l'engagement avec celle de ses homologues directeurs des ventes. Sara Lee a déclaré qu'elle arrêterait la remise linéaire en avril (cotes 1 140 et 1 141 du dossier 06/0018AC, 669 et 670 du dossier 06/0019AC).

438. Lors de la réunion Team HP du 6 décembre 2004 (cotes 1184, 1185 du dossier 06/0018AC, 159 et 160 du dossier 08/0044AC), Procter & Gamble, Henkel, Unilever, Reckitt Benckiser et Colgate-Palmolive ont échangé sur des données passées mais très actuelles et utiles pour les négociations en cours (Unilever : arrêt du 1 % linéaire au 1er octobre et Colgate-Palmolive au 1er novembre) ou sur des données futures (Henkel : arrêt fin d'année, Reckitt Benckiser : arrêt au 1er janvier 2005). L'existence d'une stratégie convergente d'arrêt du 1 % linéaire est établie, Procter & Gamble excepté (ce dernier ayant adopté une stratégie de baisse pondérée) (cote 22 882).

Conclusion

439. Après avoir coordonné la mise en œuvre de l'engagement, " [les] fournisseurs [qui ont pris part aux pratiques] ont coordonné (...) la fin de l'application de l'accord " (cote 317 du dossier 08/0044AC).

440. La participation de chaque entreprise est résumée dans le tableau qui suit :

<Emplacement Tableau>

442. Les entreprises mentionnées dans le tableau ci-dessus se sont coordonnées sur l'arrêt de la remise linéaire issue de l'engagement. Concernant Bolton Solitaire, non signataire de l'engagement, les informations collectées lui ont été utiles pour anticiper les évolutions tarifaires de ses concurrentes.

444. Les entreprises mentionnées dans le tableau ci-dessus se sont coordonnées sur l'arrêt de la remise linéaire. Concernant Laboratoires Vendôme, non signataire de l'engagement, les informations collectées lui ont été utiles pour anticiper les évolutions tarifaires de ses concurrentes. En outre, L'Oréal et Beiersdorf ont toutes deux participé à l'élaboration d'une " recommandation " dans le cadre du bureau de l'ILEC, pour arrêter les remises linéaires.

Les échanges sur l'état d'avancement des remboursements par les distributeurs

445. D'après les déclarations concordantes des mises en cause, les distributeurs ont manifesté une certaine réticence à rembourser l'avance qui leur avait été faite par les fournisseurs (cotes 40 901 à 40 903).

446. L'engagement a donné lieu à de substantiels échanges entre concurrents sur le point de savoir qui avait obtenu le remboursement de la quote-part avancée et quelle(s) enseigne(s) avai(en)t procédé au remboursement. Ils cherchaient à savoir, lorsqu'un refus leur était opposé, si ce refus leur était propre, auquel cas ils disposaient d'une marge de manœuvre pour insister sur le remboursement, ou si ce refus était commun auquel cas la négociation s'annonçait plus difficile, les fournisseurs se trouvant face à une politique générale de l'enseigne.

447. Lors de la réunion Team PCP du 30 août 2004, Colgate-Palmolive, Henkel, Beiersdorf, Vania et Gillette ont échangé pour la première fois sur la façon dont elles envisageaient d'obtenir le remboursement du point de baisse linéaire avancé aux distributeurs (cote 723 du dossier 06/0019AC).

448. Lors de la réunion des " Amis " du 21 septembre 2004, les participants ont fait un premier point sur leurs remboursements en indiquant s'ils avaient obtenu ou non la signature des avenants aux contrats de coopération commerciale nécessaires à ce remboursement (cotes 1 125 du dossier 06/0018AC et 654 du dossier 06/0019AC). Il en est ressorti qu'aucune entreprise, hormis Gillette, n'était parvenue à obtenir la signature des avenants.

449. Les participants ont pu conclure que les négociations sur les remboursements allaient être ardues. Cela d'autant plus que les distributeurs craignaient que l'engagement conduise à ce que le montant de leur coopération commerciale soit calculé sur une base de chiffre d'affaires de 98 (minoré des deux points de baisse de l'engagement) et non sur une base 100. Ils exigeaient donc une compensation financière pour cette minoration de l'assiette de leur coopération commerciale (cote 10 932).

450. Lors de la réunion des " Amis " du 4 novembre 2004, les participants ont précisé l'état d'avancement de leurs négociations sur les remboursements avec Auchan, Carrefour, Intermarché, Casino, Leclerc, Cora et Système U en indiquant si l'avenant était signé ou pas et quelles demandes ils recevaient des distributeurs (cotes 1129 à 1136 du dossier 06/0018AC et 658 et 665 du dossier 06/0019AC).

451. Lors de la réunion Team HP du 15 novembre 2004, Henkel et Procter & Gamble ont annoncé aux autres participants le comportement qu'ils avaient adopté à l'égard de certains distributeurs (cotes 1181 et 1182 du dossier 06/0018AC).

452. Henkel a informé ses concurrents qu'il avait refusé à Carrefour la neutralité financière, c'est-à-dire qu'il avait refusé de maintenir le montant de coopération commerciale en valeur versé à Carrefour : " neutralité f = NON !! ". Procter & Gamble a annoncé qu'il ne compenserait pas, par des avantages accordés à Système U, la perte de marge arrière engendrée par l'application unilatérale, par l'enseigne, de la baisse des prix de 1 % qui s'est matérialisée par le règlement de 99 % du montant des factures : " - Pas de compens. Base 99 ou 98 et idem 2005 ".

453. Lors de la réunion des " Amis " du 3 décembre 2004, Colgate-Palmolive et Henkel ont incité les autres participants à exercer une pression plus importante sur la grande distribution et obtenir plus facilement le remboursement des sommes dues. Ils ont proposé, s'agissant des distributeurs n'ayant pas signé d'avenant, de déduire unilatéralement sur les ristournes de fin d'année les sommes dues au titre de l'engagement (cotes 343 du dossier 08/0044AC et 753 du dossier 08/0084AC).

454. Lors des réunions qui ont suivi (Team HP du 6 décembre 2004, des " Amis " des 14 janvier et 17 février 2005 et Team PCP du 9 mars 2005), les participants ont échangé des informations très précises et chiffrées sur l'état d'avancement de leurs remboursements avec les distributeurs notamment Carrefour, Leclerc, Auchan, EMC (Casino) et Intermarché. À titre d'exemple, les informations fournies par Henkel lors de la réunion des " Amis " du 14 janvier 2005 sont les suivantes : " SU paie (...) Galec (...) accepterait de payer 0. 50 (...) Cora paie avenant -52K€ (...) Inter : 99 8K€ de déduction CRF : entretien PLANTE. PB ne veut pas payer (...) Auchan va payer " (cotes 1144, 1145, 1149, 1185, 1186 du dossier 06/0018AC, 673, 674, 678 et 742 du dossier 06/0019AC).

455. Une note de M. Stéphane 7. . . (Reckitt Benckiser) antérieure au 14 avril 2005 (cotes 23 009 et 23 010), indique que la majorité des participants aux échanges (Henkel, Unilever, Colgate-Palmolive, Sara Lee et SC Johnson) a finalement signé les avenants prévoyant les remboursements de l'avance faite au titre de l'engagement (cotes 11 775, 1161 du dossier 06/0018AC, 689 et 690 du dossier 06/0019AC). Les échanges constatés ont donc eu un effet positif pour les participants :

<Emplacement Tableau>

Conclusion

456. Colgate-Palmolive, Procter & Gamble, Henkel, Reckitt Benckiser et Unilever ainsi que, d'une part, SC Johnson et Sara Lee dans le secteur de l'entretien et, d'autre part, Sara Lee, Vania, Beiersdorf et Gillette dans le secteur de l'hygiène se sont coordonnées en s'échangeant des informations sur l'état d'avancement de leurs remboursements par les distributeurs lors de l'engagement.

457. Ces échanges d'informations précises et confidentielles à une périodicité élevée entre quasiment tous les participants ont permis aux mises en cause de limiter la concurrence entre elles sur un élément non négligeable de leur rentabilité - les remboursements de l'avance qu'ils avaient consentie aux distributeurs lors de la première phase de l'engagement Sarkozy.

458. Il apparait que les échanges n'ont pas été dénués d'effet puisque la majorité des participants a finalement obtenu des remboursements, en dépit des difficultés rencontrées.

459. La participation de chaque entreprise aux échanges est résumée dans les tableaux qui suivent.

<Emplacement Tableau>

Conclusion générale sur la mise en œuvre et la sortie de l'engagement

461. Il ressort des éléments au dossier que les entreprises mises en cause :

- ont coordonné la mise en œuvre de l'engagement dans le sens qui leur était le moins coûteux, en optant pour l'approche 1+1 ;

- ont coordonné leur sortie de l'engagement en mettant fin de façon concomitante à l'avance de la remise linéaire à la charge des distributeurs ;

- se sont concertées en s'échangeant des informations sur les remboursements des distributeurs afin de faciliter l'obtention des remboursements.

Les échanges sur les évolutions tarifaires dans le cadre de l'engagement

462. En sus des informations échangées sur la mise en œuvre de l'engagement, les mises en cause se sont concertées sur leurs évolutions tarifaires dans le cadre de l'engagement.

463. De juin à septembre 2004, les mises en cause ont échangé sur le niveau des baisses de tarifs pratiquées dans le cadre de la première phase de l'engagement. À partir de fin septembre 2004, elles ont échangé sur la date d'envoi de leurs tarifs et le niveau de leurs hausses dans le cadre de la seconde phase de l'engagement.

Constatations dans le secteur de l'entretien

Les échanges sur les baisses de tarifs envisagées (1ère phase)

464. Lors de la réunion Team HP du 5 juillet 2004, Colgate-Palmolive, Henkel, Procter & Gamble, Unilever et Reckitt Benckiser ont échangé des informations sur le niveau de leurs promotions et les catégories de produits dont ils souhaitaient baisser le prix en priorité. Le compte-rendu de réunion de M. Pierre I. . . (Unilever) indique (cote 18 807) :

Colgate-Palmolive : " tout sur nettoyant ménager / baisse de 18 % sur toutes les bouteilles sinon : liq. vaisselle ? baisse de 11 % [sur les 750 ml] " ;

Henkel : " priorité 2 = liquides vaisselles( ;) 30 doses : baisse de 7 % " ;

Reckitt Benckiser : " 10 à 15 % sur désodorisant (...) 5 à 10 % sur (illisible) lave-vaisselle [ppalt additifs] ".

465. Henkel a déclaré à ce sujet que " [de] la même façon que les participants aux réunions échangeaient habituellement des informations sur le pourcentage d'augmentation globale de leur tarif (+ X %), ils ont, dans le contexte de " l'accord Sarkozy ", échangé des informations sur les catégories de produits, sur lesquelles porteraient les baisses ciblées des prix, ainsi que sur le pourcentage global, moyen, de ces baisses ciblées des prix " (cote 38 676).

466. Ainsi, la réunion Team HP du 5 juillet 2004 a été l'occasion pour les industriels présents d'échanger, plusieurs semaines avant la mise en œuvre de l'engagement qui devait avoir lieu en septembre, sur les niveaux de baisses futures et les catégories de produits concernés.

467. Le mémorandum du 9 août 2004 de M. Pierre I. . . (Unilever) fait mention d'un alignement quasi total du niveau des baisses de tarifs pratiquées par Unilever et les quatre autres leaders du secteur de l'entretien sur leurs catégories de produits, que ceux-ci appartiennent au secteur de l'hygiène ou de l'entretien (cote 18 805).

468. Concernant les produits d'entretien, le mémorandum (cote 34 495) indique :

- sur les adoucissants : Unilever et Colgate-Palmolive pratiquent une baisse exactement similaire (1 % en lissé, 0 en ciblé) ;

- sur les nettoyants : Unilever, Henkel et Colgate-Palmolive pratiquent une baisse exactement similaire (1 % linéaire, 8 % pondéré, 9 % au total) et Procter & Gamble pratique également une baisse totale de 9 % ;

- sur le produit pour lave-vaisselle (MDW) : Unilever, Henkel et Reckitt Benckiser pratiquent tous une baisse de 1% linéaire, 6 % ciblé et donc de 7 % au total.

469. Les notes manuscrites de M. Gérard H. . . (Henkel Détergents) de novembre 2004 font état de discussions avec Colgate-Palmolive (cotes 40 825 et 40 844) sur les conséquences des baisses de prix pratiquées dans le cadre de l'engagement. À l'occasion de cet échange, Colgate-Palmolive a souligné qu'elle pourrait baisser les prix des lessives spéciales Paic Laine si Henkel ne remontait pas les prix de ses références Mir Laine Shampoing et Machine.

470. Cette pièce fait donc état de l'existence d'une coordination des stratégies tarifaires futures d'Henkel et de Colgate-Palmolive sur les baisses des prix pratiquées dans le cadre de l'engagement et relatives aux lessives spéciales, soit une catégorie de produits précise.

Les échanges sur les hausses de tarifs envisagées (2nde phase)

471. Aux échanges sur le niveau des baisses de tarifs qui devaient être appliquées début septembre, ont rapidement succédé les échanges sur le niveau des hausses de tarifs pour 2005 dans le cadre de la deuxième phase de l'engagement.

472. Lors de la réunion des " Amis " du 21 septembre 2004, à laquelle participaient, pour le secteur de l'entretien, Colgate-Palmolive, Henkel, SC Johnson, Reckitt Benckiser, Bolton Solitaire et Sara Lee, ont eu lieu les premiers échanges sur les hausses de tarifs (cotes 1125 à 1127 du dossier 06/0018AC).

473. Les participants ont considéré que les CGV (qui incluaient les tarifs) pour l'année 2005 ne pourraient pas être adressées aux distributeurs avant que ne soit réglée la question du remboursement du point de baisse correspondant à la quote-part des distributeurs, que les fournisseurs avaient avancée.

474. Au mois d'octobre 2004 (cote 329 de 08/0044AC), M. Gérard H. . . (Henkel Détergents) a contacté ses homologues dans le secteur de l'entretien pour leur demander si leurs sociétés envisageaient des hausses de tarifs dans le contexte de modération tarifaire.

475. À cette occasion, Henkel, Unilever et Colgate-Palmolive ont échangé des informations sur leur stratégie tarifaire future. Colgate-Palmolive et Unilever souhaitaient une hausse au premier trimestre 2005 et avaient exactement le même objectif en termes de chiffre d'affaires (+1,8 %), ce qui témoigne de la proximité des stratégies de ces deux entreprises (cote 10 934).

476. Lors de la réunion des " Amis " du 4 novembre 2004, à laquelle participaient, dans le secteur de l'entretien, Colgate-Palmolive, Henkel, SC Johnson, Reckitt Benckiser, Bolton Solitaire et Sara Lee (cotes 1129 à 1137 du dossier 06/0018AC), des informations ont été échangées sur le taux futur d'augmentation de tarifs ainsi que leurs dates d'augmentation (cote 46 997).

477. Les participants signataires de l'engagement ont annoncé les hausses qu'ils envisageaient : 3 % pour Henkel, entre 1,5 et 2 % pour SC Johnson, entre 2 et 3 % pour Reckitt Benckiser. Ces trois entreprises ont indiqué envisager d'augmenter leurs tarifs en mars/avril 2005.

478. En novembre 2004, Henkel, Unilever et Colgate-Palmolive ont échangé des informations très précises quant aux augmentations de prix futures pour ce qui concerne les lessives spéciales, les produits vaisselle main et les assouplissants (cotes 40 843 et 40 844, 40 823 à 40 825).

479. Ces informations concernaient des produits spécifiques. Ainsi, Colgate-Palmolive a informé Henkel qu'elle n'envisageait pas d'augmenter les prix de ses liquides vaisselles commercialisés sous les marques Palmolive et Paic. Elle a précisé l'évolution des prix des assouplissants Soupline en format liquide dilué de 3 litres, en format liquide concentré (" ultras ") et en format berlingo (" doses "). Elle a indiqué que Colgate-Palmolive n'envisageait pas d'augmenter le prix de Soupline en format liquide concentré, sauf si Unilever augmentait le prix de Cajoline (cote 40 825). Ceci témoigne d'une coordination des politiques tarifaires pour les adoucissants entre Colgate-Palmolive et Unilever.

480. Lors de la réunion des " Amis " du 3 décembre 2004, à laquelle participaient, dans le secteur de l'entretien, Colgate-Palmolive, Henkel, SC Johnson, Reckitt Benckiser, Bolton Solitaire et Sara Lee, les participants ont échangé des informations relatives à des données futures (sur la période comprise entre le 15 décembre 2004 et le mois d'avril 2005) et précises sur le niveau des hausses du tarif 2005 et sur l'attitude à adopter sur l'engagement en 2005.

481. Les participants ont fait part de comportements caractérisés par une forte homogénéité : les hausses de tarifs 2005 envisagées sont comprises dans le secteur de l'entretien entre 1,30 % (Sara Lee) et 2 % (SC Johnson), les prévisions de Colgate-Palmolive et Reckitt Benckiser étant même identiques (mars / avril +1,70 %). La date d'envoi des CGV 2005 est commune à tous les fournisseurs : 15/12/2004.

482. Toutes les entreprises concernées ont également indiqué vouloir réduire la période de lissage, c'est-à-dire la période jusqu'à laquelle les distributeurs pouvaient encore acheter à l'ancien tarif, à quatre semaines maximum (au lieu de 6 semaines en moyenne).

483. Enfin, certaines entreprises qui ont pris part à l'échange ont annoncé leurs stratégies de négociation :

484. Concernant ces stratégies, Henkel a déclaré : " Colgate-Palmolive, SC Johnson, Reckitt Benckiser et Sara Lee ont au fond une stratégie de négociation commerciale identique, mais tiendront des discours différents aux distributeurs " (cote 38 675).

485. À l'occasion de la réunion Team HP du 6 décembre 2004, Henkel, Unilever, Procter & Gamble, Colgate-Palmolive et Reckitt Benckiser ont échangé des informations commerciales sensibles, précises, concernant les dates d'augmentation futures de leurs tarifs, les périodes de lissage et, pour Reckitt Benckiser, le niveau de sa hausse (cote 1184 du dossier 06/0018AC).

486. Le tableau ci-dessous montre, qu'à la date de l'échange, les participants n'avaient pas encore adressé leurs tarifs aux distributeurs et que les dates d'application projetées correspondent aux dates auxquelles les tarifs ont effectivement été envoyés. Les participants (hormis Procter & Gamble) ont tous indiqué le 1er mai 2005 comme date d'expiration de leur période de lissage.

<Emplacement Tableau>

487. Cet alignement sur une même date de lissage ne pouvait que limiter la concurrence entre les différentes entreprises en permettant aux participants de s'assurer qu'aucune d'entre elles ne pourrait être plus attractive auprès des enseignes en proposant une période de lissage plus longue, c'est-à-dire en leur proposant d'acheter pendant plus longtemps à l'ancien tarif.

488. À la fin de l'année 2004 ou au début de l'année 2005, M. Gérard H. . . (Henkel Détergents) a échangé avec le représentant de SC Johnson qui l'a informé de l'augmentation moyenne de son tarif 2005 et de l'évolution des prix de plusieurs références des produits nettoyants pour toilettes (cote 40 847).

489. Lors d'un contact entre Henkel et Reckitt Benckiser le 14 janvier 2005 (cote 40 839), ces entreprises ont échangé sur les prix de produits précisément identifiés : produits pour lave-vaisselle (Calgonit), des lessives spéciales (Woolite), produits détachants pour le linge (Vanish), produits nettoyants (Cillit Bang).

490. À titre d'exemple, Reckitt Benckiser a donné l'évolution des prix en pourcentage de plusieurs références des produits nettoyants pour toilettes Harpic, concurrents de Bref WC, produit commercialisé par Henkel :

" WC Harpic généraliste 750 1,39 (-2,2 % entérinée

Javel 1,39

(citron pamplemousse 1. 29 = 0) Harpic tabs 6-8 2,05 (+ 3,5 %)

Harpic 2 en 1 x I 1,75 (+ 4,65 %) 2,98 (+ 0,69 %) "

491. À la date de l'échange, les tarifs de Reckitt Benckiser et d'Henkel n'avaient pas encore été envoyés aux distributeurs. Ce contact atteste de l'existence entre ces deux concurrents du secteur de l'entretien de communication d'informations commercialement sensibles sur des données tarifaires à caractère prospectif concernant des références précises.

492. Lors d'un contact bilatéral entre Henkel et Unilever du 24 janvier 2005 (cote 40 840), Unilever a indiqué à Henkel le prix pratiqué pour Cajoline Vaporesse (une eau de repassage) et précisé que ce produit ne ferait pas l'objet d'augmentation de prix.

493. Lors de la réunion des " Amis " du 17 février 2005, à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Henkel, SC Johnson, Bolton Solitaire, Sara Lee et Reckitt Benckiser, des hausses de tarifs et des dates d'application de ces hausses ont une dernière fois été évoquées (cotes 1151 du dossier 06/0018AC et 346 du dossier 08/0044AC).

494. Les notes de réunion de M. Guy O. . . (Henkel) sont reproduites ci-dessous :

495. Henkel les a commentées comme suit :

" (...) Les participants ont échangé des informations sur l'augmentation globale future de leurs tarifs, comme le montre le tableau :

La première colonne "combien" indique les augmentations globales des tarifs en pourcentage ;

la seconde colonne " qd " indique la date d'application de la hausse des tarifs ;

la troisième colonne " lissage " indique la période pendant laquelle les distributeurs peuvent encore acheter des produits aux conditions du précédent tarif ;

la quatrième colonne indique la date prise en compte pour calculer les indices d'évolution des prix mentionnés dans la cinquième colonne. (...) " (cotes 325 et 326 du dossier 08/0044AC).

496. Les données sont donc d'une particulière exhaustivité. À la date de la réunion, les hausses de tarifs avaient été communiquées aux distributeurs, mais les négociations commerciales avec les enseignes n'étaient pas encore terminées, les contrats de coopération commerciale étant signés plus tardivement.

Constatations dans le secteur de l'hygiène

497. Comme dans le secteur de l'entretien, les échanges dans le secteur de l'hygiène ont débuté par des discussions sur le niveau des baisses de tarifs dans le cadre de la première phase de l'engagement, pour se terminer sur le niveau des hausses de tarifs dans le cadre de la seconde phase de l'engagement.

Les échanges sur les baisses de tarifs (1ère phase)

498. Lors de la réunion Team PCP du 1er juillet 2004, Colgate-Palmolive, Gillette, Beiersdorf, Henkel et Vania ont échangé des informations sur le niveau de leurs promotions et sur les catégories de produits qu'elles souhaitaient baisser en priorité.

499. À titre d'exemple, les notes manuscrites de M. Alain P. . . (Beiersdorf) mentionnent : " Procter & Gamble : " baisse tout hygiène féminine -18 %, Herbalessence -13 % ", pour Vania : " -18 % hygiène féminine =1 % + 1 ligne = 1% remontée en coop" et pour Gillette, une baisse différenciée (ciblée) sur les lames de rasoir (cotes 14 905 et 14 906).

500. Simultanément à la réunion Team HP du 5 juillet 2004 (cote 18 808), des informations ont été échangées entre Unilever et Colgate-Palmolive sur le niveau des baisses de prix pratiquées par Colgate-Palmolive dans le secteur de l'hygiène. À cette date, Unilever n'avait pas envoyé ses baisses de prix aux distributeurs, tout comme Colgate-Palmolive.

501. Le mémorandum du 9 août 2004 de M. Pierre I. . . (Unilever) (cote 18 805) illustre l'interdépendance entre les mises en cause pour leurs choix de baisses de prix. Sur les produits capillaires, il est indiqué qu'Unilever et Colgate-Palmolive pratiquent une baisse exactement similaire (1 % linéaire, 7 % pondéré, 8 % au total), tout comme sur les soins dentaires (1 % linéaire, 8 % pondéré, 9 % au total).

Les échanges sur les hausses de tarifs (2nde phase)

502. Lors de la réunion des " Amis " du 21 septembre 2004, à laquelle participaient, dans le secteur de l'hygiène, Colgate-Palmolive, Henkel, Reckitt Benckiser, Laboratoires Vendôme, Sara Lee et Gillette, les premiers échanges sur les hausses de tarifs ont eu lieu (cotes 654 à 656 du dossier 06/0019AC).

503. Les participants ont constaté que " l'envoi des CGV ne pourrait avoir lieu avant la négociation de l'avenant 2005 relatif à l'accord Sarkozy " (cotes 39 784 et 39 912).

504. Lors de la réunion Team PCP du 5 octobre 2004, à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Vania, Gillette et Beiersdorf, les participants (sauf Unilever) ont annoncé les hausses de tarifs futures qu'ils envisageaient pour 2005 ainsi que leurs dates d'application (cotes 728 et 729 du dossier 06/0019AC).

505. Le compte-rendu du directeur commercial de Colgate-Palmolive, fait état de ces échanges :

506. Lors de cette réunion, Vania a indiqué baisser ses prix pour " s'aligner sur la réduction de prix de Procter & Gamble ". Il en résulte que Procter & Gamble a échangé des informations avec Vania sur ses baisses de tarifs futures, ce qui a conduit Vania à suivre le mouvement initié par Procter & Gamble, et partant, réduit la concurrence entre ces deux sociétés.

507. Lors de la réunion des " Amis " du 4 novembre 2004, à laquelle participaient, pour le secteur de l'hygiène, Colgate-Palmolive, Reckitt Benckiser, Laboratoires Vendôme, Henkel ainsi que Sara Lee, des informations ont été échangées sur le taux d'augmentation de tarifs que Sara Lee et Henkel envisageaient d'appliquer et sur celui que Laboratoires Vendôme venait d'envoyer aux distributeurs (cotes 664 et 665 du dossier 06/0019AC) ainsi que sur leurs dates d'augmentation. Henkel et Sara Lee ont annoncé une fourchette d'augmentation proche : 2,2-2,5 % en mars-avril pour Henkel, 2-2,10 % en mars-avril pour Sara Lee. Laboratoires Vendôme a annoncé un niveau maximal de hausse à 2,4 %.

508. Lors de la réunion Team PCP du 9 novembre 2004, entre Henkel, Colgate-Palmolive, Vania, Gillette et Beiersdorf, les participants ont indiqué les augmentations de tarifs envisagées ainsi que leurs dates d'application projetées (cotes 731-732 du dossier 06/0019AC).

509. Beiersdorf, Gillette et Henkel ont annoncé des hausses de tarif futures quasi identiques (2,4 % pour Beiersdorf, 2,3 % pour Gillette, 2,5 % pour Henkel) (cotes 8 415 (VC) et 47 035 (VNC)).

510. Concernant cette réunion, le directeur commercial de Vania a indiqué : " Les échanges ont pu générer une homogénéité des hausses. Le fait de se côtoyer crée une certaine convergence entre nous, dans nos conditions commerciales (tarifs notamment), même s'il y avait naturellement une part de bluff " (cote 39 812).

511. Lors de la réunion des " Amis " du 3 décembre 2004, à laquelle participaient, dans le secteur de l'hygiène, Colgate-Palmolive, Henkel, Laboratoires Vendôme, Sara Lee et Reckitt Benckiser, les participants ont une nouvelle fois annoncé des hausses de tarifs futurs et les dates d'application de ces tarifs.

512. Lors de la réunion des " Amis " du 14 janvier 2005, à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Henkel, Laboratoires Vendôme et Sara Lee, Laboratoires Vendôme a indiqué le montant de la hausse de tarif envoyée aux distributeurs (cote 675 du dossier 06/0019AC).

513. Lors de la réunion Team PCP du 14 février 2005 à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Beiersdorf, Gillette, Henkel, Unilever et Vania, Henkel, Beiersdorf et Unilever ont indiqué qu'elles avaient pratiqué des hausses de tarifs. M. Jean-François Q. . . (Colgate-Palmolive) a déclaré : " Il s'agit d'une confirmation de ce qui avait été échangé lors des réunions précédentes concernant l'existence de hausses de tarifs pour ces sociétés " (cote 39 842).

514. L'expression " confirmation " illustre ici les deux temps de la concertation. Dans un premier temps, l'échange entre les participants sur leur positionnement respectif leur permet de coordonner leurs comportements quant au niveau des hausses de tarifs. Dans un deuxième temps, chacun confirme son positionnement, ce qui permet aux participants de vérifier la crédibilité des informations échangées et à chacun de se rassurer sur sa propre position.

515. Le 17 février 2005, dans le cadre d'une réunion des " Amis " à laquelle participaient, pour le secteur de l'hygiène, Colgate-Palmolive, Henkel, Laboratoires Vendôme, Reckitt Benckiser, Gillette et Sara Lee, les hausses de tarifs passées dans le cadre de l'engagement ont été évoquées une dernière fois (cote 680 du dossier 06/0019AC).

516. Ainsi, ces trois dernières réunions du début de l'année 2005 ont été consacrées à des échanges sur des hausses de tarifs déjà envoyées aux distributeurs, destinés à confirmer de précédents échanges sur ces hausses.

Conclusion

Dans le secteur de l'entretien

517. Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Procter & Gamble, Reckitt Benckiser, Bolton Solitaire, SC Johnson et Sara Lee se sont concertées en s'échangeant des informations sur leurs politiques tarifaires dans le cadre de l'engagement Sarkozy. Ces échanges ont porté sur le niveau de leurs baisses de prix futures dans le cadre de l'engagement Sarkozy et sur le niveau de leurs hausses de tarifs futurs et/ou passés pour l'année 2005. Ils ont également concerné la date d'envoi de leurs CGV.

518. Ces échanges d'informations à une périodicité très régulière sur des positions futures, doublés d'échanges sur les hausses passées, ont conduit à une certaine convergence des hausses de tarifs. Ce phénomène de convergence ressort du tableau qui suit :

<Emplacement Tableau>

519. Les entreprises ont toutes annoncé pour 2005 des hausses de tarifs en décalage avec les orientations de modération tarifaire de l'engagement.

520. Le tableau suivant résume la participation des entreprises concernées à des échanges sur le niveau et/ou la date d'application des tarifs futurs :

<Emplacement Tableau>

521. Le tableau suivant résume la participation des entreprises concernées à des échanges sur le niveau et/ou la date d'application des tarifs passés :

<Emplacement Tableau>

Dans le secteur de l'hygiène

522. Colgate-Palmolive, Beiersdorf, Gillette, Henkel, Laboratoires Vendôme, Reckitt Benckiser, Sara Lee, Unilever et Vania se sont coordonnées en échangeant des informations sur leurs politiques tarifaires dans le cadre de l'engagement Sarkozy. Ces échanges ont porté sur le niveau de leurs baisses de prix futures dans le cadre de l'engagement Sarkozy et sur le niveau de leurs tarifs futurs et/ou passés pour l'année 2005. Ils ont également concerné la date d'envoi de leurs CGV.

523. Le tableau suivant résume la participation des entreprises concernées à des échanges sur le niveau et/ou la date d'application des tarifs futurs :

<Emplacement Tableau>

524. Le tableau suivant résume la participation des entreprises concernées à des échanges sur le niveau et/ou la date d'application des tarifs passés :

<Emplacement Tableau>

Conclusion relative aux deux secteurs

525. Les éléments qui précèdent établissent l'existence d'une concertation, sur les deux secteurs concernés, entre les entreprises précédemment identifiées, prenant la forme d'échanges d'informations, relatifs au niveau des baisses futures appliquées dans le cadre de la première phase de l'engagement et au niveau des hausses de tarifs envisagées ou effectivement passées, dans le cadre de la seconde phase de l'engagement.

526. Ces échanges sur les évolutions tarifaires ont permis aux opérateurs actifs dans le secteur de l'hygiène et dans celui de l'entretien de se coordonner lors des deux phases de l'engagement, ce qui est corroboré par la convergence dans le niveau des hausses tarifaires annoncées.

527. À cet égard, il y a lieu de remarquer que le fait que l'échange ait concerné des données globales et n'ait pas eu lieu produit par produit n'est pas de nature à remettre en cause le constat de l'existence d'une coordination entre les participants aux pratiques, dans le secteur de l'entretien et dans le secteur de l'hygiène.

528. En effet, dans le cas d'espèce, un échange d'informations précis, produit par produit aurait été sans réelle pertinence, eu égard au fait que la négociation sur les tarifs avec la grande distribution porte principalement sur la hausse moyenne pondérée dans le cadre de catégories générales de produits. Une coordination sur la hausse moyenne était donc plus efficace, même si cette coordination n'excluait pas des échanges ponctuels sur des produits ou catégories de produits spécifiques.

Les échanges sur la dérive dans le cadre de l'engagement

529. Malgré les dispositions de l'engagement relatives au gel des dérives pour 2004 et à la baisse de la coopération commerciale pour l'année 2005, la coopération commerciale a, comme les années antérieures, constitué l'un des éléments essentiels des négociations entre fournisseurs et distributeurs dès la fin de l'année 2004.

530. Dès le début du dernier trimestre 2004, les entreprises concernées se sont échangé des informations sur le niveau moyen de dérive toutes enseignes confondues qu'elles envisageaient pour 2005.

Constatations dans le secteur de l'entretien

531. Lors de la réunion des " Amis " du 4 novembre 2004, Bolton Solitaire, Reckitt Benckiser, SC Johnson et Henkel ont annoncé des niveaux de dérive envisagés pour 2005 proches les uns des autres (0,3 %, 0,2 %, 0,25 % en NIP, 0,25 %) (cote 13 704).

532. Les participants ont discuté des arguments justifiant l'octroi d'une faible dérive (cote 1137 du dossier 06/0018AC) :

533. Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive), interrogée sur ce document, a indiqué : " Il s'agit d'une liste d'arguments objectifs que nous avons partagés (...) Ces éléments permettaient de créer un effet de martelage, lorsqu'ils étaient utilisés de façon fréquente lors des négociations " (cotes 39 917 et 39 918).

534. Lors de la réunion des " Amis " du 3 décembre 2004, les participants ont réactualisé ces chiffres relatifs aux dérives. Bolton Solitaire, Colgate-Palmolive, Reckitt Benckiser, SC Johnson et Sara Lee ont annoncé des dérives proches, respectivement 0,4 %, 0,5 %, 0,5 %, 0,4 %, 0,5 % (cote 343 du dossier 08/0044AC). Henkel a annoncé une dérive de 0,42 %.

535. Lors d'une réunion Team HP du 6 décembre 2004, Henkel et Reckitt Benckiser ont indiqué ne pas envisager de baisser les marges arrière des distributeurs à la différence de Procter & Gamble. Ainsi, tout en participant aux réunions visées et en recueillant les informations communiquées par ses concurrents, Procter & Gamble a, une nouvelle fois, de façon ponctuelle, pris des positions autonomes par rapport à ses concurrentes et le leur a fait savoir, de façon transparente.

Participation aux échanges sur les dérives

536. Comme le résume le tableau ci-dessous, Colgate-Palmolive, Henkel, Procter & Gamble, Reckitt Benckiser, Unilever, Bolton Solitaire, Sara Lee et SC Johnson se sont concertées en échangeant des informations sur le niveau de dérive qu'elles envisageaient de pratiquer en 2005. Le dossier fait état de trois réunions en deux mois lors desquelles ont été réactualisées les projections de dérives.

<Emplacement Tableau>

Constatations dans le secteur de l'hygiène

537. Les premiers échanges sur les dérives ont eu lieu lors de la réunion Team PCP du 5 octobre 2004. Beiersdorf, Unilever et Gillette ont annoncé une dérive de 0,50 % alors que Henkel a annoncé une dérive de 1 % (cotes 728 et 729 du dossier 06/0019AC).

538. Une deuxième série d'échanges a eu lieu lors de la réunion des " Amis " du 4 novembre 2004 où Laboratoires Vendôme a annoncé sa dérive envisagée (cote 664 du dossier 06/0019AC) et où les participants ont discuté des arguments possibles pour limiter leur dérive.

539. Une troisième série d'échanges a eu lieu lors de la réunion Team PCP du 9 novembre 2004 (cotes 731 et 732 du dossier 06/0019AC). Beiersdorf a annoncé ses hypothèses de rabais selon que l'engagement reste en vigueur ou non, et son taux de dérive envisagé. Vania, Gillette et Henkel ont également indiqué leur taux de dérive envisagé.

540. Une quatrième série d'échanges a eu lieu lors de la réunion des " Amis " du 3 décembre 2004 où Laboratoires Vendôme a indiqué son taux de dérive pour 2005, ainsi que Sara Lee (pour les accords internationaux) (cote 670 du dossier 06/0019AC).

Participation aux échanges sur les dérives

541. Comme le résume le tableau ci-dessous, Colgate-Palmolive, Henkel, Reckitt Benckiser, Unilever, Beiersdorf, Gillette, Sara Lee, Laboratoires Vendôme et Vania se sont concertées en échangeant des informations sur le niveau de dérive qu'elles envisageaient de pratiquer en 2005, dans le cadre de l'engagement.

<Emplacement Tableau>

c) Les échanges dans le cadre de la loi Dutreil

542. Dans le cadre de la loi Dutreil, les entreprises se sont concertées sur les hausses de tarifs, les dérives, et de façon plus ponctuelle, sur les taux de coopération commerciale.

Les échanges sur les hausses de tarifs

543. Après l'échec de la circulaire Dutreil en 2003 et de l'engagement en 2004, la loi Dutreil de 2005 constituait la troisième tentative des pouvoirs publics pour faire baisser les prix de vente aux consommateurs.

544. Pour ce faire, la loi d'août 2005 réintroduisait de la flexibilité dans la fixation, par les distributeurs, des prix de revente au consommateur en redéfinissant le seuil de revente à perte d'un produit. L'objectif des pouvoirs publics était d'aboutir à une baisse des prix de vente à la consommation de l'ordre de 5 % (cote 23 722).

545. À compter de l'entrée en vigueur de la loi d'août 2005, certains distributeurs pourraient baisser les prix de revente (du fait de la baisse du seuil de revente à perte) ce qui pouvait initier une guerre des prix entre les principaux distributeurs, conduisant à une réduction de leurs marges. Les fournisseurs anticipaient par conséquent des demandes de dérive plus importantes destinées à compenser l'érosion de la marge arrière des distributeurs.

546. Pour faire face à cette menace, les fournisseurs ont passé de fortes hausses de tarifs afin de se constituer des marges de manœuvre dans le cadre des négociations à venir (cotes 34 634, 10 937, 39 854 et 39 855).

547. Il a fallu procéder à ces hausses rapidement avant que les distributeurs ne soient en mesure de les refuser en arguant que la loi Dutreil visait à faire baisser les prix et que, partant, des hausses importantes des tarifs n'étaient pas acceptables (cotes 44 868 à 44 870).

Constatations dans le secteur de l'hygiène

548. Les premiers échanges sur les hausses de tarifs remontent au 4 août 2005, soit deux jours après l'adoption de la loi Dutreil.

L'annonce par Unilever de sa hausse de tarifs

549. Le 4 août 2005, M. Frédéric T. . . (Henkel) (cote 76 du dossier 08/0084AC) a rapporté à ses collaborateurs qu'Unilever adresserait à ses clients, d'ici la fin de la semaine, un nouveau tarif en hausse de 5 %. M. Frédéric T. . . soulignait que Colgate-Palmolive " appel[ait] " ses concurrents " pour les convaincre de faire de même ".

550. Unilever, Colgate-Palmolive et Henkel se sont ainsi coordonnées en échangeant des informations commercialement sensibles relatives à leur pratique tarifaire future dans le cadre nouveau créé par la loi Dutreil.

L'alignement des entreprises sur la hausse d'Unilever

551. À la suite de l'annonce d'Unilever, nombre des participants aux réunions Team PCP se sont alignés sur la hausse d'Unilever, ce qui corrobore l'existence d'une concertation préalable, mise en œuvre grâce à des appels de Colgate-Palmolive à ses concurrents pour les convaincre de " profiter de la brèche " (cote 76 du dossier 08/0084AC).

552. Dans un premier temps, le 5 août 2005, Unilever a effectivement adressé une hausse de tarifs de près de 5 % en moyenne, applicable en octobre 2005 (cote 24 094).

553. Dans un deuxième temps, Colgate-Palmolive a annoncé une hausse de tarifs de 5 à 6 % (cote 14 752 (VC), cote 44 863 (VNC)).

554. Concernant ce mouvement de hausse, M. Jean-François Q. . . (Colgate-Palmolive) a déclaré : " Les informations échangées entre nous concernant la hausse de tarif d'Unilever puis la hausse de Colgate ont contribué à créer cette hausse homogène sur les secteurs de l'hygiène et de l'entretien " (cote 39 842).

555. Dans un troisième temps, s'est tenue le 6 octobre 2005 une réunion Team PCP à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Vania, Gillette et Beiersdorf. Lors de cette réunion, les participants ont communiqué leurs hausses de tarifs pour 2006 (cote 3 086).

556. Des hausses proches de 5 % ont été annoncées par la plupart des entreprises mises en cause. Les informations sont précises sur la tendance de hausse, le niveau général de la hausse autour de 5 % et le calendrier de la hausse.

557. Le tableau suivant montre que, d'une part, les hausses annoncées sont souvent proches des hausses réellement pratiquées et que, d'autre part, Henkel, Vania et Beiersdorf n'avaient pas encore adressé leurs hausses de tarifs, ce qui leur permettait de se coordonner sur les hausses de leurs concurrentes.

<Emplacement Tableau>

558. Les échanges d'informations sur le niveau des hausses tarifaires, dont certaines étaient futures, relèvent d'une forme aboutie de concertation : le niveau de hausse affiché par les plus gros opérateurs du secteur constitue le point de convergence de l'ensemble des acteurs.

559. Le caractère exceptionnel des hausses passées par les fournisseurs a suscité des réactions très vives de la part des distributeurs (cote 10 697 à 10 699, 14 745 à 14 747, 19 007 à 19009).

560. Dans un article du 5 décembre 2005 paru dans le journal Le Monde, Jose Luis Duran, président du directoire de Carrefour, a déclaré : " Globalement on nous propose actuellement des hausses de tarif de 4 à 6 %. " (...) " En Espagne et en Italie, nous constatons des hausses tarifaires de 1 %, en Belgique et en Grèce entre 2 et 2,5 %. Pourtant, les raisons d'augmenter les tarifs - inflation, flambée des prix du pétrole, hausse des matières premières et des salaires - ne sont pas très différentes d'un pays à l'autre " (...) " Les produits qui subissent les augmentations les plus fortes sont souvent incontournables. Je ne peux les sortir des linéaires " (cote 23 692).

561. Dans une interview publiée dans La Tribune le 29 décembre 2005, M. Michel Edouard Leclerc a constaté : " Les hausses les plus importantes concernent les produits d'hygiène, de santé et de beauté : elles sont en moyenne de 7. 5 % dans ce secteur. C'est incroyable " (cotes 41 056 et 44 952).

La confirmation des informations échangées et les échanges sur les prix de vente consommateurs

562. Lors de la réunion Team PCP du 9 novembre 2005, à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Beiersdorf, L'Oréal, Gillette et Henkel, les participants ont confirmé le niveau des hausses de tarifs adressées aux distributeurs (cotes 766 du dossier 06/0019AC et 64 du dossier 08/0084AC). Les hausses annoncées étaient proches de 5 % pour toutes les entreprises (sauf pour L'Oréal qui a passé une hausse bien supérieure) et correspondent aux hausses effectivement passées par les fournisseurs.

563. Les participants ont également échangé sur le niveau des prix des produits en promotion et sans promotion (cote 457 du dossier 08/0084AC) : " - Tous le monde aligné sur la promo - Garde les écarts sur le SP [sans promotion] ".

564. Le fait de s'aligner sur la promotion et de garder le même prix sur les produits en fond de rayon limitait les risques de voir les possibles réintégrations pratiquées par les distributeurs dans le cadre de la loi Dutreil bouleverser le positionnement marketing des produits des fournisseurs par rapport aux produits concurrents (cote 14 761).

Les échanges sur les réactions des distributeurs et les arguments permettant de justifier les hausses

565. Lors d'une réunion des " Amis " du 30 novembre 2005 à laquelle participaient, dans le secteur de l'hygiène, Colgate-Palmolive, Sara Lee et Henkel, les participants ont indiqué si leurs hausses avaient été acceptées ou non par les distributeurs (cote 697 du dossier 06/0019AC).

566. Les participants ont mis en commun les arguments permettant de justifier leurs augmentations de tarifs. Les notes de réunion de Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) indiquent :

- " ? coût

- ? coût essence marge -> répercussion tarif

- Tarif ? réalité à appliquer

- Effet SARKO et élasticité

- Hollande

- Media gvt "

567. Ainsi, les participants à cette réunion ont discuté d'un argumentaire de base à opposer aux distributeurs qui pouvaient s'interroger sur les hausses de tarifs des fournisseurs.

568. Lors de la réunion des " Amis " du 26 janvier 2006, Colgate-Palmolive, Henkel, Beiersdorf, Laboratoires Vendôme, Sara Lee et Lascad ont discuté une dernière fois des hausses de tarifs dans le cadre d'une réunion consacrée aux discussions sur la dérive. La connaissance de la hausse de tarifs passée par chacun permettait en effet de mieux jauger l'importance de la dérive demandée par les distributeurs et proposée par les fournisseurs.

Conclusions sur les hausses de tarifs dans le secteur de l'hygiène

569. Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Vania, Beiersdorf, Gillette, L'Oréal, Laboratoires Vendôme et Sara Lee se sont concertées en échangeant des informations sur leurs hausses de tarifs futures et/ou passées au moment de la loi Dutreil ainsi que sur les réactions des distributeurs à ces hausses de tarifs. Ces entreprises ont également discuté des arguments qui permettent de justifier les hausses de tarifs.

570. La participation des entreprises aux échanges est synthétisée dans le tableau qui suit :

<Emplacement Tableau>

571. Ces échanges se sont déroulés selon une périodicité élevée, sur une information stratégique et entre la quasi-totalité des acteurs du marché.

Constatations dans le secteur de l'entretien

572. Le 4 août 2005, M. Frédéric T. . . (Henkel Cosmétiques) (cote 45 806) a rapporté à ses collaborateurs qu'Unilever adresserait d'ici la fin de la semaine un nouveau tarif en hausse de 5 % à ses clients. M. Frédéric T. . . soulignait que Colgate-Palmolive " appel[ait] " ses concurrents " pour les convaincre de faire de même ". La hausse annoncée par Unilever à Colgate-Palmolive concernait tant le secteur de l'hygiène que le secteur de l'entretien (cotes 40 032 et 39 843).

573. Le 6 septembre 2005, M. Gérard H. . . (Henkel Détergents) a informé Colgate-Palmolive qu'Henkel procèderait à une hausse linéaire de 5 % applicable au 2 novembre 2005 (cote 752 du dossier 08/0044AC).

574. Lors de la réunion des " Amis " du 27 octobre 2005, Henkel, Colgate-Palmolive, Bolton Solitaire, SC Johnson, Reckitt Benckiser, Sara Lee ont discuté de leurs hausses de tarifs, qui avaient déjà été envoyées aux distributeurs, à l'exception de Bolton Solitaire et Reckitt Benckiser.

575. Les hausses de tarifs communiquées révèlent une certaine homogénéité (Bolton Solitaire 3,5 %, Colgate-Palmolive 3,5 % - 5 %, Henkel 5 %, Reckitt Benckiser 4 %, Sara Lee 4 %, SC Johnson 4,5 ou 4,7 %) (cotes 10 140, 13 875 et 47 013).

576. En outre, les déclarations convergentes de deux participants aux pratiques attestent de l'existence d'échanges sur les hausses futures avant cette réunion (cote 39 763).

577. Les échanges avant et pendant la réunion " Amis " du 27 octobre 2005 n'ont pu que revêtir un effet non négligeable sur le niveau des hausses constatées, auxquelles les distributeurs ont réagi vivement (cotes 9 561 à 9 563).

578. Lors de la réunion Team HP du 22 novembre 2005 à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Reckitt Benckiser et Henkel, Henkel et Reckitt Benckiser ont confirmé leurs hausses de tarifs (respectivement 4 % ciblé et 5 % linéaire) (cote 1188 du dossier 06/0018AC). Il se déduit de la déclaration de l'ancien directeur commercial de Reckitt Benckiser que le taux de hausse passé par cette entreprise est relativement exceptionnel (cote 40 190), ce qui ne peut être étranger aux échanges constatés.

579. Lors d'une réunion des " Amis " du 30 novembre 2005, Colgate-Palmolive, Sara Lee, Henkel, SC Johnson et Bolton Solitaire ont échangé des informations sur l'acceptation ou non par les distributeurs des tarifs qui avaient été envoyés (cote 1168 du dossier 06/0018AC) et ont mis en commun les arguments permettant de justifier leurs augmentations de tarifs.

580. La presse généraliste et spécialisée montre que ces arguments ont effectivement été utilisés (cote 39 855) et que les hausses passées dans le secteur de entretien et celui de l'hygiène à la fin de l'année 2005 ont revêtu un caractère exceptionnel (cotes 40 696 et 23 605).

Conclusion sur les hausses de tarifs dans le secteur de l'entretien

581. Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Reckitt Benckiser, Sara Lee, SC Johnson et Bolton Solitaire se sont coordonnées en échangeant des informations sur leurs hausses de tarifs futures et passées ainsi que sur les réactions des distributeurs à ces hausses de tarifs. Ces entreprises ont également discuté des arguments qui permettaient de justifier les hausses de tarifs. Ces échanges, à tous les niveaux de la négociation du prix triple net, n'ont pu que conduire à des tarifs supérieurs à ceux qui auraient résulté d'une concurrence non faussée, et à des prix triple net plus élevés au profit des fournisseurs. La presse s'est d'ailleurs fait l'écho de hausses de prix importantes (cotes 40 696 et 23 605).

582. La participation aux échanges est synthétisée dans le tableau qui suit :

<Emplacement Tableau>

583. Ces échanges se sont déroulés selon une périodicité élevée et ont porté sur une information stratégique, les tarifs.

Les échanges sur la dérive

584. Les échanges sur les dérives se sont intensifiés, au cours de l'année 2005, dès les prémisses de la loi Dutreil, pour tenir compte du risque de mise en œuvre anticipée de la loi par les distributeurs.

585. En effet, d'une part, avant même l'adoption de la loi Dutreil, l'idée d'une réintégration possible d'une partie des marges arrière dans le seuil de revente à perte était avancée ainsi qu'en attestent plusieurs initiatives parlementaires ou gouvernementales visant à réformer la loi Galland. Certains distributeurs ont pratiqué des réintégrations de marge arrière en marge avant et ont demandé aux fournisseurs de participer au financement de ces baisses de prix (cote 40 794).

586. D'autre part, après l'adoption de la loi Dutreil, les fournisseurs ont craint que les distributeurs leur demandent des dérives importantes. En effet, plus la dérive de coopération commerciale accordée était élevée, plus il était loisible aux distributeurs de baisser leurs prix et d'être compétitifs vis-à-vis de leurs concurrents, d'où leur intérêt à demander des dérives importantes.

587. Les échanges relatifs aux dérives ont concerné les deux temps de la négociation commerciale, c'est-à-dire la demande de dérive (de la part des distributeurs) puis l'offre de dérive (de la part des fournisseurs).

Les échanges sur les demandes de dérives des distributeurs

Constatations dans le secteur de l'entretien

588. Les éléments au dossier, pour l'essentiel des comptes-rendus de réunions contemporains des pratiques (7), montrent que les entreprises visées dans le tableau ci-dessous se sont concertées en échangeant des informations sur les amandes de dérive des distributeurs à l'occasion de réunions Team HP ou des "Amis".

589. Ces échanges, qui ont porté sur des informations stratégiques et secrètes échangées de façon quasi mensuelle par des entreprises couvrant une grande partie du marché, n'ont pu que permettre aux participants de mieux calibrer leur propre proposition de dérive lors des négociations, améliorant ainsi leur situation. À au moins deux reprises, les participants ont échangé sur l'évolution des demandes de dérives des distributeurs, à la baisse (cotes 769 du dossier 06/0019AC et 1154 du dossier 06/0018AC) ou à la hausse (cotes 9 595, 22 465 et 765 du dossier 06/0019AC), pendant les négociations, ce qui leur permettait de disposer d'une information dynamique et d'ajuster au mieux leurs offres au fur et à mesure de la négociation.

Constatations dans le secteur de l'hygiène

590. Les pièces du dossier font état des mêmes échanges dans le secteur de l'hygiène (8). Le tableau ci-dessous présente les différentes réunions lors desquelles ont eu lieu les échanges sur les demandes de dérives dans le secteur de l'hygiène au moment de la loi Dutreil et juste avant son entrée en vigueur, ainsi que les participants.

(cote 1 163 du dossier 06/0018AC), par le compte-rendu de M. Jean-François Q. . . qui concerne la réunion Team HP du 5 janvier 2006 (cote 1 191 du dossier 06/0018AC) et par les comptes-rendus de MM. Grégory Gazagne (Bolton Solitaire), François D. . . (Sara Lee) et Mme Nathalie Y. . . qui concernent la réunion des " Amis " du 3 février 2006 (cotes 14 137, 14 166 du dossier 06/0001F et 1 170 du dossier 06/0018AC).

<Emplacement Tableau>

591. Ces échanges qui se sont déroulés à une périodicité élevée portent sur une information stratégique.

Conclusion

592. Colgate-Palmolive, Henkel, Reckitt Benckiser, Bolton Solitaire, Sara Lee et SC Johnson dans le secteur de l'entretien et Colgate-Palmolive, Henkel, L'Oréal, Unilever, Beiersdorf, Gillette, Laboratoires Vendôme, Sara Lee et Vania, dans le secteur de l'hygiène, se sont concertées en échangeant des informations sur leurs demandes de dérives lors des négociations 2005 et 2006 dans le but de consentir, in fine, une dérive qui soit la plus faible possible.

Les échanges sur les offres concrètes de dérives des fournisseurs

593. Les négociations sur la dérive dans le cadre de la loi Dutreil ont été tendues. Les distributeurs souhaitaient obtenir le maximum pour baisser leurs prix de revente aux consommateurs, tout en maintenant leur marge à leur niveau antérieur à la loi Dutreil. Les fournisseurs, quant à eux, souhaitaient ne pas annihiler les substantielles hausses de tarifs qu'ils venaient de passer.

Constatations dans le secteur de l'entretien

Les échanges sur les offres envisagées de dérives

594. Les échanges sur les offres de dérives ont concerné :

- les offres de dérives signées (cote 14 166) ou pas (cotes 1153 et 1154 du dossier 06/0018AC) ;

- les évolutions de ces offres au cours de la négociation (cotes 1160 du dossier 06/0018AC, 10 307 et 13 606) ;

- la réaction des enseignes aux offres chiffrées et le niveau des nouvelles propositions (cotes 1163 et 1191 du dossier 06/0018AC).

595. Un exemple de ces échanges est fourni par une note manuscrite (cote 11 775) de M. Stéphane 7. . . (Reckitt Benckiser) proche du 14 avril 2005. Sur cette pièce, sont mentionnées une dérive de 0,15 % pour Henkel, de 0,20 % pour Colgate-Palmolive et Unilever et une dérive de 0,30 % qui " passait à 0. 20 pt " soit la même dérive que Colgate-Palmolive et Unilever, pour SC Johnson. Il convient de constater la grande homogénéité des dérives envisagées et un alignement de SC Johnson sur les deux leaders du marché qui peut s'expliquer, à tout le moins en partie, par les échanges d'informations entre entreprises.

Les échanges sur des taux de dérive à ne pas dépasser

596. Certains échanges ont porté " sur des évolutions de dérive à ne pas dépasser idéalement " (cote 22 578). Les entreprises concernées pouvaient indiquer les taux maxima de dérive qu'elles entendaient chacune ne pas dépasser, sans que ce taux maximum ne vaille pour l'ensemble des participants.

597. Lors de la réunion des " Amis " du 17 février 2005, Henkel a annoncé son niveau maximal de dérive envisagé chez Carrefour : " Henkel détergents indique (...) qu'il est prêt à dériver jusqu'à 3 % " (cote 1146 du dossier 06/0018AC).

598. À l'occasion de la réunion des " Amis " du 3 février 2006, à laquelle participaient Colgate-Palmolive, Henkel, SC Johnson, Sara Lee et Bolton Solitaire, certaines entreprises sont allées plus loin et se sont concertées sur un niveau maximum de dérive à ne pas dépasser collectivement.

599. Le tableau suivant met en lumière la proximité des montants maxima de dérive notés par les participants à cette réunion (cote 14 166) :

<Emplacement Tableau>

600. Concernant les enseignes EMC (Casino), Galec, Auchan et System U, les participants se sont concertés sur un taux plafond sans pour autant parvenir à un accord formel sur un taux unique.

601. Concernant Intermarché, M. Michel 3. . . (SC Johnson) a expliqué qu'une concertation particulièrement poussée avait eu lieu lors de cette réunion : " C'est un cas rare [mais] nous nous sommes mis d'accord lors de la réunion du 3 février 2006 pour nous appeler si nous devions accepter une dérive supérieure à + 0. 5 % avec Intermarché " (cote 74).

602. Ces échanges d'informations, de caractère prospectif, portent sur une donnée confidentielle qui constitue un élément crucial des négociations entre fournisseurs et distributeurs. Ils interviennent à un moment clé de la négociation puisqu'en vertu de la loi Dutreil, les accords commerciaux pour 2006 devaient être signés avant le 15 février 2006.

Participation aux échanges

<Emplacement Tableau>

603. Le tableau ci-dessus montre que les participants ont échangé à une périodicité élevée sur leurs offres de dérives lors des négociations 2005 (une réunion mensuelle jusqu'à mai 2005) et 2006 (deux réunions entre début janvier et début février 2006, soit avant la clôture des négociations). Les pratiques vont de l'échange sur des informations très récentes qui peuvent être utilisées dans le cadre des négociations en cours et à venir à des concertations poussées sur des taux maxima de dérive à ne pas dépasser.

Constatations dans le secteur de l'hygiène

604. Les participants aux pratiques se sont concertés en échangeant des informations sur leurs offres de dérives au cours de six réunions entre le 17 février 2005 et le 26 janvier 2006.

605. Lors de la réunion Team PCP du début du mois de janvier 2006, les participants ont fait état des dérives offertes à Provera (centrale d'achats de Cora notamment).

606. Colgate-Palmolive, L'Oréal et Vania ont annoncé le même niveau de dérive (1,50 %) ; Gillette, Henkel Cosmétiques et Beiersdorf ont annoncé un montant proche. L'Oréal a indiqué à ses concurrents son offre actuelle chez Carrefour (" +1. 5 % "), la demande de cette enseigne compte tenu de sa hausse de prix " 4,20 % (vs SPI >6 %) " et le montant auquel pourrait se conclure la négociation " (Négo possible 2,80 %) " (cote 773 et 774 du dossier 06/0018AC), soit la quasi intégralité des informations pertinentes sur la hausse de son prix triple net.

607. Lors de la réunion des " Amis " du 26 janvier 2006, des informations très précises ont été échangées sur les taux maxima de dérive que chacun des participants était prêt à consentir. Elles se sont accompagnées d'annonces sur les demandes de dérive, les offres de dérive et l'état d'avancement des négociations. Tous les paramètres de la négociation (demande, offre, signature) ont été évoqués simultanément (cotes 699 à 705 du dossier 06/0019AC).

608. Cette réunion devait être la dernière avant la signature des accords, au plus tard le 15 février 2006. Comme M. Emmanuel 6. . . l'a indiqué (cote 40 199), " Cette réunion intervient dans le " money time " ", c'est-à-dire dans les derniers instants avant la fin des négociations, ce qui conférait à la concertation sur les taux de dérive un intérêt incontestable.

609. Le tableau ci-dessous synthétise les informations échangées à cette occasion, pour les principales enseignes de la grande distribution :

<Emplacement Tableau>

610. Les informations échangées sont particulièrement précises et exhaustives, comme en témoignent par ailleurs les déclarations de certains participants, comme M. François D. . . (Sara Lee) : " J'ai été surpris par la teneur de cette rencontre et le contenu des informations échangées, certains participants " se sont un peu lâchés " " (cote 39 945, voir également cote 39 921).

Participation aux échanges

<Emplacement Tableau>

611. Le tableau ci-dessus montre que les participants ont échangé de façon fréquente sur leurs offres de dérives en cours ou à venir lors des négociations 2005 (une réunion mensuelle jusqu'à mai 2005) et lors des négociations 2006 (trois réunions entre novembre et janvier 2006).

Conclusion sur les échanges en matière de dérive

612. Les pièces du dossier établissent l'existence d'une concertation au moyen d'échanges d'informations sur les demandes de dérive des enseignes et les offres de dérives des fournisseurs dans le cadre de la loi Dutreil du 2 août 2005. Ces échanges ont concerné, dans le secteur de l'entretien, Colgate-Palmolive, Henkel, Reckitt Benckiser, Unilever, Bolton Solitaire, Sara Lee et SC Johnson et, dans le secteur de l'hygiène, Colgate-Palmolive, Henkel, L'Oréal, Reckitt Benckiser, Unilever, Beiersdorf, Gillette, Laboratoires Vendôme, Sara Lee et Vania.

Les échanges sur les taux de coopération commerciale

613. Les échanges sur la dérive qui se sont déroulés dans le cadre de la circulaire Dutreil, de l'engagement Sarkozy et de la loi Dutreil se sont accompagnés, de façon ponctuelle, d'échanges d'informations sur les taux de coopération commerciale. Ceci ressort, d'une part, de la demande de clémence de Colgate-Palmolive (cotes 13 du dossier 06/0018AC et 12 du dossier 06/0019AC) et, d'autre part, des pièces matérielles qui figurent au dossier.

614. Ces échanges ont eu lieu dans le cadre des Cercles Team PCP (réunions du 2 décembre 2003 - cote 710 du dossier 06/0019AC, du 4 mai 2004 - cote 720 du dossier 06/0019AC, du 9 mars 2005 - cote 742 du dossier 06/0019AC et du 11 juillet 2005 - cote 14804), Team HP (réunion du 9 décembre 2003 - cote 1174 du dossier 06/0018AC) et Amis (dans le secteur de l'hygiène, réunions du 21 septembre 2004 - cote 655 du dossier 06/0019AC - et du 14 avril 2005 - cote 689 du dossier 06/0019AC ; dans le secteur de l'entretien, réunions du 4 novembre 2004 - cote 12 399, du 14 janvier 2005 - cote 13 767, du 17 février 2005 - cote 9 586 et du 3 février 2006 - cotes 14166 et 14137).

615. Dans le secteur de l'entretien, les contacts complémentaires ont également été l'occasion d'échanges relatifs aux taux de coopération commerciale. Tel a été le cas lors des contacts suivants :

- échange du 14 janvier 2003 entre M. Alain-Dominique 12. . . de Sara Lee et M. Denys E... de Colgate-Palmolive (cote 12 092) ;

- échange du 20 novembre 2003 entre M. Gérard H. . . d'Henkel et M. Olivier J. . . d'Unilever (cote 355 du dossier 08/0044AC) ;

- échange qui a eu lieu entre le 2 et le 5 décembre 2004 entre M. François D. . . de Sara Lee et un salarié de SC Johnson (cote 12 464) ;

- échange du 8 septembre 2005 entre M. 14. . . de Bolton Solitaire et SC Johnson (cote 10 334).

d) Les autres échanges constatés tout au long de la période (2003-2006)

616. Les échanges sur les principaux éléments constitutifs du prix triple net se sont accompagnés, tout au long de la période identifiée, d'échanges sur d'autres aspects de la négociation commerciale avec les distributeurs ou sur leurs performances commerciales.

Les échanges sur les opérations promotionnelles et sur les NIP

Le contexte et l'objet des échanges

617. Tout au long de l'année, que ce soit dans le cadre ou hors du cadre de l'accord commercial, les fournisseurs négocient des opérations promotionnelles et des réductions sous la forme de nouveaux instruments promotionnels (NIP).

618. Les NIP sont des programmes de fidélisation du consommateur (cartes de fidélité qui permettent d'obtenir des réductions en caisse, ou lots virtuels du type : " un produit gratuit pour un produit acheté "). Les NIP ont eu pour effet de faire baisser les prix de vente aux consommateurs (cote 39 920) et de permettre aux distributeurs de se concurrencer sur les prix de vente aux consommateurs, quoique de manière indirecte, malgré le contexte de la loi Galland.

619. Généralement stipulés par des contrats de mandats, ils pouvaient également figurer dans la coopération commerciale. Ils représentaient alors un " élément de dérive supplémentaire ". Il s'agissait, au début des années 2000, d'" un élément nouveau donc perturbateur " selon les termes de Mme Nathalie Y. . . (cote 39 920). Ce mécanisme permettait aux distributeurs de faire financer leurs opérations promotionnelles par les fournisseurs, au moins en partie, sans que le consommateur ne soit forcément conscient de ce financement.

620. Les NIP se sont rapidement révélés être un succès (cote 40 503) et les demandes de NIP se sont généralisées.

621. En raison de leur impact sur les prix de vente aux consommateurs, les NIP faisaient toutefois " peser un danger sur la marque, en cas de promotions trop importantes et un danger budgétaire étant donné leur coût pour le fournisseur " (cote 39 920). Ceci explique les échanges d'informations constatés ci-dessous qui visaient à ralentir le développement des NIP et limiter les baisses des prix de vente aux consommateurs qu'ils suscitaient.

Constatations dans le secteur de l'entretien

622. Les participants aux réunions " Amis " et Team HP s'échangeaient des informations sur :

leur stratégie en matière de NIP (cote 344 du dossier 08/0044AC) ;

l'état d'avancement des négociations sur les NIP :

- le taux maximum, niveau de NIP gagné ou non dépensé (cote 1149 du dossier 06/0018AC) ;

- les investissements supplémentaires en NIP effectués (cotes 1154 et 1155 du dossier 06/0018AC).

623. Ces échanges ont eu lieu à une fréquence mensuelle sur le premier semestre 2005 et ont concerné, à cette période, toutes les entreprises mentionnées dans le tableau ci-dessous.

<Emplacement Tableau>

Constatations dans le secteur de l'hygiène

624. Dans le secteur de l'hygiène, les échanges ont été plus nombreux sur les opérations promotionnelles. Ainsi, les participants à ces réunions ont discuté de l'intérêt ou non d'opérations promotionnelles (cotes 709 et 710 du dossier 06/0019AC).

625. Lors de la réunion Team PCP du 9 novembre 2005, les participants ont discuté de l'opportunité d'accepter le BR2I (mécanismes de réduction en caisse assimilable aux NIP) proposé par Galec. Colgate-Palmolive, Henkel, L'Oréal, Gillette et Beiersdorf ont abouti à une véritable décision commune de refus du BR2I (cote 64 du dossier 08/0084AC).

626. Lors de la réunion Team PCP du 7 décembre 2005, les participants ont échangé sur " l'intérêt d'éviter que le budget supplémentaire alloué en 2005 pour [l'Anniversaire Carrefour] soit renouvelé en 2006 " (cote 768 du dossier 06/0019AC), ce qui témoigne d'une volonté des participants de coordonner leur réponse sur le comportement à adopter quant à cette opération qui générait des baisses de prix directes pour les consommateurs.

627. Les pièces au dossier montrent également l'existence d'échanges sur les engagements chiffrés pour certaines opérations commerciales (cotes 720 et 721 du dossier 06/0019AC).

628. Le tableau ci-dessous identifie la participation des entreprises aux échanges.

<Emplacement Tableau>

Les échanges sur l'état d'avancement des négociations

629. Les mises en cause échangeaient également sur l'état d'avancement des négociations.

630. Ces échanges concernaient des données proches de celles obtenues à l'ILEC et à PBMO, les données étant toutefois individualisées. Ils servaient à réduire l'incertitude inhérente aux discussions bilatérales fournisseur-distributeur et revêtaient un caractère stratégique.

Constatations dans le secteur de l'entretien

631. Les éléments au dossier montrent que les participants ont échangé sur :

- le climat général des négociations avec chaque distributeur (cote 1175 du dossier 06/0018AC) ;

- les menaces de pénalités et de déréférencements ou les déréférencements effectifs (cotes 1130, 1154, 1160 et 1161 du dossier 06/0018AC et 11 766) ;

- l'état d'avancement de la signature des accords (signés, pas signés, en bonne voie) (cotes 1149 et 1163 du dossier 06/0018AC).

632. La participation aux échanges est résumée dans le tableau qui suit :

<Emplacement Tableau>

633. Ces échanges ont eu lieu suivant une fréquence quasi mensuelle lors de la négociation 2005.

Constatations dans le secteur de l'hygiène

634. Comme pour le secteur de l'entretien, les participants ont échangé sur :

- les menaces de déréférencements ou les déréférencements effectifs (cotes 719, 720, 742 et 743 du dossier 06/0019AC) ;

- l'état d'avancement de la signature des accords (signés, pas signés, en bonne voie) (cotes 675, 742, 747 à 749 et 773 du dossier 06/0019AC).

635. Ces informations revêtent une forte actualité puisqu'elles sont échangées alors que la négociation est en cours et elles permettent des ajustements de la stratégie commerciale des fournisseurs.

636. La participation aux échanges sur l'état d'avancement des négociations est résumée dans le tableau ci-après.

<Emplacement Tableau>

Les échanges de conditions générales de vente et de grilles de tarifs

637. La concertation a également pris la forme, dans les deux secteurs visés par l'instruction, d'échanges relatifs aux conditions générales de vente (CGV), qui incluaient les grilles tarifaires des participants.

638. Il convient de rappeler qu'en application de la circulaire Dutreil du 16 mai 2003, les CGV de chaque fournisseur contiennent (i) son " barème de prix ", c'est-à-dire la liste de tarifs de chacun de ses produits et (ii) ses " conditions de vente ", c'est-à-dire des clauses juridiques et financières.

639. En particulier, les conditions de vente contiennent les réductions de prix (par exemple, les remises logistiques) dont certaines sont prises en compte pour calculer le seuil de revente à perte et donc, in fine, le prix de revente au consommateur.

640. Les échanges sur les conditions générales de vente se sont déroulés, essentiellement, dans le cadre des correspondances organisées au sein des trois cercles d'échanges identifiés.

641. Eu égard à l'identité des informations échangées dans les secteurs de l'hygiène et de l'entretien, ces pratiques seront analysées simultanément pour les deux secteurs.

Existence d'échanges relatifs aux CGV et aux grilles tarifaires

642. L'existence des échanges sur les CGV et les grilles tarifaires ressort des déclarations d'entreprise de Colgate-Palmolive et Henkel (cotes 15 du dossier 06/0018AC, 15 du dossier 06/0019AC, 318 et 322 du dossier 08/0044AC, 836 et 840 du dossier 08/0084AC) corroborées par celles des participants aux pratiques, qui ont quasiment tous reconnus avoir participé à des échanges sur ce thème, tant dans le secteur de l'entretien que dans celui de l'hygiène, dans le cadre des Cercles Team HP (cotes 22 564, 22 680, 23 941, 23 934 et 40 191), Team PCP (cotes 22 570, 40 045, 40 034, 39 841, 23 941, 24 116, 23 934, 40 526 et 40 177) et des " Amis " (cotes 22 577, 39 929, 39 930, 76 et 22 666).

Caractéristiques des échanges de CGV et de grilles tarifaires

643. Les informations sur les CGV étaient échangées sous deux formes : d'une part, via la communication des CGV à l'état brut, à chacun des membres des cercles d'échanges, une fois les CGV adressées aux fournisseurs, d'autre part, via des tableaux de synthèse centralisés par Colgate-Palmolive. Cette pratique a vraisemblablement pris fin après le départ de Denys E... de Colgate-Palmolive, en mai 2004.

644. Les tableaux synthétiques des conditions générales de vente, qui datent tous de la fin de l'année 2003 ou du début de l'année 2004 récapitulent, pour les années 2000 à 2004 le niveau de certaines remises contenues dans les CGV pour chaque entreprise participante (cotes 909 à 912 du dossier 06/0018AC, 540 à 543 du dossier 06/0019AC). Les documents mentionnent les délais de paiement prévus dans les CGV et, dans la colonne " net net cascade ", le mode de calcul du seuil de revente à perte.

645. Ces documents de synthèse contiennent donc des informations commercialement sensibles et précises sur les conditions tarifaires de Colgate-Palmolive, Unilever, Henkel, Procter & Gamble, SC Johnson, Reckitt Benckiser et Sara Lee pour le secteur des produits d'entretien et de Colgate-Palmolive, Unilever, Henkel, Procter & Gamble, Beiersdorf, de L'Oréal, Gillette, Laboratoires Vendôme, Reckitt Benckiser et Sara Lee pour le secteur de l'hygiène.

646. Quel que soit le cercle dans lequel ils se déroulaient, les échanges avaient lieu peu de temps après l'envoi de ces documents commerciaux aux distributeurs (cotes 22 666, 39 841, 39 814, 23 934, 23 941, 22 564, 22 680, 40 191, 15 du dossier 06/0018AC et 15 du dossier 06/0019AC).

647. Alain P. . . (Beiersdorf) a précisé que ce système d'échange de CGV lui " permettait de [les] récupérer parfois avant qu'ils remontent du terrain " (cote 40 177), ce qui confirme la rapidité avec laquelle ces documents étaient échangés et met en lumière l'intérêt de l'échange.

Conclusion sur les échanges de CGV et de grilles de tarifs

648. La concertation a donné lieu, pour toutes les entreprises mises en cause, à des échanges d'informations commercialement sensibles portant sur les grilles tarifaires et les CGV. Ces échanges ont eu lieu à un rythme régulier et portaient sur des données récentes. Ils ont permis d'obtenir ces informations de façon plus exhaustive et rapide que par des remontées de terrain. Les fournisseurs pouvaient ainsi réagir à ces informations dans des délais plus courts, gagnant un temps précieux alors que les négociations avec les distributeurs étaient en cours.

Les échanges sur les chiffres d'affaires

649. La concertation s'est accompagnée, dans les deux secteurs, d'échanges d'informations relatives aux chiffres d'affaires lors des réunions Team HP, Team PCP et des " Amis " ainsi que dans le cadre des correspondances. Eu égard à l'identité des informations relatives aux chiffres d'affaires échangées dans les secteurs de l'hygiène et de l'entretien, ces pratiques seront analysées simultanément sur les deux secteurs.

650. L'existence de ces échanges relatifs aux chiffres d'affaires a été reconnue par l'ensemble des participants aux pratiques.

Le caractère précis et détaillé des informations échangées

651. En ce qui concerne les correspondances, les informations échangées portaient sur les chiffres d'affaires cumulés des participants, entre le début de l'année en cours et une date déterminée (cotes 756 à 844 du dossier 06/0018AC, 317 à 472 du dossier 06/0019AC) et sur l'évolution, entre l'année en cours et l'année précédente, des chiffres d'affaires cumulés.

652. Les informations échangées précisaient le chiffre d'affaires facturé des fournisseurs auprès des enseignes, ventilé par distributeur ainsi que le chiffre d'affaires total des fournisseurs. Dans les tableaux individuels et synthétiques de chiffres d'affaires, était indiqué, dans la plupart des cas, le poids relatif de chacune des enseignes par rapport au chiffre d'affaires total de l'entreprise.

653. En ce qui concerne les échanges organisés à l'occasion des réunions, ceux-ci étaient plus succincts et recouvraient, en partie, les données communiquées lors des correspondances. Ainsi, à l'occasion de douze réunions Team PCP, deux réunions Team HP et de six réunions des " Amis ", les entreprises participantes ont communiqué des informations relatives à l'évolution de leurs chiffres d'affaires mensuels ou cumulés, global ou par enseigne, depuis le début de l'année en cours.

654. Les entreprises ont également échangé des données relatives à des objectifs de chiffre d'affaires dans le secteur de l'entretien lors de la réunion des " Amis " du 17 février 2005 (cote 1148 du dossier 06/0018AC) et lors d'un contact plurilatéral entre Unilever, Colgate-Palmolive et Henkel en octobre 2004 (cote 329 du dossier 08/0044AC) et, dans le secteur de l'hygiène, le 5 octobre 2004 (cotes 728 et 729 du dossier 06/0019AC) et au début du mois de janvier 2006 (cote 775 du dossier 06/0019AC).

655. La communication d'une telle information à des concurrents a donné aux participants à l'échange une visibilité concernant la perception, par les autres opérateurs actifs dans les secteurs concernés, de la manière dont le marché allait évoluer.

Le caractère récent et la valeur ajoutée des données échangées

656. Les informations échangées entre les participants concernaient des données relatives aux chiffres d'affaires cumulés ou bruts pour des périodes qui venaient de s'achever : il s'agissait, le plus souvent, de la fin du mois précédent, voire, dans certains cas, de données relatives au mois en cours.

657. Les tableaux synthétiques sur les chiffres d'affaires échangés dans le cadre des correspondances étaient élaborés et communiqués par Colgate-Palmolive dans des délais courts, souvent dans le mois suivant la date des informations. Les courriers de Colgate-Palmolive sollicitant des informations de la part des concurrents montrent que l'entreprise exigeait une réponse dans un délai très court (cotes 750 à 753 du dossier 06/0018AC, 308 à 314 et 481 du dossier 06/0019AC).

658. Les informations relatives aux chiffres d'affaires échangées entre les participants étaient donc récentes, ce qui permettait une détection rapide des écarts par rapport aux consensus dégagés à l'issue des concertations précédemment décrites sur les hausses de tarif ou l'évolution de la dérive notamment.

659. Ces données présentaient une valeur ajoutée par rapport à celles des panels. En particulier, elles étaient :

- plus complètes, puisqu'elles incluaient les produits en promotion (cotes 22 578 et 24 129) et couvraient l'ensemble des distributeurs (cotes 22 558, 22 549 et 39 848) ;

- plus récentes que celles communiquées par les panels qui étaient envoyées environ un mois après la période concernée (cote 22 666, 23 008, 22 578, 23 015 et 22 671).

La fréquence des échanges d'informations et la diversité des supports

Dans le secteur de l'entretien

660. Le tableau ci-dessous récapitule l'ensemble des occurrences d'échange relatif aux chiffres d'affaires qui a eu lieu dans le secteur de l'entretien, au cours de la période concernée.

<Emplacement Tableau>

661. Le tableau ci-dessus met en lumière la fréquence des occurrences d'échange. Dans le secteur de l'entretien, les échanges ont eu lieu tous les trimestres au cours des années 2003 et 2004 et à un rythme encore plus soutenu au cours de l'année 2005.

Dans le secteur de l'hygiène

662. Le tableau ci-après récapitule les échanges relatifs aux chiffres d'affaires qui ont eu lieu, dans le secteur de l'hygiène, au cours de la pratique.

<Emplacement Tableau>

663. Le tableau met en lumière le nombre élevé des occurrences d'échange. Les échanges ont eu lieu tous les trimestres, au moins, au cours des années 2003 et 2004, et à un rythme plus soutenu au cours de l'année 2005.

Conclusion

664. Reckitt Benckiser, Unilever, Procter & Gamble, Henkel, Colgate-Palmolive, SC Johnson, Bolton Solitaire et Sara Lee se sont concertées en échangeant des informations concernant leurs chiffres d'affaires individuels respectifs dans le secteur de l'entretien et Reckitt Benckiser, Unilever, Procter & Gamble, Henkel, Colgate-Palmolive, Vania, Gillette, Beiersdorf, L'Oréal, Laboratoires Vendôme et Sara Lee ont fait de même concernant leurs chiffres d'affaires individuels respectifs dans le secteur des produits d'hygiène.

665. Les informations échangées étaient des données précises et récentes relatives à la performance commerciale de ces entreprises par rapport à l'année précédente, voire à leurs objectifs de performance.

666. La fréquence de ces communications et la multiplicité des cadres dans lesquels ont eu lieu ces échanges (Cercles Team HP et des " Amis " dans le secteur de l'entretien, Cercles Team PCP et des " Amis " dans le secteur de l'hygiène, lors de réunions ou par des correspondances) ont permis aux participants de renforcer la crédibilité des données qu'ils se communiquaient, en garantissant un contrôle réciproque.

3. LA FINALITÉ DES PRATIQUES DU POINT DE VUE DES PARTICIPANTS

667. Les développements qui précèdent montrent que les mises en cause se sont concertées de manière régulière et systématique en échangeant des informations stratégiques confidentielles sur les principaux paramètres des négociations commerciales avec la grande distribution. De nombreuses déclarations, notamment des demandeurs de clémence, figurant au dossier permettent de comprendre et d'établir la finalité de ces échanges d'informations.

668. Ainsi, les entreprises mises en cause ont pu, en coordonnant leurs politiques commerciales, renforcer leur position, dans le cadre des cycles de négociation avec la grande distribution (a. ). Elles ont pu faire face de manière plus cohérente à la déstabilisation des équilibres anciens voulue par l'action des pouvoirs publics : circulaire Dutreil, engagement Sarkozy puis loi Dutreil (b. ). Les échanges relatifs aux chiffres d'affaires ont en outre permis aux participants aux pratiques de contrôler la performance commerciale de leurs concurrents et de renforcer l'efficacité de la collusion (c. ).

a) La finalité des échanges relatifs aux éléments déterminants de la négociation commerciale

669. Les échanges analysés dans la présente affaire ont concerné à titre principal le déroulement des cycles de négociation commerciale entre les fournisseurs du secteur de l'hygiène, d'une part, et du secteur de l'entretien, d'autre part et la grande distribution. À cette occasion, les entreprises mises en cause se sont échangées des informations précises, individualisées, et dans la plupart des cas, à caractère prospectif, relatives aux principaux paramètres de la négociation commerciale.

670. La détention de chacune de ces informations par les fournisseurs mis en cause, alors que leurs discussions avec les acheteurs des enseignes de la grande distribution étaient encore en cours, présentait un intérêt stratégique.

671. Tout d'abord, l'ensemble de ces échanges d'information doit être resitué dans le contexte historique précédemment décrit. La loi Galland avait introduit avec le mécanisme de détermination du seuil de revente à perte une très grande transparence dans la relation commerciale entre les industriels et les distributeurs, conduisant l'ensemble des opérateurs à un équilibre tacite. Les initiatives successives des pouvoirs publics ont visé à bouleverser cet équilibre en introduisant plus d'incertitude dans la négociation entre les fournisseurs et leurs clients, afin de réanimer la concurrence et favoriser la baisse des prix pour le consommateur. Dans cette situation nouvelle, les fournisseurs risquaient donc de se trouver placés dans une situation plus inconfortable vis-à-vis des distributeurs et de leurs concurrents.

672. C'est pourquoi, les échanges d'informations qui se sont développés et organisés entre fournisseurs à compter de l'année 2003, ont cherché et effectivement conduit à lever, pour une large part, la part d'incertitude inhérente à toute négociation commerciale, à leur seul bénéfice. En effet, les éléments recueillis auprès de leurs concurrents notamment sur leurs évolutions futures de tarif ou de dérive permettaient à chacun des participants de connaître par avance le positionnement de ses concurrents sur les principaux points de la négociation. Chaque entreprise pouvait ainsi savoir, avant ou pendant le cycle annuel de négociation, si le comportement qu'elle envisageait d'adopter lui faisait courir le risque de se placer ou non vis-à-vis du distributeur dans une situation isolée par rapport à celle de ses concurrents. Les échanges d'informations en cause offraient donc à chaque participant l'occasion d'adapter ou d'aligner son comportement sur celui du plus grand nombre en entrant alors dans une " zone de sécurité " où la négociation serait plus aisée, plus sûre et donc plus profitable.

673. Les échanges d'information renforçaient ainsi l'assurance des industriels dans leur négociation avec les distributeurs et favorisaient l'acceptation par les acheteurs de la grande distribution des propositions de tarifs et de dérive de coopération commerciale de leurs fournisseurs, largement convergentes. Les entreprises concernées parvenaient ainsi à modifier significativement, à leur profit, le résultat issu de la négociation.

674. Dans ce contexte, les participants aux échanges d'information ont été amenés à coordonner leurs positions sur les différents paramètres de la négociation commerciale afin de conforter leur " zone de sécurité " commune. C'est la raison pour laquelle, les nombreux échanges décrits plus haut conduisaient à des approches convergentes, consensuelles, voire communes.

675. Enfin, d'un point de vue plus opérationnel, l'intérêt de ces échanges d'informations était renforcé par le fait qu'ils concernaient des données globales, couvrant l'ensemble des gammes de chaque fournisseur, et non leurs stratégies produit par produit. En effet, dès lors que les négociations avec les distributeurs étaient menées sur des éléments de négociation impactant la totalité de la relation commerciale (hausses de tarifs pondérées et dérives de marge arrière), seules des informations à caractère global étaient pertinentes pour apprécier le positionnement respectif de chaque participant et pour permettre aux entreprises d'ajuster leur comportement de négociation.

676. La finalité des échanges d'informations entre les mises en cause sur les paramètres essentiels de la négociation commerciale est confirmée par les déclarations des entreprises, notamment des demandeurs de clémence.

Les échanges relatifs aux hausses moyennes pondérées des tarifs des fournisseurs

677. Ces échanges ont porté à la fois sur la date d'application des nouveaux tarifs et sur les taux moyens pondérés de hausses, passés et futurs.

Les échanges sur la date d'application des nouveaux tarifs

678. Pour les entreprises actives respectivement dans les secteurs de l'hygiène et de l'entretien, la question de la date d'application des nouveaux tarifs était cruciale. En effet, une hausse de tarifs appliquée avant celle des autres opérateurs du marché faisait courir un risque de dépositionnement en prix. L'obtention d'informations sur la date d'application des nouveaux tarifs permettait ainsi de limiter ces risques de dépositionnement temporaire et d'atténuer la concurrence qu'ils pouvaient faire naître entre opérateurs sur un paramètre majeur de leur compétitivité.

679. Les échanges sur les dates d'application des tarifs permettaient en outre aux participants de coordonner leurs comportements quant à la date d'envoi de leurs tarifs.

680. Ceci est confirmé par une déclaration de M. Alain Niccolaï (Henkel Détergents) : " Ces informations me permettaient de savoir à quel moment le prix en linéaire était modifié. Il s'agit d'une information importante pour le positionnement de mes produits : ceci me permet de savoir si mes produits risquent d'être en décalage par rapport à ceux des concurrents dans les linéaires pendant une période déterminée " (cote 40 517). De même, comme indiqué par M. Gérard H. . . (Henkel Détergents), au moment de l'engagement Sarkozy, " Le but était de ne pas [...] envoyer [les CGV] avant que ne soient réglées les problématiques relatives à l'accord Sarkozy, et de ne pas être isolé dans l'envoi des CGV pour faciliter leur " acceptation " par les distributeurs " (cotes 39 787 et 40 793).

Les échanges sur les hausses de tarifs futures

681. Les déclarations des personnes auditionnées confirment que les échanges d'informations sur les niveaux des hausses de tarifs ont permis aux fournisseurs à la fois d'identifier une " zone de sécurité " et de fixer leurs hausses de tarifs au sein de ce périmètre.

682. M. Alain P. . . (Beiersdorf) a en effet indiqué : " Il était bien évidemment intéressant de savoir ce que pourraient faire mes concurrents en termes d'augmentation. Nous avons certainement dû réfléchir sur ce que pourrait accepter la grande distribution en termes de tarifs. L'intérêt de cet échange était de savoir quelles étaient les intentions de mes concurrents et quelle était la réaction des distributeurs face aux hausses qui étaient proposées de façon informelle aux distributeurs avant leur envoi officiel " (cote 40 175).

683. Interrogée sur les échanges qui ont eu lieu lors de la réunion des " Amis " du 4 novembre 2004, Mme Nathalie Y. . . a également expliqué : " Mon but est de proposer le tarif qui donne le plus de latitude à la société, c'est-à-dire le tarif le plus haut possible, à charge pour ma hiérarchie de le réduire si elle l'estime excessif. L'information ici est que tout le monde est en dessous de 3 % et que donc notre prise de risque est limitée, nous sommes ici moins en " zone de risque " " (cote 39 913).

684. Sur la même réunion, M. Michel 3. . . (SC Johnson) a indiqué : " [les échanges sur les hausses futures] nous [ont] permis de savoir si on était dépositionné par rapport aux autres, d'avoir une lisibilité sur le marché. Ceci peut conduire à des positions assez homogènes entre les différents concurrents. Les tarifs n'ayant pas encore été envoyés, il est encore possible de décider de changer sa position en interne si on est trop dépositionné par rapport aux autres " (cote 39 761, 39 762 et 39 913).

685. Cette convergence des tarifs était favorisée par la faible élasticité-prix des produits concernés par les hausses. Comme indiqué par Mme Nathalie Y. . . : " Au moment de Galland, le tarif passait dans les prix, si vous saviez qu'un concurrent augmentait ses tarifs, normalement vous aviez intérêt à augmenter les vôtres pour ne pas perdre de marge car le décrochage n'aurait pas été forcément significatif pour avoir un effet sur le consommateur, les produits étant peu élastiques aux prix hors promotion " (cote 39 913).

686. L'intérêt de ces échanges sur les hausses de tarifs s'est renforcé à la suite des initiatives prises par les pouvoirs publics pour mettre fin au statu quo favorisé par la loi Galland. Sur ce point, Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) a déclaré : " Connaître le niveau de hausse des concurrents et l'existence d'une hausse est toujours important. Avec un contexte " amplifié " politiquement parlant (une contrainte type accord Sarkozy) cela revêt autant voire plus d'importance " (cote 39 912).

Les échanges sur les hausses de tarifs passées

687. À ces échanges sur les hausses futures, se sont ajoutés des échanges sur les hausses effectivement passées par les fournisseurs et, de façon plus ponctuelle, sur l'acceptation de ces hausses par les distributeurs ou sur des arguments visant à justifier le niveau de ces hausses.

688. L'intérêt de cette concertation sur les hausses de tarifs déjà adressées aux distributeurs a été synthétisé par Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) : " Quelle était l'utilité de ces échanges sur les hausses passées ? Ceci permet de voir si on est isolé ou pas et d'anticiper quel niveau de dérive nous serait demandé. Cela pouvait aussi permettre : • De vérifier la véracité des dires des participants ; • De préparer la prochaine hausse, sous réserve du mix produit de chacun que nous pouvions voir sur les panels (Nielsen et Iri) " (cote 39 914).

689. En premier lieu, les échanges sur des hausses déjà adressées aux enseignes permettaient de mieux préparer la négociation en cours et à venir de l'accord commercial.

690. Dans sa déclaration s'agissant de la réunion des " Amis " du 17 février 2005, M. Gérard H. . . (Henkel Détergents) indique : " Les informations relatives aux hausses de tarifs passées étaient utiles dans le cadre de la négociation des dérives. Ceci permet[ait] d'avoir une estimation de la dérive potentielle demandée et d'anticiper les conditions dans lesquelles la négociation aura lieu (si on a un tarif qui est isolé par rapport à nos concurrents, l'agressivité de l'acheteur sera supérieure). Si notre hausse de tarif est faible par rapport aux autres et par rapport à l'inflation, la négociation sera plus équilibrée " (cote 39 785).

691. Par ailleurs, les informations relatives aux hausses passées étaient importantes au moment de la négociation d'autres aspects de la politique commerciale des fournisseurs, comme l'a indiqué M. Etienne X. . . (Vania) : " Lors de mes négociations, je pouvais me servir de cette information pour être plus strict [...] : si je sais que ma hausse est de 3 % contre 10 % pour mon concurrent, je serai plus exigeant lors des négociations sur une promotion par exemple " (cote 39 810).

692. L'intérêt de ces échanges a été renforcé par l'existence d'échanges ponctuels relatifs à l'acceptation des tarifs par les enseignes et à des arguments visant à justifier les hausses de tarifs. Comme l'a indiqué M. Jean-François Q. . . (Colgate-Palmolive) : " Ceci nous permet de savoir quelle est la réaction des distributeurs pour une hausse précise, ce qui peut nous conforter dans nos négociations à venir " (cote 39 842).

693. Quant aux échanges sur les arguments qui pouvaient justifier les hausses tarifaires, ils visaient également à faciliter le déroulement des négociations avec les distributeurs. Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) a ainsi déclaré : " De façon générale, [ce type d'échange] nous permettait d'avoir des arguments à opposer aux distributeurs, et d'être plus crédibles face à eux, il s'agissait d'un socle sur lequel nous pouvions ajouter nos propres arguments et être créatifs " (cote 39 915).

694. En deuxième lieu, ces échanges sur des tarifs déjà adressés aux distributeurs permettaient, selon les déclarations concordantes de M. Etienne X. . . et de Mme Nathalie Y. . . de " contrôler les informations communiquées préalablement par les participants " et " d'être certain qu'on pouvait faire confiance aux personnes présentes aux réunions " (cotes 39 813 et 39 914). Ces échanges sur les hausses de tarifs passées visaient donc à crédibiliser, rétrospectivement, les échanges sur les hausses de tarifs futures.

695. En troisième lieu, les échanges sur des tarifs déjà adressés permettaient de préparer la prochaine hausse de tarifs, en procédant à un " rattrapage " en cas de décrochage face aux autres opérateurs du secteur. M. Etienne X. . . (Vania) a ainsi indiqué : " C'est intéressant de connaitre dans la négociation les hausses passées sur le marché. Ceci permettait de se réajuster lors de la prochaine hausse " (cote 39 809). Cette déclaration rejoint celle de Mme Nathalie Y. . . : " Au moment de Galland, le tarif passait dans les prix, si vous saviez qu'un concurrent augmentait ses tarifs, normalement vous aviez intérêt à augmenter les vôtres pour ne pas perdre de marge car le décrochage n'aurait pas été forcément significatif pour avoir un effet sur le consommateur " (cotes 39 913 et 40 177).

696. En dernier lieu, les échanges d'informations sur les tarifs passés permettaient aux fournisseurs de détecter l'éventuel " bluff " du distributeur qui pouvait indiquer à un fournisseur, de façon fallacieuse, que sa hausse était excessive par rapport à celle des autres participants, afin d'obtenir une dérive supérieure (cotes 40 175, 40 793 et 40 794).

Les échanges relatifs aux CGV et aux grilles tarifaires

697. Les participants aux pratiques ont également échangé leurs conditions générales de vente et les grilles tarifaires qui y étaient adossées.

Les échanges relatifs aux tarifs

698. L'échange de CGV, qui impliquait l'échange des grilles tarifaires des entreprises, a permis aux participants de " suivre et de contrôler l'évolution des prix de chacun " (cote 5 du dossier 08/0084AC, 39 764 et 39 788).

699. Grâce à la précision des informations contenues dans ces documents, les entreprises pouvaient se livrer à " un exercice de comparaison, produit par produit, des évolutions tarifaires " (cote 39 814) ce qui permettait de surveiller d'éventuels dépositionnements de leurs propres produits (cotes 39 841 et 39 774), auxquels il pouvait être riposté à tout moment par des promotions ponctuelles (cotes 40 071 et 40 072).

700. Les informations obtenues dans le cadre des échanges de CGV permettaient également de " préparer la prochaine hausse " (cotes 39 813 et 39 914). En effet, les opérateurs du secteur de l'hygiène et de l'entretien avaient tendance, lorsqu'ils détectaient une hausse du prix de produits concurrents, à s'aligner sur celle-ci l'année suivante, plutôt qu'à essayer de l'exploiter pour augmenter leur part de marché.

701. Enfin, l'analyse des grilles tarifaires facilitait la détection des innovations, et permettait de mettre en place immédiatement une riposte. Les promotions constituaient un outil important pour cette riposte car elles permettaient de " stocker le consommateur " (cote 40 177).

702. Cette concertation renforçait donc la capacité des entreprises à se coordonner tout en limitant les incitations à s'écarter de la pratique concertée, puisque toute innovation ou baisse de prix pouvait être détectée et contrée rapidement.

Les échanges relatifs aux réductions de prix contenues dans les CGV

703. Les CGV échangées contenaient également des informations relatives aux réductions de prix (remises et ristournes), lesquelles présentaient un double intérêt.

704. En premier lieu, ces échanges permettaient aux participants d'" anticiper l'impact sur les prix de vente " de ces remises (cote 39 774) et de réagir rapidement si un de leur produit était dépositionné.

705. En second lieu, les informations permettaient aux participants de mieux se positionner dans les négociations de leur contrat de coopération commerciale qui avaient lieu après l'envoi des tarifs. En effet, " La comparaison des CGV p[ouvait] être importante car elle permet[tait] de savoir si [les] CGV [étaient] plus intéressantes que celles des concurrents et, lors des négociations, de l'utiliser pour justifier une dérive moins importante ou inversement " (cote 39 814). Ces échanges pouvaient susciter une réflexion si un participant se rendait compte qu'il donnait plus que d'autres opérateurs du secteur sur certains éléments et que, partant ses conditions commerciales étaient probablement plus avantageuses (cote 40 601).

706. Ces échanges relatifs aux CGV étaient particulièrement importants lors de l'entrée en vigueur de la circulaire Dutreil, comme l'a souligné M. Maxime S. . . (Henkel), " probablement au moment de la circulaire Dutreil, il y a eu une institutionnalisation des CGV qui nous étaient demandées systématiquement par les distributeurs, il a donc fallu les étoffer et travailler dessus. Il s'agissait de nous benchmarker sur ce point " (cote 40 509).

Les échanges sur l'état d'avancement des négociations commerciales

707. Les entreprises mises en cause ont échangé des informations sur l'état d'avancement des négociations commerciales.

708. Ces informations permettaient à chaque fournisseur de savoir :

- s'il pouvait encore essayer de négocier avec le distributeur ou si sa marge de manœuvre était plus réduite, tous ses concurrents ayant signé. Au contraire, savoir qu'aucun concurrent n'avait signé ou que tout le monde était en situation de blocage pouvait conforter le fournisseur dans une stratégie d'opposition ;

- si les menaces du distributeur dans la négociation étaient crédibles, notamment car des déréférencements effectifs avaient été réalisés ;

- à quelles conditions leurs concurrents avaient signé leur accord commercial, en particulier concernant le taux de dérive finalement consenti. Comme l'a indiqué Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) : " Si je savais qu'un concurrent avait signé à un niveau de dérive inférieur à mon objectif, je pouvais insister pour signer à ce taux de façon à faire des économies par rapport à mon objectif ou la réinvestir ailleurs. " (cotes 39 919 et 39 765).

Les échanges sur la coopération commerciale

709. La description des informations échangées entre les mises en cause montre que celles-ci ont porté sur tous les déterminants du taux de coopération commerciale (taux global, demandes de dérive et offres de dérive).

Les échanges sur les taux de coopération commerciale

710. S'agissant de l'intérêt des informations sur les taux de coopération commerciale, Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) a indiqué : " Il s'agit de connaître le niveau d'investissements des concurrents sur une année donnée. Cela permet de savoir quelle est notre zone de risque et de résistance dans la négociation. Il s'agit également de déjouer le bluff des distributeurs qui pourraient nous indiquer que nos concurrents sont plus généreux ".

711. Ces échanges permettaient de mieux évaluer l'importance de la dérive demandée par les distributeurs par rapport à celle demandée aux autres participants aux réunions. Si un fournisseur se rendait compte que son taux de coopération commerciale était plus haut que celui des opérateurs du même secteur, sans que cela ne soit justifié, il était mieux armé pour négocier une dérive plus basse et donc, in fine, accroître sa rentabilité.

712. Ces échanges sur le niveau global du taux de coopération commerciale des participants aux pratiques constituaient donc un support pour les discussions sur la demande et l'offre de dérive de coopération commerciale, qui représentaient l'essentiel des échanges.

Les échanges sur les demandes de dérives de coopération commerciale

713. Interrogée sur l'intérêt de ce type d'information, Mme Nathalie Y. . . a déclaré (cote 39 919) :

" Ces échanges me permettaient de savoir :

- si la demande qui m'était faite était inacceptable, ce qui était le cas lorsqu'elle était largement au dessus de celle faite à mes concurrents ;

- Ou si cette demande était acceptable ce qui était le cas lorsqu'elle était en dessous de celle faite à mes concurrents. Dans ce cas, nous pouvions être plus exigeants car je pouvais en déduire que le distributeur avait besoin de moi et qu'il pourrait être plus flexible en termes de contrepartie ;

- ou si elle était fantaisiste car sans lien avec ma situation individuelle, ce qui arrivait lorsque les acheteurs faisaient exactement les mêmes demandes chiffrées. Dans ce dernier cas nous devions faire revenir les distributeurs à la raison ".

714. L'information sur les demandes de dérives permettait donc aux entreprises concernées de calibrer leur proposition d'offre de façon optimale pour aboutir à une meilleure dérive.

Les échanges sur les offres de dérives de coopération commerciale

715. Comme pour les hausses de tarifs, les échanges sur les offres de dérive permettaient aux participants d'adapter leur stratégie en fonction du comportement de leurs concurrents. Ceci était particulièrement important pour la première offre car cela permettait aux fournisseurs de commencer la négociation avec un niveau plus bas de proposition de dérive ce qui augmentait leurs chances de la terminer avec un niveau plus bas de coopération commerciale.

716. M. Alain P. . . (Beiersdorf), interrogé sur les échanges sur ce thème qui ont eu lieu lors de la réunion Team PCP du 5 octobre 2004, a ainsi expliqué : " La dérive est un élément important dans la stratégie d'une entreprise. Cela me donnait une idée des intentions de mes concurrents et me réconfortait dans ma stratégie " (cote 40 178). M. Jean-François Q. . . (Colgate-Palmolive) a confirmé cette analyse : " [cette information] me permet de savoir à quel niveau de dérive se positionne un concurrent. Ceci me permet de détecter le bluff des distributeurs, et de calibrer mon offre en fonction de celle de mes concurrents, même si cette information est prise en compte, avec d'autres éléments comme la hausse de tarif que j'ai passé, pour proposer un niveau de dérive " (cote 39 845).

Conclusion sur les échanges relatifs aux paramètres déterminants de la négociation commerciale

717. Les pratiques de concertation, sous la forme d'échanges d'informations portant sur les paramètres de la négociation commerciale, avaient donc lieu de manière régulière, chaque année pendant toute la durée des cycles de négociation avec la grande distribution. Les informations fournies couvraient tout le champ de la négociation (tarif, demande de dérive, offre de dérive, état d'avancement des négociations) et donc l'ensemble des critères impactant la fixation du prix triple net. Ces échanges permettaient une coordination complète et efficace des fournisseurs dans le cadre du processus qui aboutissait à la fixation du prix réellement facturé aux distributeurs.

b) La finalité des échanges sur les politiques de prix mises en œuvre dans le cadre des initiatives des pouvoirs publics

718. Au-delà des concertations portant sur les cycles habituels de négociation tarifaire, les mises en cause se sont concertées grâce à des échanges d'informations portant notamment sur les politiques de prix dans le cadre de la circulaire Dutreil, de l'engagement Sarkozy, puis de la loi Dutreil. Il s'agissait de dégager une position consensuelle du côté des fournisseurs afin qu'aucun d'entre eux n'apparaissent par trop isolé dans la négociation commerciale. En effet, ces modifications du contexte normatif encadrant les relations commerciales modifiaient les rapports entre fournisseurs et distributeurs qui, jusqu'alors, avaient un intérêt commun au maintien de prix au détail élevé pour les produits de consommation.

719. Comme pour les échanges relatifs aux cycles de négociation commerciale, les échanges d'informations relatifs aux politiques de prix mises en œuvre dans le cadre des trois textes susvisés ont permis aux entreprises mises en cause de renforcer leur assurance dans la négociation commerciale en limitant leur incertitude, et de se coordonner afin de limiter l'impact de ces initiatives sur leur rentabilité.

Les échanges dans le cadre de l'application de la circulaire Dutreil

720. Le directeur commercial de SC Johnson a décrit la perception par les industriels des effets de la circulaire Dutreil sur les relations avec les distributeurs comme suit :

" Le premier risque était lié à la différence de positionnement entre les différents distributeurs. Certains distributeurs voulaient réintégrer [de la marge arrière en marge avant] et d'autres ne le souhaitaient pas. Or nous ne pouvions pas discriminer entre les différentes enseignes.

Le deuxième risque est lié au fait que nous anticipions que les distributeurs pouvaient nous demander des hausses de marge arrière afin de compenser leur perte de marge avant (utilisée pour financer des baisses de prix de vente aux consommateurs).

Le troisième risque est lié au côté aléatoire du choix, par les enseignes, des produits qui bénéficieront d'une baisse des prix, les industriels ne maitrisant plus ce processus " (cote 39 759).

721. Compte tenu de l'enjeu, il était donc crucial de définir une politique de prix commune. À cet égard, les échanges entre concurrents ont abouti à une position de consensus entre les principaux acteurs des secteurs de l'hygiène et de l'entretien : l'absence de transfert de marge arrière vers l'avant, l'absence de différenciation tarifaire et l'envoi d'un tarif égal à l'inflation.

Les échanges dans le cadre de l'application de l'engagement Sarkozy

722. À l'occasion de l'application de ce texte, de nombreux échanges entre fournisseurs ont concerné son interprétation et ses conséquences pratiques.

Les échanges sur les modalités de la baisse tarifaire

723. L'engagement Sarkozy prévoyait une baisse des prix de vente aux consommateurs d'au moins 2 % en 2004, sans toutefois en préciser la méthode.

724. Dans ce contexte, les divergences d'approche dans la méthode adoptée s'agissant de la mise en œuvre de la baisse de 2 % (linéaire, pondérée, intégrée ou non dans les CGV etc. ) étaient de nature à susciter des conflits avec les distributeurs. En effet, alors que chaque distributeur avait des exigences différentes au niveau des modalités de baisse de prix, les industriels ne pouvaient pas appliquer une méthode différente à chaque distributeur en raison du principe de non-discrimination tarifaire posé par la loi.

725. Ensuite, comme l'a indiqué M. Etienne X. . . (Vania) : " L'intérêt de l'échange était d'éviter que nos produits se retrouvent dépositionnés par rapport à ceux de mes concurrents directs " (cote 39 810). Ceci aurait été le cas si, sur un produit, un opérateur pratiquait des baisses pondérées, alors qu'un de ses concurrents pratiquait des baisses linéaires sur un produit concurrent.

726. Enfin, le climat d'incertitude autour de l'engagement pouvait inciter les industriels à accepter les demandes des distributeurs, dans l'espoir d'augmenter leur part de marché chez ces enseignes pendant que leurs concurrents, réticents à appliquer la méthode proposée par les distributeurs, risquaient le déréférencement.

727. Dans ce contexte, le consensus intervenu entre les 5 grands lessiviers a favorisé l'application commune de la méthode " 1+1 ", décrite précédemment, sur l'ensemble des secteurs de l'hygiène et de l'entretien, et a facilité les négociations commerciales des participants aux pratiques, à cette période.

Les échanges sur l'arrêt des remises linéaires

728. Dès le mois de septembre 2004, les mises en cause ont pu constater les difficultés liées à la mise en œuvre de l'engagement Sarkozy. À compter de cette date, elles ont échangé sur les suites à donner aux remises linéaires, ce qui a conduit, in fine, à une coordination sur l'arrêt des remises linéaires accordées à la grande distribution.

729. Ceci ressort de la déclaration de M. Michel 3. . . (SC Johnson) qui a indiqué : "L'idée [était] d'essayer de faire des choses cohérentes au même moment pour éviter que l'un d'entre nous se retrouve isolé dans la négociation ceci nous permettait d'être plus fort vis-à-vis de la grande distribution " (cote 39 761).

Les échanges sur les remboursements

730. Les industriels des secteurs de l'hygiène et de l'entretien ont été confrontés à une certaine réticence de la part des enseignes s'agissant du remboursement de la quote-part de la baisse tarifaire qui leur était impartie, qui avait été avancée par les fournisseurs au travers de la baisse de 2 % de leurs tarifs.

731. M. Pierre I. . . (Unilever) a synthétisé l'état d'esprit des participants aux pratiques à cette période : " Nous perdons de l'argent et nous nous demandons comment récupérer cet argent " (cote 23 926).

732. Colgate-Palmolive a indiqué que l'intérêt des échanges relatifs au remboursement de l'avance faite par les fournisseurs aux distributeurs lors de la réunion des " Amis " du 14 janvier 2005 était de " savoir que certaines enseignes semblaient accepter le remboursement à l'inverse de certaines autres " (cote 34 457). Le directeur commercial de Colgate-Palmolive à l'époque des faits a précisé que : " Lorsque nous apprenions qu'un fournisseur avait été remboursé, cela nous incitait à insister sur le remboursement " (cote 34 523).

Les échanges dans le cadre de l'application de la loi Dutreil

733. La loi Dutreil adoptée au mois d'août 2005 prévoyait la réintégration dans le seuil de revente à perte d'une partie des marges arrière, ce qui était de nature à générer une forte incertitude pour les fournisseurs, en permettant aux distributeurs de baisser les prix de revente de leurs produits. Les fournisseurs anticipaient des demandes de dérives plus importantes, destinées à compenser la baisse de marge liée à cette baisse de prix.

734. Dans ces circonstances, les mises en cause ont cherché, à l'automne 2005, à atténuer l'impact des demandes de hausses de marge arrière compensatoires qu'elles anticipaient en adoptant un comportement homogène, consistant en l'envoi de fortes hausses de tarifs. Le niveau de cette hausse se devait d'être lui aussi homogène afin qu'aucun fournisseur ne se trouve fragilisé par son isolement.

735. Comme indiqué par M. Etienne X. . . (Vania): " le chiffre de 5 % était un seuil psychologique pour les acheteurs. Nous avons échangé des informations sur les hausses de tarifs que nous avions prévu de passer ce qui a facilité une certaine convergence sans qu'aucun accord n'ait eu lieu entre nous. En outre, le fait de savoir, grâce à nos échanges entre concurrents, que les distributeurs acceptaient une hausse d'environ 5 % a renforcé cette convergence entre nos hausses respectives " (cote 39 813).

Conclusion

736. Les pratiques de concertation, sous la forme des échanges d'informations qui viennent d'être détaillés, se sont déroulées de façon systématique, à la suite des initiatives prises par les pouvoirs publics pour modifier l'équilibre qui résultait de la loi Galland. Elles ont permis aux entreprises mises en cause de coordonner leur politique de prix et de renforcer leur position à l'égard de la grande distribution pour maintenir leur profitabilité.

c) La finalité des échanges relatifs aux chiffres d'affaires

737. Les échanges sur les chiffres d'affaires et leur évolution ont permis, à titre principal, de contrôler les performances des entreprises mises en cause.

738. Les échanges d'informations sur les chiffres d'affaires globaux donnaient aux participants l'occasion de comparer leur position par rapport à celle d'autres opérateurs sur le marché et d'avoir ainsi une idée sur la " situation du marché en général, et la position de chacun " (cote 22 671).

739. À l'époque des pratiques, l'amélioration des performances commerciales de l'un des participants constituait en effet un signal concernant les conditions commerciales que celui-ci avait consenti à un distributeur déterminé (tarifs, conditions générales de vente ou contrats de coopération commerciale). Ce fournisseur pouvait alors être soupçonné par ses concurrents d'avoir finalement consenti des conditions commerciales plus favorables que celles qu'il avait annoncées lors des réunions, ce qui constituait une déviation par rapport à la concertation issue de l'échange d'informations.

740. En outre, le fait que les informations relatives aux chiffres d'affaires échangées dans le cadre de la pratique couvraient à la fois les produits en promotion et les produits hors promotion a permis aux participants à la concertation de détecter rapidement la mise en place, par les entreprises concernées, de politiques promotionnelles (cote 22 578). Combiné avec les échanges sur les mécanismes promotionnels, cette concertation autour des chiffres d'affaires évitaient ainsi que l'équilibre collusif soit compromis par la mise en place d'opérations négociées après la signature de l'accord de coopération commerciale.

741. Enfin, les données relatives aux évolutions de chiffres d'affaires, qui constituaient des indicateurs de la situation globale des concurrents, ont permis aux participants d'affiner leurs stratégies de négociation commerciale par rapport à celle des autres opérateurs actifs sur le marché (cote 23 005).

742. Au-delà de leur rôle dans la surveillance de l'équilibre issu des pratiques, la diffusion des informations relatives aux chiffres d'affaires a donc contribué à renforcer un peu plus la coordination sur les politiques commerciales entre les différents opérateurs des secteurs de l'hygiène et de l'entretien.

d) Conclusion sur la finalité des pratiques du point de vue des participants

743. Dans chacun des deux secteurs concernés, les participants se sont concertés en échangeant des données stratégiques, futures et passées, sur les principaux paramètres de fixation de leur futur prix triple net qu'il s'agisse du tarif, de la dérive, du contenu des CGV et du déroulement des négociations. L'effectivité de la concertation a été renforcée par la fréquence des contacts entre les participants et l'existence d'échanges sur les CGV ou les chiffres d'affaires, qui permettaient de détecter les éventuels écarts et d'y répondre dans des délais courts.

744. Au total, les échanges investigués ont eu pour finalité, selon les participants aux pratiques, de lever la part d'incertitude inhérente à toute négociation commerciale, de permettre aux entreprises mises en cause de coordonner leurs comportements et de renforcer leur position à l'égard des distributeurs pour maintenir leur profitabilité.

F. RAPPELS DES GRIEFS NOTIFIÉS AUX PARTIES

1. SUR LE GRIEF D'ENTENTE UNIQUE, COMPLEXE ET CONTINUE SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS DE L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS D'ENTRETIEN

" Il est fait grief aux sociétés :

- Topaze,

- Unilever France,

- Unilever France Holdings,

- Procter & Gamble France,

- Procter & Gamble Holding France,

- The Procter & Gamble Company,

- Henkel France,

- Henkel AG & Co. KGaA,

- Colgate-Palmolive,

- Colgate-Palmolive Services,

- Colgate Palmolive Company, 151

- Colgate Palmolive venant aux droits de Sara Lee Household and Body Care France,

- Hillshire Brands Company,

- SC Johnson SAS,

- SC Johnson & Son. , Inc. ,

- Reckitt Benckiser France,

- RB Holding Europe du Sud,

- Reckitt Benckiser PLC,

- Bolton Solitaire SAS,

- Bolton Manitoba S. p. A. ,

d'avoir participé à l'occasion des aménagements ou réformes de la loi Galland entre 2003 et 2006, à une entente unique, complexe et continue sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'entretien, en mettant en œuvre, dans le cadre des Cercles Team HP et Amis (réunions et/ou correspondances) ainsi qu'à l'occasion de contacts complémentaires, bilatéraux ou plurilatéraux, un ensemble de pratiques concertées concourant, dans le cadre d'un plan d'ensemble, à la réalisation d'un objectif anticoncurrentiel unique, à savoir accroître, à leur seul profit, la transparence de la négociation commerciale afin de maintenir un niveau de marge comparable à celui dégagé à l'époque de la loi Galland.

En poursuivant cet objectif anticoncurrentiel unique, les destinataires des griefs ont imposé, sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'entretien, un mode d'organisation substituant au libre jeu de la concurrence, à l'autonomie et à l'incertitude, une collusion généralisée entre la quasi-totalité des grands fournisseurs de produits d'entretien, portant atteinte à la fixation des prix par le libre jeu du marché, ce qui est prohibé par l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101 TFUE.

Outre que ces pratiques constituent des restrictions par objet, elles ont eu pour effet de modifier le déroulement normal des négociations avec les distributeurs, au profit des fournisseurs ayant pris part à l'entente, et elles ont ainsi contribué à freiner les baisses de prix souhaitées par les pouvoirs publics et à maintenir les prix triple net des produits d'entretien à un niveau artificiellement élevé, ce qui s'est répercuté sur les prix de revente aux consommateurs, en raison notamment du contexte réglementaire de la Loi Galland.

Cette entente unique, complexe et continue a été mise en œuvre depuis janvier 2003 au moins et jusqu'au 3 février 2006.

Les griefs seront notifiés aux sociétés précitées, en considération de l'étendue de leur responsabilité individuelle pour l'entente unique, complexe et continue et de la période au cours de laquelle elles y ont pris part ou en ont eu connaissance.

Colgate-Palmolive

Les griefs sont notifiés à :

- Colgate-Palmolive Services et Colgate Palmolive Company, de janvier 2003 au 3 février 2006 ;

- Colgate-Palmolive, du 1er janvier 2005 au 3 février 2006 ;

pour la participation de Colgate-Palmolive à l'ensemble de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus entre janvier 2003 et le 3 février 2006.

Henkel

Les griefs sont notifiés à Henkel France et Henkel AG & Co. KGaA, pour la participation de Henkel à l'ensemble de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus de janvier 2003 au 3 février 2006.

Reckitt Benckiser

Les griefs sont notifiés à :

- Reckitt Benckiser France ;

- RB Holding Europe du Sud ;

- Reckitt Benckiser PLC ;

pour la participation de Reckitt Benckiser aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus, dans le cadre du Cercle Team HP, du Cercle des Amis et de contacts complémentaires (bilatéraux ou plurilatéraux) du 30 juillet 2003 au plus tard au 3 février 2006.

Unilever

Les griefs sont notifiés à :

- Topaze et Unilever France Holdings, de janvier 2003 au 3 avril 2005 ;

- Unilever France et Unilever France Holdings, du 3 avril 2005 au début du mois d'août 2005 ;

pour la participation d'Unilever aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus, dans le cadre du Cercle Team HP, de contacts complémentaires (bilatéraux ou plurilatéraux) et d'au moins une réunion constitutive du Cercle des " Amis " de janvier 2003 au début du mois d'août 2005.

Procter & Gamble

Les griefs sont notifiés à :

- Procter & Gamble France ;

- Procter & Gamble Holding France et ;

- The Procter & Gamble Company ;

pour la participation de Procter & Gamble aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus dans le cadre du Cercle Team HP ainsi que dans le cadre de contacts complémentaires (bilatéraux et plurilatéraux) de janvier 2003 au mois de février 2005.

Sara Lee

Les griefs sont notifiés à Colgate-Palmolive venant aux droits de Sara Lee Household and Body Care France et Hillshire Brands Company pour la participation de Sara Lee aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus, dans le cadre du Cercle des Amis (réunions) ainsi que dans le cadre de contacts complémentaires (bilatéraux ou plurilatéraux) du 21 septembre 2004 au 3 février 2006.

153

SC Johnson

Les griefs sont notifiés à SC Johnson SAS et SC Johnson & Son. , Inc. pour la participation de SC Johnson aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus, dans le cadre du Cercle des Amis ainsi que dans le cadre de contacts complémentaires (bilatéraux ou plurilatéraux) du 30 juillet 2003 au plus tard au 3 février 2006.

Bolton Solitaire

Les griefs sont notifiés à Bolton Solitaire SAS et Bolton Manitoba S. p. A. pour la participation de Bolton Solitaire aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus, dans le cadre du Cercle des Amis ainsi que dans le cadre de contacts complémentaires (bilatéraux ou plurilatéraux) du 30 juillet 2003 au plus tard au 3 février 2006. "

2. SUR LE GRIEF D'ENTENTE UNIQUE, COMPLEXE ET CONTINUE SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS DE L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS D'HYGIÈNE

" Il est fait grief aux sociétés :

- Topaze,

- Unilever France,

- Unilever France Holdings,

- Procter & Gamble France,

- Procter & Gamble Holding France,

- The Procter & Gamble Company,

- Procter & Gamble France venant aux droits de la société Groupe Gillette France,

- The Procter & Gamble Company venant aux droits de The Gillette Company,

- Henkel France,

- Henkel AG & Co. KGaA,

- Colgate-Palmolive,

- Colgate-Palmolive Services,

- Colgate Palmolive Company,

- Colgate Palmolive venant aux droits de Sara Lee Household and Body Care France,

- Hillshire Brands Company,

- Reckitt Benckiser France,

- RB Holding Europe du Sud,

- Reckitt Benckiser PLC,

- Johnson & Johnson Santé Beauté France,

- SCA Tissue France,

- Johnson & Johnson Consumer Holdings France,

- Vania Expansion,

- Lascad,

- L'Oréal,

- Beiersdorf SAS,

- Beiersdorf Holding France SARL,

- Beiersdorf AG,

d'avoir participé à l'occasion des aménagements ou réformes de la loi Galland entre 2003 et 2006, à une entente unique, complexe et continue sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'hygiène, en mettant en œuvre, dans le cadre des Cercles Team PCP et des Amis (réunions et/ou correspondances) ainsi qu'à l'occasion de contacts complémentaires, bilatéraux ou plurilatéraux, un ensemble de pratiques concertées concourant, dans le cadre d'un plan d'ensemble, à la réalisation d'un objectif anticoncurrentiel unique, à savoir accroître, à leur seul profit, la transparence de la négociation commerciale, afin de maintenir un niveau de marge comparable à celui dégagé à l'époque de la loi Galland.

En poursuivant cet objectif anticoncurrentiel unique, les destinataires des griefs ont imposé, sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'hygiène, un mode d'organisation substituant au libre jeu de la concurrence, à l'autonomie et à l'incertitude, une collusion généralisée entre la quasi-totalité des grands fournisseurs de produits d'hygiène, portant atteinte à la fixation des prix par le libre jeu du marché, ce qui est prohibé par l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101 TFUE.

Outre que ces pratiques constituent des restrictions par objet, elles ont eu pour effet de modifier le déroulement normal des négociations avec les distributeurs, au profit des fournisseurs ayant pris part à l'entente, et elles ont ainsi contribué à freiner les baisses de prix souhaitées par les pouvoirs publics et à maintenir les prix triple net des produits d'hygiène à un niveau artificiellement élevé, ce qui s'est répercuté sur les prix de revente aux consommateurs, en raison du contexte réglementaire de la Loi Galland.

Cette entente unique, complexe et continue a été mise en œuvre du 22 janvier 2003 au moins jusqu'au 3 février 2006.

Les griefs seront notifiés aux sociétés précitées, en considération de l'étendue de leur responsabilité individuelle pour l'entente unique, complexe et continue et de la période au cours de laquelle elles y ont pris part ou en ont eu connaissance.

Colgate-Palmolive

Les griefs sont notifiés à

- Colgate-Palmolive Services et Colgate Palmolive Company, du 22 janvier 2003 au 3 février 2006 ;

- Colgate-Palmolive, du 1er janvier 2005 au 3 février 2006 ;

pour la participation de Colgate-Palmolive à l'ensemble de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006.

Henkel

Les griefs sont notifiés à Henkel France et Henkel AG & Co. KGaA pour la participation de Henkel à l'ensemble de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus du 22 janvier 2003 au 3 février 2006.

Unilever

Les griefs sont notifiés à :

- Topaze et Unilever France Holdings, d'avril 2003 au 3 avril 2005,

- Unilever France et Unilever France Holdings, du 3 avril 2005 au 2 janvier 2006,

pour la participation d'Unilever aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus, dans le cadre du Cercle Team PCP, de contacts complémentaires (bilatéraux ou plurilatéraux) et d'au moins une réunion constitutive du Cercle des " Amis " entre avril 2003 et le 2 janvier 2006.

Procter & Gamble

Les griefs sont notifiés à :

- Procter & Gamble France ;

- Procter & Gamble Holding France ;

- The Procter & Gamble Company ;

pour la participation de Procter & Gamble aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi que de certains contacts complémentaires (bilatéraux et plurilatéraux) pour une période comprise entre avril 2003 et le mois de janvier 2005.

Reckitt Benckiser

Les griefs sont notifiés à :

- Reckitt Benckiser France ;

- RB Holding Europe du Sud ;

- Reckitt Benckiser PLC ;

pour la participation de Reckitt Benckiser aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus, dans le cadre du Cercle Team PCP (correspondances), du Cercle des Amis et d'un contact plurilatéral, pour une période comprise entre le 12 ou 13 juillet 2004 et le 3 février 2006.

Sara Lee

Les griefs sont notifiés à Colgate-Palmolive venant aux droits de Sara Lee Household and Body Care France et Hillshire Brands Company, pour la participation de Sara Lee aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus, dans le cadre du Cercle des Amis (réunions) pour une période comprise entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006.

Laboratoires Vendôme

Les griefs sont notifiés à Johnson & Johnson Santé Beauté France pour la participation de Laboratoires Vendôme aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue dans le cadre du Cercle Team PCP (correspondances) et du Cercle des Amis pour une période comprise entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006.

Gillette

Les griefs sont notifiés à :

- Procter & Gamble France venant aux droits de la société Groupe Gillette France d'avril 2003 au 3 février 2006 ;

- Procter & Gamble Holding France du 30 novembre 2005 au 3 février 2006 ;

- The Procter & Gamble Company venant aux droits de la société The Gillette Company d'avril 2003 au 8 novembre 2005 ;

- The Procter & Gamble Company du 8 novembre 2005 au 3 février 2006 ;

pour la participation de Gillette aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi qu'à deux réunions organisées dans le cadre du Cercle des Amis d'avril 2003 au 3 février 2006.

L'Oréal et Lascad

Les griefs sont notifiés à :

- L'Oréal, entre avril 2003 et le 24 mars 2004 et entre octobre 2005 et le 3 février 2006, pour avoir participé aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi qu'aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis à compter du 26 janvier 2006 ;

- Lascad, entre octobre 2005 et le 3 février 2006, pour avoir participé aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi qu'aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis (réunions) à compter du 26 janvier 2006.

Beiersdorf

Les griefs sont notifiés à :

- Beiersdorf SAS ;

- Beiersdorf Holding France SARL et ;

- Beiersdorf AG ;

pour la participation de Beiersdorf aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus, dans le cadre du Cercle Team PCP et d'un contact plurilatéral, pour une période comprise entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006, ainsi qu'aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis à compter du 19 janvier 2006.

Vania

Les griefs sont notifiés à :

- Vania Expansion ;

- SCA Tissue France et ;

- Johnson & Johnson Consumer Holdings France ;

pour la participation de Vania aux pratiques constitutives de l'infraction unique, complexe et continue décrite ci-dessus dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi qu'à un contact plurilatéral, pour une période comprise entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006. "

G. LES PROCÉDURES DE NON-CONTESTATION DES GRIEFS

745. Aux termes du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce : " Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la sanction ".

746. Les services d'instruction ont pris acte de la demande des entreprises suivantes de bénéficier de la procédure de non-contestation des griefs :

- s'agissant d'Unilever, Topaze, Unilever France et Unilever France Holdings (procès-verbal du 19 juillet 2013) ;

- s'agissant de Laboratoires Vendôme, Johnson & Johnson Santé Beauté France, venant aux droits de Laboratoires Vendôme (procès-verbal du 22 juillet 2013) ;

- s'agissant de Vania Expansion, Vania Expansion et Johnson & Johnson Consumer Holdings France (procès-verbal du 8 août 2013) et SCA Tissue France (procès-verbal du 8 août 2013) ;

- s'agissant d'Henkel, Henkel France et Henkel AG & Co KGaA (procès-verbal du 22 août 2013) ;

- s'agissant de Reckitt Benckiser, Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud et Reckitt Benckiser PLC (procès-verbal du 28 août 2013) ;

- s'agissant de Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services et Colgate-Palmolive Company (procès-verbal du 30 août 2013) ;

- s'agissant de Sara Lee, Colgate-Palmolive, successeur juridique de Sara Lee Household and Body Care France (procès-verbal du 30 août 2013) :

- s'agissant de Procter & Gamble et de Gillette, Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France et The Procter & Gamble Company, en leur nom et en tant qu'entités venant aux droits des sociétés Groupe Gillette France et The Gillette Company (procès-verbal du 30 août 2013) ;

- s'agissant de Beiersdorf, Beiersdorf SAS, Beiersdorf Holding France SARL et Beiersdorf AG (procès-verbal du 2 septembre 2013).

747. Pour l'ensemble de ces entreprises, les services d'instruction ont proposé une réduction de 10 % du montant de la sanction encourue en contrepartie de la non-contestation des griefs.

748. Les services d'instruction se sont également engagés à proposer, pour toutes ces entreprises, que le niveau de cette réduction d'amende soit porté de 10 à 15-20 % en contrepartie de leur engagement visant à renforcer leur programme actuel de conformité au droit de la concurrence.

II. Discussion

A. SUR LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE

749. Les entreprises Bolton Manitoba, Hillshire Brands Company (ci-après " Hillshire ") et L'Oréal contestent la régularité de la procédure sur les points suivants :

- le principe de loyauté dans la recherche des preuves (1) ;

- le prétendu droit d'être entendu avant la notification de griefs (2) ;

- la durée de l'instruction (3) ;

- le délai de réponse à la notification de griefs (4) ;

- le principe d'égalité des armes (5) ;

- l'absence de traduction en anglais de la notification de griefs (6).

1. EN CE QUI CONCERNE LE PRINCIPE DE LOYAUTÉ DANS LA RECHERCHE DES PREUVES

750. Hillshire soutient que l'audition par les services d'instruction de M. Andréas 17. . . , ancien dirigeant de la société Sara Lee Household & Body Care France, aurait été conduite en méconnaissance du principe de loyauté dans la recherche des preuves dès lors que cette audition visait, selon les termes d'Hillshire, à faire auto-incriminer Sara Lee par son ancien dirigeant, qui n'était pas représenté par un conseil.

751. Il convient de rappeler que le principe de loyauté dans la recherche des preuves garantit le droit de toute personne qui fait l'objet d'une enquête à ne pas s'auto-incriminer, c'est-à-dire à ne pas être contrainte de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable. Cette obligation de loyauté impose aux agents de l'Autorité de faire connaître aux personnes entendues l'étendue et l'objet de l'enquête, ce qui doit s'entendre à la fois du cadre juridique dans lequel interviennent les enquêteurs et du secteur concerné par leurs investigations (décision no 2001-D-24 du Conseil de la concurrence en date du 4 mai 2001 relative à des pratiques relevées à l'occasion de marchés d'éclairage public et d'électrification rurale dans le département de l'Hérault et la jurisprudence citée).

752. En l'espèce, M. 17. . . , ancien président de la société Sara Lee Household and Bodycare France, a été entendu le 7 janvier 2014 par les services d'instruction. À cette date, M. 17. . . n'était plus salarié ni d'Hillshire ni de Sara Lee Household and Bodycare France, de sorte qu'il n'existait pas de risque d'auto-incrimination. En tout état de cause, M. 17. . . a été informé, dans la convocation qui lui a été adressée, de l'objet de l'enquête et de son droit à être assisté d'un conseil conformément aux dispositions de l'article R. 463-6 du Code de commerce (cote 52 758). L'audition a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal signé par l'intéressé qui mentionne à la fois les questions posées par les rapporteurs et les réponses de l'intéressé (cotes 52 945 à 52 950). Par conséquent, l'audition de M. 17. . . n'a pas été réalisée en méconnaissance du principe de loyauté dans la recherche des preuves.

2. EN CE QUI CONCERNE LE PRÉTENDU DROIT D'ÊTRE ENTENDU AVANT LA NOTIFICATION DE GRIEFS

753. Bolton Manitoba (société mère de Bolton Solitaire) allègue, d'une part, qu'elle aurait dû être entendue avant la notification des griefs en application de l'article 6, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que, d'autre part, cette absence d'audition l'a empêchée de réunir les preuves nécessaires pour se défendre, compte tenu du temps écoulé entre la fin de la pratique et la notification de griefs.

754. Toutefois, ni l'article 6, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni aucune règle du Code de commerce ne créent de droit pour une entreprise d'être entendue par les services d'instruction avant la notification de griefs prévue par l'article L. 463-2 du Code de commerce. Toute entreprise est régulièrement informée de l'accusation portée contre elle dès la notification de griefs, acte à compter duquel la procédure devient contradictoire (arrêts de la cour d'appel de Paris, 30 juin 2011, société Aximum, n° 2011/06373, p. 4 et du 26 janvier 2012, Beauté prestige international e. a. , n° 2010/23945, p. 25).

755. Au surplus, Bolton Manitoba, en tant que société mère de Bolton Solitaire, ne pouvait ignorer la procédure administrative initiée à l'égard de sa filiale, détenue directement ou indirectement à 100 %. En effet, Bolton Solitaire a été entendue à de très nombreuses reprises et a répondu à de nombreuses demandes de renseignements avant même la notification de griefs. Par conséquent, ni l'absence d'audition de Bolton Manitoba avant la notification de griefs ni la durée de la procédure n'ont empêché cette société de réunir les éléments nécessaires pour se défendre.

3. EN CE QUI CONCERNE LA DURÉE DE L'INSTRUCTION

756. Hillshire conteste la durée de l'instruction qu'elle estime excessive. Elle fait valoir qu'elle a cédé le contrôle de la société Sara Lee Household & Bodycare France bien avant que l'Autorité ne se décide à lui notifier des griefs et que, compte tenu de la longueur de la procédure, elle se trouve aujourd'hui dépourvue de tout accès au dossier autre que celui qui a été constitué par les services d'instruction.

757. À titre liminaire, il convient de rappeler qu'Hillshire est mise en cause en tant qu'ancienne société mère à 100 % de Sara Lee Household and Bodycare France, auteur des pratiques.

758. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'apprécie au regard de la complexité et de l'ampleur de l'affaire en cause comme du comportement des autorités compétentes (arrêts de la Cour de cassation du 6 mars 2007, Demathieu et Bard SA, n° 06-13501, p. 13 et de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté prestige international, précité, p. 18). En outre, la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour l'Autorité de se prononcer dans un délai raisonnable n'est pas l'annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai excessif, sous réserve que ce délai n'ait pas causé à chacune des entreprises, formulant un grief à cet égard, une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre (arrêts de la Cour de cassation du 6 mars 2007, précité, et du 23 novembre 2010, Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, n° 09-72031, p. 5).

759. En l'espèce, la durée de la procédure qui a conduit à la présente notification de griefs résulte du nombre des parties impliquées et des pièces du dossier (plus de 50 000 cotes) et de la complexité des secteurs en cause. L'instruction a nécessité près d'une centaine d'auditions et plus d'une centaine de demandes de renseignements. La durée de la procédure n'est donc pas excessive compte tenu de l'ampleur du dossier.

760. Du reste, la longueur de la procédure n'a pas privé Hillshire de l'exercice normal de ses droits de la défense. Sur ce point, il convient de rappeler qu'il incombe à chaque partie mise en cause d'apporter la preuve d'une violation concrète, effective et irrémédiable de ses droits de la défense. En outre, il est de la responsabilité de chaque entreprise de veiller à la bonne conservation de ses documents comme de tous éléments permettant de retracer la licéité de ses pratiques en cas d'action judiciaire ou administrative (Cour de cassation, 23 novembre 2010, Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, précité et cour d'appel de Paris, 26 janvier 2012, précité, p. 19). Or, Hillshire ne démontre pas que la durée de la procédure l'aurait privée de la possibilité de se défendre utilement contre les griefs qui lui sont reprochés. Il ressort au contraire de la longueur et du caractère détaillé des observations d'Hillshire que l'entreprise a pu jouir du plein exercice de ses droits à la défense. Au surplus, Hillshire était active sur le territoire français et détenait les activités françaises de Sara Lee au moment des opérations de visite et saisie du 3 février 2006. Elle était donc nécessairement informée de l'existence d'une enquête de concurrence dès cette date et pouvait prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver les éléments et pièces nécessaires à sa défense.

4. EN CE QUI CONCERNE LE DÉLAI DE RÉPONSE À LA NOTIFICATION DE GRIEFS

761. L'Oréal conteste le refus de la rapporteure générale d'étendre leur délai de réponse à la notification de griefs.

762. Le dernier alinéa de l'article L. 463-2 du Code de commerce ne permet toutefois d'étendre le délai de réponse de deux mois qu'en cas de " circonstances exceptionnelles ". Il ressort d'une jurisprudence constante que c'est à chaque partie de démontrer l'existence de telles circonstances (Cass. Com. , 13 octobre 2009, n° 08-17269 et cour d'appel de Paris, 20 janvier 2011, n° 2010/08165, p. 13).

763. En l'espèce, les arguments avancés par L'Oréal, à savoir la longueur de la notification de griefs et le fait que d'autres personnes mises en cause aient bénéficié d'un délai supplémentaire, ne constituent pas des " circonstances exceptionnelles " au sens des dispositions de l'article L. 463-2 du Code de commerce.

764. Premièrement, la participation de L'Oréal est limitée à un seul des deux griefs retenus dans la notification de griefs et au sein de ce grief, elle n'est concernée que par une partie des pratiques poursuivies. L'Oréal n'a pas participé aux pratiques lors de l'engagement Sarkozy et n'est par conséquent pas concernée par cette partie de la notification de griefs. La participation de L'Oréal fait l'objet de développements plus succincts qui appellent nécessairement une réponse plus succincte, pour laquelle le délai légal de deux mois est suffisant.

765. Deuxièmement, la rapporteure générale n'était pas tenue d'accorder des délais identiques pour toutes les entreprises parties à la présente procédure (Cass. Com. , 13 octobre 2009, n° 08-17269 précité). Elle a pu considérer, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 463-2 du Code de commerce, que la situation particulière de L'Oréal et Lascad ne justifiait pas l'octroi d'un délai supplémentaire.

5. EN CE QUI CONCERNE LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ DES ARMES

766. Hillshire invoque une violation du principe d'égalité des armes.

767. D'une part, Hillshire indique que la méconnaissance du principe d'égalité des armes résulte du fait que le successeur juridique de son ancienne filiale auteur des pratiques, Sara Lee Household & Body Care France, à savoir Colgate-Palmolive, est demandeur de clémence. Cette dernière n'aurait pas intérêt à collaborer à la défense d'Hillshire et serait même dans l'incapacité de lui fournir les éventuels éléments de preuve à décharge dont elle disposerait, à moins de violer son obligation de coopération avec l'Autorité et de mettre en danger le bénéfice de sa clémence.

768. D'autre part, Hillshire affirme que son absence d'activité en France, et par voie de conséquence, son incapacité à présenter des engagements de nature à augmenter le pourcentage de réduction de l'amende liée à la procédure de non-contestation des griefs, la placerait de fait dans une situation moins favorable que les autres parties à la procédure, et notamment Colgate-Palmolive, conduisant derechef à une méconnaissance du principe de l'égalité des armes.

769. Le principe d'égalité des armes, qui résulte des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique qu'un juste équilibre doit être ménagé entre les parties au procès, de telle sorte que chacune d'entre elles ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (CEDH, 27 octobre 1993, Dombo Beher, et 24 février 1997, De Haes et Gijsels c/ Belgique).

770. En l'espèce, l'argumentation d'Hillshire, qui compare sa situation à celle des autres parties mises en cause et non à celle d'un adversaire, relève davantage d'une éventuelle méconnaissance par l'Autorité du principe d'égalité de traitement entre les parties mises en cause que d'une méconnaissance du principe de l'égalité des armes.

771. Or, le principe d'égalité de traitement n'a pas été méconnu en l'espèce.

772. S'agissant de la prétendue situation de rupture d'égalité générée par le statut de demandeur de clémence de Colgate-Palmolive, il convient de rappeler que, conformément au paragraphe 18 du communiqué de procédure du 11 avril 2006 relatif au programme de clémence français, dont les dispositions sont reprises et développées dans le paragraphe 21 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 qui l'a remplacé, le devoir de coopération du demandeur de clémence comprend notamment l'obligation de fournir sans délai aux services d'instruction tous les éléments de preuve dont il dispose sur l'infraction dénoncée.

773. Ainsi, le demandeur de clémence est tenu de fournir aux services d'instruction tous les éléments dont il a connaissance et qui permettent d'établir non seulement l'existence des pratiques dénoncées, mais également leur ampleur ainsi que l'étendue de la participation de chaque entreprise concernée. Le demandeur de clémence peut également fournir, dans le cadre de l'instruction, tout élément permettant d'expliciter le contexte économique et juridique des pratiques dénoncées, et ainsi de faciliter l'établissement des pratiques alléguées.

774. Le statut de demandeur de clémence de Colgate-Palmolive ne lui interdit donc pas de mettre au dossier d'instruction, accessible aux parties et donc à Hillshire, les éléments dont elle dispose et qui pourraient venir atténuer la portée des pratiques dénoncées ou encore minorer la participation de telle ou telle entreprise, dès lors que ces informations sont fournies dans les meilleurs délais, sont sincères et sont présentées de manière impartiale. La fourniture de telles informations ne peut en aucun cas conduire l'Autorité à conclure que Colgate-Palmolive romprait son obligation de coopération. Quant à la circonstance non établie que Colgate-Palmolive n'aurait pas intérêt à collaborer à la défense d'Hillshire, elle est en tout état de cause étrangère à la volonté de l'Autorité et ne saurait caractériser une rupture d'égalité de traitement entre les parties. L'argument d'Hillshire doit donc être écarté.

775. S'agissant de la possibilité pour Hillshire de présenter des engagements dans le cadre d'une éventuelle procédure de non-contestation des griefs, il convient de rappeler que, conformément aux paragraphes 14 à 17, puis 34 du communiqué de procédure du 10 février 2012 relatif à la non-contestation des griefs, l'élément essentiel de cette procédure est la renonciation à contester les griefs. Cette renonciation donne lieu à une réduction d'amende de 10 %, correspondant au gain procédural obtenu par l'Autorité. Rien n'empêchait Hillshire, si elle le souhaitait, d'avoir recours à cette voie procédurale et de bénéficier à ce titre d'une réduction d'amende. Dès lors qu'Hillshire n'a pas demandé à s'inscrire dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs, elle ne peut utilement invoquer son incapacité à proposer des engagements dans le cadre de cette procédure.

776. Du reste, comme l'indiquent les paragraphes 18 à 22 du communiqué précité, la souscription d'engagements comportementaux ou structurels, en échange d'une réduction plus importante de l'amende, constitue la partie facultative de la procédure de non-contestation des griefs. Ces engagements sont " un moyen de contribuer à développer une culture de concurrence ou à assurer le fonctionnement concurrentiel de l'économie ". C'est donc l'impact positif des engagements pris par une entreprise sur le fonctionnement concurrentiel des marchés que l'Autorité entend rémunérer par une réduction d'amende supplémentaire. À cet égard, les engagements représentent une charge importante en termes financier, humain et organisationnel pour les entreprises.

777. Dans ce contexte, si, comme elle l'affirme, Hillshire était dans l'impossibilité de proposer des engagements permettant une amélioration du fonctionnement concurrentiel des marchés, l'Autorité n'aurait pas pu lui accorder une réduction d'amende allant au-delà des 10 % correspondant à la renonciation à contester les griefs, sans qu'il en résulte une quelconque rupture d'égalité de traitement.

778. L'argument d'Hillshire doit donc être écarté.

6. EN CE QUI CONCERNE L'ABSENCE DE TRADUCTION DE LA NOTIFICATION DE GRIEFS

779. Hillshire considère que la procédure viole l'article 6, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'absence de traduction de la notification de griefs en anglais et de l'insuffisance du délai de trois mois qui lui a été imparti pour présenter ses observations en réponse à la notification de griefs.

780. Il convient toutefois de rappeler que, conformément aux exigences issues de l'article 2 de la Constitution, reprises, s'agissant notamment des services publics, à l'article 1er de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française (JORF du 5 août 1994, p. 11 392), la langue de procédure devant l'Autorité est le français, comme le rappelle l'article 26 de son règlement intérieur.

781. L'article 6, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit, en ce qui le concerne, que " tout accusé a droit notamment à : (a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; (b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ".

782. L'Autorité, dont la décision n'intervient pas au terme d'une procédure pénale proprement dite, et ne vise pas des personnes physiques, mais des personnes morales disposant en règle générale de ressources plus importantes pour assurer leur défense, ne méconnaît pas les exigences de l'article 6, paragraphe 3, alinéa a) de la Convention si elle établit, à la suite d'une demande faite par les parties, que celles-ci possèdent suffisamment le français pour saisir la portée des accusations formulées contre elles.

783. L'Autorité s'assure, dans chaque cas d'espèce et de façon concrète, que la partie mise en cause, compte tenu notamment de sa maîtrise de la langue française, de l'assistance et des conseils dont elle s'est entourée et de l'ensemble des moyens et des facilités dont elle dispose, a pu prendre connaissance de la notification des griefs et accéder aux pièces du dossier dans des conditions lui permettant le plein exercice de ses droits (voir en ce sens CE, 7 décembre 2005 Société Ryanair, n° 270424, A ; cour d'appel de Paris, 20 novembre 2014, Société Grands Moulins de Paris, p. 20 ; décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, points 557 et suivants).

784. En l'espèce, si Hillshire est une société dont le siège est situé aux Etats-Unis, elle dispose à l'évidence des moyens financiers et humains lui permettant de répondre utilement aux griefs qui lui ont été notifiés par l'Autorité. Hillshire a par ailleurs élu domicile chez un conseil français, spécialiste du droit français et européen de la concurrence, qui l'a nécessairement éclairée sur le contenu des faits et de la règlementation interne et européenne.

785. En outre, Hillshire, qui ne pouvait ignorer l'existence d'une procédure initiée à l'encontre de sa filiale Sara Lee Household & Body Care France avant même la notification de griefs, a bénéficié, à titre exceptionnel, d'une extension du délai de réponse à la notification de griefs de deux à trois mois, soit le délai le plus long possible permis par la procédure française.

786. Les observations substantielles remises par Hillshire en réponse à la notification de griefs, de plus de 130 pages, puis les observations de 218 pages en réponse au rapport, confirment, s'il en était besoin, que l'entreprise ne peut pas sérieusement affirmer que sa maîtrise insuffisante de la langue française l'aurait empêchée de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.

B. SUR L'APPLICABILITÉ DU DROIT DE L'UNION

1. PRINCIPES

787. L'article 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, prohibe les accords entre entreprises, les décisions d'associations d'entreprises et les pratiques concertées entre entreprises ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la concurrence et susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres.

788. Se fondant sur la jurisprudence constante de l'Union, et à la lumière de la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité [devenus les articles 101 et 102 du TFUE] (JOUE C 101, du 27 avril 2004, p. 81), l'Autorité considère avec constance que trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres : l'existence d'échanges, à tout le moins potentiels, entre États membres portant sur les produits ou les services en cause, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation.

789. Concernant le premier élément, dans les cas d'entente s'étendant à l'intégralité ou à la vaste majorité du territoire d'un État membre, le Tribunal de l'Union européenne a jugé " qu'il existe, à tout le moins, une forte présomption qu'une pratique restrictive de la concurrence appliquée à l'ensemble du territoire d'un État membre soit susceptible de contribuer au cloisonnement des marchés et d'affecter les échanges intracommunautaires. Cette présomption ne peut être écartée que si l'analyse des caractéristiques de l'accord et du contexte économique dans lequel il s'insère démontre le contraire " (arrêt du 14 décembre 2006, Raiffesen Zentralbank Österreich e. a. /Commission, T-259/02 à T-264/02 et T-271/02, Rec. p. II-5169, point 181). Sur pourvoi, la Cour de justice a précisé à cet égard, dans un arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank/Commission, que " le fait qu'une entente n'ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité CE " (C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, Rec. p. I-8681, point 38).

790. Concernant le deuxième élément, pour être susceptible d'affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique concertée " doivent sur la base d'un ensemble d'éléments de fait et de droit, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres " (arrêts de la Cour de justice du 21 janvier 1999, Bagnasco e. a. , C-215/96 P et C-216/96, Rec. p I-135, point 47, et du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475-99, Rec. 2001 p. I-8089, point 48). La Cour de cassation a également rappelé que les termes " susceptibles d'affecter " énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE " supposent que l'accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d'un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire " (arrêt du 31 janvier 2012, France Télécom, n° 10-25. 772, 10-25. 775 et 10-25. 882, p. 6).

791. Enfin, concernant le troisième élément, la Cour de cassation a jugé dans l'arrêt France Télécom précité que la démonstration du caractère sensible de cette possible affectation, dans les cas où les pratiques en cause sont commises sur une partie seulement d'un État membre, " résulte d'un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause " sont amenés à être prises en compte, " le volume de ventes global concerné par rapport au volume national n'étant qu'un élément parmi d'autres ".

792. Le paragraphe 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs en deçà desquels un accord est présumé, du point de vue de la Commission européenne, ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres :

- la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l'accord n'excède pas 5 % ;

- et, dans le cas d'accords horizontaux, le chiffre d'affaires annuel moyen réalisé dans l'Union par les entreprises en cause avec les produits concernés par l'accord n'excède pas 40 millions d'euros.

2. APPLICATION AU CAS D'ESPÈCE

793. En l'espèce, plusieurs éléments permettent de considérer que les pratiques sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres.

794. En premier lieu, les négociations entre les acheteurs des enseignes de la grande distribution et les fournisseurs en cause ont lieu au niveau national et couvrent l'approvisionnement des enseignes pour tout le territoire français. Les nombreux contacts identifiés ont concerné tous les éléments constitutifs du prix triple net, ainsi que le déroulement de ces négociations entre les fournisseurs et l'ensemble des enseignes de la grande distribution. Par conséquent, les pratiques ont impacté, à tout le moins, l'intégralité du marché français.

795. Ces pratiques, qui visaient à distordre les négociations sur l'ensemble du territoire français, avaient donc, par leur nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national et d'entraver l'interpénétration économique voulue par le TFUE.

796. En deuxième lieu, la plupart des entreprises concernées appartiennent à des groupes de dimension internationale, actifs dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne, où ils exercent souvent des activités de production ou de commercialisation de leurs produits.

797. Les marchés de l'approvisionnement en produits d'hygiène et en produits d'entretien se caractérisent par l'existence de flux d'échanges transfrontaliers, à destination ou en provenance du territoire français, notamment avec le reste de l'Union européenne.

798. Dans le secteur des produits d'hygiène, les fabricants français commercialisent une partie importante de leur production en dehors du territoire français (environ 1,4 milliard d'euros en 2006), dont 70 % dans les pays d'Europe occidentale (Etude Xerfi - Produits d'hygiène et de toilette - Analyse du marché, Prévisions 2007, forces en présence - Janvier 2007, p. 23, cote 44 605). Quant aux flux commerciaux de produits d'hygiène à destination du territoire français, ils étaient estimés, à la même date, à 650 millions d'euros dont 90 % en provenance de l'Europe occidentale.

799. Dans le secteur des produits d'entretien, en 2005, les flux commerciaux à destination du territoire français s'élevaient à 1,5 milliard d'euros, dont 90,3% provenant des pays d'Europe occidentale. Les flux sortant de produits d'entretien, depuis le territoire français, représentaient quant à eux, en valeur, 1,25 milliard d'euros, dont 78,5 % à destination de l'Europe occidentale (Etude Xerfi - Savons, détergents et produits d'entretien - Juin 2006, pp. 29 à 32, cotes 44 527 à 44 530).

800. Enfin, les pratiques examinées ont porté, à certaines occasions, sur les contrats internationaux, conclus avec des centrales d'achats internationales pour des ventes hors de France, affectant par là même les exportations dans d'autres Etats membres de l'Union (9).

801. Dans ces conditions, les pratiques concernées étaient susceptibles d'affecter les flux de commerce qui existaient entre les Etats membres.

802. En troisième et dernier lieu, la présente décision concerne deux ententes horizontales entre les principaux fournisseurs, sur le marché français de produits d'hygiène, d'une part, et de produits d'entretien, d'autre part. Les opérateurs concernés, quasiment tous adossés à de grands groupes internationaux, représentent entre 65 % et 70 % de leurs secteurs respectifs en France et jouent, pour certains, un rôle de leader sur ces secteurs.

803. Ces pratiques ont impliqué des entreprises dont le chiffre d'affaires européen dans chacun des secteurs concernés dépassait largement 40 millions d'euros. Dès lors, la présomption négative de non affectation sensible du commerce intracommunautaire rappelée au point 792 ci-dessus n'est pas applicable. Au contraire, s'agissant de pratiques mises en œuvre sur l'intégralité du territoire français par des groupes de dimension internationale disposant de positions très importantes sur les marchés en cause, le caractère sensible de l'affectation du commerce entre Etats membres est établi.

804. Les pratiques en cause doivent donc être examinées au regard non seulement des dispositions du droit national, notamment de l'article L. 420-1 du Code de commerce, mais aussi au regard du droit de l'Union, et notamment de l'article 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE.

C. SUR LA DÉLIMITATION DU MARCHÉ PERTINENT

1. PRINCIPES

805. Afin de définir le marché de produits ou de services, il convient de rechercher si les produits ou les services en cause sont considérés par les acheteurs " comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de leur usage " (à cet égard, voir par exemple Cass. com. , 13 juillet 2010, Vedettes inter-îles vendéennes, n° 09-67439, p. 5).

806. Dans le même sens, la Commission européenne a rappelé, dans sa communication n° 97/C 372/03 du 9 décembre 1997 sur la définition du marché en cause, que le marché de produits " comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés " (JOCE C 372 du 9 décembre 1997, p. 5, point 7).

807. Le marché géographique, quant à lui, comprend : " le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable " (communication de la Commission sur la définition du marché en cause précitée, point 8).

808. Il ressort de la jurisprudence que l'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 101 du TFUE s'impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre les États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, T-30/05, Rec. p. II-107, point 86, et la jurisprudence citée).

809. De même en droit interne, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes horizontales, comme c'est le cas en l'espèce, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre (décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, point 28 et décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, point 575).

2. APPLICATION AU CAS D'ESPÈCE

810. Les pratiques relevées dans le cadre des constatations se sont déroulées sur le marché de l'approvisionnement des enseignes de la grande distribution en produits d'hygiène, d'une part, et sur celui de l'approvisionnement des enseignes de la grande distribution en produits d'entretien, d'autre part. Ces deux marchés mettent en présence, du côté de l'offre, les fournisseurs de produits d'hygiène et d'entretien et, du côté de la demande, les enseignes de la grande distribution.

811. En premier lieu, le déroulement des négociations entre fournisseurs et distributeurs traduit l'existence d'un marché de l'approvisionnement en produits d'hygiène, d'une part, et de l'approvisionnement en produits d'entretien d'autre part. En effet, comme il a été dit aux points 92 et 96, les personnes qui, au sein des enseignes, conduisent les négociations avec les fournisseurs, sont en charge de l'un ou l'autre des deux secteurs à titre exclusif.

812. En deuxième lieu, l'analyse de la substitution du côté de la demande et du côté de l'offre justifie la définition des marchés.

813. Du point de vue de la demande, des produits qui ne sont pas substituables du point de vue du consommateur le sont, à un degré plus ou moins fort du point de vue du distributeur. Comme il a été dit aux points 119 et suivants, la concurrence ne s'exerce pas uniquement, dans chacun des deux secteurs, entre les produits directement substituables du point de vue de consommateur, mais au sein de catégories de produits plus larges, dès lors que les distributeurs peuvent arbitrer entre plusieurs segments de produits distincts pour organiser leurs linéaires. Sous réserve de disposer d'un assortiment minimum de nature à satisfaire la demande des consommateurs en produits d'hygiène ou en produits d'entretien, une enseigne de la grande distribution peut décider de favoriser le produit qui génère le plus de marge.

814. De ce fait, les différents fournisseurs se trouvent en concurrence directe sur les marchés de l'approvisionnement en produits d'hygiène, d'une part, et en produits d'entretien, d'autre part. Dans le cadre des négociations commerciales, les fournisseurs se font concurrence pour obtenir une meilleure exposition dans les linéaires, des achats plus importants ou encore une meilleure mise en avant de leurs produits.

815. Du point de vue de l'offre, chacun des deux secteurs est caractérisé par un certain nombre de barrières à l'entrée, identifiées respectivement aux points 105 et suivants et 114, qu'il s'agisse de contraintes réglementaires et technologiques, de la nécessité pour tout nouvel entrant de disposer de moyens importants en matière de recherche et de développement et de publicité et des difficultés liées à l'accès aux linéaires. Il existe donc une faible substituabilité de l'offre des produits des secteurs de l'hygiène et de l'entretien, tant entre eux que vis-à-vis des autres produits de grande consommation.

816. En troisième lieu, cette définition des marchés correspond au déroulement des pratiques considérées, dans le cadre desquelles les participants s'échangeaient, pour l'essentiel, des données relatives à leurs relations avec la grande distribution.

817. Les échanges ont été organisés dans le cadre de cercles spécialisés dans ces deux secteurs (le Cercle Team PCP et le Cercle Team HP), le Cercle des Amis s'étant scindé selon ces mêmes périmètres d'activité, à la fin de la pratique. Par ailleurs, les informations échangées ont visé, quasiment exclusivement, l'approvisionnement des enseignes dans ces deux catégories de produits sur le territoire français (bien que certains échanges ponctuels ont concerné les contrats internationaux).

818. En quatrième et dernier lieu, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, au niveau français et européen, confirme la pertinence de la distinction des marchés de l'approvisionnement en biens de consommation courante subdivisés par groupe de produits, ainsi que l'existence des segments spécifiques des produits d'hygiène et d'entretien.

819. La Commission européenne, dans le cadre de son activité de contrôle des concentrations, a précisé que la vente de biens de consommation courante par les producteurs à des clients tels que les grossistes, les détaillants ou d'autres entreprises (par exemple, les cafés/hôtels/restaurant) constituait un marché de l'approvisionnement en biens de consommation courante, segmenté en 23 groupes de produits, parmi lesquels figurent le segment spécifique des produits de parfumerie/hygiène et celui des produits de droguerie (entretien) (décision de la Commission européenne M. 2115 du 28 septembre 2000, Carrefour/GB, point 8).

820. Cette définition du marché de l'approvisionnement en biens de consommation courante par groupes de produits a été reprise par l'Autorité s'agissant du contrôle des opérations de concentration (décision n° 11-DCC-134 du 2 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société Groupe Bernard Hayot, point 18) et des pratiques anticoncurrentielles (décision n° 10-D-08 du 3 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur du commerce d'alimentation générale de proximité, point 148).

821. Il résulte enfin de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, tant en matière de contrôle des concentrations (décision de la Commission européenne M. 2115 du 28 septembre 2000 précitée, point 12 ; décision n° 11-DCC-134 du 2 septembre 2011 précitée, point 19) que de pratiques anticoncurrentielles (décision n° 10-D-08 du 3 mars 2010 précitée, point 148), que le marché de l'approvisionnement en produits de consommation courante est de dimension nationale.

822. Conformément aux principes rappelés aux points 808 et 809, il n'est pas nécessaire de préciser plus avant la définition du marché en cause, le fait de retenir le marché de l'approvisionnement des enseignes de la grande distribution en produits d'hygiène, d'une part, et de l'approvisionnement des enseignes de la grande distribution en produits d'entretien, d'autre part, permettant d'identifier, de qualifier et d'imputer les pratiques constatées.

Sur les observations d'Hillshire

823. Hillshire soutient que la définition du marché est trop large compte tenu de l'absence de concurrence entre les participants aux pratiques. Elle fait valoir qu'il existe un marché distinct des services de coopération commerciale.

824. Toutefois, le marché retenu n'est pas le marché aval de la vente de produits aux consommateurs mais le marché amont de l'approvisionnement des enseignes en produits d'hygiène et en produits d'entretien. Or, comme il vient d'être expliqué, les entreprises mises en cause se trouvent en situation de concurrence sur les marchés de l'approvisionnement des enseignes.

825. Au surplus, la plupart des entreprises étaient également en concurrence avec tout ou partie des entreprises participant aux pratiques, sur le marché aval de la vente aux consommateurs.

826. Ainsi, en ce qui concerne Sara Lee Household and Bodycare France, filiale d'Hillshire ayant participé aux pratiques, tous ses concurrents sur les principales catégories de produits mentionnées (désodorisants, produits toilette, insecticides, cirages) ont participé aux échanges dans le cadre du Cercle des Amis (cotes 31 153 et 31 154).

827. La seule déclaration citée par Hillshire pour établir l'absence de concurrence directe entre les participants aux réunions " Amis " est celle de M. Emmanuel 6. . . de Laboratoires Vendôme, qui a déclaré en 2006, en parlant des réunions " Amis " : " J'y allais de manière sereine car je n'avais pas de compétiteur direct mis à part un peu CP ". Or, cette déclaration est erronée : Laboratoires Vendôme était le " principal concurrent " de Sara Lee sur ses gammes de produits Sanex (déodorants) (cote 31 164) et Monsavon (savons solides ou liquides) (cote 31 175).

828. À titre d'exemple, s'agissant des insecticides, le principal concurrent de Sara Lee sur le marché aval, SC Johnson, était présent aux réunions. Sara Lee et son concurrent SC Johnson ont échangé des informations à de multiples reprises sur les insecticides :

- lors d'un contact entre le 2 et le 5 décembre 2004, Sara Lee et SC Johnson ont échangé sur des taux de coopération commerciale précis (enseigne par enseigne) (cotes 12464 et 23 297) et exacts, parfois au centième près (cote 8 491 (VC) / cote 47 111 (VNC)).

- lors de la réunion des " Amis " du 14 avril 2005, à laquelle Sara Lee a participé, SC Johnson a annoncé aux participants sa volonté de ne pas accorder de dérive de coopération commerciale sur les insecticides (cote 10 307).

- lors de la réunion des " Amis " du 27 octobre 2005, Sara Lee et SC Johnson, qui détenaient près de deux tiers du marché des insecticides, ont tenté d'aligner leur niveau de coopération commerciale en 2005 (cote 10 140).

829. Par conséquent, Hillshire n'est pas fondée à soutenir que les participants aux pratiques ne seraient pas en situation de concurrence sur les marchés pertinents de l'approvisionnement en produits d'hygiène, d'une part, et d'entretien, d'autre part, ni, au surplus, sur le marché aval de la vente aux consommateurs.

830. Enfin, sur la question d'un éventuel marché des services de coopération commerciale, il convient d'indiquer que la négociation de la marge arrière et de son évolution d'une année sur l'autre était devenue l'enjeu central des négociations entre fournisseurs et distributeurs, et le moyen principal de discrimination entre les différents clients des industriels. Les rémunérations versées aux distributeurs au titre de la coopération commerciale rentraient dans la définition du prix triple net, qui représentait la rémunération réelle du fournisseur.

831. Ainsi, à l'époque des pratiques, la négociation des niveaux de marge arrière, même si elle avait également pour contrepartie des services de coopération commerciale, représentait surtout un élément central de la négociation tarifaire entre distributeurs et fournisseurs et un déterminant important de la rémunération finale de ces distributeurs. Par conséquent, l'analyse des échanges sur la question de la dérive commerciale doit se faire également dans le cadre général des marchés d'approvisionnement tels que définis ci-dessus, sans qu'il soit nécessaire de définir un marché distinct des services de coopération commerciale.

832. En conclusion, les marchés pertinents pour les pratiques incriminées dans la présente décision sont les marchés français de l'approvisionnement en produits d'hygiène, d'une part, et en produits d'entretien, d'autre part. Ces marchés mettent face à face les fournisseurs et les acteurs de la grande distribution dans le cadre de négociations portant sur l'ensemble des produits de chacun des deux secteurs concernés.

D. SUR LE BIEN FONDÉ DES GRIEFS

833. Seront successivement abordées ci-après :

- les conséquences de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs (1) ;

- l'existence de deux ententes uniques, complexes et continues (2) ;

- la participation des entreprises aux deux ententes uniques complexes et continues (3).

1. SUR LES CONSÉQUENCES DE LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE DE NON-CONTESTATION DES GRIEFS

a) Principes

834. L'organisme ou l'entreprise qui choisit de solliciter le bénéfice de la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce doit respecter les conditions imposées à cet égard, en ne contestant pas la réalité des griefs qui lui ont été notifiés.

835. L'intéressé renonce ainsi à contester la matérialité de l'ensemble des pratiques visées par la notification des griefs, la qualification qui en a été donnée au regard des dispositions du droit de l'Union et du Code de commerce, ainsi que sa responsabilité dans la mise en œuvre de ces pratiques (arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e. a. , n° 2011/01228, p. 23). Cette renonciation doit être claire, complète et dépourvue d'ambiguïté (décision n° 06-D-09 du 11 avril 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des portes, point 303 et décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale, point 425).

836. La renonciation à contester les griefs suffit pour permettre à l'Autorité de considérer que l'ensemble des infractions en cause sont établies à l'égard des parties qui ont fait ce choix procédural. Seule doit être discutée la question de la participation aux pratiques anticoncurrentielles des parties qui n'ont pas renoncé à contester les griefs (voir, en ce sens, arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France e. a. , n° 2009/03532, p. 10, et sur pourvoi arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2011, Manpower France e. a. , n° 10-12913 ; voir également les décisions n° 04-D-42 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre du marché de la restauration de la flèche de la cathédrale de Tréguier, point 12, et n° 11-D-07 du 24 février 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux de peinture d'infrastructures métalliques, point 113).

b) Application en l'espèce

Dans le secteur de l'entretien

837. Le grief rappelé au point 744 relatif à l'entente unique, complexe et continue sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'entretien n'a pas été contesté par les entreprises visées au point 746. Il est donc établi à leur égard. Ce n'est dès lors que par un souci de clarté que l'Autorité en rappellera la teneur ci-après.

838. Il demeure en revanche nécessaire de démontrer la participation individuelle à cette entente unique, complexe et continue de chacune des parties n'ayant pas fait ce choix procédural.

839. Il s'agit, en l'espèce, d'Hillshire Brands Company, société mère de Sara Lee Household & Body Care France à l'époque des pratiques poursuivies, de SC Johnson SAS et SC Johnson & Son, Inc. , de Bolton Solitaire SAS et de Bolton Manitoba S. p. A.

Dans le secteur de l'hygiène

840. Le grief, rappelé au point 744 relatif à l'entente unique, complexe et continue sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'hygiène, n'a pas été contesté par les entreprises visées au point 746. Il est donc établi à leur égard. Ce n'est dès lors que par un souci de clarté que l'Autorité en rappellera la teneur ci-après.

841. Il demeure en revanche nécessaire de démontrer la participation individuelle à cette entente unique, complexe et continue de chacune des parties n'ayant pas fait ce choix procédural.

842. Il s'agit, en l'espèce, d'Hillshire Brands Company, société mère de Sara Lee Household & Body Care France à l'époque des pratiques poursuivies, de L'Oréal (SA) et Lascad.

2. SUR LES DEUX ENTENTES UNIQUES, COMPLEXES ET CONTINUES

843. Avant d'examiner la participation individuelle des entreprises aux deux ententes uniques, il convient de rappeler, par un souci de clarté, l'existence de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel dans le secteur de l'entretien et dans celui de l'hygiène (a) ainsi que l'existence de deux ententes uniques, complexes et continues (b).

844. Les contestations de Bolton Solitaire, Hillshire Brands Company et L'Oréal relatives à l'existence, en ce qui les concerne, des pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel mises en œuvre dans le cadre des deux ententes uniques seront examinées lors de l'analyse de la participation individuelle de ces entreprises aux deux ententes uniques (3).

a) Sur l'existence de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel

Rappel des principes

Les pratiques concertées

845. L'article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu l'article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après, TFUE) interdit comme étant incompatibles avec le marché commun tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente.

846. L'article L. 420-1 du Code de commerce prohibe les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites entre les entreprises lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment lorsqu'elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse.

847. Ainsi que l'a souligné le Conseil de la concurrence : " les articles d'incrimination ne donnent pas de définition de l'entente, mais se limitent à une énumération non limitative des formes que peut revêtir le concours de volontés : accords, pratiques concertées, association d'entreprises en droit communautaire, actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions en droit national " (Rapport annuel 2006, Etudes thématiques, La preuve des accords de volonté constitutifs d'entente, p 97).

848. La notion de pratique concertée vise " une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (...). Les critères de coordination et de coopération retenus par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable " plan ", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du Traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. (...) S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact, directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de tenir soi-même sur le marché " (arrêt de la Cour de justice du 16 décembre 1975, Suiker Unie e. a. /Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 26, 173 et 174).

849. Un comportement peut relever de l'article 101, paragraphe 1, TFUE en tant que pratique concertée, même si les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient néanmoins à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leurs politiques commerciales. L'existence d'une pratique concertée peut être démontrée par des éléments prouvant que des contacts ont eu lieu entre un certain nombre d'entreprises et qu'elles poursuivaient précisément le but d'éliminer par avance l'incertitude relative à leur comportement futur sur le marché (arrêt de la Cour de justice du 16 décembre 1975, Suiker Unie précité, points 175 et 179 ; arrêts du Tribunal du 12 juillet 2011, Fuji Electric Co. Ltd. /Commission, T-132/07, Rec. 2011 II-04091, point 88, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR et autres c. Commission, affaires T-25/95 et autres, point 19 ; rapport annuel du Conseil de la concurrence 2006, Etudes thématiques, La preuve des accords de volonté constitutifs d'entente, p. 100).

850. Dans ce contexte, comme l'a expliqué la Commission européenne dans ses lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du Traité aux accords de coopération horizontale : " un échange d'information peut donc constituer une pratique concertée s'il diminue l'incertitude stratégique sur le marché et, partant, facilite la collusion, c'est-à-dire si les données échangées présentent un caractère stratégique. En conséquence, l'échange de données stratégiques entre concurrents équivaut à une concertation, en ce qu'il diminue l'indépendance de comportement des concurrents sur le marché et leur incitation à se livrer concurrence " (paragraphe 61).

851. La démonstration de l'existence d'une pratique concertée requiert, non seulement une concertation entre les entreprises, mais aussi un comportement sur le marché résultant de cette concertation et ayant un lien de causalité avec elle. À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice qu'" il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché " (arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-249/92 P, Rec. 1999 p. I-04125, point 121).

852. Cette présomption du lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le marché est applicable même si la concertation n'est fondée que sur une seule réunion des entreprises concernées (Cour de justice, 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands BV, C-8/08, points 60 et 63).

853. Cette présomption est également applicable lorsque l'entreprise s'est limitée à recevoir des informations des concurrents, sans leur en communiquer. En effet, le Tribunal a considéré qu'" une entreprise, de par sa participation à une réunion ayant un objet anticoncurrentiel, non seulement a poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais a dû nécessairement prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. [...] Cette conclusion est applicable également lorsque [...] la participation d'une ou de plusieurs entreprises à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel se limite à la seule réception d'informations relatives au comportement futur de leurs concurrents sur le marché " (arrêt du 12 juillet 2001, Tate & Lyle PLC, T-202/98, T-204/98 et T-207/98, point 58). En effet, dans un tel cas, le degré d'incertitude sur le fonctionnement à venir du marché en cause est atténué pour tous les concurrents impliqués, en raison des informations ainsi échangées (lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale, paragraphe 62).

854. Afin de renverser cette présomption, il incombe à l'entreprise concernée de prouver que la concertation n'a influencé d'aucune manière son propre comportement sur le marché. La preuve contraire doit ainsi être apte à exclure tout lien entre la concertation et la détermination, par cette entreprise, de son comportement sur le marché. À cet égard, il y a lieu de relever que des données relatives aux prix pratiqués par l'entreprise concernée ne sauraient suffire, en tant que telles, à renverser ladite présomption. En effet, ces données ne permettent pas de démontrer, à elles seules, que cette entreprise n'a pas tenu compte des informations échangées avec ses concurrents pour déterminer son comportement sur le marché (Cour de justice, 5 décembre 2013, Solvay Solexis SpA, C-449/11 P, point 39).

855. La participation, même passive, d'une entreprise à une réunion dont l'objet est anticoncurrentiel suffit à prouver sa participation à l'entente, sauf si cette entreprise démontre qu'elle n'a pas souscrit aux pratiques anticoncurrentielles, en s'en distanciant publiquement (Cour de justice, 6 décembre 2012, Verhuizingen Coppens, C-441/11 P, point 73). La circonstance que le comportement d'une entreprise sur le marché n'ait pas été conforme au comportement convenu ou annoncé n'affecte pas sa responsabilité du chef d'une violation de l'article 81 du traité CE (devenu 101 du TFUE), à moins qu'elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (Cour de justice, 16 novembre 2000, Sarrio SA, C-291/98, point 50 et 28 juin 2005, Dansk Rørindustri A/S, C-189/02 P e. a. , point 145). En effet, comme la Commission européenne l'a relevé : " une entreprise qui, malgré une entente avec ses concurrents, suit une politique plus ou moins indépendante sur le marché, peut simplement tenter d'utiliser l'entente pour son bénéfice propre " (décision de la Commission européenne du 15 octobre 2008 relative à la mise en œuvre de l'article 81 du traité, COMP/39. 188 - Bananes, paragraphe 324, traduction libre)).

856. Le concours de volontés nécessaire à la qualification d'entente existe dès lors que la participation d'une entreprise à une réunion reflète l'adhésion à une action collective. La présence physique à une réunion n'est toutefois pas indispensable dès lors que l'entreprise en cause manifeste par son comportement son adhésion à la pratique concertée. La cour d'appel de Paris a ainsi rappelé qu' " en droit, l'adhésion à une entente peut se déduire de la mise en œuvre par une entreprise du comportement anticoncurrentiel collectivement décidé par plusieurs de ses concurrents " (arrêt du 18 mars 2003, 1ère chambre section H, précité).

La preuve des pratiques concertées

857. Concernant la preuve de telles pratiques anticoncurrentielles, la Cour de justice a indiqué que : " L'interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d'une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu'il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de la concurrence " (arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e. a. /Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, points 55 à 57).

858. Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants (Cour de cassation, 7 avril 2010, Société puériculture de France, n° 09-11853 ; cour d'appel de Paris, 19 janvier 1999, Gerland Routes SA e. a. ).

859. Concernant les déclarations d'un demandeur de clémence, le Tribunal a jugé : " Quant aux déclarations, une valeur probante particulièrement élevée peut par ailleurs être reconnue à celles qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d'une entreprise, troisièmement, proviennent d'une personne tenue de l'obligation professionnelle d'agir dans l'intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l'encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d'un témoin direct des circonstances qu'elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e. a. /Commission, point 62 supra, points 205 à 210). En outre, bien qu'une certaine méfiance à l'égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné la possibilité, invoquée par les requérantes, que ces participants aient tendance à minimiser l'importance de leur contribution à l'infraction et de maximiser celle des autres, il n'en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de l'application de la communication sur la coopération en vue d'obtenir une immunité ou une réduction de l'amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l'entente. En effet, toute tentative d'induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T-120/04, Rec. p. II-4441, point 70) " (arrêt du 12 juillet 2011, Hitachi e. a. /Commission, T-112/07, Rec. 2011 II-03871, points 69 et s. ).

860. Dans sa décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, l'Autorité de la concurrence a estimé que les déclarations de plusieurs demandeurs de clémence qui se corroborent constituent des éléments probants pour démontrer l'existence d'une entente : " La preuve des pratiques en cause est rapportée, tout d'abord, par les déclarations des quatre fabricants de lessives qui, dans le cadre de leur demande de clémence respective, ont tous reconnu s'être entendus avec leurs concurrents (...). Ces déclarations se corroborent les unes et les autres et constituent donc des éléments de preuve convergents de l'existence de la concertation reprochée " (point 399).

L'objet anticoncurrentiel des pratiques concertées

861. L'objectif essentiel du droit de la concurrence consiste à ce que tout opérateur économique détermine de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché (Cour de justice, 14 juillet 1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, point 13, et 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands BV, précité, point 32).

862. L'article 81 CE (devenu l'article 101 du TFUE) interdit comme étant incompatibles avec le marché commun toutes pratiques concertées susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment celles qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction (voir en ce sens l'arrêt du Tribunal du 14 mars 2013, Fresh del Monte Produce, T-587/08, points 344 et 345).

863. De la même façon, aux termes de l'article L. 420-1 du Code de commerce : " sont prohibées, même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : 1° limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; 2° faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse [...] ".

864. Il résulte des termes mêmes des deux articles évoqués ci-dessus ainsi que de la jurisprudence nationale et de l'Union que l'objet et l'effet anticoncurrentiels de telles pratiques sont des conditions alternatives pour apprécier si celles-ci peuvent être sanctionnées en application de ces dispositions (arrêts de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands BV, précité, points 28 et 30 et de la cour d'appel de Paris du 15 juin 2010, Veolia Transports, p. 13).

865. De façon générale, la distinction entre " infraction par objet " et " infraction par effet " tient à la circonstance que certaines formes de collusion entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (Cour de justice, 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C-209/07, Rec. p. I-8637, point 17).

866. Une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de sa finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s'insère, elle est concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du marché commun. Il n'est pas nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée, restreinte ou faussée ni qu'il existe un lien direct entre cette pratique concertée et les prix à la consommation (Cour de justice, 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands BV, précité, point 43).

867. À cet égard, il importe peu que les parties aient agi sans intention subjective de restreindre la concurrence et se soient concertées pour des motifs parmi lesquels certains étaient légitimes (Cour de justice, 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, précité, point 21). Si l'objet anticoncurrentiel est établi, les éléments relatifs aux gains d'efficience ne pourront être invoqués par les mis en cause que dans le but d'obtenir une exemption au titre du paragraphe 3 de l'article 101 du TFUE.

868. Les pratiques concertées, prenant la forme d'échanges sur les éléments déterminants quant à la détermination du prix que paiera le consommateur final, sont considérées comme une restriction de concurrence par objet, même en l'absence de lien direct avec les prix à la consommation (arrêts de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands BV, précité, points 36 à 43).

La nature des pratiques en cause

Typologie des pratiques concertées

869. Les éléments exposés dans la partie " Constatations " montrent l'existence de pratiques concertées, dans le secteur de l'entretien d'une part et dans le secteur de l'hygiène d'autre part.

? Dans le secteur de l'entretien

870. Une première pratique concertée s'est concrétisée, dans le cadre du Cercle Team HP (décrit au point 352), entre les directeurs commerciaux de Colgate-Palmolive, Henkel, Reckitt Benckiser, Unilever et Procter & Gamble. Elle s'est matérialisée par des échanges qui se sont déroulés lors de réunions secrètes Team HP (points 234 et s. ) qui avaient lieu tous les deux à trois mois et lors de correspondances échangées entre les participants (points 303 et s. ).

871. Une seconde pratique concertée s'est concrétisée, dans le cadre du Cercle des Amis (décrit au point 352) entre les directeurs des ventes et, dans certains cas, les directeurs commerciaux des entreprises du secteur de l'entretien suivantes : Bolton Solitaire, Colgate-Palmolive, Henkel, SC Johnson, Reckitt Benckiser, Sara Lee et Unilever. Elle s'est matérialisée par des échanges qui se sont déroulés lors de réunions secrètes des " Amis " (points 267 et s. ) qui avaient lieu tous les uns à deux mois en moyenne et qui s'accompagnaient, ponctuellement, de correspondances échangées entre les participants (points 312 et s. ).

872. Ces deux pratiques ont été complétées par un ensemble d'échanges collusifs bilatéraux ou plurilatéraux, auxquels l'ensemble des entreprises précitées ont pris une part plus ou moins active. Ces échanges collusifs ont revêtu une nature moins régulière et moins formalisée, lors de contacts téléphoniques ou de réunions (ces pratiques sont résumées aux points 341 et s. ).

? Dans le secteur de l'hygiène

873. Une première pratique concertée s'est concrétisée, dans le cadre du Cercle Team PCP (décrit au point 352) entre les directeurs commerciaux de Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Procter & Gamble, Beiersdorf, Gillette, Vania, Laboratoires Vendôme, Reckitt Benckiser et de L'Oréal. Elle s'est matérialisée par des échanges qui se sont déroulés lors de réunions secrètes Team PCP (points 261 et s. ) qui avaient lieu tous les uns à deux mois et lors de correspondances échangées entre les participants (points 293 et s. ).

874. Une seconde pratique concertée s'est matérialisée, dans le cadre du Cercle des Amis (décrit au point 352) entre les directeurs des ventes et, dans certains cas, les directeurs commerciaux des entreprises du secteur de l'hygiène suivantes : Colgate-Palmolive, Henkel, Reckitt Benckiser, Sara Lee, Laboratoires Vendôme, Unilever, Gillette, Beiersdorf et Lascad. Elle s'est matérialisée par des échanges qui se sont déroulés lors de réunions secrètes des " Amis " (points 267 et s. ) qui avaient lieu tous les uns à deux mois en moyenne et qui s'accompagnaient, ponctuellement, de correspondances échangées entre les participants (points 312 et s. ). Dans les faits, ces pratiques se sont déroulées simultanément à celles identifiées au point 871 dans le secteur de l'entretien.

875. Ces deux pratiques ont été complétées par un ensemble d'échanges collusifs bilatéraux ou plurilatéraux, auxquels la plupart de ces entreprises ont pris part. Ces échanges ont revêtu une nature moins régulière et moins formalisée, lors de contacts téléphoniques ou de réunions (points 341 et s. ).

876. Le tableau ci-dessous rappelle les pratiques concertées mises en œuvre sur les deux secteurs.

Secteur de l'hygiène

Secteur de l'entretien

Pratiques concertées

Cercle Team PCP (réunions et correspondances)

Cercle Team HP (réunions et correspondances)

Cercle des Amis - volet hygiène (réunions et correspondances)

Cercle des Amis - volet entretien (réunions et correspondances)

Contacts bilatéraux ou plurilatéraux

Contacts bilatéraux ou plurilatéraux

Contenu des pratiques concertées

877. Eu égard à leur similarité, l'analyse du contenu des pratiques concertées concernera aussi bien la concertation sur les produits d'entretien que celle sur les produits d'hygiène. Le contenu des pratiques sera rappelé pour les périodes successives de la circulaire Dutreil, de l'engagement Sarkozy et de la loi Dutreil puis sur l'ensemble de la période où les pratiques ont été mises en œuvre.

? Circulaire Dutreil

878. Lors de l'adoption de la circulaire Dutreil, les entreprises concernées se sont coordonnées sur leur politique de prix. Pour ce faire, elles se sont échangé des informations sur les principaux paramètres de détermination du futur prix triple net, à savoir les tarifs (points 361 et s. pour le secteur de l'entretien et 374 et s. pour le secteur de l'hygiène) et les dérives (points 388 et s. pour le secteur de l'entretien et 401 et s. pour le secteur de l'hygiène).

879. Cette concertation a eu lieu dans chacun des cercles de directeurs commerciaux (Cercle Team HP et Cercle Team PCP) et a été complétée par des échanges collusifs de nature bilatérale ou plurilatérale entre certaines entreprises concernées, qui ont notamment permis de diffuser les " recommandations " émises dans le cadre des cercles de directeurs commerciaux à d'autres entreprises.

880. Sur certains aspects, la concertation entre les participants a été plus poussée. Tel est notamment le cas lorsque les participants ont émis des " recommandations " consensuelles, visant à ne pas réintégrer de marge avant en marge arrière (" Pas de coop en CGV "), à limiter leur dérive de coopération commerciale (" Tous pas de dérapage "), à pratiquer des hausses de tarifs égales à l'inflation (" tarifs = inflation ") ou à ne pas pratiquer de différenciation de tarifs (" Pas de différentiation tarif ") (points 365 et s. , points 389 et s. ).

881. La convergence des comportements est illustrée par le fait que la grande majorité des participants n'a pas réintégré de marge arrière en marge avant, comme indiqué dans leurs échanges (points 369 pour l'entretien et 375 pour l'hygiène) ou a prévenu ses concurrents de sa volonté de procéder à cette réintégration le cas échéant (points 370 pour l'entretien et 380 pour l'hygiène). Il y a par ailleurs lieu de noter que les hausses de tarifs annoncées ont pour la plupart été respectées, qu'il s'agisse de leur niveau (pour le secteur de l'hygiène, point 378) ou de leur date (dans le secteur de l'entretien, point 371).

? Engagement pour une baisse durable des prix à la consommation

882. Lors de la signature de l'engagement pour une baisse durable des prix à la consommation du 17 juin 2004, les entreprises concernées ont poursuivi leur concertation sur leur politique de prix. Elles ont continué leurs échanges d'informations sur les principaux paramètres de détermination du futur prix triple net, à savoir les tarifs (points 361 et s. pour le secteur de l'entretien et 374 et s. pour le secteur de l'hygiène) et les dérives (points 388 et s. pour le secteur de l'entretien et 401 et s. pour le secteur de l'hygiène).

883. La concertation sur ces éléments de détermination des prix futurs s'est déroulée, à la fois, dans les cercles de directeurs commerciaux (Cercle Team HP et Cercle Team PCP) et de directeurs des ventes (Cercle des Amis volets " entretien " et " hygiène "). Elle a été complétée, sur les deux secteurs, par des échanges collusifs de nature bilatérale ou plurilatérale entre certaines entreprises concernées, qui ont permis de compléter et de vérifier les informations obtenues dans les Cercles Team et Amis.

884. Cette coordination s'est notamment manifestée par l'adoption d'une " position commune " entre les cinq grands leaders du secteur de l'entretien sur la solution " 1+1 " (points 412 et s. pour les secteurs de l'entretien et de l'hygiène) puis, par une sortie coordonnée de l'engagement (points 427 et s. pour les secteurs de l'entretien et de l'hygiène) avec, dans l'intervalle, des échanges sur l'état d'avancement des remboursements des distributeurs (points 445 et s. pour les secteurs de l'entretien et de l'hygiène).

885. La concertation a concerné le niveau des évolutions de tarifs envisagées par chacun des participants, dans le secteur de l'hygiène et dans celui de l'entretien : les échanges ont ainsi porté sur le niveau des baisses de tarifs envisagées (points 464 et s. pour le secteur de l'entretien et 498 et s. pour le secteur de l'hygiène) puis sur celui des hausses (points 471 et s. pour l'entretien et 502 et s. pour le secteur de l'hygiène). Le niveau des dérives envisagé par chacun en 2005 a été discuté lors de ces réunions secrètes (points 531 et s. pour le secteur de l'entretien, 537 et s. pour le secteur de l'hygiène).

886. Les éléments au dossier font à nouveau état d'actes de concertation plus poussés et de positions homogènes sur les tarifs et les dérives. Il en va ainsi des éléments suivants :

- " position commune " des cinq grands leaders du secteur de l'entretien pour la solution " 1+1 " (points 416 et s. ) ;

- " accord " pour coordonner la fin de la baisse de prix de 1 % sur les produits promotionnels à fin mars (points 433 et s. ) ;

- absence d'envoi des CGV avant la négociation de l'avenant 2005 relatif à l'accord Sarkozy (points 473 pour le secteur de l'entretien et 503 pour le secteur de l'hygiène) ;

- grande homogénéité des conditions commerciales proposées par les parties (points 480 et s. pour le secteur de l'entretien, 507 et s. pour le secteur de l'hygiène).

? Loi Dutreil

887. Enfin, les participants ont poursuivi leur concertation sur leur politique de prix dans le cadre de l'entrée en vigueur de la loi Dutreil. Elles ont continué leurs échanges d'informations sur les principaux paramètres de détermination du futur prix triple net, à savoir les tarifs (points 572 et s. pour le secteur de l'entretien et 548 et s. pour le secteur de l'hygiène) et les dérives (points 588 et s. , 594 et s. pour le secteur de l'entretien et 590 et s. , 604 et s. pour le secteur de l'hygiène).

888. La concertation a eu lieu dans tous les cercles de directeurs commerciaux (Cercle Team HP et Cercle Team PCP) et de directeurs des ventes (Cercle des Amis). Elle a également été complétée par des contacts collusifs bilatéraux ou plurilatéraux qui ont permis de renforcer et d'affiner la concertation, dans les deux secteurs.

889. À titre principal, les participants se sont concertés sur de très fortes hausses de tarifs adressées aux distributeurs (voir les points 549 et s. dans le secteur de l'hygiène et 572 et s. dans le secteur de l'entretien).

890. Une fois ces fortes hausses adressées aux distributeurs, les participants ont complété cette coordination en échangeant, à un rythme soutenu, des informations sur chacun des temps de la négociation de l'accord commercial, à savoir :

- demandes de dérives (points 588 et s. dans le secteur de l'entretien et 590 et s. dans le secteur de l'hygiène) ;

- offres de dérives (points 594 et s. dans le secteur de l'entretien, 604 et s. dans le secteur de l'hygiène).

891. Une dernière série d'actes de concertation plus poussés a eu lieu dans le cadre de la loi Dutreil :

- la plupart des participants dans le secteur de l'hygiène comme dans celui de l'entretien ont passé des hausses tarifaires proches de celles d'Unilever (entre 4 et 6 %) (points 549 et s. dans le secteur de l'hygiène, 572 et s. dans le secteur de l'entretien) ;

- un " accord ", dans le secteur de l'entretien, entre les participants à la réunion des " Amis " du 3 février 2006, pour ne pas accepter de consentir une dérive supérieure à 0,5 % à Intermarché et des actes de concertation sur des taux maximum de dérive pour les autres enseignes (point 601).

? Sur toute la période

892. Il résulte de ce qui précède que, durant toute la durée des pratiques et sur les deux secteurs, les entreprises concernées se sont concertées, dans le cadre de chacun des cercles d'échange et des contacts complémentaires, sur la politique commerciale à adopter dans le contexte des réformes du cadre juridique, en s'échangeant des informations sur leur comportement futur, concernant notamment l'évolution des tarifs et des dérives.

893. Cette concertation a été complétée, pendant toute la durée des pratiques, par des échanges sur :

- les conditions générales de vente et les grilles tarifaires (points 637 et s. ) ;

- les opérations promotionnelles et les NIP (points 622 et s. dans le secteur de l'entretien et 624 et s. dans le secteur de l'hygiène) ;

- l'état d'avancement des négociations avec les distributeurs (points 631 et s. dans le secteur de l'entretien et 634 et s. dans le secteur de l'hygiène) ;

- les chiffres d'affaires (points 649 et s. ), mais aussi les conditions générales de vente et les tarifs à la suite de leur envoi aux distributeurs (point 646).

894. La concertation sur les tarifs passés, les conditions générales de vente et les grilles tarifaires, et les chiffres d'affaires permettaient en particulier aux entreprises de surveiller a posteriori le comportement des autres participants à l'échange par un contrôle des prix effectivement appliqués ou des performances commerciales globales des entreprises concernées (points 694, 698 et 740) :

- les échanges de conditions générales de vente et de grilles tarifaires permettaient d'obtenir ces informations des concurrents de façon certaine et rapide, et de détecter rapidement d'éventuelles déviations à l'équilibre collusif ;

- les échanges relatifs aux tarifs très récents, quoique passés, permettaient aux entreprises de contrôler la véracité des informations échangées, une fois les tarifs envoyés à la grande distribution ;

- les échanges relatifs aux chiffres d'affaires permettaient aux participants aux pratiques de contrôler l'évolution de la performance commerciale des autres opérateurs. Dans la mesure où les chiffres d'affaires communiqués incluaient les " effets promotionnels ", ils ont notamment contribué à détecter la mise en place, par les entreprises concernées, de politiques promotionnelles de nature à modifier l'équilibre collusif résultant des échanges.

Preuve des pratiques concertées

895. L'existence de ces pratiques concertées est démontrée par un large faisceau d'indices graves, précis et concordants, attestant de l'organisation de ces pratiques, des participants à ces contacts et des propos qui y étaient tenus, qui établissent les informations partagées et diffusées au sein de la concertation.

896. Les différentes catégories de preuves ou indices composant ce faisceau d'indices sont les suivantes :

Dans le secteur de l'entretien Déclarations

897. Les éléments de preuve au dossier sont constitués, en premier lieu, des demandes de clémence de SC Johnson, Colgate-Palmolive et Henkel, complétées par leurs déclarations d'entreprises subséquentes et les procès-verbaux d'audition de leurs salariés ou anciens salariés, notamment pour Colgate-Palmolive, MM. Denys E... et Jean-François Q. . . et Mme Nathalie Y. . . , pour Henkel, M. Gérard H. . . et pour SC Johnson, M. Michel 3. . . .

898. Les explications ajoutées par Colgate-Palmolive sous chaque mention des comptes-rendus communiqués dans le cadre de sa demande de clémence ont également été utilisées pour éclairer le sens de certaines notes.

899. Le dossier est enfin étayé par les procès-verbaux d'audition des salariés ou anciens salariés des autres entreprises mises en cause qui, pour la plupart, ne contestent pas l'existence d'échanges d'informations.

? Preuves documentaires contemporaines des faits

900. Les éléments déclaratifs sont corroborés par les preuves documentaires suivantes :

- Des comptes-rendus de réunions Team HP, communiqués par les demandeurs de clémence, ou saisis lors des opérations de visite et de saisie (OVS) ;

- Des comptes-rendus de réunions des " Amis ", communiqués par les demandeurs de clémence, ou saisis lors des OVS ;

- Les notes manuscrites prises à l'occasion d'échanges avec des concurrents, lors de contacts téléphoniques ou de réunions bilatérales ou plurilatérales ;

- Les notes de frais de repas ou des réservations de salles dans des restaurants qui permettent d'établir l'existence de réunions ;

- Les courriers, courriels ou fax échangés entre participants ;

- Les comptes-rendus de réunions internes qui contiennent des informations recueillies en réunion ;

- Les mentions ou notes figurant sur des agendas.

901. Ces éléments matériels sont pour la plupart recensés aux points 234 et s. pour les réunions Team HP, 277 et s. pour les réunions des " Amis " et 304 et suivants, pour les correspondances. L'ensemble de ces éléments établit la matérialité des échanges et la réalité des pratiques dénoncées par les demandeurs de clémence.

Dans le secteur de l'hygiène

Déclarations

902. Les éléments de preuve au dossier sont constitués, en premier lieu, des demandes de clémence de Colgate-Palmolive et Henkel, complétées par leurs déclarations d'entreprises subséquentes et les procès-verbaux d'audition de leurs salariés ou anciens salariés, notamment pour Colgate-Palmolive, MM. Denys E..., Jean-François Q. . . et Mme Nathalie Y. . . , et pour Henkel, M. Frédéric T. . . .

903. Les explications ajoutées par Colgate-Palmolive sous chaque mention des comptes-rendus communiqués dans le cadre de sa demande de clémence ont également été utilisées pour éclairer le sens de certaines notes.

904. Le dossier est enfin étayé par les procès-verbaux d'audition des salariés ou anciens salariés des autres entreprises mises en cause qui, pour la plupart, ne contestent pas l'existence d'échanges d'informations.

Preuves documentaires contemporaines des faits

905. Les déclarations des demandeurs de clémence et des mises en cause sont corroborées par les preuves documentaires suivantes :

- Des comptes-rendus de réunions Team PCP, communiqués par les demandeurs de clémence, ou saisis lors des OVS ;

- Des comptes-rendus de réunions des " Amis ", communiqués par les demandeurs de clémence, ou saisis lors des OVS ;

- Les notes manuscrites prises à l'occasion d'échanges avec des concurrents, lors de contacts téléphoniques ou de réunions bilatérales ou plurilatérales ;

- Les notes de frais de repas ou des réservations de salles dans des restaurants qui permettent d'établir l'existence de réunions ;

- Les courriers, courriels ou fax échangés entre participants ;

- Les notes de débriefing interne d'informations recueillies en réunion ;

- Les mentions ou notes figurant sur des agendas.

906. Ces éléments matériels sont pour la plupart recensés aux points 261 et s. pour les réunions Team PCP, 277 et s. pour les réunions des " Amis " et 295 et suivants et 314 et suivants pour les correspondances. L'ensemble de ces éléments établit la matérialité des échanges et la réalité des pratiques dénoncées par les demandeurs de clémence.

L'objet anticoncurrentiel des pratiques

La teneur et la finalité des pratiques

907. L'objet anticoncurrentiel des pratiques identifiées aux points 870 et suivants présente des caractéristiques identiques pour les infractions poursuivies dans chacun des secteurs d'activité considérés (hygiène ou entretien). Ainsi, il sera analysé de manière commune dans les développements qui suivent.

908. Les pratiques concertées avaient toutes pour objectif de supprimer la part d'incertitude inhérente à toute négociation commerciale, principalement sur les déterminants du prix, afin d'améliorer la position de négociation des fournisseurs et de maintenir un niveau de marge proche de celui dégagé avant les initiatives prises par les pouvoirs publics.

909. En outre, le dossier permet de constater que :

- les pratiques examinées ont consisté en une concertation sur les prix grâce à des échanges fréquents de données précises, individualisées et stratégiques couvrant les principaux paramètres de fixation du futur prix triple net, des grandes marques nationales, aux plus hauts niveaux des directions commerciales. Ces échanges avaient lieu avant que le prix triple net ne soit fixé par le jeu de la négociation et se sont matérialisés, lors de chaque évolution du cadre juridique, par des annonces sur les évolutions des tarifs futurs et les dérives futures.

- au surplus, ces pratiques se sont accompagnées d'échanges sur des données extrêmement récentes (tarifs, demandes et offres de dérives déjà formulées, opérations promotionnelles, NIP, déroulement des négociations) et sur les chiffres d'affaires ou les CGV qui permettaient, en plus de faciliter les négociations, de contrôler d'éventuelles déviations de la part des participants aux pratiques.

910. Ces échanges étaient, dans leur grande majorité, antérieurs à la fixation définitive des tarifs, des taux de coopération commerciale et des prix triple net résultant de la signature du contrat de coopération commerciale en fin de négociation et portaient donc sur des déterminants du futur prix triple net sur les marchés de l'approvisionnement en produits d'hygiène et en produits d'entretien.

911. Les échanges constatés, en diminuant significativement l'incertitude qui résulte du jeu normal de la concurrence sur chacune des étapes d'un même cycle de négociation, concouraient ainsi, soit directement soit indirectement, à la fixation de tarifs, de taux de coopération commerciale et, in fine, de prix triple net supérieurs au niveau qui aurait résulté d'une situation de concurrence non faussée.

912. De plus, les tarifs et la coopération commerciale sur le marché de l'approvisionnement en produits d'hygiène et d'entretien sont des éléments déterminants quant à la fixation du prix par le distributeur sur le marché aval, c'est-à-dire les prix de vente à la consommation.

Le contexte économique

913. Les pratiques concertées n'ont pu qu'être nuisibles à la concurrence, en raison du contexte économique dans lequel elles se sont déployées. Les caractéristiques des secteurs en cause étaient en effet de nature à renforcer l'impact anticoncurrentiel des pratiques concertées.

914. Il s'agit, comme il a été dit aux points 98 à 136, de secteurs caractérisés par :

- la domination d'un nombre limité de leaders mondiaux dotés de marques de renom ;

- des parts de marché relativement stables au cours de la période en cause ;

- des barrières à l'entrée élevées ;

- une demande relativement stable et des commandes régulières de la grande distribution ;

- une élasticité au prix faible sur le marché aval.

915. Par ailleurs, les différentes pratiques concertées concernaient des entreprises qui représentaient une part de marché significative (près des deux tiers de leurs secteurs d'activités respectifs pour les pratiques concertées considérées dans leur ensemble, point 103 dans le secteur de l'hygiène et 112 dans le secteur de l'entretien).

916. La circonstance que les distributeurs disposaient eux-mêmes d'un pouvoir de négociation, qui doit d'ailleurs être relativisé (points 129 et s. ), ne fait pas obstacle à ce que les pratiques soient qualifiées de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel.

917. Par conséquent, le contexte économique dans lequel s'inscrivaient les pratiques constatées se caractérisait par la stabilité des parts de marché et l'existence d'un nombre limité d'acteurs. Toute forme de collusion entre eux avait nécessairement une incidence sur le fonctionnement d'une concurrence déjà limitée et peu susceptible d'être dynamisée par de nouveaux entrants et/ou le comportement des consommateurs finals.

Le contexte juridique

918. L'analyse de l'objet anticoncurrentiel des pratiques requiert de prendre en compte le contexte juridique dans lequel elles s'insèrent, et notamment les évolutions du cadre juridique.

919. Le contexte juridique est caractérisé par les initiatives des pouvoirs publics pour restaurer l'incertitude inhérente aux négociations commerciales afin de mettre un terme à la spirale inflationniste résultant de la loi Galland (points 180 et s. ). Comme il a été dit aux points 197 et suivants, les pouvoirs publics ont mis en œuvre une succession de modifications du cadre juridique qui ont introduit davantage d'incertitude dans la relation entre fournisseurs et distributeurs, afin d'animer davantage la concurrence entre les opérateurs.

920. À cet égard, il convient de constater que ni la loi Galland ni aucune des initiatives rappelées ci-dessus ne contraignaient les entreprises à se concerter secrètement, par des échanges d'informations ou des actes de coopérations plus poussés, sur les déterminants des prix futurs.

921. Par conséquent, les pratiques constatées étaient concrètement aptes, compte tenu du contexte économique et juridique, à restreindre la concurrence sur le marché.

Conscience des objectifs anticoncurrentiels poursuivis

922. Bien que cet aspect ne soit pas nécessaire à la caractérisation de l'infraction, les conditions dans lesquelles les pratiques se sont déroulées montrent que les participants étaient conscients de l'objet anticoncurrentiel de leurs comportements. En particulier, ces pratiques revêtaient un caractère secret.

923. Concernant les réunions s'étant déroulées dans le cadre du Cercle des Amis, elles avaient lieu quasi-systématiquement dans la salle du sous-sol du restaurant le Royal Villiers, où les participants, d'après le gérant du restaurant, avaient la particularité de " s'isoler " (cotes 24 230 et 22 752). À cet égard, il y a lieu de remarquer que, selon les déclarations de l'ancien directeur commercial de SC Johnson, les notes prises lors des rencontres devaient, en théorie, être conservées en dehors des locaux des entreprises et être systématiquement détruites dans les jours qui suivaient les réunions, dans le souci de garantir le caractère strictement confidentiel de l'existence et du contenu des échanges (cote 42).

924. Les mêmes conclusions valent a fortiori pour les réunions Team PCP et Team HP, où les échanges étaient sectorialisés et avaient lieu à un niveau hiérarchique supérieur. En effet, les réunions étaient également secrètes. M. Alain P. . . (Beiersdorf) a notamment reconnu leur avoir donné l'intitulé " G5 " afin que les personnes ayant accès à son agenda ne sachent pas avec qui il se réunissait (cote 22 321, 06/0001F). Les correspondances étaient échangées, dans ces cercles, aux domiciles personnels des participants. M. Jean-François Q. . . (Colgate-Palmolive) a expliqué cette démarche de la façon suivante : " Les participants aux réunions Team [PCP et HP] se doutaient du caractère illicite de certains échanges d'information lors de ces réunions. La plupart des documents envoyés (évolution de CA, forces de vente...) étaient envoyés au domicile personnel afin de préserver la confidentialité de ces informations " (cote 22 558). M. Denys E... a précisé, s'agissant des échanges de correspondance : " C'était moi personnellement qui les réalisais (et non ma secrétaire, par souci de discrétion) " (cotes 22 565 et 22 571).

925. Le fait de se réunir de façon secrète pour s'échanger des informations qui constituent des secrets d'affaires et d'accompagner ces échanges par des correspondances au domicile privé des participants contribue, à titre surabondant, à caractériser l'esprit et donc l'objet anticoncurrentiel des pratiques concertées.

Conclusion

926. Il résulte de ce qui précède que les différentes pratiques concertées organisées, dans chacun des deux secteurs, dans le cadre des Cercles Team et Amis et des contacts complémentaires bilatéraux et plurilatéraux, ont un objet anticoncurrentiel et sont contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce.

Les effets anticoncurrentiels des pratiques concertées

927. Dans chacun des deux secteurs, la notification des griefs a reproché aux parties d'avoir participé à une entente unique, complexe et continue, anticoncurrentielle par son objet même mais aussi par ses effets, en mettant en œuvre un ensemble de pratiques concertées qui, outre qu'elles constituent des restrictions par objet, ont eu pour effet de modifier le déroulement normal des négociations avec les distributeurs, au profit des fournisseurs ayant pris part à l'entente, de contribuer à freiner les baisses de prix souhaitées par les pouvoirs publics et à maintenir les prix triple net des produits à un niveau artificiellement élevé, ce qui s'est répercuté sur les prix de revente aux consommateurs (voir la partie II - F de la décision sur le rappel des griefs notifiés aux parties).

928. Les entreprises qui ont choisi de bénéficier de la procédure de non-contestation des griefs ont donc renoncé à contester non seulement l'objet, mais aussi les effets anticoncurrentiels des pratiques concertées rappelés ci-dessus.

929. Toutefois, comme il a été dit au point 864, l'objet et l'effet anticoncurrentiel des pratiques concertées sont des conditions alternatives pour apprécier si celles-ci peuvent être sanctionnées en application des dispositions l'article 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner les effets anticoncurrentiels des pratiques au stade de la qualification juridique des faits.

930. Les effets anticoncurrentiels des pratiques concertées seront donc évoqués lors de la détermination du montant de la sanction (voir la partie III de la décision).

b) Sur l'existence de deux ententes uniques, complexes et continues

Rappel des principes

La notion d'infraction unique, complexe et continue

931. Aux termes de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence tant internes que de l'Union européenne, un comportement qui se manifeste par plusieurs agissements poursuivant un objectif économique unique peut être qualifié d'infraction unique, complexe et continue pour la période pendant laquelle il est mis en œuvre.

932. Selon une jurisprudence constante, les accords et les pratiques concertées visés à l'article 81, paragraphe 1, CE (devenu l'article 101, paragraphe 1, TFUE) résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l'infraction, mais dont la participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d'exécution choisies ou envisagées. Il s'ensuit qu'une violation de l'article 101 du TFUE peut résulter non seulement d'un acte isolé, mais également d'une série d'actes ou bien encore d'un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu'un ou plusieurs éléments de cette série d'actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s'inscrivent dans un "plan d'ensemble", en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, l'autorité de concurrence est en droit d'imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l'infraction considérée dans son ensemble (arrêts de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 79 à 81, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e. a. /Commission, précité, point 258).

933. La question de savoir si un ensemble d'accords ou de pratiques contraires à l'article 81, paragraphe 1, CE constitue une infraction unique et continue est une question qui dépend uniquement de facteurs objectifs, parmi lesquels l'objectif commun desdits accords ou pratiques. Ce dernier est un critère qui doit être apprécié au regard du seul contenu de ces accords ou pratiques et qui ne doit pas être confondu avec l'intention subjective des différentes entreprises de participer à une entente unique et continue. Cette intention subjective ne doit être prise en compte que dans le cadre de l'appréciation de la participation individuelle d'une entreprise à une telle infraction unique et continue (Tribunal, 3 mars 2011, Siemens, T-110/07, point 246).

934. Pour déterminer si un ensemble d'accords ou de pratiques concertées constituent une infraction unique et continue, l'autorité de concurrence n'est pas tenue d'examiner une condition supplémentaire de complémentarité entre les agissements en cause. En revanche, la condition tenant à la notion d'objectif unique implique qu'il doit être vérifié s'il n'existe pas d'éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l'infraction qui soient susceptibles d'indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d'autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s'inscrivent par conséquent pas dans un " plan d'ensemble " en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (Cour de justice, 19 décembre 2013, Siemens, C-239/11 P, point 248).

La participation des entreprises à l'entente unique, complexe et continue

935. Une entreprise peut avoir directement participé à l'ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l'infraction unique et continue, auquel cas l'autorité de concurrence est en droit de lui imputer la responsabilité de l'ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n'avoir directement participé qu'à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l'infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l'ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l'entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, l'autorité de concurrence est également en droit d'imputer à cette entreprise la responsabilité de l'ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble.

936. En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu'il n'est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l'ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l'entente et qu'elle avait connaissance de l'ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par lesdits participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, l'autorité de concurrence n'est en droit de lui imputer la responsabilité que des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu'elle poursuivait et dont il est prouvé qu'elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque.

937. Cela ne saurait néanmoins conduire à exonérer cette entreprise de sa responsabilité pour les comportements dont il est constant qu'elle y a pris part ou dont elle peut effectivement être tenue pour responsable. En effet, le fait qu'une entreprise n'a pas participé à tous les éléments constitutifs d'une entente ou qu'elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé n'est pas pertinent pour établir l'existence d'une infraction dans son chef, étant donné qu'il n'y a lieu de prendre en considération ces éléments que lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction et, le cas échéant, de la détermination de l'amende (arrêts de la Cour de justice du 6 décembre 2012, Verhuizingen Coppens, C-441/11 P, points 41 à 44, du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni précité, point 90, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland, point 86).

Sur l'existence d'une entente unique et complexe dans chacun des deux secteurs

938. Ainsi qu'il a été établi aux points 870 et suivants, plusieurs pratiques concertées reposant sur plusieurs cercles d'échanges, complétés par des contacts bilatéraux ou plurilatéraux, se sont concrétisées sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'hygiène, d'une part, et sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'entretien, d'autre part.

939. Ainsi qu'il sera démontré ci-après, ces diverses pratiques concertées constituent, bien qu'elles revêtent des formes différentes, deux ententes uniques qui se sont déroulées, respectivement, dans le secteur des produits d'hygiène d'une part, et dans le secteur des produits d'entretien d'autre part.

940. Dans le secteur des produits d'hygiène, les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP et du Cercle des Amis, complétées par les échanges bi ou plurilatéraux, ont visé un même " plan d'ensemble " en raison de leur objet identique (exposé ci-dessous). En outre, ces différentes pratiques, caractérisées par une identité très forte, ont permis la réalisation de ce " plan d'ensemble " global.

941. Dans le secteur des produits d'entretien, les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team HP et du Cercle des Amis, complétées par les échanges bi ou plurilatéraux, ont visé un même " plan d'ensemble " en raison de leur objet identique (exposé ci-dessous). En outre, ces différentes pratiques, caractérisées par une identité très forte, ont permis la réalisation de ce " plan d'ensemble " global.

942. À titre liminaire, le tableau suivant identifie les différentes pratiques concertées qui composent les deux ententes uniques, dont l'existence sera démontrée ci-après.

Entente unique et complexe (hygiène)

Entente unique et complexe (entretien)

Pratiques concertées

Cercle Team PCP (réunions et correspondances)

Cercle Team HP (réunions et correspondances)

Cercle des Amis - volet hygiène (réunions et correspondances)

Cercle des Amis - volet entretien (réunions et correspondances)

Contacts bilatéraux ou plurilatéraux

Contacts bilatéraux ou plurilatéraux

Sur le " plan d'ensemble " visant un objectif unique

943. L'émergence d'un " plan d'ensemble " pour chacune des deux ententes uniques est corrélée à l'évolution du cadre juridique. Les différentes réformes ont créé une source d'incertitude dans le déroulement des négociations entre les fournisseurs et les enseignes de la grande distribution (points 212 et s. ). Elles ont renforcé les enjeux liés aux négociations des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, pour chacun des deux secteurs, et ont généré un risque sur la rentabilité des fournisseurs.

944. Il ressort des pièces du dossier, notamment du contenu des demandes de clémence de Colgate-Palmolive et Henkel, qui appréhendaient l'ensemble des pratiques comme un tout unique dans lequel elles ont joué un rôle central, et des déclarations des participants sur la finalité des pratiques (points 667 et s. ) que, pour chacune des deux ententes uniques, les différentes pratiques concertées ont concouru à la réalisation d'un " plan d'ensemble ", commun à toutes les entreprises qui y ont pris part, et visant un objectif unique, à savoir accroitre la transparence de la négociation commerciale principalement sur les déterminants du prix, par des échanges d'informations ou des actes de coopération plus poussés, afin d'améliorer leur position de négociation individuelle, notamment en présentant des conditions tarifaires qui ne soient pas isolées de celles de leurs concurrents, afin de maintenir un niveau de marge proche de celui dégagé à l'époque de la loi Galland.

945. Chacune des pratiques concertées constitutives de l'entente unique sur chaque secteur a concouru à la réalisation de son plan d'ensemble respectif.

Sur l'identité objective des pratiques

? L'identité des produits concernés

946. Dans chacun des deux secteurs en cause, les pratiques concertées ont consisté dans une concertation sur les stratégies commerciales grâce à l'échange d'informations stratégiques concernant l'ensemble des produits commercialisés auprès des enseignes.

947. Les informations échangées portaient en effet, dans la grande majorité des cas, sur des données globales relatives à tous les produits d'hygiène confondus d'une part, et tous les produits d'entretien confondus d'autre part.

948. Cette caractéristique de chacune des deux ententes uniques et complexes tient, à titre principal, au déroulement des négociations avec les distributeurs : comme expliqué au point 152, les négociations avec les acheteurs de la grande distribution, centrées sur la dérive, ont lieu par secteur et non produit par produit.

949. Il en ressort que l'ensemble des pratiques qui se sont déroulées dans le secteur de l'entretien d'une part, et dans le secteur de l'hygiène d'autre part, ont concerné les mêmes catégories de produits.

? L'identité de nature des pratiques

950. Les pratiques concertées, qui se sont déroulées sur chacun des marchés concernés, ont consisté en des échanges d'informations sur les mêmes données, relatives aux principaux aspects de la politique commerciale des entreprises en cause, quel que soit le cadre dans lequel ont eu lieu ces échanges.

951. Ainsi qu'il a été exposé dans les constatations, les échanges ont en effet porté sur les différentes composantes du prix triple net des produits commercialisés par les entreprises participantes (tarifs, dérives, réduction de prix contenues dans les CGV). Les échanges ont également concerné le déroulement et l'avancement des négociations entre les participants aux pratiques et les acheteurs de la grande distribution.

952. À cet égard, était abordée, dans ces différentes pratiques concertées, la situation de l'ensemble des clients des fournisseurs participant aux pratiques, à savoir les enseignes de la distribution. L'identité des thèmes d'échanges était donc renforcée par l'identité des clients impactés par les pratiques.

953. Enfin, les entreprises s'échangeaient des informations sur leurs performances individuelles, globales et/ou par distributeurs, par l'intermédiaire d'échanges sur leurs chiffres d'affaires.

954. La diversité des informations échangées sur un même thème, au sein des différentes pratiques concertées, permettait ainsi aux participants, notamment, de contrôler et de compléter les informations obtenues dans le cadre de chacune d'entre elles.

? L'identité des participants

955. Dans chacun des deux secteurs, les pratiques concertées ont impliqué un même coeur d'entreprises, pour la plupart des entreprises leaders dans le secteur des produits de grande consommation.

956. Sur le marché de l'approvisionnement en produits d'hygiène, près de la moitié des entreprises a participé à l'ensemble des pratiques identifiées précédemment, à savoir les échanges organisés dans le cadre du Cercle Team PCP et du Cercle des Amis (réunions et/ou des correspondances) et à des contacts bilatéraux ou plurilatéraux. Il s'agit de Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Beiersdorf et Reckitt Benckiser.

957. Tel est également le cas sur le marché de l'approvisionnement en produits d'entretien, où quatre entreprises sur huit ont participé à l'ensemble des pratiques identifiées précédemment, à savoir aux échanges organisés dans le cadre du Cercle Team HP et du Cercle des Amis (réunions et/ou des correspondances) et à des contacts bilatéraux ou plurilatéraux. Il s'agit de Colgate-Palmolive, Henkel, Reckitt Benckiser et Unilever.

958. Il existait donc une identité forte entre les participants aux différentes pratiques qui se sont déroulées, respectivement, dans le secteur de l'hygiène et dans celui de l'entretien.

L'identité des modalités de mise en œuvre des pratiques

959. Lorsque les pratiques ont été mises en œuvre dans le cadre de cercles formalisés d'échanges (à l'exception donc des contacts bilatéraux ou plurilatéraux), l'analyse des modalités selon lesquelles les pratiques se sont déroulées montre également une convergence entre elles, dans chacun des deux secteurs concernés par l'instruction.

960. En premier lieu, les pratiques décrites ont été mises en œuvre par des cadres de la direction commerciale, essentiellement les directeurs commerciaux et les directeurs des ventes.

961. En deuxième lieu, les pratiques formalisées dans le cadre des cercles de directeurs commerciaux et des Amis se sont déroulées selon des modalités similaires : les réunions ont pris la forme de déjeuners ou de dîners, dans des restaurants, à l'occasion desquels était organisé un tour de table, où les participants communiquaient aux autres des informations relatives à leur stratégie commerciale et au déroulement de leurs propres négociations avec les distributeurs. Ces réunions pouvaient s'accompagner, dans l'intervalle, de correspondances qui visaient à affiner ou à préciser les informations communiquées. Tel a notamment été le cas dans le cadre des pratiques concertées organisées entre directeurs commerciaux (Cercle Team HP et Cercle Team PCP).

962. En dernier lieu, ces différentes pratiques étaient coordonnées par Colgate-Palmolive, seule ou assistée d'autres participants, notamment Henkel, pour les réunions des " Amis " : en effet, Colgate-Palmolive a joué un rôle prépondérant dans la convocation des nouveaux participants (personnes physiques) aux réunions Team HP, Team PCP et des " Amis ", ainsi que dans l'organisation du Cercle des Amis pour les réservations de salle et la détermination des dates de réunion (point 244 pour les réunions Team HP, 260 pour les réunions Team PCP et 284 pour les réunions des " Amis "). En outre, ses salariés, notamment ses directeurs commerciaux étaient, d'après les éléments établis aux points 322 et suivants, responsables de la coordination des correspondances échangées dans le cadre des pratiques concertées précédemment identifiées.

? L'identité concernant la fin des pratiques

963. Les éléments qui figurent au dossier montrent que, dans le secteur de l'entretien, les pratiques, en particulier celles qui se sont structurées au sein du Cercle Team HP et du Cercle des Amis, ont toutes cessé à la suite des opérations de visite et saisie qui se sont déroulées le 3 février 2006.

964. Alors que l'ordonnance du juge de la liberté et de la détention rendue le 31 janvier 2006 dans le secteur de l'entretien ne faisait référence qu'aux réunions des " Amis ", les participants ont cessé, simultanément, toutes les pratiques qui avaient cours dans le secteur à la date du 3 février 2006. Un tel arrêt simultané des pratiques corrobore le constat selon lequel il existait une identité objective entre ces diverses pratiques et confirme l'existence d'une entente unique et complexe sur ce secteur, la cessation de l'une des pratiques concertées ayant entraîné immédiatement la cessation des autres.

965. Tel est également le cas pour les pratiques qui se sont déroulées dans le secteur de l'hygiène, les pratiques ayant également toutes cessé le 3 février 2006.

? Conclusion sur l'identité objective des différentes pratiques concertées

966. Il existe donc une identité forte entre les pratiques concertées précédemment identifiées sur le marché de l'approvisionnement en produits d'hygiène d'une part, et sur le marché de l'approvisionnement en produits d'entretien d'autre part. Cette identité objective tient aux produits visés par les pratiques, à leur nature, à l'identité des entreprises participantes, aux conditions de mise en œuvre des pratiques et aux dates auxquelles elles ont pris fin.

La complémentarité des pratiques

967. Ainsi qu'il a été dit au point 934, il n'est pas nécessaire de démontrer la complémentarité des pratiques concertées pour caractériser l'existence d'une entente unique et complexe.

968. Il convient toutefois de constater, à titre surabondant, que les pratiques concertées présentaient, en l'espèce, un fort degré de complémentarité à deux égards.

969. En premier lieu, les liens de complémentarité entre les pratiques résultent de la complémentarité des fonctions des participants physiques aux réunions : fonctions stratégiques pour les directeurs commerciaux membres du Cercle Team PCP et du Cercle Team HP et fonctions plus opérationnelles pour les directeurs des ventes, membres du Cercle des Amis.

970. En second lieu, la multiplication des pratiques concertées répond à l'objectif attaché à chacune des pratiques - réduire l'incertitude pour améliorer les positions de négociations avec la grande distribution. Pour réaliser cet objectif, il s'est agi d'obtenir les informations les plus nombreuses et les plus variées possibles sur le paramétrage du prix triple net de chacun, dans le contexte en mutation ci-avant décrit. D'où la multiplicité des cercles de réunions et une certaine " frénésie du benchmark ", selon l'expression de M. Thierry R. . . de Gillette (cote 40 045), qui permettaient d'enrichir, de préciser, de croiser et d'actualiser, dans un contexte mouvant, les informations obtenues dans chacun des cercles de réunion identifiés (voir en ce sens le point 283).

Conclusion

971. Dans chacun des deux secteurs concernés, les pratiques concertées identifiées aux points 870 et suivants constituent donc une entente unique et complexe, composée de comportements, qui revêtent certes des formes différentes, mais qui présentent une identité certaine et qui ont été mis en œuvre dans le but de réaliser un même " plan d'ensemble " anticoncurrentiel.

La durée et la continuité de chaque entente unique et complexe

Principes

972. Pour déterminer la durée d'une infraction aux règles de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s'est écoulée entre la date de son commencement et la date à laquelle il y a été mis fin (arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e. a. /Commission, T-49/02 à T-51/02, Rec. p. II-3033, point 185, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. II-4567, point 138).

973. En l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée de cette infraction et sa continuité, l'autorité de concurrence doit se fonder, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 79, et du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T-120/04, Rec. p. II-4441, point 51).

974. Il convient de souligner, qu'en vertu de la jurisprudence, la suspension d'une pratique anticoncurrentielle pendant une période déterminée n'empêche pas cette dernière de revêtir la qualification d'infraction continue dès lors que, après son interruption, elle a été reprise selon les mêmes modalités (arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T-21/99, Rec. p. II-1681, points 53 à 56, du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279/02, Rec. p. II-897, point 178, du 19 mai 2010, IMI e. a. /Commission, T-18/05, Rec. p. II-1769, points 96 et 97, et de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix signalisation e. a. , précité, p. 10).

975. S'agissant de la preuve de la durée de cette infraction et de sa continuité, le juge de l'Union a considéré qu'entre deux dates précises pour lesquelles elle était établie, des déclarations d'entreprises sur leur continuité pouvaient constituer des éléments de preuve suffisants (arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, précité, point 153).

Sur le début des pratiques

Dans le secteur de l'entretien

976. La première pièce matérielle au dossier concernant les pratiques sur ce secteur est un tableau de chiffres d'affaires à la fin du mois de décembre 2002 élaboré en janvier 2003 (point 354). Sont cités sur ce tableau Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Procter & Gamble, Reckitt Benckiser et Sara Lee. Il a été démontré que les informations figurant dans ces tableaux étaient collectées via des échanges d'informations. Il y a donc lieu de constater le début de la pratique, dans le secteur de l'entretien, au mois de janvier 2003.

Dans le secteur de l'hygiène

977. La première pièce matérielle au dossier faisant état d'échanges entre des personnes participant aux pratiques consiste en une note manuscrite qui relate un contact trilatéral du 22 janvier 2003 entre Beiersdorf, Vania et Colgate (point 354). Il y a donc lieu de constater le début de la pratique à cette date.

Sur la cessation des pratiques

978. Les éléments présents au dossier montrent que les pratiques ont toutes cessé, dans le secteur de l'entretien et dans le secteur de l'hygiène, à la suite des opérations de visite et saisie s'étant déroulées le 3 février 2006. Il y a donc lieu de constater la fin des pratiques à cette date.

Sur la continuité des pratiques

979. Les tableaux récapitulatifs des pratiques qui figurent au point 354 montrent que, sur les deux secteurs concernés par l'instruction, les deux ententes uniques se sont déroulées de manière ininterrompue entre le début de l'année 2003 et le 3 février 2006 : elles se sont caractérisées par des contacts nombreux et réguliers au cours de cette période, sous différentes formes.

Sur la durée des deux ententes uniques, complexes et continues

980. Il ressort des pièces du dossier que les ententes uniques, complexes et continues ont duré de manière continue de janvier 2003 au 3 février 2006 dans le secteur de l'entretien et du 22 janvier 2003 au 3 février 2006 dans le secteur de l'hygiène.

981. Les éléments ainsi exposés, relatifs à la durée des deux ententes uniques, complexes et continues, sont sans préjudice de la prise en compte de la durée de la participation de chacune des entreprises aux différentes pratiques identifiées, qui sera analysée au stade de la responsabilité individuelle.

3. LA PARTICIPATION DES ENTREPRISES AUX DEUX ENTENTES UNIQUES, COMPLEXES ET CONTINUES

982. Les développements qui suivent analysent la participation des entreprises aux deux ententes uniques, complexes et continues (ci-après, " les ententes uniques "). Pour les entreprises en procédure de non-contestation des griefs, la participation aux deux ententes uniques n'est rappelée ci-dessous que par souci de clarté.

a) Colgate-Palmolive

983. S'agissant de Colgate-Palmolive, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

984. L'entreprise Colgate-Palmolive a participé :

- dans le secteur de l'entretien, aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team HP, du Cercle des Amis et à un grand nombre de contacts bilatéraux ou plurilatéraux ;

- dans le secteur de l'hygiène, aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP, du Cercle des Amis et à un grand nombre de contacts bilatéraux ou plurilatéraux.

985. En outre, Colgate-Palmolive avait une connaissance raisonnable de l'ensemble des échanges bi ou plurilatéraux et était prête à en accepter le risque. Elle en est donc responsable dans leur intégralité.

986. Dans ce contexte, Colgate-Palmolive est tenue pour responsable de l'ensemble de l'entente unique dans le secteur de l'entretien entre le mois de janvier 2003 et le 3 février 2006 et de celle dans le secteur de l'hygiène entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006.

b) Henkel

987. S'agissant d'Henkel, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

988. L'entreprise Henkel a participé :

- dans le secteur de l'entretien, aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team HP, du Cercle des Amis et à un grand nombre de contacts bilatéraux ou plurilatéraux ;

- dans le secteur de l'hygiène, aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP, du Cercle des Amis et à un grand nombre de contacts bilatéraux ou plurilatéraux.

989. En outre, l'entreprise avait une connaissance raisonnable de l'ensemble des échanges bi ou plurilatéraux et était prête à en accepter le risque. Elle en est donc responsable dans leur intégralité.

990. Dans ces conditions, Henkel est tenue pour responsable de l'ensemble de l'entente unique dans le secteur de l'entretien entre le mois de janvier 2003 et le 3 février 2006 et de celle dans le secteur de l'hygiène entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006.

c) Unilever

991. S'agissant d'Unilever, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

992. L'entreprise Unilever a participé, dans le secteur de l'entretien, aux pratiques concertées organisées dans le Cercle Team HP ainsi qu'à des contacts de nature bilatérale et plurilatérale. En revanche, il n'est pas établi qu'Unilever avait connaissance de l'étendue exacte des autres contacts bilatéraux ou plurilatéraux.

993. Unilever a participé, dans le secteur de l'hygiène, aux pratiques concertées organisées dans le Cercle Team PCP ainsi qu'à des contacts de nature bilatérale et plurilatérale. En revanche, il n'est pas établi qu'Unilever avait connaissance de l'étendue exacte des autres contacts bilatéraux ou plurilatéraux.

994. Par ailleurs, dans les deux secteurs, l'entreprise a participé, à la fin de l'année 2004, à une réunion des " Amis ". En revanche, il n'est pas établi qu'Unilever a eu connaissance ou pouvait raisonnablement avoir connaissance de la poursuite des échanges organisés au sein du Cercle des Amis par la suite, ni de l'existence de ce type d'échanges avant sa participation.

995. Dans ce contexte, en ce qui concerne l'entente unique dans le secteur des produits d'entretien, Unilever est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team HP, les contacts bi ou plurilatéraux auxquels elle a participé et une réunion des " Amis " à la fin de l'année 2004. Ces pratiques ont eu lieu entre le mois de janvier 2003 et le début du mois d'août 2005. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'entretien.

996. En ce qui concerne l'entente unique dans le secteur de l'hygiène, Unilever est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP, les contacts bi ou plurilatéraux auxquels elle a participé et une réunion des " Amis " à la fin de l'année 2004. Ces pratiques ont eu lieu entre le mois de janvier 2003 et le début du mois d'août 2005. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

d) Reckitt Benckiser

997. S'agissant de Reckitt Benckiser, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

998. L'entreprise Reckitt Benckiser a participé, en ce qui concerne l'entente unique dans le secteur de l'entretien, aux pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis, du Cercle Team HP et à des contacts bilatéraux ou plurilatéraux. En revanche, il n'est pas établi que Reckitt Benckiser avait connaissance de l'étendue exacte des autres contacts bilatéraux ou plurilatéraux qui se sont déroulés sur ce secteur.

999. Reckitt Benckiser est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis et du Cercle Team HP et les contacts bilatéraux ou plurilatéraux auxquels elle a participé, entre le 30 juillet 2003 au plus tard et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'entretien.

1000. En ce qui concerne l'entente unique dans le secteur de l'hygiène, l'entreprise a participé à la pratique concertée organisée dans le cadre du Cercle des Amis et à un contact plurilatéral entre le 12 ou 13 juillet 2004 et le 3 février 2006. En revanche, il n'est pas établi que Reckitt Benckiser avait connaissance de l'étendue exacte des autres contacts bilatéraux ou plurilatéraux sur ce secteur.

1001. Par ailleurs, en ce qui concerne la pratique concertée organisée au sein du Cercle Team PCP, l'entreprise a participé aux correspondances qui étaient organisées dans ce cadre entre le 13 juillet 2004 et le mois de septembre 2005. En revanche, il n'est pas établi que l'entreprise ait eu une connaissance, à tout le moins probable, des réunions organisées au sein du Cercle Team PCP.

1002. Reckitt Benckiser est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis ainsi qu'un contact plurilatéral auquel elle a participé et des correspondances échangées dans le cadre du Cercle Team PCP, entre le mois de juillet 2004 et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

e) Procter & Gamble

1003. S'agissant de Procter & Gamble, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1004. L'entreprise Procter & Gamble a participé, dans le secteur de l'entretien, aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team HP ainsi qu'à des contacts de nature bilatérale et plurilatérale.

1005. Procter & Gamble a également participé, dans le secteur de l'hygiène, aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi qu'à des contacts de nature bilatérale et plurilatérale.

1006. En revanche, l'instruction n'a pas permis d'établir la participation, ni même la connaissance, par Procter & Gamble, de la pratique concertée organisée dans le cadre du Cercle des Amis. De la même façon, l'instruction n'a pas permis d'établir que Procter & Gamble avait connaissance de l'étendue exacte des contacts bilatéraux ou plurilatéraux.

1007. Concernant l'entente unique établie dans le secteur de l'entretien, Procter & Gamble est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team HP et les contacts bi ou plurilatéraux auxquels elle a participé entre le mois de janvier 2003 et le début du mois de février 2005. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'entretien.

1008. Concernant l'entente unique établie dans le secteur de l'hygiène, Procter & Gamble est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle Team PCP et les contacts bi ou plurilatéraux auxquels elle a participé entre le mois d'avril 2003 et le mois de janvier 2005. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

f) Laboratoires Vendôme

1009. S'agissant de Laboratoires Vendôme, la personne morale mise en cause dans le cadre de la présente affaire ne conteste pas le grief.

1010. L'entreprise Laboratoires Vendôme a participé, dans le secteur de l'hygiène, à la pratique concertée organisée dans le cadre du Cercle des Amis entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006. Pendant cette période, elle a également pris part aux correspondances relatives aux chiffres d'affaires organisées dans le cadre du Cercle Team PCP. En revanche, il n'est pas établi que Laboratoires Vendôme pouvait raisonnablement avoir connaissance des autres pratiques concertées organisées dans le cadre de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

1011. Il en résulte que Laboratoires Vendôme est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis et les correspondances échangées au sein du Cercle Team PCP entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

g) Gillette

1012. S'agissant de Gillette, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas le grief.

1013. L'entreprise Gillette a participé, dans le secteur de l'hygiène, à la pratique concertée organisée dans le cadre du Cercle Team PCP entre le mois d'avril 2003 et le 3 février 2006.

1014. L'entreprise a également pris part à deux réunions des " Amis ", les 21 septembre 2004 et 17 février 2005. L'instruction n'a toutefois pas permis d'établir que Gillette pouvait raisonnablement avoir connaissance de la poursuite de ces réunions, entre ces deux dates ou après le 17 février 2005, ou des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

1015. Gillette est tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi que deux réunions des " Amis ", entre le mois d'avril 2003 et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

h) Beiersdorf

1016. S'agissant de Beiersdorf, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1017. L'entreprise Beiersdorf a participé, dans le secteur de l'hygiène, à la concertation organisée dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi qu'à un contact trilatéral, entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006. L'instruction n'a toutefois pas permis d'établir que Beiersdorf avait connaissance de l'étendue exacte des contacts bilatéraux ou plurilatéraux, dans le secteur de l'hygiène.

1018. L'instruction a également montré que l'entreprise a participé aux pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis entre le 19 janvier 2006 et le 26 janvier 2006. L'instruction n'a toutefois pas permis d'établir que Beiersdorf pouvait raisonnablement avoir connaissance des pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis qui s'étaient déroulées auparavant ou des autres pratiques constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

1019. Beiersdorf est tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP et un contact trilatéral entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006, et les pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis entre le 19 janvier 2006 et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

i) Vania

1020. S'agissant de Vania, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1021. L'entreprise Vania a participé, dans le secteur de l'hygiène, à la pratique concertée organisée dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi qu'à un contact trilatéral entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006.

1022. En revanche, l'instruction n'a pas permis d'établir que Vania avait connaissance de l'étendue exacte des contacts bilatéraux ou plurilatéraux. Par ailleurs, la participation de l'entreprise au Cercle des Amis ou sa connaissance raisonnable de ladite pratique concertée n'ont pas non plus été établies par l'instruction.

1023. Vania est tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP et un contact trilatéral auquel elle a participé, entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

j) SC Johnson

1024. S'agissant de SC Johnson, les sociétés SC Johnson SAS et SC Johnson & Son, Inc. n'ont formulé aucune observation sur la participation de l'entreprise à l'entente unique dans le secteur de l'entretien.

1025. L'entreprise SC Johnson a participé, dans le secteur de l'entretien, à la concertation organisée dans le cadre du Cercle des Amis ainsi qu'à plusieurs contacts bilatéraux. Ils ont eu lieu entre le 30 juillet 2003 au plus tard et le 3 février 2006.

1026. L'instruction n'a en revanche pas permis d'établir la connaissance raisonnable, par SC Johnson, des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'entretien.

1027. SC Johnson est tenue pour responsable, dans le secteur de l'entretien, des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis et les contacts bilatéraux auxquels elle a participé, entre le 30 juillet 2003 au plus tard et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'entretien.

k) Sara Lee

1028. S'agissant de Sara Lee, la société Colgate-Palmolive, successeur juridique de Sara Lee Household & Body Care France, auteur des pratiques, ne conteste pas les griefs. En revanche, la société Hillshire Brands Company, société mère de l'auteur des pratiques à la date des pratiques, conteste tant la matérialité des faits que leur qualification juridique.

Sur la matérialité des faits reprochés à Sara Lee

Rappel des constatations

1029. Comme le rappellent les constatations faites dans la première partie de la présente décision, Sara Lee a participé au Cercle des Amis (point 278), à l'exception des correspondances, dans chacun des deux secteurs. Elle a également participé à des contacts bilatéraux (voir le tableau récapitulatif qui figure au point 350) dans le secteur de l'entretien.

1030. S'agissant des réunions des Amis, Sara Lee a participé aux réunions des " Amis " des 21 septembre, 4 novembre et 3 décembre 2004, 14 janvier, 17 février, 17 mars, 14 avril, 12 mai, 27 octobre et 30 novembre 2005, 26 janvier et 3 février 2006, c'est-à-dire à 11 des 12 réunions du Cercle des Amis qui se sont déroulées dans le secteur de l'hygiène et à l'intégralité des réunions du Cercle des Amis qui se sont déroulées dans le secteur de l'entretien.

1031. En ce qui concerne le contenu des échanges, il ressort des constatations que Sara Lee a participé aux contacts suivants :

- Réunion des " Amis " du 21 septembre 2004 (hygiène et entretien) au cours de laquelle les entreprises participantes, y compris Sara Lee, ont confirmé leur position en faveur d'une baisse de tarifs de 1 % pondérée et 1 % linéaire (point 420), discuté de l'arrêt futur de la remise tarifaire linéaire de 1 % (point 429), échangé sur les hausses de tarifs envisagées pour 2005 (points 472 et 502) et sur l'état d'avancement des remboursements de l'avance faite aux fournisseurs (point 448) ;

- Réunion des " Amis " du 4 novembre 2004 (hygiène et entretien) au cours de laquelle les entreprises ont trouvé un consensus sur l'abandon de la remise linéaire de 1 % en 2005 (point 436), échangé sur le taux futur d'augmentation des tarifs et les dates d'augmentation pour 2005 (points 476 et 507), sur les niveaux de dérive futurs pour 2005, proches les uns des autres dans le secteur de l'entretien (points 531 et 538) et échangé sur l'état d'avancement des remboursements de l'avance faite aux fournisseurs (point 450) ;

- Echange bilatéral entre le 2 et le 5 décembre 2004 (entretien) entre Sara Lee et SC Johnson sur le taux de coopération commerciale (point 615) ;

- Réunion des " Amis " du 3 décembre 2004 (hygiène et entretien) au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur la stratégie de sortie de l'engagement, (Sara Lee ayant annoncé pour sa part qu'elle arrêterait la remise linéaire en avril 2005, point 437), sur le niveau des hausses de tarifs futures pour 2005 (avec une forte homogénéité des hausses dans le secteur de l'entretien, points 480 et 511), sur les niveaux de dérive futurs pour 2005 (Sara Lee ayant annoncé son taux de dérive envisagé pour 2005 pour les accords internationaux dans le secteur de l'hygiène, points 534 et 540) ;

- Réunion des " Amis " du 14 janvier 2005 au cours de laquelle Laboratoires Vendôme a indiqué le montant de la hausse de tarif envoyée aux distributeurs (hygiène, point 512) ; les entreprises participantes ont également échangé sur les demandes de dérives des distributeurs (entretien, point 588) ;

- Réunion des " Amis " du 17 février 2005 (hygiène et entretien) au cours de laquelle les entreprises participantes ont évoqué les hausses de tarifs passées dans le cadre de l'engagement (point 493 et 515), les taux d'offre de dérive (points 602 et 610) et les demandes de dérive (points 588 et 590) ;

- Réunion des " Amis " du 17 mars 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont évoqué les offres (entretien, point 602) et les demandes de dérive (entretien, point 588) ;

- Echange bilatéral entre le 30 mars et le 14 avril 2005 (entretien et hygiène) entre Reckitt Benckiser et Sara Lee sur les remboursements de l'avance faite au titre de l'engagement (point 455) ;

- Réunion des " Amis " du 14 avril 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur les taux d'offre (entretien, point 602) et de demande de dérive (entretien, point 588) ;

- Réunion des " Amis " du 12 mai 2005 (hygiène et entretien) au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur les offres (points 602 et 610) et demandes de dérive (points 588 et 590) ;

- Réunion des " Amis " du 27 octobre 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur le niveau des hausses de tarifs déjà envoyées - ou non - aux distributeurs (entretien, points 574 et s. ) ;

- Réunion des " Amis " du 30 novembre 2005 (hygiène et entretien) au cours de laquelle les entreprises participantes ont indiqué si les hausses de tarifs - d'un niveau exceptionnellement élevé - avaient été acceptées par les distributeurs (points 565 et 579) ;

- Réunion des " Amis " du 26 janvier 2006 (hygiène) au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur les hausses de tarifs passées (point 568), sur les demandes de dérives des distributeurs (point 590) et sur les offres de dérive faites par les fournisseurs (points 607 à 610) ;

- Réunion des " Amis " du 3 février 2006 (entretien) au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur les demandes de dérives des distributeurs (point 588) et les offres de dérive (points 598 à 602).

1032. Enfin, en ce qui concerne les autres échanges constatés tout au long de la période (points 616 et s. ), il ressort des constatations que Sara Lee a pris part à des échanges sur les NIP, l'état d'avancement des négociations, les CGV et les grilles de tarifs et les chiffres d'affaires.

1033. S'agissant des échanges sur les NIP, qui incluaient des échanges sur des stratégies futures, Sara Lee a participé, au surplus de façon active, à quasiment tous les échanges dans le secteur de l'entretien, à l'instar des autres participants (point 623). Sara Lee a notamment indiqué, lors de la réunion des " Amis " du 3 décembre 2004, que ses dérives 2005 iraient plutôt dans les NIP (cote 344 du dossier 08/0044AC).

1034. S'agissant des échanges sur l'état d'avancement des négociations commerciales, Sara Lee a participé sur les deux secteurs, au surplus de façon active, à plusieurs réunions des " Amis " au cours desquelles cette question a été abordée (points 632 et 636). Lors de la réunion du 12 mai 2005, Sara Lee a communiqué des informations sur son offre de dérive chez Intermarché (" SL HP ? finir à +0,30 % ") d'une part, et sur l'état d'avancement de ses négociations avec Casino (" SL = HP + 0,50 bouclé ") d'autre part (cote 1163 du dossier 06/0018AC).

1035. S'agissant des échanges sur les conditions générales de vente et de tarifs (points 637 et s. ), Sara Lee, qui n'a pas pris part aux correspondances organisées dans le cadre du Cercle des Amis, a néanmoins participé, à l'occasion des réunions de ce cercle et sur les deux secteurs, aux échanges de CGV et de grilles tarifaires qui étaient remises en main propre aux entreprises présentes (cote 39 929 et 39 930).

1036. S'agissant enfin des échanges relatifs aux chiffres d'affaires, Sara Lee a participé à l'intégralité des échanges relatifs aux chiffres d'affaires qui se sont déroulés au sein du Cercle des Amis, dans le secteur de l'hygiène et sur celui de l'entretien (points 660 et 662).

Les arguments d'Hillshire

1037. Hillshire conteste la présence de Sara Lee aux réunions et échanges bilatéraux ainsi que le contenu des échanges.

? En ce qui concerne la présence aux réunions et échanges bilatéraux

1038. En premier lieu, Hillshire soutient qu'il existe des incertitudes sur la participation de Sara Lee aux réunions du 17 février 2005 et du 27 octobre 2005. Toutefois, la participation de Sara Lee à la réunion du 17 février 2005 est établie par deux comptes-rendus de réunion contemporains des faits saisis chez des concurrents de Sara Lee ainsi que par la déclaration d'un demandeur de clémence (point 285, cotes 13 812 à 13 815, 9 586 à 9 587 et 38 du dossier 05/0100AC). En outre, la participation de Sara Lee à la réunion du 27 octobre 2005 est attestée par deux comptes-rendus de réunions de concurrents directs saisis lors des opérations de visite et saisie (point 285, cotes 13 875 et 13 876, 10 138 et 10 141).

1039. En second lieu, Hillshire conteste la participation de Sara Lee à deux contacts bilatéraux, qui se sont déroulés, pour le premier, entre le 2 et le 5 décembre 2004 (avec SC Johnson) et, pour le second, avant le 14 avril 2005 (avec Reckitt Benckiser).

1040. Il ressort toutefois des pièces du dossier (point 350, cote 12 464) que l'existence du premier échange est établie. S'agissant du contact bilatéral entre le 30 mars et le 14 avril 2005 (point 349, cote 11 775), Hillshire fait valoir en outre qu'il ne serait pas démontré que l'information sur les remboursements de l'avance faite au titre de l'engagement figurant dans la note de M. Stéphane 7. . . (Reckitt Benckiser), datée du 30 mars au 14 avril 2005, proviendrait d'une information communiquée par Sara Lee. À cet égard, Hillshire indique que la note de M. Stéphane 7. . . pourrait être issue d'un échange avec des distributeurs et non d'une information communiquée par Sara Lee. Toutefois, la déclaration de l'auteur de la note et le fait que l'information constitue une information tous distributeurs confondus montrent qu'elle ne peut pas émaner d'un distributeur : elle résulte d'un échange entre concurrents, ce qui n'est au surplus contesté ni par les autres entreprises mises en cause, ni par le successeur juridique de Sara Lee Household & Body Care France. L'argument doit donc être écarté.

? En ce qui concerne le contenu des échanges

1041. En premier lieu, Hillshire soutient que Sara Lee n'a communiqué aucune information aux autres participants, lors de la réunion du 21 septembre 2004. Il ressort en réalité des pièces du dossier que Sara Lee a bien annoncé, lors de cette réunion, sa stratégie future sur l'arrêt de la remise linéaire ainsi qu'en atteste la mention " 2 % pondéré nov " qui figure dans la colonne la concernant (cotes 1 125 du dossier 06/0018AC et 654 du dossier 06/0019AC).

1042. En deuxième lieu, Hillshire soutient que les entreprises ayant participé aux réunions des 4 novembre et 3 décembre 2004 n'auraient pas échangé sur l'arrêt des remises linéaires, qu'aucun consensus ne serait dégagé sur ce point et que Sara Lee n'aurait pas déclaré qu'elle arrêterait sa remise linéaire en avril 2005. Toutefois, ces faits sont établis par les pièces du dossier, notamment les comptes-rendus de réunion et notes de Mme Nathalie Y. . . (points 436 et 437), et ne sont, au surplus contestés ni par les autres entreprises en cause, ni par le successeur juridique de Sara Lee Household & Body Care France.

1043. En troisième lieu, Hillshire soutient que Sara Lee n'a jamais communiqué à ses concurrents d'informations sur des hausses de tarifs qui n'aient été précédemment communiquées aux distributeurs. Mais il résulte d'un courrier du 6 juillet 2007 communiqué par Hillshire dans le cours de l'instruction (cotes 23 250 et 23 251) que les tarifs de Sara Lee pour l'année 2005 ont été envoyés aux distributeurs le 17 janvier 2005 pour les produits d'entretien, et le 8 février 2005 pour les insecticides. Sara Lee a donc bien participé, à l'occasion des réunions qui ont précédé ces dates, à des échanges d'informations sur les évolutions tarifaires futures de ses concurrents avant d'envoyer ses propres tarifs.

1044. En quatrième lieu, Hillshire conteste avoir pris part à des échanges sur les dérives de coopération commerciale lors de la mise en œuvre de l'engagement Sarkozy. Toutefois, il est démontré que Sara Lee a participé aux réunions des 4 novembre et 3 décembre 2004, au cours desquelles ont eu lieu des échanges sur les niveaux de dérive envisagés pour 2005 (points 529 et s. ).

1045. En cinquième lieu, Hillshire conteste l'existence d'échanges relatifs aux offres ou aux demandes de dérive lors de certaines réunions. Elle précise notamment qu'aucune information sur une demande de dérive n'aurait été échangée sur l'hygiène lors de la réunion du 12 mai 2005 et que l'indication " 2,2 dérive " lors de la réunion des " Amis " du 26 janvier 2006 ne permettrait pas de savoir s'il s'agit d'une offre ou d'une demande de dérive. Toutefois, des informations sur les demandes de dérive ont bien été échangées lors de la réunion des " Amis " du 12 mai 2005. Ainsi, les notes manuscrites et les explications données par Mme Nathalie Y. . . , rédactrice de ces notes contemporaines des faits, dans le cadre de la clémence de Colgate-Palmolive, attestent d'échanges sur la demande de dérive d'Henkel dans le secteur de l'hygiène (" Henkel a une demande de dérive de 0. 10-0. 20 (et de 0. 17-0. 30 en PCP) ", point 590, cote 1 163 du dossier 06/0018AC). S'agissant de la mention " 2,2 dérive " pour laquelle, selon Hillshire, il ne serait pas possible de déterminer s'il s'agit d'une offre de dérive ou d'une demande de dérive, il ressort des explications de Mme Nathalie Y. . . que cette mention signifie que " la dérive demandée était de 2. 2 et Sara Lee indique ne pas pouvoir aller au-delà de 1. 2 " (cote 699 du dossier 06/0019AC).

1046. En dernier lieu, Hillshire remet en cause la valeur probante des déclarations et éléments produits par les demandeurs de clémence. Toutefois, les déclarations et les éléments produits par les demandeurs de clémence ont été pris en compte pour établir les faits dans le cadre du faisceau d'indices détaillé aux points 895 et suivants, conformément à la jurisprudence et à la pratique décisionnelle rappelée aux points 857 et suivants. L'argument sera écarté.

1047. Il résulte de ce qui précède qu'Hillshire n'est pas fondée à remettre en cause la matérialité des faits reprochés à Sara Lee.

Sur la qualification juridique des faits reprochés à Sara Lee

En ce qui concerne l'existence de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel

1048. Hillshire soutient que les pratiques reprochées à Sara Lee ne pourraient être qualifiées de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l'article 101 du TFUE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Elle fait valoir que les informations échangées auraient été dénuées de caractère stratégique compte tenu de leur caractère agrégé ou passé, et que le contexte économique et juridique ferait obstacle à une telle qualification. Enfin, elle conteste les effets anticoncurrentiels des pratiques.

1049. S'agissant des informations échangées, il ressort des pièces du dossier que Sara Lee a participé à une concertation, prenant notamment la forme d'échanges d'informations ou d'actes de coopération plus poussés, sur les déterminants des prix futurs. Si les données communiquées correspondaient en général à l'ensemble des produits commercialisés par l'entreprise sur un secteur donné, ce type d'informations était, en réalité, plus efficace pour contrôler l'équilibre collusif et coordonner les comportements que des données segmentées par produits, dans une situation d'incertitude. Il est rappelé ici que les fournisseurs en cause disposent souvent d'un très grand nombre de références, sur lequel il aurait été irréaliste de se coordonner individuellement de façon exhaustive. En outre, pour les mêmes raisons, les négociations avec les distributeurs ont pour base des évolutions globales (par exemple, hausse moyenne pondérée pour les tarifs) et ne se font pas produit par produit. Dans ces conditions, l'échange d'informations non individualisées par produit était tout à fait pertinent pour aboutir à une concertation efficace sur les deux marchés concernés car il est en cohérence avec les modalités de négociation avec la grande distribution.

1050. S'agissant du contexte économique caractérisé aux points 913 et suivants, Hillshire fait valoir que les parts de marché des participants au Cercle des Amis, qui représentaient, en 2004, 39% dans le secteur de l'entretien et 16 % dans celui de l'hygiène, étaient " non oligopolistiques ". Toutefois, les parts de marché des entreprises ayant participé au Cercle des Amis ne permettent pas de remettre en cause la qualification de l'infraction s'agissant de Sara Lee.

1051. D'une part, il convient de rappeler qu'" un système d'échange d'informations peut constituer une violation des règles de concurrence même lorsque le marché en cause n'est pas un marché oligopolistique fortement concentré. (...) le seul principe général retenu en matière de structure du marché étant que l'offre ne doit pas avoir un caractère atomisé " (Cour de justice, 2 octobre 2003, Thyssen Stahl AG, C-194/99, points 86 et 89). Or, en l'espèce, il est constant que l'offre sur les marchés de l'approvisionnement en produits d'hygiène et en produits d'entretien n'était pas atomisée.

1052. D'autre part, la circonstance que les participants au Cercle des Amis représentaient, en 2004, 39 % des parts de marché dans le secteur de l'entretien et 16 % des parts de marché dans celui de l'hygiène n'est pas de nature à remettre en cause l'infraction en ce qui concerne Sara Lee. Dans le contexte économique et juridique mentionnés aux points 914, les pratiques secrètes de concertation sur les prix mises en œuvre au sein du Cercle des Amis consistant notamment en des échanges d'informations individualisées, précises et à caractère futur portant sur des éléments particulièrement sensibles de la politique commerciale et notamment les composantes du prix de vente à la grande distribution, ont un objet anticoncurrentiel. Au surplus, le Cercle des Amis s'intégrait dans le cadre d'une entente unique composée de plusieurs cercles d'échanges. La superposition des informations recueillies dans ces cercles permettait ainsi aux entreprises qui prenaient part à plusieurs cercles, comme Henkel et Colgate-Palmolive, de croiser un grand nombre d'informations.

1053. S'agissant du contexte juridique, Hillshire fait valoir qu'il serait de nature à priver d'objet anticoncurrentiel les pratiques mises en œuvre au sein du Cercle des Amis par Sara Lee. Toutefois, il suffira de rappeler à cet égard que, comme il a été dit aux points 917 et suivants, il ne peut être soutenu que la circulaire Dutreil ou l'engagement Sarkozy auraient contraint les entreprises à se coordonner, dans le cadre de pratiques secrètes, sur des éléments de détermination des prix futurs.

1054. S'agissant enfin des effets anticoncurrentiels des pratiques, il n'y a pas lieu d'examiner cette question au stade de la qualification juridique des faits dès lors que les pratiques reprochées à Sara Lee sont qualifiées d'infractions par objet. Les effets anticoncurrentiels des pratiques concertées seront donc évoqués lors de la détermination du montant de la sanction.

En ce qui concerne l'existence de deux ententes uniques

1055. Hillshire conteste que les pratiques concertées dont Sara Lee est tenue responsable soient des pratiques constitutives d'une entente unique dans le secteur de l'entretien, d'une part, et dans le secteur de l'hygiène, d'autre part. Elle conteste à cet égard l'existence d'un plan global anticoncurrentiel et l'identité objective entre les pratiques.

1056. S'agissant de l'existence d'un plan global anticoncurrentiel, il a été expliqué au point 943 que l'ensemble des pratiques concertées dans le secteur de l'entretien, d'une part, et de l'hygiène, d'autre part, concouraient respectivement à la réalisation d'un même plan global. Force est de constater que les pratiques concertées dont Sara Lee est tenue responsable, qui visaient également à accroître la transparence de la négociation commerciale afin de maintenir un niveau de marge comparable à celui dégagé à l'époque de la loi Galland, ont concouru à la réalisation de ces plans d'ensemble visant un objectif unique.

1057. S'agissant de l'identité objective entre les pratiques, Hillshire souligne que les pratiques concertées mises en œuvre dans le cadre du Cercle des Amis n'ont pas été exactement identiques aux pratiques des Cercles Team HP ou PCP. Toutefois, il n'est pas exigé d'identité parfaite en ce qui concerne le périmètre des produits concernés, la nature des pratiques, les participants aux échanges et les modalités de mise en œuvre des pratiques. Par conséquent, les arguments d'Hillshire ne permettent pas de remettre en cause l'existence d'une identité objective forte, qui a été suffisamment démontrée aux points 946 et suivants, entre les pratiques concertées constitutives des ententes uniques sur les deux secteurs, notamment celles reprochées à Sara Lee.

1058. Ainsi, Hillshire n'est pas fondée à contester la qualification juridique des pratiques dont Sara Lee est tenue responsable.

Conclusion

1059. Il résulte de ce qui précède que Sara Lee doit être tenue pour responsable, dans le secteur de l'entretien, des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception des correspondances) et des contacts bilatéraux, entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'entretien.

1060. Il résulte également de ce qui précède que Sara Lee Sara Lee doit être tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception des correspondances) entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

l) Bolton Solitaire

1061. Active dans le seul secteur des produits d'entretien, l'entreprise Bolton Solitaire n'est concernée que par l'entente unique établie dans ce secteur. Elle conteste certains éléments relatifs à la matérialité des faits ainsi que leur qualification juridique.

1062. À titre liminaire, il convient d'indiquer que Bolton Solitaire s'est vu notifier un grief de participation à des pratiques concertées constitutives de l'entente unique du 30 juillet 2003 au 3 février 2006. Toutefois, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, comme le demande Bolton Solitaire, et compte tenu de la quasi-absence de contacts collusifs entre le 30 juillet 2003 et le 21 septembre 2004 en ce qui la concerne, de ne retenir la participation à l'entente de Bolton Solitaire que du 21 septembre 2004 au 3 février 2006.

Sur la matérialité des faits reprochés à Bolton Solitaire

Rappel des constatations

1063. Il ressort des éléments exposés dans les constatations que Bolton Solitaire a participé à la pratique concertée organisée dans le cadre du Cercle des Amis (points 278 pour les réunions et 319 pour les correspondances) ainsi qu'à un contact bilatéral (point 350). Ces échanges ont eu lieu entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006. En outre, aucun élément n'indique que Bolton Solitaire avait connaissance ou pouvait raisonnablement avoir connaissance des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'entretien.

1064. L'entreprise a participé aux réunions des " Amis " des 21 septembre, 4 novembre et 3 décembre 2004, 14 janvier, 17 février, 17 mars, 14 avril, 12 mai, 27 octobre et 30 novembre 2005, 3 février 2006, c'est-à-dire à la totalité des réunions du Cercle des Amis consacrées au secteur de l'entretien pour la période en cause.

1065. Comme le rappellent les constatations faites dans la première partie de la présente décision, Bolton Solitaire a participé aux échanges suivants :

- Réunion des " Amis " du 21 septembre 2004 au cours de laquelle les entreprises participantes, y compris Bolton Solitaire, ont confirmé leur position en faveur d'une baisse de tarifs de 1 % pondérée et 1 % linéaire (point 420), discuté de l'arrêt futur de la remise tarifaire linéaire de 1 % (point 429) et échangé sur les hausses de tarifs envisagées pour 2005 (point 472) ;

- Réunion des " Amis " du 4 novembre 2004 au cours de laquelle les entreprises ont trouvé un consensus sur l'abandon de la remise linéaire de 1 % en 2005 (point 436), échangé sur le taux futur d'augmentation des tarifs - dont celui de Bolton Solitaire - et les dates d'augmentation pour 2005 (point 476), sur les niveaux de dérive futurs pour 2005 - dont celui de Bolton Solitaire (point 531) -, ces niveaux de dérive étant proches les uns des autres ;

- Réunion des " Amis " du 3 décembre 2004 au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur la stratégie de sortie de l'engagement (point 437), sur le niveau des hausses de tarifs futures pour 2005 (avec une forte homogénéité des hausses, point 480), sur les niveaux de dérive futurs pour 2005 (dont celui de Bolton Solitaire, point 534) ;

- Réunion des " Amis " du 14 janvier 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur les demandes de dérives des distributeurs (point 588) ;

- Réunion des " Amis " du 17 février 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont évoqué les hausses de tarifs passées dans le cadre de l'engagement (point 493), les taux d'offre de dérive (point 602) et les demandes de dérive (point 588) ;

- Réunion des " Amis " du 17 mars 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont évoqué les offres (point 602) et les demandes de dérive (point 588) ;

- Réunion des " Amis " du 14 avril 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur les taux d'offre (point 602) et de demande de dérive (point 588) ;

- Réunion des " Amis " du 12 mai 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur les offres (point 602) et demandes de dérive (point 588) ;

- Contact bilatéral du 8 septembre 2005 avec SC Johnson (point 350) au cours de laquelle les deux entreprises ont échangé sur les taux de coopération commerciale ;

- Réunion des " Amis " du 27 octobre 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes, y compris Bolton Solitaire, ont échangé sur le niveau des hausses de tarifs déjà envoyées ou non aux distributeurs (Bolton Solitaire n'ayant pas encore adressé ses tarifs), ces hausses présentant une certaine homogénéité (points 574 et s. ) ;

- Réunion des " Amis " du 30 novembre 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont indiqué si les hausses de tarifs - d'un niveau exceptionnellement élevé - avaient été acceptées par les distributeurs (point 565) ;

- Réunion des " Amis " du 3 février 2006 au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur les demandes de dérives des distributeurs (point 588) et les offres de dérive (point 602).

1066. En ce qui concerne les autres échanges constatés tout au long de la période, il ressort des constatations que Bolton Solitaire a pris part à des échanges sur les NIP, l'état d'avancement des négociations, les CGV et les grilles de tarifs, et les chiffres d'affaires.

1067. S'agissant des échanges sur les NIP, qui incluaient des échanges sur des stratégies futures, Bolton Solitaire a participé à quasiment tous les échanges dans le secteur de l'entretien (point 623).

1068. S'agissant des échanges d'informations sur l'état d'avancement des négociations commerciales, Bolton Solitaire a participé, au surplus de façon active, à plusieurs réunions des " Amis " au cours desquelles cette question a été abordée (points 631 et s. ).

1069. S'agissant des échanges sur les conditions générales de vente et de tarifs, Bolton Solitaire a participé à l'échange sur les grilles tarifaires et les CGV qui s'est déroulé dans le cadre du Cercle des Amis (points 637 et s. ).

1070. S'agissant enfin des échanges relatifs aux chiffres d'affaires, Bolton Solitaire a participé aux échanges qui se sont déroulés dans le cadre du Cercle des Amis (point 660).

Arguments de Bolton Solitaire

1071. Bolton Solitaire soutient, en premier lieu, qu'elle n'a jamais participé à des contacts bilatéraux. Toutefois, Bolton Solitaire a participé à un contact bilatéral le 8 septembre 2005 avec SC Johnson (cote 10 334). En effet, les taux de coopération commerciale notés par son salarié émanent bien de SC Johnson, puisque la note s'intitule " Débrief Johnson ". L'ancien directeur commercial de Bolton Solitaire, actuellement directeur général de la société, a d'ailleurs reconnu l'existence de ce contact puisqu'il a lui-même déclaré : " M. 14. . . a dû rencontrer quelqu'un de chez Johnson ". La contestation de Bolton Solitaire sur ce point doit donc être écartée.

1072. Bolton Solitaire soutient, en deuxième lieu, que sa participation aux échanges sur les CGV n'est pas rapportée. M. Eric N. . . (Bolton Solitaire) a contesté l'existence de ces échanges au sein du Cercle des Amis : " Je n'ai pas reçu ou transmis aux autres participants, par courrier ou en main propre, de tarifs ou de CGV " (cote 40 500). Toutefois, cette déclaration ne résiste pas à la confrontation avec les pièces du dossier. En sus des déclarations des autres participants à la pratique, le nom de Bolton Solitaire apparait dans les notes de réunion de M. Emmanuel 6. . . du 17 février 2005, dans lesquelles le responsable des clients nationaux de Laboratoires Vendôme a noté d'envoyer à plusieurs entreprises, dont Bolton Solitaire, ses tarifs et ses CGV (cote 13 814). La participation de Bolton Solitaire à ces échanges est établie.

1073. Bolton Solitaire soutient, en troisième lieu, que, si elle a bien annoncé un tarif futur lors des réunions du 4 novembre 2004 et du 27 octobre 2005, elle n'en a pas moins adressé son tarif dans un laps de temps compris entre 1 et 5 jours suivant ces réunions, ce qui ne lui laissait pas le temps de modifier son tarif en fonction des informations recueillies lors de la réunion. Cependant, l'argument sera écarté dès lors qu'une entreprise peut modifier son tarif dans un tel laps de temps, a fortiori compte tenu des outils informatiques dont elle dispose et du faible nombre d'enseignes destinataires du tarif. En tout état de cause, l'entreprise aurait pu décaler l'envoi de son tarif, le temps d'analyser la pertinence d'une modification de la grille tarifaire envisagée.

1074. Bolton Solitaire soutient, en dernier lieu, que, pour l'année 2005, sa hausse de tarifs ne serait pas homogène avec celles des autres entreprises participant à la réunion du 27 octobre 2005. Toutefois, les hausses de tarifs étant comprises entre 3,5 et 5 % dans le secteur de l'entretien (point 575), l'argument manque en fait. Mais il est également sans incidence sur la qualification juridique des faits dans la mesure où c'est une concertation sur les prix et les positions de négociation commerciale qui est reprochée à l'entreprise et non la fixation en commun d'un prix.

1075. Il résulte de ce qui précède que Bolton Solitaire n'est pas fondée à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés.

Sur la qualification juridique des faits reprochés à Bolton Solitaire

1076. Bolton Solitaire soutient, en premier lieu, que, compte tenu du fait qu'elle n'a pas appliqué l'engagement Sarkozy, sa participation à certains échanges n'a pas pu revêtir d'objet anticoncurrentiel. Cependant, nonobstant son absence de signature de l'engagement, Bolton Solitaire avait intérêt à coordonner sa politique commerciale avec les signataires, pour ne pas être isolée dans les négociations en proposant des conditions en décalage avec celles proposées par ses concurrentes dans le cadre de l'engagement. Il n'était pas inutile pour Bolton Solitaire d'anticiper le niveau de baisse de tarifs de ses concurrents pour pouvoir s'y adapter, d'où l'utilité de participer à l'échange d'informations en cause durant la période d'application de l'engagement Sarkozy.

1077. Bolton soutient, en deuxième lieu, que les pratiques ne sont pas anticoncurrentielles par objet dès lors que les données échangées n'étaient pas individualisées par produit et que l'existence d'une surveillance des pratiques ne serait pas démontrée.

1078. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1049, le fait que les données échangées, notamment les évolutions tarifaires, n'étaient généralement pas communiquées produit par produit ne remet pas en cause, au contraire, le caractère stratégique de ces données.

1079. Quant à l'existence d'une surveillance des pratiques, outre qu'elle présente un caractère surabondant pour qualifier les pratiques concertées d'infractions par objet, elle est établie, ainsi qu'il a été dit aux points 894 et 909, par l'existence d'échanges sur des données récentes quoique passées (tarifs, CGV et chiffres d'affaires). Bolton Solitaire allègue qu'en l'absence d'accord formel sur le niveau de prix, il n'est pas possible de surveiller, et donc de sanctionner, un comportement déviant. Toutefois, l'absence d'accord sur une position commune ne fait pas obstacle au constat de l'existence d'un comportement déviant, qui consistait en une politique commerciale non conforme à celle annoncée lors des échanges par les participants aux pratiques. Or, il est parfaitement possible de détecter de tels comportements déviants grâce aux échanges sur les données passées de tarifs, conditions générales de vente et chiffres d'affaires, même en l'absence d'un accord formel sur le niveau des prix.

1080. Bolton Solitaire conteste, en dernier lieu, les effets anticoncurrentiels des pratiques. Mais, comme il a déjà été dit, il n'y a pas lieu d'examiner cette question au stade de la qualification juridique des faits dès lors que les pratiques reprochées à Bolton Solitaire, sont qualifiées d'infractions par objet. Les effets anticoncurrentiels des pratiques concertées seront donc évoqués lors de la détermination du montant de la sanction.

1081. Ainsi, Bolton Solitaire n'est pas fondée à contester la qualification juridique des pratiques dont elle est tenue responsable.

Conclusion

1082. Il résulte de ce qui précède que Bolton Solitaire doit être tenue pour responsable, dans le secteur des produits d'entretien, des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce : les pratiques qui se sont déroulées dans le cadre du Cercle des Amis et le contact bilatéral auquel elle a participé entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006. En revanche, l'entreprise n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'entretien.

m) L'Oréal

1083. L'entreprise L'Oréal, qui n'est active que dans le secteur des produits d'hygiène, n'est concernée que par l'entente unique dans ce secteur. Elle conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique.

Sur la matérialité des faits reprochés à L'Oréal

Rappel des constatations

1084. Il ressort des constatations que L'Oréal a participé, entre avril 2003 et le 24 mars 2004 d'une part, et entre le mois d'octobre 2005 et le 3 février 2006 d'autre part, à la pratique concertée organisée dans le cadre du Cercle Team PCP (points 254 pour les réunions et 301 pour les correspondances). Entre le mois d'octobre 2005 et le 3 février 2006, le représentant de L'Oréal au sein du Cercle Team PCP, était M. Hervé 1. . . , salarié de Lascad, filiale de L'Oréal.

1085. En outre, Lascad a participé au Cercle des Amis pour la période du 26 janvier au 3 février 2006 (points 280 et 285).

1086. S'agissant des réunions, L'Oréal a participé aux réunions Team PCP des 7 juillet, 18 septembre, 26 novembre et 2 décembre 2003, 24 mars 2004, 9 novembre, 7 décembre 2005 et janvier 2006. Lascad a participé à la réunion des " Amis " du 26 janvier 2006, soit un total de 9 réunions sur une période d'un an, un mois et 28 jours.

1087. Comme le rappellent les constatations faites dans la première partie de la présente décision, L'Oréal a participé aux échanges suivants :

- Réunion Team PCP du 7 juillet 2003 au cours de laquelle les entreprises participantes sont parvenues à un consensus sur l'absence de réintégration des marges arrière en marge avant, l'absence de différenciation tarifaire entre les distributeurs, l'envoi d'un 207

tarif futur égal à l'inflation et la stratégie à venir en matière de dérive (points 374 et 401) ;

- Réunion Team PCP du 18 septembre 2003 au cours de laquelle les entreprises participantes - dont L'Oréal - ont échangé des informations sur le niveau et la date de leur hausse tarifaire future et le niveau de la dérive future (points 376 et s. et 402) ;

- Réunion Team PCP du 26 novembre 2003 (point 262) ;

- Réunion Team PCP du 2 décembre 2003 au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé sur leurs CGV, plusieurs entreprises n'ayant pas encore adressé leurs tarifs aux distributeurs (points 379 et s. ) ;

- Réunion Team PCP du 24 mars 2004 au cours de laquelle les entreprises participantes - dont L'Oréal - ont échangé des informations sur leurs hausses de tarifs passées (points 382 et s. ) ;

- Réunion Team PCP du 9 novembre 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes - dont L'Oréal - ont échangé des informations sur les hausses de tarifs adressées aux distributeurs (point 562), les demandes de dérive (point 590) et les offres de dérive (point 610) ;

- Réunion Team PCP du 7 décembre 2005 au cours de laquelle les entreprises participantes ont échangé des informations sur les demandes de dérive (point 590) ;

- Réunion Team PCP de janvier 2006 au cours de laquelle les entreprises participantes - dont L'Oréal - ont échangé des informations sur les demandes (point 590) et les offres de dérive (points 605 et s. ).

1088. Lascad a, quant à elle, participé à la réunion des " Amis " du 26 janvier 2006 au cours de laquelle les entreprises participantes - dont Lascad - ont échangé des informations très précises sur les hausses de tarifs passés, les demandes et les offres de dérive et l'état d'avancement des négociations par enseigne (points 568 et s. , 590, 609 et s. ).

1089. En ce qui concerne les autres échanges constatés tout au long de la période, il ressort des constatations que L'Oréal a pris part à des échanges sur les NIP, l'état d'avancement des négociations, les CGV et les grilles de tarifs, les chiffres d'affaires.

1090. S'agissant des échanges sur les NIP, qui incluaient des échanges sur des stratégies futures, L'Oréal a participé, au surplus de façon active, aux réunions Team PCP des 2 décembre 2003, 9 novembre et 7 décembre 2005 (points 624 et s. ). Lors de la réunion du 9 novembre 2005, les entreprises participantes - dont L'Oréal - ont notamment abouti à une véritable position commune de refus du BR2I.

1091. S'agissant des échanges d'informations sur l'état d'avancement des négociations commerciales, L'Oréal a participé à plusieurs réunions Team PCP au cours desquelles cette question a été abordée, Lascad ayant pour sa part participé à la réunion des " Amis " du 26 janvier 2006 (points 634 et s. ).

1092. S'agissant des échanges sur les conditions générales de vente et de tarifs, L'Oréal a participé à l'échange sur les grilles tarifaires et les CGV qui s'est déroulé dans le cadre du Cercle Team PCP (points 637 et s. ).

1093. S'agissant enfin des échanges relatifs aux chiffres d'affaires, L'Oréal a participé aux échanges qui se sont déroulés dans le cadre du Cercle Team PCP (points 662 et s. ).

Arguments de L'Oréal

1094. L'Oréal conteste sa présence aux réunions et la responsabilité de L'Oréal (SA) pour la période d'octobre 2005 au 3 février 2006.

? En ce qui concerne la présence aux réunions

1095. L'Oréal conteste sa participation aux réunions Team PCP des 18 septembre et 26 novembre 2003, 24 mars 2004 et 9 novembre 2005.

1096. L'Oréal soutient que la réunion du 18 septembre 2003 n'a pu avoir lieu à la date indiquée car les réunions Team PCP se déroulaient en soirée, ce qui exclurait la possibilité pour M. Alain P. . . , directeur commercial de Beiersdorf, de faire un compte-rendu à son directeur des ventes, M. Benoît 2. . . , après la réunion. Toutefois, même si la réunion s'est déroulée vers 17h00-18h00 (horaire habituel des réunions), cet horaire laissait le temps à M. Alain P. . . de faire un rapport à son subordonné. L'existence de la réunion, qui n'est contestée par aucune autre entreprise, et la participation de L'Oréal à cet échange sont démontrées (point 262).

1097. L'Oréal conteste avoir participé à la réunion du 26 novembre 2003 en s'appuyant sur les déclarations de M. Dominique W. . . , responsable commercial au sein de la division produits grand public France, et de M. Alain P. . . qui avaient tous deux déclaré ne pas connaître le restaurant " Le Finzi Haussman ". Toutefois, ces déclarations ne sont pas suffisantes pour écarter le constat de l'existence de cette réunion qui a été établie à partir d'une pièce matérielle contemporaine des faits et de la déclaration d'un demandeur de clémence. L'Oréal n'invoque aucun élément pour établir que la facture produite par Henkel, comportant le nom de son salarié, est un faux et/ou que son salarié n'a pas pu prendre part à ce dîner (point 262).

1098. L'Oréal conteste avoir participé à la réunion du 24 mars 2004 en s'appuyant sur l'existence d'une information erronée relative à la nationalité du successeur de M. Dominique W. . . dans les notes de réunions prises par M. Etienne X. . . , directeur commercial de Vania. Toutefois, la confusion effectuée par le rédacteur de la note sur la nationalité de M. 19. . . ne saurait à elle seule remettre en cause la participation de L'Oréal qui est établie par deux comptes-rendus de réunion contemporains des faits, une déclaration d'entreprise d'un demandeur de clémence et une déclaration d'une mise en cause qui indiquent sans ambigüité la présence de M. Dominique W. . . à cette réunion (point 262).

1099. L'Oréal conteste que M. 1. . . , salarié de Lascad, ait été présent lors de la réunion du 9 novembre 2005. Néanmoins, les notes de réunion de M. Jean-François Q. . . de Colgate-Palmolive (cotes 765 et 766 du dossier 06/0019AC) et de M. Frédéric T. . . d'Henkel (cotes 454 à 457 du dossier 08/0084AC) contiennent des informations confidentielles et précises relatives aux évolutions de tarifs qui avaient été envoyés aux distributeurs quelques jours avant par chacune des trois structures du groupe L'Oréal : Lascad, L'Oréal Paris et Gemey Maybelline Garnier. Par ailleurs, ces notes contiennent des informations relatives au déroulement des négociations commerciales de Lascad avec les distributeurs. Eu égard à la précision, à la nature et au nombre des informations relatives à Lascad, L'Oréal Paris et Gemey Maybelline Garnier échangées à l'occasion de cette réunion, elles n'ont pu être communiquées que par un salarié de l'entreprise. En outre, la présence d'un représentant de L'Oréal est confirmée par la déclaration d'entreprise d'Henkel selon laquelle Lascad était présent lors de la réunion de novembre 2005 (cotes 747, 897 et 898 du dossier 08/0084AC). M. Hervé 1. . . étant le seul salarié de L'Oréal à avoir participé aux réunions Team PCP à cette date, il convient de conclure qu'il a participé à cette rencontre.

En ce qui concerne la responsabilité de L'Oréal (SA) pour la période d'octobre 2005 au 3 février 2006

1100. En premier lieu, L'Oréal (SA) et Lascad font valoir que L'Oréal (SA) est incriminée à tort pour les pratiques concertées mises en œuvre au sein du Cercle Team PCP qui, en 2005, n'auraient été le fait que de Lascad. L'entreprise s'appuie sur le fait que la personne qui participait aux pratiques (M. Hervé 1. . . pour le Cercle Team PCP) était salariée de Lascad, et non de L'Oréal (SA).

1101. À cet égard, il convient d'indiquer que M. Dominique W. . . a représenté L'Oréal au cours de l'année 2003 et jusqu'à la réunion du 24 mars 2004. M. W. . . était, aux dates concernées, salarié de la société L'Oréal (SA) (société tête du groupe L'Oréal) où il exerçait les fonctions de responsable commercial au sein de la division " produits grand public " en France, en charge de la commercialisation de l'ensemble des produits du groupe L'Oréal à la grande distribution. Le 24 mars 2004, la participation du groupe L'Oréal aux réunions Team PCP a pris fin temporairement, selon les déclarations de plusieurs participants, simultanément au départ à l'étranger de M. Dominique W. . . .

1102. La participation aux réunions Team PCP, pour l'ensemble du groupe L'Oréal, de M. Hervé 1. . . , directeur commercial de la société Lascad, filiale de L'Oréal (SA), au cours de la deuxième partie de l'année 2005 est établie grâce aux nombreuses déclarations des participants (cotes 8 156 à 8 158 (VC) / cotes 46 775 à 46 777 (VNC)) et aux notes de réunion.

1103. Premièrement, Henkel, précisant les modalités de participation aux réunions Team PCP du groupe L'Oréal et de la société Lascad, qui est une de ses filiales, a déclaré : " le groupe L'Oréal semble avoir participé aux réunions de fin 2000/2001 à 2003, puis à deux ou trois réunions de 2003 à mai-2005 puis de septembre 2005 à janvier 2006. Le groupe L'Oréal était soit directement représenté par Dominique W. . . puis par M. 20. . . , et/ou représenté au travers de sa filiale Lascad, elle-même représentée par Hervé 1. . . " (cote 747 du dossier 08/0084AC). Quant à M. Jean-François Q. . . (Colgate-Palmolive), il a indiqué que, dans son souvenir, " Hervé 1. . . n'était pas présent au titre de Lascad uniquement, mais parlait au nom du groupe L'Oréal " (cote 39 848).

1104. Deuxièmement, il ressort des pièces du dossier qu'au cours de la réunion du 9 novembre 2005, M. Hervé 1. . . a communiqué deux types d'informations : des informations sur les chiffres d'affaires et les augmentations de tarifs de Lascad, L'Oréal Paris et Gemey Maybelline Garnier, pour lesquelles il s'exprimait donc au nom du groupe L'Oréal, et des informations sur les relations avec les distributeurs pour lesquelles il ne parlait qu'au nom de Lascad (cotes 897 et 898 du dossier 08/0084AC ; cote 456 du dossier 08/0084AC).

1105. Troisièmement, il est notable qu'il existe un lien fonctionnel entre Lascad et sa société mère via la division produits grand public France, ce qui rend les frontières entre les différentes affaires du groupe particulièrement poreuses et montre leur interdépendance. À cet égard, M. Hervé 1. . . s'est présenté lors de sa première audition devant les inspecteurs de la DNECCRF comme un salarié du groupe L'Oréal, ce qui tend à confirmer sa " double casquette " lors des réunions Team PCP : " Je suis présent dans le groupe L'Oréal depuis 22 ans (...) et occupe la fonction de directeur commercial chez Lascad depuis mars 2003 (...). Je fais partie de la Division produits publics (c'est-à-dire grande consommation) dans le groupe l'OREAL, (...) Je suis directeur commercial depuis treize ans au sein du groupe L'Oréal. Mon supérieur hiérarchique est (...) et au dessus encore Alexandre 19. . . qui est directeur général produits publics France [au sein de L'Oréal] " (cotes 22 732 et 22 733 (VC) / cotes 44 135 et 44 136 (VNC).

1106. Ainsi, L'Oréal a participé aux réunions Team PCP au cours de deux périodes au moins : entre le début des pratiques et le 24 mars 2004, par l'intermédiaire de M. Dominique W. . . , qui était à cette date salarié de la société mère du groupe, L'Oréal (SA) ; à partir du dernier trimestre 2005 (la première réunion à laquelle M. Hervé 1. . . a participé date de novembre 2005 mais il est établi qu'il a pris part à des correspondances, dans le Cercle Team PCP, dès le mois d'octobre 2005) et jusqu'à la fin de la pratique, par l'intermédiaire de M. Hervé 1. . . , qui n'agissait pas uniquement en qualité de représentant de la seule société Lascad, mais représentait bien les trois sociétés du groupe L'Oréal.

1107. En second lieu, L'Oréal fait valoir que, s'agissant tant de M. Dominique W. . . que de M. Hervé 1. . . , leur participation aux pratiques était une initiative personnelle dont leur hiérarchie n'avait pas connaissance, voire, s'agissant de M. Hervé 1. . . , qui aurait été volontairement dissimulée.

1108. Il est de jurisprudence constante qu'un cadre d'entreprise qui participe à une réunion concernant les activités de l'entreprise qui l'emploie est réputé représenter ou engager cette entreprise. Pour établir la participation d'une entreprise à une entente conclue lors de réunions secrètes, il n'est pas nécessaire de déterminer si la personne qui la représentait à ces réunions détenait un mandat ou une autorité particulière à cet effet, mais seulement d'établir, en se fondant sur un faisceau d'indices suffisamment graves, précis et concordants, que l'entreprise a effectivement été présente à ces réunions (cour d'appel de Paris, Sté Colgate-Palmolive Services, 30 janvier 2014, p. 26).

1109. En l'espèce, MM. Dominique W. . . et Hervé 1. . . représentaient le groupe L'Oréal puisqu'ils se comportaient comme représentants du groupe, notamment en communiquant des informations sur les conditions commerciales de chacune des filiales actives dans le secteur des produits de grande consommation. Quant à M. Jérôme 10. . . , il représentait Lascad aux réunions des " Amis ". Trois salariés différents ont ainsi participé à des réunions à caractère anticoncurrentiel, dont le premier était en charge de l'homogénéisation des accords commerciaux pour toutes les affaires du groupe (M. Dominique W. . . ), le deuxième était directeur commercial d'une des deux filiales (M. Hervé 1. . . sous la responsabilité du directeur général des produits grand public France du groupe L'Oréal) et le troisième était responsable d'enseignes dans l'une de ces filiales (M. Jérôme 10. . . ). Compte tenu des responsabilités de ces personnes, l'ensemble des informations communiquées et recueillies par ces différents salariés ont permis à L'Oréal d'élaborer sa stratégie commerciale. Dans ces conditions, à supposer même que les supérieurs hiérarchiques de MM. W. . . , 1. . . et 10. . . n'aient pas été informés des agissements de leurs salariés, ce qui n'est d'ailleurs pas démontré, la participation de l'entreprise L'Oréal aux pratiques est établie.

1110. Il résulte de ce qui précède que L'Oréal n'est pas fondée à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés.

Sur la qualification juridique des faits reprochés à L'Oréal

En ce qui concerne les pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel

1111. L'Oréal conteste l'objet anticoncurrentiel des pratiques qui lui sont reprochées. Elle fait notamment valoir que les échanges auraient porté sur des données globales par secteur d'activité, qui seraient dépourvues de caractère stratégique, mais aussi que l'existence d'un système de surveillance des pratiques ne serait pas démontré. Elle conteste enfin les effets anticoncurrentiels des pratiques.

1112. S'agissant de la circonstance que la coordination a porté sur des déterminants des prix à un niveau global, l'argument sera écarté pour les motifs indiqués au point 1049.

1113. L'Oréal affirme néanmoins que ses négociations avec les enseignes de la grande distribution ne se déroulaient pas en fonction de catégories globales, mais sur des segments plus fins, en raison du large portefeuille de marques du groupe. Cependant, l'analyse des pièces fournies par L'Oréal montre que les segments évoqués demeurent des grandes catégories regroupant de très nombreuses lignes de produits, ce qui confirme que la négociation avec la grande distribution ne se déroulait pas en fonction d'un positionnement ligne à ligne. De plus, les exemples fournis par L'Oréal de ses accords avec le Galec montrent que les trois catégories mentionnées (Maquillage, Coloration et Parfums) relevaient du même secteur (1313 Parfumerie/Cosmétique), étaient négociées par la même équipe (numéro 02), avec le même signataire (M. 21. . . ) et le même correspondant (E. 22. . . ). De même, toutes les catégories de produits Gemey Maybelline était négociées avec Carrefour au sein d'un seul et même contrat, même si les montants de coopération commerciale pouvaient légèrement varier d'un segment à l'autre. Par conséquent, le fait que les négociations avec certains distributeurs aient pu, le cas échéant, aboutir à distinguer légèrement le montant de la coopération commerciale en fonction de segments de produits moins larges que le secteur des produits d'hygiène n'est pas de nature à remettre en cause le caractère stratégique des données échangées.

1114. S'agissant de l'existence d'un système de surveillance, l'argument devra être écarté pour les motifs indiqués au point 1079.

1115. S'agissant enfin des effets anticoncurrentiels des pratiques, il n'y a pas lieu d'examiner cette question au stade de la qualification juridique des faits dès lors que les pratiques reprochées à L'Oréal sont qualifiées d'infractions par objet. Les effets anticoncurrentiels des pratiques concertées seront donc évoqués lors de la détermination du montant de la sanction.

En ce qui concerne l'existence d'une entente unique

1116. En premier lieu, L'Oréal conteste que les pratiques concertées qui lui sont reprochées fassent partie intégrante d'une entente unique. Elle estime tout d'abord que son adhésion à un " plan d'ensemble " visant un objectif unique aurait " exigé une certaine forme d'organisation et de systématisation de la participation [de L'Oréal S. A. et Lascad] " qui n'a pas été démontrée. Ensuite, l'absence de participation de L'Oréal aux pratiques qui se sont déroulées dans le cadre de l'engagement Sarkozy, " période charnière dans la mise en œuvre du plan ", démontrerait que l'entreprise n'a pas pu adhérer au plan d'ensemble identifié par les services d'instruction.

1117. Toutefois, en prenant part aux pratiques qui se sont déroulées dans le cadre du Cercle Team PCP entre avril 2003 et le 24 mars 2004 et entre octobre 2005 et le 3 février 2006 et aux pratiques qui se sont déroulées dans le cadre du Cercle des Amis entre le 26 janvier 2006 et le 3 février 2006, L'Oréal a contribué à la poursuite de ce plan d'ensemble. L'entreprise a en effet communiqué et reçu des informations sur les principaux paramètres de la politique de prix, notamment sur ses évolutions tarifaires et ses dérives (objectifs de dérive, demande ou offre) à la fin de l'année 2003 et au début de l'année 2004, ainsi qu'à la fin de l'année 2005 et au début de l'année 2006. Elle a également échangé des informations sur le déroulement de ses négociations avec les distributeurs et sur son chiffre d'affaires. L'ensemble de ces échanges ont concouru, nonobstant l'interruption de sa participation aux pratiques entre le 24 mars 2004 et octobre 2005, à l'amélioration de sa position de négociation individuelle vis-à-vis de ses clients, et au maintien d'un niveau de marge proche de celui qu'elle dégageait à l'époque de la loi Galland. Par conséquent, L'Oréal n'est pas fondée à soutenir que les pratiques qui lui sont reprochées n'auraient pas concouru à la réalisation du " plan d'ensemble " visant un objectif unique décrit précédemment.

1118. L'Oréal soutient, en second lieu, qu'il n'est pas établi qu'en participant aux pratiques entre octobre 2005 et février 2006, l'entreprise avait entendu reprendre sa participation aux pratiques auxquelles elle avait cessé de participer début 2004. Or, en l'espèce, en 2005, L'Oréal a bien repris sa participation à des pratiques concertées identiques à celles auxquelles elle avait participé jusqu'en mars 2004. En effet, les réunions Team PCP auxquelles L'Oréal a participé en 2003 et 2004, par l'intermédiaire de M. Dominique W. . . , et en 2005 et 2006, par l'intermédiaire de M. Hervé 1. . . , sont identiques dans leur contenu, dans leurs participants et dans leurs finalités anticoncurrentielles (mêmes sujets, mêmes clients, etc. ). Dans ces circonstances, L'Oréal ne saurait alléguer ne pas avoir eu conscience de participer à la même infraction qu'auparavant.

1119. Ainsi, L'Oréal n'est pas fondée à contester la qualification juridique des pratiques dont elle est tenue responsable.

Conclusion

1120. Il résulte de ce qui précède que L'Oréal doit être tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes, contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce :

- les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP entre le mois d'avril 2003 et le 24 mars 2004 et entre le mois d'octobre 2005 et le 3 février 2006 ;

- les pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis entre le 26 janvier 2006 et le 3 février 2006.

1121. En revanche, L'Oréal n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

1122. Il résulte également de ce qui précède que Lascad doit être tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes, contraires à l'article 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE, et L. 420-1 du Code de commerce :

- les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP entre octobre 2005 et le 3 février 2006 ;

- les pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis (réunions) du 26 janvier au 3 février 2006.

1123. En revanche, Lascad n'est pas tenue responsable des autres pratiques concertées constitutives de l'entente unique dans le secteur de l'hygiène.

E. L'IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES

1. PRINCIPES

1124. La notion d'entreprise et les règles d'imputabilité relèvent des règles matérielles du droit de la concurrence de l'Union. L'interprétation qu'en donnent les juridictions de l'Union s'impose donc à l'autorité nationale de concurrence et aux juridictions nationales lorsqu'elles appliquent les articles 101 et 102 du TFUE parallèlement aux règles de concurrence internes du Code de commerce (arrêts de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands BV, précité, points 49 et 50, et de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e. a. , précité, p. 18).

a) Imputabilité au sein d'un groupe de sociétés

1125. Il résulte d'une jurisprudence constante que les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce visent les infractions commises par des entreprises.

1126. La notion d'entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, d'un point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. C'est cette entité économique qui doit, lorsqu'elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de responsabilité personnelle (arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e. a. /Commission, C-97/08 P, Rec. 2009 p. I-8237, points 54 à 57, et de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e. a. , précité, p. 18).

1127. Si la notion d'entreprise n'est pas identique à celle de personne morale, il est nécessaire, pour l'application et l'exécution des décisions de l'autorité de concurrence, d'identifier une ou plusieurs entités dotées de la personnalité juridique qui seront destinataires de l'acte. L'infraction au droit de la concurrence doit être imputée sans équivoque à une ou plusieurs personnes juridiques qui seront susceptibles de se voir infliger des amendes (arrêt Akzo Nobel e. a. /Commission, précité, point 57).

1128. Au sein d'un groupe de sociétés, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d'une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise aux fins du droit de la concurrence de l'Union. Dans ces conditions, une décision imposant des amendes peut être adressée à la société mère, sans qu'il soit requis d'établir l'implication personnelle de cette dernière dans l'infraction (arrêts Akzo Nobel e. a. /Commission, précité, points 58 et 59, et Lacroix Signalisation e. a. , précité, pp. 18 et 19).

1129. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ce cas de figure, l'autorité de concurrence sera en mesure de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l'amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêts Akzo Nobel e. a. /Commission, précité, points 60 et 61, et Lacroix Signalisation e. a. , précité, p. 19).

1130. La circonstance qu'une filiale commune soit détenue à 50 % par chacune des deux sociétés mères ne fait pas obstacle à l'établissement de l'existence d'une influence déterminante exercée conjointement par ces deux sociétés mères sur leur filiale commune, dès lors qu'il est démontré qu'en raison des liens économiques, organisationnels et juridiques existant entre la filiale et ses deux sociétés mères, ces dernières exercent, conjointement, une influence déterminante sur leur filiale (arrêts du 2 février 2012, EI du Pont de Nemours and Company et autres c/ Commission, aff. T-76/08, point 74 et The Dow Chemical Company, aff. T-77/08, point 89).

b) Imputabilité de l'infraction en cas de transformation de l'entreprise

1131. Lorsque l'existence d'une infraction est établie, il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment où l'infraction a été commise afin qu'elle réponde de celle-ci (Cour de justice, 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 47).

1132. Tant que la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, c'est elle qui doit être tenue pour responsable de ces pratiques. En particulier, elle continue de l'être même si les moyens matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction ont été cédés à une tierce personne (arrêts de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 47 à 49, et de la Cour de cassation du 20 novembre 2001, SACER e. a. , n° 99-16776 et 99-18253).

1133. Si la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n'en continue pas moins à répondre de l'infraction commise (Cour de justice, 7 janvier 2004, Aalborg Portland e. a. /Commission, précité, point 59).

1134. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a commis les pratiques a cessé d'exister juridiquement, il convient de déterminer la personne morale qui assure sa continuité économique (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6/89, Rec. p. II-1623, point 237, du 14 décembre 2006, Raiffesen Zentralbank Österreich e. a. /Commission, précité, point 325, et de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas e. a. , n° 01-17896 et 02-10066).

1135. Lorsque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise cesse d'exister du fait qu'elle a été absorbée par un acquéreur, les pratiques dont la société absorbée est l'auteur sont imputées à la personne morale qui a absorbé cette dernière (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e. a. /Commission, précité, point 326). Il peut également en être de même pour la société résultant de la fusion entre l'auteur des pratiques et une autre entité.

2. APPLICATION AU CAS D'ESPÈCE

1136. Les développements qui suivent analysent l'imputabilité des pratiques. Pour les entreprises en procédure de non-contestation des griefs, l'imputabilité des pratiques est rappelée ci-dessous par souci de clarté.

a) Le groupe Unilever

1137. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Unilever est tenue responsable, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1138. De 2003 à avril 2005, les produits d'hygiène et de soins du corps, ainsi que les produits d'entretien du groupe Unilever étaient commercialisés en France par la société Lever Fabergé France, qui est l'auteur des pratiques pour cette période (cotes 39 466 à 39 474, 45 141 et 45 142).

1139. Le 12 mars 2007, Lever Fabergé France a changé de dénomination sociale pour devenir Unilever France Home and Personal Care Société Industrielle (UF HPC SI). Au 31 août 2009, UF HPC SI a apporté ses activités commerciales et industrielles à la société Unilever France

Home and Personal Care Industries (UF HPC Industries), puis UF HPC SI a été absorbé par la société Topaze. La société Topaze est le successeur juridique de l'auteur des pratiques pour la période de 2003 à avril 2005.

1140. Sur la période comprise entre 2003 et 2005, la tête du groupe Unilever en France détenait 99,99 % du capital de Lever Fabergé France. En 2005, la tête de groupe a changé de dénomination sociale pour devenir Unilever France Holdings, nom qu'elle a encore aujourd'hui. Il s'agit d'une SAS.

1141. Le 3 avril 2005, Lever Fabergé France a confié son activité de commercialisation de produits d'entretien et d'hygiène personnelle en location-gérance à la société Unilever Bestfoods France, devenue à cette occasion Unilever France, qui est une SAS. Cette dernière n'a pas changé de raison sociale ni de dénomination depuis cette date. Il s'agit de l'auteur des pratiques à partir du 3 avril 2005.

1142. Par ailleurs, à partir du 3 avril 2005 et jusqu'à 2006, la société Unilever France, en charge de la commercialisation des produits d'hygiène et d'entretien du groupe, était détenue à 100 % par la société Topaze, qui était une SA et est devenue SAS en 2011, elle-même détenue à 99,99 % par Unilever France Holdings. Cette dernière société existe encore aujourd'hui.

1143. Enfin, Unilever France Holdings était détenue, à parité, indirectement, par Unilever NV et Unilever PLC. L'instruction n'a pas permis d'établir l'influence déterminante de ces dernières sur l'auteur des pratiques et sa société mère française.

1144. Les griefs sont imputés aux sociétés suivantes :

- Topaze jusqu'au 3 avril 2005, en tant que successeur juridique de l'auteur des pratiques au cours de cette période ;

- Unilever France à partir du 3 avril 2005, en tant qu'auteur des pratiques à compter de cette date ;

- Unilever France Holdings pour toute la durée de la pratique, en tant que société mère française des auteurs des pratiques.

b) Le groupe Procter & Gamble

Sur les pratiques commises par l'entreprise Procter & Gamble

1145. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Procter & Gamble est tenue responsable, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1146. Au cours de la période allant de 2003 jusqu'en décembre 2004, Procter & Gamble France, auteur des pratiques, a été l'entité en charge, notamment, de la commercialisation des produits d'entretien et d'hygiène corporelle en France. Il s'agissait d'une SNC. En décembre 2004, Procter & Gamble France a été transformée en SAS. Cette société commercialise depuis l'ensemble des produits du groupe en France (cotes 39 433 à 39 455, 39 428 à 39 431).

1147. Entre 2003 et le 31 décembre 2004, la société Procter & Gamble France était détenue à 99,9 % par la société tête de groupe en France, aujourd'hui dénommée Procter & Gamble Holding France, qui est une SAS. Le 31 décembre 2004, cette détention, qui perdure encore aujourd'hui, devient de 100 %. Procter & Gamble France est donc aujourd'hui unipersonnelle.

1148. La holding française, Procter & Gamble Holding France, a toujours été contrôlée, directement ou indirectement, par The Procter & Gamble Company, société tête du groupe au niveau mondial.

1149. Les griefs sont imputés aux sociétés suivantes :

- Procter & Gamble France en sa qualité d'auteur des pratiques ;

- Procter & Gamble Holding France en sa qualité de société mère française de l'auteur des pratiques ;

- The Procter & Gamble Company en sa qualité de société mère ultime de l'auteur des pratiques.

Sur les pratiques commises par l'entreprise Gillette

1150. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Gillette est tenue responsable, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1151. La société Groupe Gillette France (SASU), entité en charge de la commercialisation des produits Gillette en France entre 2003 et mars 2006 (date du rapprochement des équipes commerciales de Gillette et Procter & Gamble), a été absorbée par la société Procter & Gamble France, SAS unipersonnelle, le 1er janvier 2007.

1152. Avant le 1er janvier 2007, date de la fusion absorption de Groupe Gillette France par Procter & Gamble France, trois périodes doivent être distinguées :

- entre 2003 et le 8 novembre 2005, la société Groupe Gillette France était détenue, en quasi-totalité, par The Gillette Company. The Gillette Company a fusionné avec la société The Procter & Gamble Company en octobre 2005 et n'a plus, à ce jour, d'existence juridique.

- à partir du 8 novembre 2005, la société Groupe Gillette France a été cédée à des filiales du groupe Procter & Gamble contrôlées, indirectement, par The Procter & Gamble Company.

- à compter du 30 novembre 2005, Groupe Gillette France était contrôlé par Procter & Gamble services Neuilly, société tête du groupe Procter & Gamble en France, actuellement dénommée Procter & Gamble Holding France, elle-même contrôlée indirectement par The Procter & Gamble Company.

1153. Les griefs sont imputés aux sociétés suivantes :

- Procter & Gamble France en sa qualité de successeur juridique de l'auteur de la pratique pour toute sa durée ;

- Procter & Gamble Holding France à partir du 30 novembre 2005 en sa qualité de société mère française de l'auteur de la pratique ;

- The Procter & Gamble Company pour toute la durée de la pratique : en sa qualité de successeur juridique de The Gillette Company (mère directe de l'auteur de la pratique avant le 8 novembre 2005), puis en sa qualité de société mère ultime de l'auteur de la pratique entre le 8 novembre 2005 et la fin des pratiques.

c) Le groupe Henkel

1154. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Henkel est tenue responsable, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1155. La société Henkel France SA a assuré l'activité de fourniture de produits d'entretien et de produits d'hygiène à la grande distribution, entre 2003 et 2006 sans connaître de changement de forme ou de dénomination sociale. En outre, Henkel France n'a connu aucun changement, ni de nom, ni de forme sociale, depuis la fin des pratiques identifiées jusqu'à ce jour (cotes 39 794 à 39 800).

1156. Depuis 2003 jusqu'à 2006, le capital de cette société française a été détenu, à 99,9 ou 100 %, par une structure intermédiaire, elle-même détenue à 100 % par la société faîtière Henkel KGaA. Depuis la fin des pratiques, cette dernière n'a pas changé de forme sociale, mais a changé de nom à l'issue de l'assemblée générale du 14 avril 2008 et se dénomme désormais Henkel AG & Co. KGaA.

1157. Les griefs sont imputés à :

- la société Henkel France en qualité d'auteur de la pratique ;

- la société Henkel AG & Co. KGaA en qualité de société mère ultime de l'auteur.

d) Le groupe Colgate-Palmolive

1158. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Colgate-Palmolive est tenue responsable, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1159. Pour la période comprise entre 2003 et 2004, une société unique assurait la commercialisation de produits détergents et d'hygiène corporelle en France et le rôle de société holding des autres sociétés du groupe Colgate-Palmolive en France : il s'agissait de Colgate-Palmolive (SA), devenue Colgate-Palmolive Services (SA) en 2005 (cotes 39 457 à 39 464).

1160. Le contrôle de la société faîtière Colgate-Palmolive Company sur Colgate-Palmolive (SA) était exercé de la façon suivante : elle détenait 100 % de Colgate-Palmolive International Inc, dont la succursale française détenait 100 % du capital de Colgate-Palmolive (SA).

1161. À partir de janvier 2005, la société Colgate-Palmolive (SA), devenue Colgate-Palmolive Services (SA), a cessé d'assurer la commercialisation des produits détergents, des produits d'entretien, d'hygiène corporelle et de soins du corps du groupe Colgate-Palmolive en France. Ce rôle a été imparti à la société Colgate-Palmolive (SASU), laquelle était détenue à 100 % par la société Colgate-Palmolive (SA), devenue Colgate-Palmolive Services (SA).

1162. Depuis cette date, le contrôle de la société faîtière sur les sociétés françaises n'a pas changé et s'exerce via les sociétés intermédiaires décrites ci-dessus.

1163. Les griefs sont imputés aux sociétés suivantes :

- la société Colgate-Palmolive, en tant qu'auteur des pratiques à compter du 1er janvier 2005 ;

- la société Colgate-Palmolive Services, en tant qu'auteur des pratiques pour la période antérieure au 1er janvier 2005, et en tant que société mère française de l'auteur des pratiques pour la période comprise entre le 1er janvier 2005 et la fin des pratiques ;

- la société Colgate-Palmolive Company en tant que société mère ultime pour toute la durée des pratiques.

e) Le groupe Beiersdorf

1164. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Beiersdorf est tenue responsable, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1165. Depuis 2003, la commercialisation, en France, de produits d'hygiène et de soins du corps à destination des grandes et moyennes surfaces était assurée, au sein du groupe Beiersdorf, par la société Beiersdorf SA. Le 30 janvier 2009, cette société a changé de forme sociale et est devenue Beiersdorf SAS. Elle n'a subi aucune modification de forme ou de dénomination sociale depuis cette date (cotes 39 519 à 39 536).

1166. La société Beiersdorf SA (devenue Beiersdorf SAS) était détenue à 99 % par la société Beiersdorf Holding France SARL, jusqu'au 28 juin 2008, date à laquelle la détention devient de 99,89 %. Par ailleurs, depuis 2003, la société Beiersdorf Holding France SARL est elle-même détenue à 99,99 % par la société Beiersdorf AG.

1167. Les griefs sont imputés aux sociétés suivantes :

- la société Beiersdorf SAS, en tant qu'auteur des pratiques ;

- la société Beiersdorf Holding France SARL en tant que société mère française de l'auteur des pratiques ;

- la société Beiersdorf AG en tant que société mère ultime de l'auteur des pratiques.

f) Le groupe Reckitt Benckiser

1168. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Reckitt Benckiser est tenue responsable, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1169. Depuis 2003, la commercialisation des produits d'entretien et des produits d'hygiène et de soins du corps est assurée, au sein du groupe Reckitt Benckiser, par la société Reckitt Benckiser France, qui est une SAS. Elle n'a pas changé de dénomination ou de forme sociale (cotes 39 578 à 39 707, 39 729 à 39 737 et 45 148).

1170. Tout au long de la période, depuis 2003 jusqu'à aujourd'hui, la société Reckitt Benckiser France était détenue à 100 % par la société RB Holding France (SAS). En avril 2010, cette dernière est renommée RB Holding Europe du Sud, et est transformée en société en nom collectif.

1171. En ce qui concerne la structure de contrôle des sociétés françaises, à compter de juin 2003 et jusqu'en 2006, la société RB Holding France (devenue RB Holding Europe du Sud) était elle-même détenue indirectement à 100 % par la société Reckitt Benckiser PLC, par l'intermédiaire de sociétés interposées. Reckitt Benckiser PLC existe toujours aujourd'hui.

1172. Les griefs sont imputés aux sociétés suivantes :

- la société Reckitt Benckiser France, en tant qu'auteur des pratiques ;

- la société RB Holding Europe du Sud, en tant que société mère française de l'auteur des pratiques ;

- la société Reckitt Benckiser PLC, en tant que société mère ultime.

g) Le groupe Laboratoires Vendôme

1173. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Laboratoires Vendôme est tenue responsable, la personne morale mise en cause dans le cadre de la présente affaire ne conteste pas les griefs.

1174. Entre 2003 et septembre 2005, la commercialisation des produits d'hygiène et de soins du corps était assurée, au sein du groupe Laboratoires Vendôme, par la société Laboratoires Vendôme SAS (cotes 39 418 à 39 426).

1175. En septembre 2005, Laboratoires Vendôme SAS a été absorbé par la société Vendôme SAS, qui est devenue, suite à l'absorption, Laboratoires Vendôme. Laboratoires Vendôme est, à compter de cette date, en charge de l'activité opérationnelle au sein du groupe Laboratoires Vendôme.

1176. Laboratoires Vendôme a elle-même été absorbée par la société Groupe Vendôme en août 2009.

1177. À cette occasion, la société Groupe Vendôme change de dénomination sociale, devenant Laboratoires Vendôme. En janvier 2011, la société Laboratoires Vendôme est renommée Johnson & Johnson Santé Beauté France. Depuis cette date, la société n'a connu aucun changement de forme sociale ou de dénomination sociale.

1178. À compter de 2003 et jusqu'en décembre 2004, l'auteur des pratiques était contrôlé à 100 % par la société Vendôme SA. Puis, entre décembre 2004 et 2005, Vendôme SA était détenue à 96 % par la société Groupe Vendôme (SA).

1179. En 2005, comme expliqué au point 1175, la société Vendôme SA (devenue Vendôme SAS), maison mère, a absorbé l'auteur des pratiques et a été renommée Laboratoires Vendôme.

1180. Suite à cette absorption et jusqu'en mai 2006, l'auteur des pratiques, à savoir la société Laboratoires Vendôme, était contrôlée à 96 % par la société Groupe Vendôme (SA). Ainsi qu'il a été expliqué aux points 1176 et suivants, la société Laboratoires Vendôme, auteur des pratiques, a été absorbée par Groupe Vendôme (SA) en 2009, cette dernière ayant été renommée Laboratoires Vendôme, puis Johnson & Johnson Santé Beauté France en janvier 2011. Cette dernière société est une SAS unipersonnelle.

1181. Les griefs sont imputés à la société Johnson & Johnson Santé Beauté France en qualité de successeur juridique de l'auteur de l'infraction et de sa société mère.

h) Le groupe Vania Expansion

1182. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Vania est tenue responsable, les personnes morales mises en cause dans le cadre de la présente affaire ne contestent pas les griefs.

1183. Entre 2003 et 2006, la société Vania Expansion SNC était en charge de la commercialisation des produits d'hygiène et de soins du corps au sein du groupe Vania Expansion. Tout au long de cette période, et jusqu'en février 2012, cette société n'a pas connu de modification de dénomination ou de forme sociale. En février 2012, la société a été transformée en SAS : elle se dénomme désormais Vania Expansion (cotes 39 537 à 39 543).

1184. En ce qui concerne la structure de contrôle de la société Vania Expansion SNC, entre 2003 et le 1er mars 2009, la société était détenue à 50 % par la société Johnson & Johnson Consumer France SAS et à 50 % par la société en commandite par actions Georgia Pacific France. Le 1er juillet 2005, Georgia Pacific France a changé de forme sociale et est devenue une société par action simplifiée. Au début de l'année 2013, Georgia Pacific France a changé de dénomination sociale et est devenue SCA Tissue France.

1185. Entre 2003 et 2006, à l'époque des pratiques, Vania Expansion SNC ne disposait pas d'une autonomie commerciale à l'égard de ses deux sociétés mères, Georgia Pacific France et Johnson & Johnson Consumer France SAS exerçant, conjointement, une influence déterminante sur sa politique commerciale.

1186. À compter du 1er mars 2009, la société Vania Expansion SNC est devenue une filiale, directe puis indirecte, à 100 % de la société Johnson & Johnson Consumer France SAS (devenue Johnson & Johnson Consumer Holdings France le 1er janvier 2011).

1187. Les griefs sont imputés aux sociétés suivantes :

- Vania Expansion, en qualité d'auteur des pratiques ;

- Johnson & Johnson Consumer Holdings France et SCA Tissue France, en leur qualité de sociétés mères de l'auteur des pratiques.

i) Le groupe Bolton Solitaire

1188. Entre 2003 et juin 2010, la société en charge de la commercialisation, en France, des produits d'entretien et des insecticides au sein du groupe Bolton Solitaire était la société Bolton Solitaire SA. Le 1er juin 2010, sa forme sociale a été modifiée : elle est devenue Bolton Solitaire SAS. Elle n'a pas connu d'autres modifications sociales et a conservé ses fonctions de commercialisation jusqu'à ce jour (cotes 39 513 à 39 515, cotes 39 805 et 39 885).

1189. Entre 2003 et 2006, la société Bolton Solitaire SA a toujours été détenue à 100 %, directement ou indirectement, par Bolton Manitoba S. p. A. , établie en Italie. Il existe donc une présomption réfragable, à l'encontre de laquelle aucun élément n'est mis en avant par les entreprises en l'espèce, que Bolton Solitaire SA et Bolton Manitoba S. p. A. , formaient une seule entreprise à l'époque des pratiques.

1190. Eu égard à ces différents éléments, en faisant application des principes rappelés ci-dessus sur les règles d'imputabilité, il y a donc lieu, en ce qui concerne les comportements de Bolton Solitaire, d'imputer les griefs, pour toute la durée des pratiques, aux sociétés suivantes :

- la société Bolton Solitaire SAS, en tant qu'auteur des pratiques ;

- la société Bolton Manitoba S. p. A. en tant que société mère de l'auteur des pratiques.

j) Le groupe SC Johnson

1191. Entre 2003 et 2006, la société SC Johnson SAS était en charge de la commercialisation, en France, des produits d'entretien et des insecticides pour le groupe SC Johnson. Depuis 2003, la société n'a connu aucun changement de forme sociale ou de dénomination (cotes 39 545 à 39 547 et 46 582).

1192. Pendant toute cette période, la société SC Johnson SAS était détenue, de manière directe ou indirecte, à plus de 99 % par la société SC Johnson & Son, Inc. Il existe donc une présomption réfragable, qu'aucun élément ne permet de renverser non plus en l'espèce, que SC Johnson SAS et SC Johnson & Son, Inc, formaient une seule entreprise à l'époque des pratiques.

1193. La société faîtière SC Johnson & Son, Inc n'a connu aucune modification de dénomination ou de forme sociale depuis 2003.

1194. Eu égard à ces différents éléments, en faisant application des principes rappelés ci-dessus sur les règles d'imputabilité, il y a donc lieu, en ce qui concerne les comportements de SC Johnson, d'imputer les griefs, pour toute la durée des pratiques, aux sociétés suivantes :

- la société SC Johnson SAS, en tant qu'auteur des pratiques ;

- la société SC Johnson & Son, Inc. , en tant que société mère de l'auteur des pratiques.

k) Le groupe L'Oréal

1195. Entre 2003 et 2006, la commercialisation des produits d'hygiène et de soins du corps à la grande distribution, au sein du groupe L'Oréal, était assurée par trois sociétés distinctes : L'Oréal (SA) par l'intermédiaire de son département sans personnalité juridique propre L'Oréal Paris France, Lascad et Gemey Maybelline Garnier. Les deux dernières entités sont des sociétés en nom collectif, filiales du groupe L'Oréal rattachées à L'Oréal (SA). Depuis 2003, elles n'ont pas changé de forme ou de dénomination sociale (cotes 39 495 à 39 511).

1196. La société L'Oréal (SA) est la société mère du groupe L'Oréal. En particulier, depuis le 1er janvier 2003, L'Oréal (SA) détient à 100 %, de manière indirecte, la filiale Lascad. Il existe donc une présomption réfragable, qu'aucun élément ne permet de renverser en l'espèce, que L'Oréal (SA) et Lascad (SNC) formaient une seule entreprise (ci-après dénommée " L'Oréal ") à l'époque des pratiques.

1197. L'Oréal (SA) n'a pas changé de dénomination et de forme sociale depuis cette date.

1198. Il résulte des éléments exposés dans les constatations que les pratiques concertées mises en œuvre par L'Oréal ont consisté en des échanges d'informations relatives à la stratégie commerciale et à la performance de ces trois sociétés du groupe L'Oréal (L'Oréal, Lascad et Gemey Maybelline Garnier).

1199. Lors de la première période de participation de L'Oréal à l'entente, l'entreprise était représentée par M. Dominique W. . . , salarié de la société L'Oréal (SA) qui agissait pour l'ensemble des sociétés du groupe. Au cours de cette période, l'auteur des pratiques est donc la société L'Oréal (SA).

1200. Lors de la seconde période de participation L'Oréal à l'entente (à partir d'octobre 2005, date de reprise de la participation de L'Oréal aux pratiques), elle était représentée dans le Cercle Team PCP par M. Hervé 1. . . , salarié de Lascad. Ce dernier communiquait, lors de réunions ou dans le cadre de correspondances, des informations sur Lascad uniquement (pour le déroulement des négociations par exemple) ou sur le groupe L'Oréal dans son ensemble (pour les tarifs par exemple). Il agissait, selon le cas, au nom et pour le compte de Lascad ou de L'Oréal (SA), société tête du groupe. En ce qui concerne le Cercle des Amis, Lascad a participé à cette pratique, mais il a été indiqué au point 1085 que L'Oréal (SA) ne pouvait pas ignorer l'existence de ces pratiques à compter du début de la participation de M. Jérôme 10. . . à ces pratiques.

1201. Au cours de cette seconde période, les sociétés Lascad SNC et L'Oréal (SA) sont donc coauteurs des pratiques.

1202. Eu égard à ces différents éléments, en faisant application des principes rappelés ci-dessus sur les règles d'imputabilité, il y a donc lieu, en ce qui concerne les comportements constatés précédemment, commis par L'Oréal, d'imputer les griefs aux sociétés suivantes :

- la société Lascad SNC en sa qualité d'auteur des pratiques à partir du mois d'octobre 2005 ;

- la société L'Oréal (SA) en tant qu'auteur des pratiques sur toute la période et de maison mère de Lascad à compter d'octobre 2005.

l) Le groupe Sara Lee

1203. S'agissant des pratiques dont l'entreprise Sara Lee est tenue responsable, la société Colgate-Palmolive, successeur juridique de l'auteur des pratiques ne conteste pas les griefs. En revanche, la société Hillshire Brands Company, société mère de l'auteur des pratiques, soutient qu'aucune infraction ne peut lui être imputée.

1204. La société Sara Lee Household and Body Care France, qui était une société en nom collectif (SNC), était en charge, au sein du groupe Sara Lee, de la commercialisation des produits d'hygiène et de soins du corps, ainsi que des produits d'entretien (cote 39 573), entre 2003 et 2006. Il s'agit donc de l'auteur des pratiques (cotes 39 557 à 39 574, 39 709 à 39 719).

1205. Son contrôle a été transféré au groupe Colgate-Palmolive en novembre 2011. Ce changement de contrôle a été suivi de la fusion de Sara Lee Household and Body Care France avec Colgate-Palmolive le 1er décembre 2011. Aujourd'hui, Sara Lee Household and Body Care France (qui était une SNC et a été transformée en SASU le 8 avril 2010) n'a donc plus d'existence juridique et Colgate-Palmolive s'est vu conférer ses droits et obligations, à la suite de la fusion.

1206. Par ailleurs, entre 2003 et 2006, Sara Lee Household and Body Care France était détenue indirectement à 100 % par la société Sara Lee Southern Europe SL (cotes 39 712 à 39 719), elle-même contrôlée à 100 %, de manière indirecte, tout au long de cette période, par la société Sara Lee Corporation. Il existe donc une présomption réfragable que Sara Lee Household and Body Care France (SNC) et Sara Lee Corporation formaient une seule entreprise à l'époque des pratiques.

1207. En 2012, Sara Lee Corporation a subi plusieurs transformations : une partie de son activité a été cédée à D. E. Master Blenders 1753 N. V. et Sara Lee Corporation a été renommée Hillshire Brands Company (cote 45027).

1208. En faisant application des principes rappelés ci-dessus sur les règles d'imputabilité, il y a donc lieu, en ce qui concerne les comportements de Sara Lee, d'imputer les griefs aux sociétés suivantes :

- la société Colgate-Palmolive, en tant que successeur juridique de l'auteur des pratiques ;

- la société Hillshire Brands Company en tant que société mère de l'auteur des pratiques.

Sur l'argumentation d'Hillshire

1209. Hillshire soutient qu'aucune infraction à l'article 101 du TFUE ou à l'article L. 420-1 du Code de commerce ne peut lui être imputée.

1210. En premier lieu, Hillshire fait valoir que le fait d'imputer à une société mère la responsabilité des faits commis par sa filiale est contraire aux principes de responsabilité personnelle et d'individualisation des peines. Toutefois, selon la jurisprudence rappelée au point 1128, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère lorsque la société mère et sa filiale font partie d'une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise aux fins du droit de la concurrence. C'est donc à tort qu'Hillshire soutient que ces règles d'imputabilité méconnaissent les principes de responsabilité personnelle et d'individualisation des peines (voir en ce sens : cour d'appel de Paris, 29 mars 2012, Société Lacroix Signalisation, précité, p. 20).

1211. En deuxième lieu, Hillshire soutient que, l'imputation des pratiques commises par une société à sa société mère n'étant pas obligatoire, le fait de retenir la responsabilité solidaire d'Hillshire en tant qu'ancienne société mère de Sara Lee est contraire au principe de nécessité des peines. Il ne serait en effet pas nécessaire de lui imputer l'infraction dès lors que la société Colgate-Palmolive, successeur juridique de sa filiale Sara Lee Household & Body Care France, dispose des moyens financiers pour faire face à la sanction pécuniaire.

1212. Il est exact que l'imputation des pratiques d'une filiale à sa société mère ne constitue qu'une faculté pour l'autorité de concurrence (Tribunal, 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e. a. /Commission, précité, point 331 ; cour d'appel de Paris, 28 octobre 2010, n° 2010/03405, p. 15). Toutefois, la possibilité d'imputer une infraction à une société mère ne dépend, en aucune façon, des moyens financiers dont dispose sa filiale, auteur des pratiques, ou le successeur juridique de cette dernière. Par conséquent, l'Autorité n'a pas méconnu le principe de nécessité des peines en retenant la responsabilité solidaire d'Hillshire et de la société Colgate-Palmolive, successeur juridique de l'auteur des pratiques.

1213. En troisième lieu, Hillshire soutient qu'en appliquant la présomption d'imputabilité liée à la détention, par une société mère, de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de sa filiale, l'Autorité ferait application d'une jurisprudence plus sévère que celle appliquée à l'époque où les faits poursuivis ont été commis, au cours de laquelle la pratique décisionnelle de l'Autorité n'aurait permis de retenir que la responsabilité de la filiale directement auteur des pratiques. Cette application d'une jurisprudence nouvelle serait constitutive d'une violation du principe de non-rétroactivité de la loi pénale posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

1214. Toutefois, il ne peut être soutenu que l'Autorité a violé le principe de non-rétroactivité, en ce qu'elle aurait appliqué de manière rétroactive une nouvelle politique répressive. En effet, les règles d'imputation des infractions à l'article 81 CE, devenu 101 du TFUE, étaient déjà applicables à l'époque à laquelle l'infraction a été commise (arrêts de la Cour de justice du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, point 41, et du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e. a. /Commission, C-294/98 P, Rec. p. I-10065, points 33 et 34). Si, les règles d'imputation ont pu, à l'époque des faits ou par la suite, faire l'objet de certaines clarifications ou précisions du fait de la jurisprudence de l'Union, il ne peut pas être considéré que ces dernières ont abouti à une nouvelle interprétation desdites règles, dont le résultat n'aurait pas été prévisible au vu de la jurisprudence antérieure. Par conséquent, la décision attaquée, qui ne peut pas être regardée comme la mise en œuvre d'une nouvelle politique répressive, ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité de la loi pénale (voir en ce sens : arrêt du Tribunal, 3 mars 2011, Areva et a. et Alstom / Commission, T-117/07 et T-121/07, point 139).

1215. En quatrième et dernier lieu, Hillshire soutient qu'elle n'exerçait pas, à l'époque des faits, d'influence déterminante sur sa filiale Sara Lee Household & Body Care France.

1216. D'une part, Hillshire invoque les déclarations de M. François D. . . relatives à l'élaboration de la politique commerciale de Sara Lee Household & Body Care France (cotes 31 031 et 31 032). Mais un tel argument est inopérant en droit : ce n'est pas en effet une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans l'infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 du traité CE, devenu l'article 101 du TFUE qui permet à l'autorité de concurrence d'imputer l'infraction à la société mère (Tribunal, 27 octobre 2010, Alliance One International, Inc. , T-24/05, Rec. 2010 p. II-05329, point 169). Il manque également en fait : il résulte du procès-verbal d'audition du 7 janvier 2014 de M. Andrea 17. . . , ancien président de la société Sara Lee Household & Body Care France à partir de 2006, qu'un plan d'activité fixant les objectifs de la société était élaboré en décembre-janvier puis " approuvé " en février-mars. Ces objectifs étaient discutés avec le siège européen du groupe à Utrecht et rapportés au siège mondial, ce dernier pouvant demander des modifications sur les activités Home and Body Care. Il est également précisé que des rapports mensuels, qui portaient notamment de façon détaillée sur le déroulement des négociations, avaient lieu auprès du responsable région et du PDG du groupe Sara Lee (cotes 52 949 et 52 950). L'argument d'Hillshire n'est donc pas de nature à renverser la présomption de son influence déterminante sur son ancienne filiale.

1217. D'autre part, Hillshire considère qu'elle n'avait pas la possibilité d'exercer une influence déterminante sur sa filiale en raison de l'attitude des pouvoirs publics français à l'époque de l'engagement Sarkozy. Elle n'aurait pas pu dissuader sa filiale de s'engager dans les pratiques en cause, car les pratiques poursuivies n'étaient que la conséquence irrésistible des pressions des pouvoirs publics. Toutefois, cet argument est inopérant dès lors que les initiatives des pouvoirs publics ne pouvaient pas remettre en cause les liens économiques, organisationnels et juridiques existant entre Sara Lee Household & Body Care France et sa société mère à l'époque des faits. L'action des pouvoirs publics est donc sans incidence sur le fait que Sara Lee et sa société mère formaient, à l'époque des faits, une même unité économique et, partant, une seule entreprise aux fins du droit de la concurrence.

1218. Par conséquent, Hillshire n'est pas fondée à soutenir que les pratiques en cause ne lui seraient pas imputables.

III. Sur les sanctions

1219. Seront successivement abordés ci-après :

- les principes relatifs à la détermination des sanctions (A) ;

- la détermination du montant de base (B) ;

- la prise en compte des circonstances propres à chaque entreprise (C).

A. PRINCIPES

1220. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce et l'article 5 du règlement n° 1/2003 habilitent l'Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.

1221. Aux termes du quatrième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce " (s)i le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".

1222. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le (titre VI du livre IV du Code de commerce). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ".

1223. En l'espèce, l'Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après " le communiqué sanctions ").

1224. Chacune des entreprises en cause dans la présente affaire a été mise en mesure de formuler des observations sur les principaux éléments de droit et de fait du dossier susceptibles, selon les services d'instruction, d'influer sur la détermination de la sanction pouvant lui être imposée. La présentation de ces différents éléments par les services d'instruction ne préjuge pas de l'appréciation du collège sur les déterminants de la sanction, qui relève de sa seule délibération.

1225. Par ailleurs, dans le cas des sociétés en procédure de non-contestation des griefs, l'Autorité fera application du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, qui dispose que " lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la sanction ".

B. SUR LA DÉTERMINATION DU MONTANT DE BASE

1. SUR LA VALEUR DES VENTES

a) Principes

1226. La valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits en relation avec l'infraction effectuées par chacune des entreprises en cause, durant son dernier exercice comptable complet de participation à cette infraction, pourra être utilement retenue comme assiette de leur sanction respective. Certes, le Code de commerce, en ne se référant pas au chiffre d'affaires lié au secteur ou au marché en cause, mais uniquement au chiffre d'affaires mondial consolidé ou combiné, n'impose pas à l'Autorité de procéder de la sorte (arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997, Société française de transports Gondrand frères, n° 95-16378). Pour autant, ce paramètre constitue généralement une référence appropriée et objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à la réalité économique de l'infraction en cause, et plus précisément à son ampleur ainsi qu'au poids relatif dans le secteur concerné de chacune des entreprises qui y a participé (voir, en ce sens, arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e. a. , n° 2011/03298, p. 72 ; voir également arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e. a. , précité, pp. 37 et 38), comme cela ressort aussi de la jurisprudence constante des juridictions de l'Union (arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80, Rec. p. 1825, points 119 à 121 et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e. a. /Commission, C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P, Rec. p. I-7191, point 114).

1227. Le communiqué sanctions rappelle notamment que :

" 23. Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause (2). La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s). (...)

33. La référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, sous réserve du point 37 ci-dessous. La qualification de l'infraction ou des infractions effectuée par l'Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services.

34. Les ventes en cause sont toutes celles réalisées en France.

35. Leur valeur correspond au chiffre d'affaires de l'entreprise ou de l'organisme concerné relatif aux produits ou services en cause.

36. L'entreprise ou l'organisme concerné fournit la valeur de ses ventes à l'Autorité, ainsi que l'ensemble des données nécessaires pour lui permettre d'en vérifier l'exactitude. Lorsque l'intéressé ne transmet pas ces données ou qu'elles apparaissent incomplètes ou insuffisamment fiables, l'Autorité n'est pas en mesure de recourir utilement à la valeur des ventes. Elle est alors conduite à se déterminer à partir des données dont elle dispose, comme le chiffre d'affaires total, même si ces données sont moins directement en rapport avec l'infraction ou avec les infractions commises et donc moins favorables pour l'intéressé. (...)

39. La méthode décrite ci-dessus peut être adaptée dans les cas particuliers où l'Autorité estime que la référence à la valeur des ventes ou ses modalités de prise en compte aboutirait à un résultat ne reflétant manifestement pas de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction ou le poids relatif de chaque entreprise ou organisme qui y a pris part. Il peut par exemple en être ainsi lorsque :

- l'infraction consiste à s'entendre sur des commissions par lesquelles des entreprises se rémunèrent à l'occasion de la vente de certains produits ou services, auquel cas l'Autorité peut retenir ces commissions comme référence ;

- l'infraction consiste, pour une entreprise, à s'entendre avec d'autres pour s'abstenir d'effectuer des ventes en France, auquel cas l'Autorité peut tenir compte des ventes réalisées ailleurs dans l'Espace économique européen (EEE) ".

b) Application au cas d'espèce

Sur l'utilisation du chiffre d'affaires comme assiette de l'amende dans les deux secteurs

1228. Il y a lieu de retenir, pour la valeur des ventes, et comme le prévoit le point 35 du communiqué sanctions, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises en cause dans la commercialisation des produits inclus dans le périmètre de la valeur des ventes.

1229. Conformément aux règles de la comptabilité française, il s'agit du chiffre d'affaires, déduction faite des seules remises sur facture et des remises conditionnelles réalisé par les entreprises mises en cause.

1230. La quasi-totalité des entreprises mises en cause, à l'exception d'Hillshire, conteste la prise en compte du chiffre d'affaires au sens de la comptabilité française comme assiette de la valeur des ventes et demande que soit déduit du chiffre d'affaires le montant de la coopération commerciale, c'est-à-dire que soit retenu le chiffre d'affaires " triple net ".

1231. Les mises en cause font valoir que les normes IFRS déduisent du chiffre d'affaires total les sommes versées aux distributeurs au titre de la coopération commerciale, que le recours au chiffre d'affaires comme assiette de l'amende ne reflète ni le poids réel de chaque entreprise ni l'ampleur de l'infraction et que cela reviendrait à violer le principe d'égalité de traitement.

1232. Pour autant, aucun argument soulevé par les entreprises mises en cause ne justifie de s'écarter du chiffre d'affaires au sens de la comptabilité française.

1233. Il convient de rappeler que les dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce ont fixé le montant maximum de la sanction infligée à une entreprise en se fondant expressément sur le chiffre d'affaires : " Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du chiffre d'affaires mondial hors taxe le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ".

1234. Les dispositions législatives font donc expressément référence au chiffre d'affaires pour la détermination de la sanction imposée à une entreprise. Dans la mesure où seules les règles comptables françaises s'imposent à l'ensemble des opérateurs qui exercent une activité économique en France, la notion de chiffre d'affaires renvoie nécessairement au chiffre d'affaires tel que calculé selon ces normes comptables. En effet, il ne peut s'entendre comme une référence au chiffre d'affaires au sens des normes IFRS, qui ne sont obligatoires, en France, que pour les sociétés qui font appel public à l'épargne et ne concernent pas toutes les mises en cause.

1235. L'utilisation du chiffre d'affaires au sens de la comptabilité française, seul applicable à toutes les mises en cause à la date des faits, permet de garantir la vérifiabilité des données relatives à la valeur des ventes, en conformité avec les dispositions législatives et les principes rappelés dans le communiqué sanctions. Le chiffre d'affaires utilisé est celui qui apparaît dans les liasses fiscales, qui constituent des documents de référence pour les entreprises dans leurs relations avec l'administration.

1236. Dans le même sens, le communiqué sanction rappelle que la valeur des ventes " correspond au chiffre d'affaires de l'entreprise ou de l'organisme concerné relatif aux produits ou services en cause " (point 35). L'Autorité ne retient une autre méthode que dans le cas particulier où cela " aboutirait à un résultat ne reflétant manifestement pas de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction ou le poids relatif de chaque entreprise ou organisme qui y a pris part " (point 39). Tel peut être le cas lorsque les entreprises sont actives en tant que structures de commercialisation et perçoivent des commissions (décisions n°12-D-27 relative à la billetterie de spectacle, point 224, et n°12-D-09 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires, point 781), ce qui n'est nullement le cas en l'espèce.

1237. Contrairement à ce que soutiennent les mises en cause, le recours au chiffre d'affaires relatif aux produits en cause permet en effet une évaluation proportionnée de l'amende à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif de chaque entreprise. La circonstance que les remises de coopération commerciale soient, pour la période des pratiques en cause, en partie fictives ne justifie pas d'écarter le chiffre d'affaires calculé selon les normes comptables françaises, lequel constitue la meilleure référence objective, applicable à toutes les parties en cause à la date des pratiques, et qui ne peut en aucun cas être considérée comme ne reflétant manifestement pas l'ampleur de l'infraction au sens du point 39 du communiqué.

1238. L'utilisation, comme assiette de l'amende, du chiffre d'affaires au sens de la comptabilité française n'est pas non plus de nature à conduire à une violation de l'égalité de traitement entre les entreprises. En effet, les règles comptables applicables en France pour calculer le chiffre d'affaires d'une entreprise sont identiques et obligatoires quelle que soit l'entreprise. L'ensemble des entreprises concernées sont donc traitées de la même façon.

1239. Par conséquent, le montant de base sera calculé à partir du chiffre d'affaires relatif aux produits en cause, au sens de la comptabilité française.

Sur la valeur des ventes dans le secteur de l'entretien

1240. Le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises mises en cause est celui réalisé du fait de la commercialisation aux enseignes de la grande distribution des produits concernés par les pratiques constitutives de l'entente unique, soit l'ensemble des catégories de produits d'entretien qui figurent dans la liste ci-dessous :

- adoucisseurs d'eau ;

- barquettes jetables et sachets alimentaires jetables ;

- chiffons et lingettes nettoyantes ;

- cirages et accessoires lustrants pour chaussures ;

- désodorisants ;

- détartrants ;

- emballages alimentaires ;

- éponges et tampons à récurer ;

- essuie-tout ;

- gants de ménage ;

- insecticides ;

- kit " balais et lingettes " ;

- lessives spéciales ;

- lessives universelles ;

- nettoyants à sec pour le linge ;

- nettoyants à usage spécifique (gros travaux...) ;

- nettoyants ménagers multi-usages ;

- nettoyants pour des pièces spécifiques (salle de bain, cuisine...) ;

- nettoyants pour des surfaces spécifiques (cuir, meuble, bois...) ;

- nettoyants pour les sols ;

- nettoyants pour les vitres ;

- produits d'entretien pour lave vaisselle ;

- produits à base de javel ;

- produits assouplissants / adoucissants pour le linge ;

- produits de débouchage des canalisations et produits pour fosses septiques ;

- produits de lavage pour lave-vaisselle ;

- produits détachants pour le linge ;

- produits pour la vaisselle à la main ;

- produits pour le lavage du linge à la main ;

- produits WC - blocs cuvettes et blocs pour chasses d'eau ;

- produits WC - nettoyants, gels, pastilles, mousses, lingettes ;

- sacs poubelles ;

- savons de ménage ;

- soins du linge (notamment amidon, désodorisant textile, activateur de lavage, liquide après lavage pour repasser) ;

- teintures pour textiles ;

- tout autre produit d'entretien commercialisé par les fournisseurs aux enseignes de la grande distribution.

1241. Eu égard à la dimension nationale de l'infraction, cette valeur comprend l'ensemble des ventes de ces produits réalisées par les mises en cause sur le territoire français. En pratique, aucune vente des catégories " barquettes jetables et sachets alimentaires jetables ", " éponges et tampons à récurer ", " essuie-tout ", " gants de ménage ", " nettoyants à usage spécifique (gros travaux...) ", " sacs poubelles ", " teintures pour textiles " et " tout autre produit d'entretien commercialisé par les fournisseurs aux enseignes de la grande distribution " n'est intégrée dans le périmètre de la valeur des ventes. En effet, aucune entreprise mise en cause active dans le secteur de l'entretien ne commercialise ces catégories de produits (cote 53 199).

En ce qui concerne la décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011

1242. Parmi les entreprises mises en cause, figurent des entreprises déjà sanctionnées par l'Autorité, à l'occasion de la décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives en France, confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 janvier 2014 devenu définitif. Il s'agit de Procter & Gamble, Unilever, Henkel et Colgate-Palmolive.

1243. La décision n° 11-D-17 concerne des faits qui ont été qualifiés d'entente sur les prix constitutive d'une infraction à l'article 101 du TFUE et à l'article L. 420-1 du Code de commerce. Cette infraction consistait en une fixation directe des prix et des promotions de l'ensemble des lessives universelles, dans le contexte spécifique de la loi Galland. Cette pratique s'est déroulée en France entre le 18 septembre 1997 au moins et le 1er août 2004, avec une interruption entre le mois d'octobre 1998 et le 2 novembre 1999. Elle a concerné Unilever, Procter & Gamble, Henkel et Colgate-Palmolive. Toutefois, cette dernière a cessé de participer aux pratiques en septembre 2003, date à laquelle elle a cédé ses actifs dans le secteur des lessives universelles à Procter & Gamble.

1244. L'infraction sanctionnée par la décision n° 11-D-17, bien que distincte de l'entente dans le secteur de l'approvisionnement en produits d'entretien décrite dans la présente décision, s'est déroulée, pour partie, de façon parallèle, et a concerné, pour partie, les mêmes produits, à savoir les lessives universelles. Surtout, l'infraction commise dans l'affaire n° 11-D-17 est une entente de fixation de prix, prenant en particulier la forme d'accords sur les hausses des prix de l'ensemble des produits (point 396 de la décision n° 11-D-17). Une telle infraction, compte tenu du caractère particulièrement poussé de la concertation sur les hausses de prix, doit être regardée comme intégrant complètement, pour la période et les entreprises concernées, l'entente de concertation sur les prix de la présente affaire pour ce qui concerne les lessives universelles.

1245. La méthode la plus pertinente pour écarter tout risque de double sanction consiste, pour les entreprises concernées par la décision n° 11-D-17, à exclure de l'assiette de l'amende la valeur des ventes correspondant aux lessives universelles, pour la période au cours de laquelle les deux infractions ont eu lieu simultanément. Il convient donc d'exclure de l'assiette de l'amende :

- pour Unilever, la valeur des ventes des lessives universelles jusqu'au 1er août 2004 ;

- pour Procter & Gamble, la valeur des ventes des lessives universelles jusqu'au 1er août 2004 ;

- pour Henkel, la valeur des ventes des lessives universelles jusqu'au 1er août 2004 ;

- pour Colgate-Palmolive, la valeur des ventes des lessives universelles jusqu'au mois de septembre 2003.

1246. Pour exclure de l'assiette de l'amende la valeur des ventes correspondant aux lessives universelles, l'Autorité a appliqué à la valeur des ventes des entreprises concernées une décote correspondant au pourcentage de durée commune entre les deux infractions multiplié par le pourcentage que représente le chiffre d'affaires des lessives universelles sur le total du chiffre d'affaires des produits d'entretien. Ainsi, les entreprises concernées bénéficient d'une diminution de la valeur des ventes de 33 % pour Unilever, 25 % pour Henkel, 60 % pour Procter & Gamble et 4 % pour Colgate-Palmolive.

En ce qui concerne la décision de la Commission européenne du 13 avril 2011

1247. Unilever et Procter & Gamble considèrent qu'il y a lieu de prendre en compte aussi la décision, adoptée par la Commission européenne le 13 avril 2011, relative à une entente portant sur les lessives en poudre qui s'est déroulée entre le 7 janvier 2002 et le 8 mars 2005 sur plusieurs marchés européens dont la France. Ont été sanctionnées, dans cette décision, Unilever, Procter & Gamble et Henkel. Unilever et Procter & Gamble estiment que " les effets générés en France par l'entente européenne ne sont pas dissociables de façon précise des effets des pratiques ici en cause, pour la période pendant laquelle elles se sont déroulées simultanément ".

1248. À titre liminaire, il y a lieu de souligner que l'entente européenne ne portait que sur les lessives universelles en poudre, et non sur toutes les lessives universelles (voir en ce sens l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 janvier 2014, Société Colgate-Palmolive Services précité, p. 17).

1249. À titre principal, l'exclusion des lessives universelles en poudre du périmètre de la valeur des ventes pour la période couverte par la décision de la Commission n'est pas justifiée, compte tenu des différences entre les pratiques sanctionnées par la décision de la Commission d'une part, et celles mises en œuvre dans la présente affaire d'autre part.

1250. Les pratiques sanctionnées par la Commission européenne étaient directement liées à une initiative environnementale lancée en Europe. Elles consistaient pour l'essentiel à maintenir inchangés les prix des lessives en poudre, en ne diminuant pas les prix lorsque le poids et le volume des produits (ou le nombre de lavages qu'ils permettaient) étaient réduits dans le cadre de ladite initiative environnementale. Ces pratiques se sont accompagnées de limitations de certains types de promotions, d'augmentation directe des prix vers la fin de l'année 2004 visant certains marchés et d'échanges d'informations.

1251. Ces pratiques, qui consistaient à ne pas diminuer le prix des lessives en poudre lorsque ces dernières étaient effectivement impactées par l'initiative environnementale, ne sont ni de même nature ni de même ampleur que les pratiques en cause dans la présente affaire, qui consistaient en une concertation générale sur les évolutions des prix et ont conduit à une hausse des tarifs facturés, des prix triple net et des prix de vente aux consommateurs. Du reste, s'agissant de la hausse directe des prix vers la fin de l'année 2004, il ne ressort pas explicitement de la décision de la Commission qu'elle concernait le marché français. Quant aux échanges d'informations sur les prix, ils ne constituaient qu'un instrument de " facilitation " des pratiques de maintien des prix pour les produits impactés par l'initiative environnementale.

1252. Ainsi, l'inclusion des lessives universelles en poudre pour la période comprise entre le 1er août 2004 et le 8 février 2005 dans l'assiette de l'amende imposée aux entreprises au titre de l'infraction qui s'est déroulée sur le marché de l'approvisionnement en produits d'entretien n'a pas pour effet que les entreprises concernées par la décision de la Commission du 13 avril 2011 soient sanctionnées une seconde fois pour les mêmes pratiques. La demande d'Unilever et de Procter & Gamble doit être écartée.

En ce qui concerne la valeur des ventes de Sara Lee

1253. Ni le successeur juridique de Sara Lee Household & Body Care France, auteur des pratiques, Colgate-Palmolive, ni sa maison mère à l'époque des pratiques, Hillshire, n'ont été en mesure de communiquer d'informations comptables précises relatives aux valeurs des ventes en relation avec les deux infractions mises en œuvre par Sara Lee dans le secteur de l'entretien et dans le secteur de l'hygiène (cotes 51 959 et 51 402). Il ressort toutefois des déclarations de Colgate-Palmolive que les ventes de produits d'hygiène et d'entretien auraient représenté entre 89% et 95 % du chiffre d'affaires total de la société Sara Lee Household and Body Care France (cotes 52 575, 52 576, 52 636 et 52 637).

1254. Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir une proportion de 92 % du chiffre d'affaires réalisé en France par la société Sara Lee Household and Body Care France, soit la moyenne simple des deux bornes de la fourchette, pour déterminer la valeur des ventes dans les secteurs de l'hygiène et de l'entretien. En l'absence d'informations plus précises, l'Autorité retiendra que les ventes ont été réalisées pour moitié dans le secteur de l'entretien et pour moitié dans le secteur de l'hygiène.

Conclusion sur la valeur des ventes dans le secteur de l'entretien

1255. Le tableau ci-dessous identifie, pour chaque entreprise mise en cause dans le secteur de l'entretien, la société dont les ventes seront retenues au titre de la valeur des ventes, l'exercice comptable correspondant à la dernière année complète de participation de l'entreprise aux pratiques et la valeur des ventes :

<Emplacement Tableau>

Sur la valeur des ventes dans le secteur de l'hygiène

1256. Le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises mises en cause est celui réalisé du fait de la commercialisation aux enseignes de la grande distribution des produits concernés par les pratiques concertées constitutives de l'entente unique, soit l'ensemble des catégories de produits d'hygiène qui figurent dans la liste ci-dessous :

- accessoires pour cheveux (barrettes, élastiques...) ;

- après-shampooings et soins pour cheveux ;

- brosses à dents ;

- coffrets de toilette ;

- cosmétiques, vernis et décoration des ongles ;

- cotons et cotons tiges ;

- dentifrices ;

- déodorants ;

- dissolvants pour les ongles ;

- eau de toilette, eau de Cologne et parfum ;

- gels douches ;

- hygiène buccale (notamment nettoyant dentaire, fil dentaire, solution buccale, produits pour prothèses dentaires...) ;

- hygiène et soins pour bébé ;

- hygiène féminine (notamment hygiène intime/déodorant. . . ) ;

- lames et rasoirs manuels ;

- laques pour cheveux ;

- maquillages (lèvres, visage, yeux. . . ) ;

- produits pour le bain ;

- produits avant et après-rasage ;

- produits coiffants ;

- produits contre la chute des cheveux ;

- produits de coloration pour les cheveux ;

- produits dépilatoires et produits décolorants ;

- produits moussants à raser (mousse, gel, crème, savon de rasage) ;

- produits pour la toilette du visage (notamment démaquillant, nettoyant, tonifiant visage. . . ) ;

- produits solaires et après-solaires ;

- savons de toilette et pains dermatologiques ;

- serviettes et protège-slips ;

- shampooings ;

- soins du corps (notamment soins des mains et des pieds, crèmes amincissantes. . . ) ;

- soins du visage (notamment produits hydratants, soins des yeux et des lèvres...) ;

- soins pour homme ;

- soins spécifiques (notamment acné, eczéma...) ;

- tampons ;

- autres produits d'hygiène commercialisés par les fournisseurs aux enseignes de la grande distribution.

1257. Eu égard à la dimension nationale de l'infraction, cette valeur comprend l'ensemble des ventes de ces produits réalisées par les entreprises mises en cause sur le territoire français. En pratique, aucune vente des catégories " accessoires pour cheveux (barrettes, élastiques...) " et " produits contre la chute des cheveux " ne sera intégrée dans le périmètre de la valeur des ventes. En effet, aucune entreprise mise en cause active dans le secteur de l'hygiène ne commercialise ces catégories de produits (cote 53 198).

En ce qui concerne la valeur des ventes de Beiersdorf

1258. Beiersdorf a identifié deux catégories de produits qu'elle commercialise qui relèveraient, selon elle, du secteur du maquillage (" cosmétiques, vernis et décoration des ongles " et " maquillages (lèvres, yeux, visage) ") et non de celui de l'hygiène. Toutefois, l'inclusion des produits de maquillage dans le secteur de l'hygiène ressort clairement de la définition exposée aux points 88 et suivants de la décision.

1259. Premièrement, les produits de maquillage constituent bien des " substance[s] ou préparation[s] destinée[s] à être mise[s] en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain, notamment l'épiderme, [...], les ongles, les lèvres [...] en vue, exclusivement ou principalement, [...] d'en modifier l'aspect ". Ils correspondent donc à la définition du secteur des produits cosmétiques et d'hygiène corporelle retenue par le Conseil de la concurrence dans la décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d'hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques (voir point 89 supra).

1260. Deuxièmement, les panélistes et les distributeurs incluent les produits de maquillage dans le secteur de l'hygiène. D'une part, il ressort des informations communiquées par Nielsen (cotes 24 134 à 24 136) et l'IRI (cotes 24 145 et 24 146) que les principaux panélistes rattachent les produits de maquillage au secteur de l'hygiène. D'autre part, l'audition du Galec du 11 juillet 2011 (cote 34 302), celle de Carrefour du 6 juillet 2011 (cote 34 276) et le courriel d'Intermarché du 10 août 2012 (cotes 40 635 à 40 643) montrent que les distributeurs rattachent les produits de maquillage à la catégorie " parfumerie " et donc au secteur de l'hygiène.

1261. Contrairement à ce qu'avance Beiersdorf, le secteur de l'hygiène inclut donc les produits de maquillage.

En ce qui concerne la valeur des ventes de Vania

1262. Vania conteste l'inclusion, dans le périmètre de la valeur des ventes, des disques démaquillants et des carrés pour bébés d'une part, et de la catégorie " cotons et cotons tiges " d'autre part.

1263. En premier lieu, Vania estime que les disques démaquillants et les carrés pour bébés devraient être exclus du total de la valeur des ventes, dans la mesure où il s'agirait, du fait de leur usage similaire, de produits substituables aux lingettes, lesquelles sont elles-mêmes exclues de la valeur des ventes.

1264. Toutefois, il résulte d'une lettre du ministre de l'économie du 29 juin 1999 que les lingettes constituent un marché de produits différent de celui du " coton-format ", qui incluent les cotons à démaquiller et les carrés pour bébés. Dans cette lettre, il est indiqué que ces deux catégories de produits se distinguent " par leur usage, leurs qualités et leurs prix et ne peuvent être considérés comme suffisamment substituables pour former un seul marché " (lettre du ministre de l'économie du 29 juin 1999 au conseil de la société Fort James Corporation, relative à une concentration dans le secteur des produits en coton (NOR : ECOC0100001Y).

1265. Les différences existant entre les lingettes d'une part, et les carrés pour bébés et disques démaquillants d'autre part, dans les trois domaines identifiés dans cette lettre du ministre de l'économie du 29 juin 1999, existent toujours aujourd'hui.

1266. Les conditions actuelles de commercialisation des disques démaquillants et des lingettes montrent que ces deux catégories de produits se situent encore sur des segments de marché distincts, ciblant des clientèles et des besoins différents. Les différences de prix demeurent très importantes entre les disques démaquillants et les lingettes, ces dernières ciblant une clientèle plus aisée. De plus, dans certaines enseignes, lingettes et disques démaquillants sont commercialisés dans des rayons différents : les lingettes au rayon " soin du visage " avec les produits démaquillants, et les disques démaquillants au rayon " coton " avec les mouchoirs.

1267. De même, les carrés pour bébés ne sont pas substituables aux lingettes. Les deux produits présentent des caractéristiques distinctes : la lingette est un produit imbibé d'une préparation, tandis que les carrés pour bébés sont des produits de catégorie " coton hydrophile " non imprégné. En outre, la marque Lotus (marque sous laquelle Vania commercialisait ses carrés pour bébés à l'époque des faits), bien qu'elle décline plusieurs gammes différentes, ne commercialise pas de lingettes. A contrario, la marque Pampers, marque leader des produits " bébé ", commercialise des lingettes imprégnées mais pas de carrés pour bébés, ce qui corrobore le constat selon lequel il s'agit de deux segments de marché différents.

1268. Il résulte donc tant des constatations effectuées par le ministre de l'économie du 29 juin 1999 que de l'analyse de la situation actuelle que les disques démaquillants et les carrés pour bébés ne sont pas substituables aux lingettes. Dès lors, il n'y a pas lieu d'exclure ces produits du périmètre de la valeur des ventes.

1269. En second lieu, Vania estime que la catégorie " cotons et cotons-tiges " devrait, comme les catégories " lingettes ", " mouchoirs en papiers " et " papier toilette ", être expressément exclue de la valeur des ventes, dans la mesure où ces produits similaires appartiendraient à la même catégorie " papier de la maison ". Cependant, les catégories " lingettes ", " mouchoirs en papier " et " papier toilette " n'ont pas été exclues de la valeur des ventes en raison de leur appartenance à la catégorie " papier de la maison ", mais en raison des pièces figurant au dossier. En effet, le document fourni par L'Oréal et cité au point 102 relatif aux parts de marché en valeur dans le secteur de l'hygiène exclut expressément certaines catégories de produits d'hygiène (" hors PH, Essuie-tout, Mouchoirs, incontinence, lingettes et changes bébé "). Par conséquent, les catégories mentionnées dans ce tableau n'appartiennent pas, dans le cadre de la présente procédure, au secteur de l'hygiène, et ne devaient pas être incluses dans la valeur des ventes.

1270. La catégorie " cotons et cotons tiges ", qui n'est pas mentionnée dans ce document, est donc incluse dans le secteur de l'hygiène tel que défini par la décision. Il n'y a pas lieu de l'exclure du périmètre de la valeur des ventes.

En ce qui concerne la valeur des ventes de L'Oréal

1271. Il y a lieu de définir le périmètre de la valeur des ventes des produits en relation avec l'infraction imputée à L'Oréal puis l'année de référence.

1272. En premier lieu, il ressort des points 557, 1099 et 1104, que L'Oréal a participé à l'infraction unique par l'intermédiaire des salariés de L'Oréal (SA) (société tête de groupe) et Lascad, en communiquant des informations stratégiques sur les déterminants des prix des sociétés L'Oréal (SA), Lascad et Gemey Maybelline Garnier. Dans ces circonstances, il convient de retenir, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble du groupe L'Oréal en France en commercialisant aux enseignes de la grande distribution en France les produits d'hygiène qui figurent dans la liste ci-dessus. Sont donc concernées les ventes réalisées par les sociétés Lascad, Gemey Maybelline Garnier et L'Oréal (SA), par l'intermédiaire de son établissement L'Oréal Paris.

1273. Sur ce point, L'Oréal considère que la prise en compte des ventes réalisées par les trois entités du groupe au titre de la valeur des ventes est disproportionnée dès lors qu'il ne serait pas démontré que la société mère L'Oréal (SA) aurait effectivement été impliquée dans les pratiques. Toutefois, comme il a été démontré aux points 1195 et suivants, L'Oréal (SA) est l'auteur des pratiques pendant toute la durée de leur commission, et société mère de Lascad, co-auteur des pratiques pour la période d'octobre 2005 au 3 février 2006.

1274. En second lieu, l'année 2005 ne correspond pas à une année complète de participation pour L'Oréal. En effet, l'entreprise n'a repris sa participation à la pratique qu'à compter du mois d'octobre 2005. Auparavant, elle avait participé à l'infraction entre le mois d'avril 2003 et le 24 mars 2004. Par conséquent, aucune année ne peut être considérée comme une année complète de participation à la pratique. Compte tenu de ces circonstances, il y a lieu de retenir la moyenne des valeurs des ventes réalisées par l'entreprise L'Oréal pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006.

Conclusion sur la valeur des ventes dans le secteur de l'hygiène

1275. Le tableau ci-dessous identifie, pour chaque entreprise mise en cause dans le secteur de l'hygiène, la société dont les ventes seront retenues au titre de la valeur des ventes et l'exercice comptable correspondant à la dernière année complète de participation de l'entreprise aux pratiques :

<Emplacement Tableau>

2. SUR LA DÉTERMINATION DU MONTANT DE BASE

1276. En application du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le montant de base de la sanction imposée à chacune des entreprises en cause sera déterminé en fonction de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, critères qui se rapportent tous deux aux pratiques constatées. Les appréciations de l'Autorité à cet égard trouveront une traduction chiffrée dans le choix d'une proportion de la valeur des ventes retenue pour chaque entreprise en cause, démarche qui, comme indiqué plus haut, permettra de proportionner l'assiette de la sanction à la réalité économique de l'infraction, d'une part, et au poids relatif dans le secteur concerné de chacun des participants, d'autre part. L'Autorité procèdera à une appréciation globale tant de l'importance du dommage causé à l'économie que de la gravité des faits, avant de prendre en compte, de manière individualisée, la situation de chaque entreprise et sa contribution personnelle aux pratiques (arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e. a. , précité, p. 68).

1277. La durée des pratiques, qui constitue un facteur pertinent pour apprécier tant la gravité des faits (arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, Orange France, n° 11-22144) que l'importance du dommage causé à l'économie (arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge ciments e. a. , n° 10-17482 et 10-17791), fera l'objet d'une prise en compte sous ce double angle selon les modalités pratiques décrites dans le communiqué sanctions.

a) Sur la prise en compte de la participation individuelle des entreprises aux deux ententes uniques

1278. Il résulte des points 25 et 31 du communiqué sanctions que, " [d]ans le cas d'une infraction ou, s'il y a lieu, d'infractions commises par plusieurs entreprises ou organismes, [l'Autorité] apprécie globalement la gravité des faits [et l'importance du dommage causé à l'économie], sans préjudice des éléments propres au comportement et à la situation individuelle de chacun d'entre eux, qui sont pris en considération ultérieurement ".

1279. Les éléments exposés aux points 981 et suivants montrent qu'à l'exception d'Henkel et de Colgate-Palmolive qui sont poursuivies dans chacun des deux secteurs concernés pour l'ensemble de l'entente unique, les autres mises en cause ne sont pas tenues responsables dans chacun des deux secteurs concernés de l'intégralité des pratiques concertées constitutives de l'entente unique.

1280. L'Autorité procèdera, dans un premier temps, à l'appréciation globale de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie par les ententes uniques commises dans le secteur de l'hygiène et de l'entretien. Elle déterminera ainsi un montant de base imposé à chaque entreprise en fonction de la gravité et du dommage causé à l'économie par chacune des ententes uniques.

1281. L'Autorité prendra en compte, dans un second temps, les éléments propres au comportement et à la situation individuelle de chacune des entreprises (points 1424 et s. ). À ce stade, l'Autorité tiendra compte, le cas échéant, du fait qu'une entreprise n'est pas tenue responsable de l'intégralité des pratiques concertées constitutives des deux ententes uniques.

1282. Les entreprises mises en cause contestent la méthode employée pour déterminer la sanction pécuniaire.

1283. En premier lieu, les mises en cause suggèrent de recourir à une modulation de la valeur des ventes pour les entreprises n'ayant pas pris part à l'ensemble des pratiques concertées constitutives de chaque entente unique. Toutefois, la valeur des ventes retenue pour chaque entreprise n'est pas fonction de sa participation plus ou moins grande aux pratiques concertées constitutives de l'entente unique, puisque chaque pratique concertée concerne l'ensemble des clients des fournisseurs, au niveau national. Les ventes concernées par les infractions commises par les entreprises sont donc, dans tous les cas de figure, les ventes à l'ensemble des enseignes de la grande distribution sur le territoire français. L'application d'une décote sur la valeur des ventes n'est donc pas justifiée.

1284. En second lieu, Johnson & Johnson Santé Beauté France, Hillshire, Unilever et Beiersdorf affirment que la jurisprudence des juridictions européennes impose, pour les entreprises n'ayant participé qu'à une partie d'une infraction unique de prendre en compte ces différences de participation dès la détermination du montant de base. Elles invoquent l'arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, IMI e. a. /Commission, précité (points 162 à 164).

1285. Il convient de rappeler que, conformément au principe d'autonomie procédurale, les dispositions relatives à la détermination des sanctions de la Commission, et notamment les lignes directrices de la Commission européenne, ne sont pas applicables à l'Autorité. En tout état de cause, et quelle que soit la solution retenue par le Tribunal dans l'arrêt IMI, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que la Commission peut prendre en compte la gravité relative de la participation d'une entreprise à une infraction unique, complexe et continue lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction ou lors de l'ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes. Dans les cas où cette dernière approche est retenue par la Commission, l'appréciation des circonstances atténuantes et aggravantes doit cependant permettre une prise en compte adéquate de la gravité relative de la participation à une infraction unique ainsi que d'une éventuelle variation de cette gravité dans le temps (arrêts de la Cour de justice du 11 juillet 2013, Gosselin Groupe, C-429/11, point 92 et du 5 décembre 2013, Solvay Solexis SpA, précité, points 75 et s. ).

1286. La méthode appliquée en l'espèce permet de refléter de manière effective dans l'amende imposée aux mises en cause dans chacun des deux secteurs les éventuelles différences de responsabilité de chaque entreprise au regard des pratiques constitutives de chaque entente unique. Par conséquent, l'argument selon lequel l'Autorité serait tenue de prendre en compte la gravité relative de la participation individuelle des entreprises à chaque entente unique au stade de la détermination du montant de base doit être écarté.

b) Sur la gravité des faits

1287. Pour apprécier la gravité des faits en application de l'article L. 464-2 du Code de commerce, l'Autorité tient notamment compte, conformément à l'article 26 du communiqué sanctions, des éléments suivants, en fonction de leur pertinence :

- la nature de l'infraction ou des infractions en cause et des faits retenus pour la ou les caractériser (entente entre concurrents, qui peut elle-même revêtir un degré de gravité différent selon qu'il s'agit, par exemple, d'un cartel de prix ou d'un simple échange d'informations ; entente entre deux acteurs d'une même chaîne verticale, comme une pratique de prix de revente imposés par un fournisseur à des distributeurs ; abus de position dominante, qu'il s'agisse d'abus d'éviction ou d'exploitation), ainsi que la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés (prix, clientèle, production, etc. ) et, le cas échéant, leur combinaison ; ces éléments revêtent une importance centrale dans le cas des pratiques anticoncurrentielles expressément visées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 et 102 TFUE, en considération de leur gravité intrinsèque ;

- la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause (activité de service public, marché public, secteur ouvert depuis peu à la concurrence, etc. ) et, le cas échéant, leur combinaison ;

- la nature des personnes susceptibles d'être affectées (petites et moyennes entreprises [PME], consommateurs vulnérables, etc. ), et

- les caractéristiques objectives de l'infraction ou des infractions (caractère secret ou non, degré de sophistication, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d'une législation, etc. ).

1288. Afin d'apprécier la gravité des faits au cas d'espèce, il convient d'évoquer successivement la nature des infractions en cause et les caractéristiques concrètes de ces pratiques. L'analyse sera commune pour l'infraction unique dans le secteur de l'entretien et pour l'infraction unique dans le secteur de l'hygiène dès lors que les pratiques étaient, sur chaque secteur, de même nature (pratiques de concertation sur les prix, basées sur des échanges d'informations ou des actes de coopération plus poussés, constituant des restrictions de concurrence par objet), présentaient les mêmes caractéristiques objectives (caractère secret, mécanisme de surveillance et possibilités de représailles) et relevaient du même cadre juridique.

La nature des pratiques

1289. Les infractions uniques commises sur le marché de l'entretien et sur celui de l'hygiène, comme d'ailleurs les pratiques concertées constitutives de ces infractions, sont des ententes horizontales secrètes de concertation sur les prix, sur la base d'échanges d'informations ou d'actes de coopération plus poussés, qui se sont substituées à la libre fixation par chaque entreprise de sa stratégie tarifaire dans le cadre d'une détermination autonome de sa politique commerciale et de son comportement sur le marché. Par une concertation sur les principaux déterminants des prix futurs, les pratiques ont diminué significativement l'incertitude et l'indépendance de comportement des fournisseurs lors des négociations avec la grande distribution et ont concouru à la fixation d'un prix final à un niveau supérieur à celui qui aurait résulté d'une situation de concurrence non faussée.

1290. Bien que les pratiques en cause se distinguent des cartels et accords horizontaux de fixation de prix, elles constituent néanmoins des infractions d'une gravité particulière dès lors qu'elles visaient, par leur nature même, à manipuler des paramètres essentiels de la concurrence dans les secteurs visés. Elles ne peuvent tendre qu'à confisquer, au profit des auteurs de l'infraction, le bénéfice que les opérateurs en aval de la chaîne de valeur et les consommateurs sont en droit d'attendre d'un fonctionnement concurrentiel de l'économie.

1291. Les pratiques en cause peuvent être qualifiées d'infractions d'une gravité particulière alors même qu'il s'agit de pratiques concertées et non d'accords (voir en ce sens, à titre indicatif s'agissant de la jurisprudence de l'Union, les arrêts du Tribunal du 13 juillet 2011, Polimeri Europa SpA /Commission, T-59/07, point 225, et du 14 mars 2013, Fresh del Monte Produce, précité, points 771 et 772). De la même façon, et contrairement à ce que soutiennent la plupart des mises en cause, le constat de la gravité particulière d'une entente horizontale secrète de concertation sur les prix futurs s'applique également lorsqu'une telle infraction se matérialise par des échanges d'informations (voir en ce sens, également à titre indicatif, les arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle PLC, 12 juillet 2001, précité, point 103, et du 14 mars 2013, Fresh del Monte Produce, précité, point 778).

1292. Plusieurs mises en cause invoquent le paragraphe 26 du communiqué sanctions pour soutenir que des ententes prenant la forme d'échanges d'informations ont nécessairement une gravité moindre que des cartels de prix. Le communiqué sanctions indique en effet qu'une entente peut " revêtir un degré de gravité différent selon qu'il s'agit, par exemple, d'un cartel de prix ou d'un simple échange d'informations ". Mais étant donné que les pratiques en cause en l'espèce, qui ont pris la forme d'échanges d'informations ou d'actes de coopération plus poussés, sont des pratiques horizontales secrètes de concertation portant sur les prix futurs et, au surplus sur de nombreux paramètres de la négociation commerciale, elles figurent, ainsi qu'il a été dit précédemment, parmi les infractions d'une gravité particulière au droit de la concurrence. Elles ne constituent donc pas de simples échanges d'informations rétrospectives au sens du point 26 du communiqué sanctions.

Les caractéristiques objectives des infractions

Le caractère secret des pratiques

1293. Comme il a été expliqué aux points 922 et suivants, les deux ententes uniques, comme d'ailleurs l'ensemble des pratiques concertées qui les constituent, revêtaient un caractère secret, ce qui témoigne de leur caractère délibéré et rendait plus difficile leur détection. Il convient notamment de relever que les réunions des Cercles Team et des Amis étaient secrètes et que les correspondances échangées dans le cadre des Cercles Team étaient volontairement adressées au domicile personnel des participants aux pratiques, pour échapper aux visites et saisies menées dans les locaux des entreprises.

La sophistication des infractions

1294. Les deux infractions uniques revêtaient un degré élevé de sophistication. Cette sophistication ressort :

• du mode d'admission aux réunions par cooptation, ou " adoubement " selon un participant, qui conférait aux pratiques un caractère fermé et sélectif ;

• de la structure des pratiques, organisées autour de trois types de contacts :

o un niveau de réunions spécialisées dans le secteur de l'hygiène et dans celui de l'entretien, entre directeurs commerciaux ;

o un niveau bisectoriel entre salariés d'un niveau hiérarchique inférieur (les " Amis ") ;

o de multiples contacts bi ou plurilatéraux ;

• de l'encadrement de ces réunions par des échanges de correspondances adressées aux domiciles des participants, notamment grâce à un secrétariat assuré par Colgate-Palmolive.

1295. Vania et Unilever contestent la sophistication des infractions à deux égards.

1296. En premier lieu, Vania affirme que le Cercle des Amis présentait un caractère significativement moins sophistiqué, puisqu'il n'aurait pas existé de système de cooptation ou d'adoubement et que les échanges de correspondances étaient moins systématiques que pour les Cercles Team. Mais, il convient de rappeler que les différences entre les Cercles Team et le Cercle des Amis ne sont pas pertinentes pour l'appréciation de la gravité des deux ententes uniques considérées dans leur ensemble. L'argument sera donc écarté.

1297. En second lieu, Unilever affirme qu'il n'existait aucun flux d'information entre les différents cercles de concertation, ce qui devrait réduire le caractère sophistiqué de la pratique. Mais, comme indiqué aux points 955 et s. , près de la moitié des entreprises ayant pris part aux réunions " Amis " participaient également aux Cercles Team HP et Team PCP et à des contacts bilatéraux ou plurilatéraux. La participation à ces deux niveaux de réunions a permis à ces entreprises de croiser les informations obtenues dans le cadre de ces différents cénacles.

1298. Dans ces conditions, l'absence de flux d'information formel entre les différents cercles ne fait pas obstacle à l'agrégation par les entreprises, et notamment leur directions commerciales, de l'ensemble des informations échangées dans chacun des cercles, dont le contenu pouvait varier. Ainsi, la multiplication des cercles d'échange et la capacité des entreprises à en agréger les informations constituent l'un des facteurs de sophistication de chaque infraction unique sur les deux secteurs. L'argument d'Unilever sera donc écarté.

L'existence de mécanismes de surveillance

1299. Comme il a été expliqué aux points 894 et suivants, les pratiques mises en œuvre dans chacun des deux secteurs permettaient aux entreprises d'assurer une surveillance efficace des politiques de prix des participants aux échanges.

1300. L'existence d'échanges de nature à permettre une surveillance de la coordination des prix mise en place dans le cadre de l'entente augmente la gravité des pratiques poursuivies, même s'il convient de prendre en compte, dans le cas d'espèce, l'absence de système formalisé de représailles.

1301. Plusieurs entreprises ont contesté l'existence de mécanismes de surveillance.

1302. En premier lieu, Bolton Solitaire allègue qu'en l'absence d'accord formel sur le niveau de prix, il n'est pas possible de surveiller un comportement déviant. Toutefois, comme il a été dit au point 1079, l'absence d'accord sur une position commune ne fait pas obstacle au constat de l'existence d'un comportement déviant, qui consiste en l'espèce en une politique commerciale non conforme à celle annoncée par les participants dans le cadre des pratiques poursuivies. Or, il est parfaitement possible de détecter de tels comportements déviants.

1303. En second lieu, l'existence d'une surveillance par le biais d'informations non ventilées par produit est cohérente avec les pratiques en cause. Dans le cas d'espèce, une coordination et une surveillance produit par produit ou catégorie de produits par catégorie de produit, qui aurait requis un échange de données très précises, n'était pas nécessaire. Des informations pour l'ensemble du secteur de l'hygiène ou celui de l'entretien étaient plus adaptées aux besoins des participants aux pratiques que des données segmentées, en raison du caractère transversal des négociations avec les distributeurs dans chacun des deux marchés concernés, mais aussi de leur plus grande efficacité pour contrôler l'équilibre collusif issu d'échanges d'informations revêtant une nature globale et coordonner les comportements.

Arguments des entreprises

1304. Un grand nombre d'entreprises mises en cause demandent qu'il soit tenu compte des initiatives des pouvoirs publics comme facteur atténuant de la gravité de la sanction.

1305. En premier lieu, plusieurs mises en cause mettent en avant le fait que les différentes initiatives des pouvoirs publics ont donné lieu à de nombreux contacts, parfois organisés par les pouvoirs publics eux-mêmes. Les parties invoquent notamment les rencontres organisées par le ministre de l'économie, le ministre du commerce et par la DGCRRF avec les organisations professionnelles représentant tant les fournisseurs que les distributeurs. Ces réunions, qui avaient pour but de discuter des modalités d'application de la circulaire Dutreil et de l'engagement Sarkozy, puis des pistes de réforme de la loi Galland à partir de l'année 2005, auraient créé l'occasion des concertations anticoncurrentielles poursuivies dans la présente affaire.

1306. Toutefois, les nombreuses réunions organisées par les pouvoirs publics et citées par les mises en cause présentaient toutes des caractéristiques communes :

- les réunions regroupaient essentiellement des représentants des services de l'Etat et des représentants d'organisations professionnelles, parlant au nom de l'ensemble de leurs adhérents ;

- les sujets abordés portaient sur des questions d'ordre général, telles que l'interprétation et les méthodes d'application de la circulaire Dutreil et de l'engagement Sarkozy, ou encore les projets de réforme de la loi Galland ;

- les réunions n'étaient pas secrètes.

1307. Les réunions organisées par les pouvoirs publics entre les organisations de fournisseurs et les représentants des distributeurs se différencient donc de façon radicale des rencontres entre fournisseurs concurrents qui constituent les pratiques anticoncurrentielles poursuivies dans chacun des deux secteurs. Elles montrent, au contraire, que les questions juridiques liées à l'interprétation des initiatives des pouvoirs publics pouvaient être traitées dans le cadre de cercles officiels.

1308. En second lieu, de nombreuses mises en cause évoquent, comme facteur d'atténuation de la gravité, le caractère incertain et changeant du contexte législatif et réglementaire de l'époque et notamment les incertitudes juridiques liées aux modalités d'application de la circulaire Dutreil, de l'engagement Sarkozy et de la loi Dutreil.

1309. Sans entrer dans une appréciation de l'incertitude juridique pouvant résulter des initiatives de pouvoirs publics, il convient de souligner qu'il existait d'autres voies que la concertation anticoncurrentielle poursuivie dans le cadre de la présente procédure pour lever les doutes et interrogations des fournisseurs. Les mises en cause pouvaient bénéficier des services de leurs organisations professionnelles, comme l'ILEC, par exemple. Elles y ont d'ailleurs recouru. Ensuite, elles pouvaient solliciter l'administration ou les juridictions pour obtenir des éclaircissements sur tel ou tel point obscur à leurs yeux. Or, les entreprises sont allées bien au-delà de ces rencontres publiques et licites pour mettre en place des cercles de discussions à caractère secret et dont l'objet n'était pas d'obtenir des explications sur les textes en vigueur mais de se concerter sur leur politique commerciale.

1310. Au-delà des arguments mobilisés par les mises en cause, il convient de relever que, les initiatives des pouvoirs publics visaient à restaurer l'incertitude inhérente aux négociations commerciales afin de mettre un terme à la spirale inflationniste résultant de la loi Galland (points 180 et s. ). Les pouvoirs publics ont ainsi mis en œuvre une succession de modifications du cadre juridique qui ont introduit davantage d'incertitude dans la relation entre fournisseurs et distributeurs afin d'animer davantage la concurrence entre les opérateurs. Contrairement à ce que soutiennent les entreprises, ce ne sont pas ces initiatives gouvernementales déjà décrites au titre du contexte juridique pris en compte lors de la qualification des pratiques par leur objet, qui sont, par elles-mêmes, de nature à atténuer la gravité des faits. Elles ne sont pas non plus susceptibles de la renforcer : le contexte juridique antérieur aux pratiques (la loi Galland) avait, comme l'a rappelé de manière convaincante le rapport Canivet, créé et stabilisé un équilibre tacite favorable aux fournisseurs ; c'est par un souci délibéré de s'adapter au nouveau contexte juridique - celui né des initiatives Dutreil et Sarkozy qui avaient précisément pour objectif de déstabiliser cet équilibre en introduisant plus d'incertitude dans la négociation pour animer la compétition en prix - que les entreprises sont passées, par leur propre concours de volonté, de l'équilibre tacite à la collusion explicite : cette dernière avait pour objectif de préserver et de prolonger le premier dans le but de maintenir la profitabilité sur laquelle les initiatives publiques risquaient d'exercer une pression non désirée.

1311. De même, les initiatives des pouvoirs publics n'ont créé aucune confusion quant à la question de savoir si les pratiques en cause avaient un caractère infractionnel (voir en sens contraire : Tribunal, 11 décembre 2003, Strintzis Lines Shipping SA, T-65/99, point 197 ; décision n° 11-D-01 du 18 janvier 2011 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la manutention portuaire à la Réunion, points 67 à 81, 106, 114, 156 et 160). À cet égard, le caractère secret des pratiques (points 923 et s. ) démontre clairement que les entreprises avaient conscience de l'objet anticoncurrentiel de leur comportement.

1312. Enfin, dans le cadre des initiatives visant à modifier le contexte juridique issu de la loi Galland, les pouvoirs publics n'ont ni participé aux pratiques, ni soutenu les entreprises en cause dans leur démarche, ni validé les politiques de prix résultant des pratiques (voir en sens contraire : décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 relative à des pratiques s'opposant à la liberté des prix des services proposés aux établissements de santé à l'occasion d'appels d'offres en matière d'examens anatomo-cyto-pathologiques, points 155 et 156 ; décision n° 10-D-28 du 20 septembre 2010 relative aux tarifs et aux conditions liées appliquées par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d'encaissement, point 656 ; décision n° 11-D-01 du 18 janvier 2011 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la manutention portuaire à la Réunion, points 67 à 81, 106, 114, 156 et 160). La lettre du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 17 juin 2004 relative à l'" engagement pour une baisse durable des prix à la consommation " mentionnait d'ailleurs expressément que les entreprises signataires " réaffirm[aient] leur attachement à la détermination des prix par une libre concurrence, loyale et équilibrée ".

1313. Ainsi, les entreprises mises en cause ne sont pas fondées à soutenir qu'il devrait être tenu compte des initiatives des pouvoirs publics comme facteur atténuant de la gravité de la sanction.

c) Sur le dommage à l'économie

Sur la méthode d'analyse du dommage

1314. Il est de jurisprudence constante que l'importance du dommage causé à l'économie s'apprécie de façon globale pour l'infraction en cause, c'est-à-dire au regard de l'action cumulée de tous les participants à la pratique sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chaque entreprise prise séparément (arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e. a. , n° 02-11754, et de la cour d'appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole L'ardéchoise, n° 2007/10371, p. 6).

1315. L'importance du dommage à l'économie ne se confond pas, par ailleurs, avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée par ces pratiques à l'économie (voir, par exemple, arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 2007/18 040).

1316. L'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause (arrêts de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010/12049, p. 5, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, précité, et du 26 janvier 2012, Beauté prestige international, précité, p. 89).

1317. L'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée, y compris en cas d'entente (Cass. com. , 7 avril 2010, Orange France e. a. , n° 09-12984).

1318. En se fondant sur une jurisprudence établie, l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'incidence économique de la pratique en cause, de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée entre autres par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des parties dans le secteur concerné, de sa durée, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur concerné (voir, par exemple, l'arrêt de la cour d'appel du 30 juin 2011, Orange France, précité). Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13910).

Sur l'ampleur des infractions

1319. En premier lieu, les deux ententes uniques ont concerné l'ensemble du territoire national. En effet, les pratiques identifiées ont impacté le déroulement des négociations commerciales entre les fournisseurs mis en cause et les enseignes de la grande distribution, négociations qui ont lieu au niveau national et portent sur l'approvisionnement des enseignes sur tout le territoire français.

1320. En deuxième lieu, les pratiques ont affecté l'ensemble des distributeurs. D'une part, en raison du principe de non-discrimination tarifaire, les tarifs bruts et les éléments tarifaires figurant sur facture évoqués lors des échanges étaient appliqués à tous les distributeurs. D'autre part, la concertation sur les autres paramètres de la négociation commerciale (en particulier ceux relatifs au déroulement des négociations commerciales) a concerné les enseignes majeures de la grande distribution.

1321. En dernier lieu, au cours de la période concernée par les pratiques, les entreprises mises en cause représentaient environ deux tiers de l'offre sur le territoire français. Dans le secteur de l'entretien, la part de marché cumulée en valeur des huit entreprises destinataires du grief s'élevait à près de 67 %, et est restée stable entre 2004 et 2005. Dans le secteur des produits d'hygiène, les entreprises destinataires du grief représentaient, en valeur, plus de 65 % du marché, chiffre qui est resté stable entre 2004 et 2005.

1322. Il s'agit donc, pour chacun des deux secteurs, de pratiques de grande ampleur, en raison de leur étendue géographique et de la part du marché affectée, tant du point de vue de la demande que de l'offre.

Sur les caractéristiques économiques des secteurs en cause

1323. Afin d'apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité s'attache à prendre en compte les caractéristiques économiques objectives du secteur en cause, dans la mesure où ces dernières sont de nature à avoir une influence sur les conséquences conjoncturelles ou structurelles des pratiques. En l'espèce, il convient d'apprécier successivement l'existence de barrières à l'entrée, l'élasticité-prix de la demande et le contre-pouvoir des distributeurs.

De fortes barrières à l'entrée

1324. Comme il a été dit aux points 105 et suivants et 114 et suivants, l'accès aux marchés de l'approvisionnement en produits d'entretien et en produits d'hygiène est rendu difficile par l'importance des innovations de produit (cotes 24 405, 30 661 et 31 021), qui résultent elles-mêmes d'investissements en recherche et développement (cotes 30 263 et 30 264 (VC) / cotes 31 111 et 31 112 (VNC)) et de fortes dépenses publicitaires et de marketing. Ainsi, à titre d'exemple, les dépenses marketing et publicitaires dans le secteur de l'hygiène représentaient en 2005 une " proportion significative des ventes totales " (Beiersdorf, p. 32 de ses observations) : 19 % pour l'ensemble du secteur et même 26 % dans le cas particulier de Beiersdorf. Une étude publiée en mars 2005 par le service des études et statistiques industrielles du ministère de l'économie, et portant sur les dépenses de publicité dans l'industrie manufacturière, vient étayer ce constat : les secteurs " Savons, détergents et produits d'entretien " et " Parfums et produits pour la toilette " étaient à l'époque des pratiques les deux secteurs consacrant la plus grande part de leur chiffre d'affaires à la publicité. Unilever relève également que la politique publicitaire constitue " un élément historiquement clé d'accès au marché, comparativement aux autres marchés " (cote 30 263).

1325. De plus, la contrainte de capacité propre aux linéaires des enseignes de la grande distribution contribue à limiter l'accès au marché de nouveaux offreurs sur ces deux secteurs (cote 30 225). Le Conseil de la concurrence avait déjà constaté dans la décision n° 04-D-13 du 8 avril 2004 précitée que les linéaires constituaient une " ressource rare [pour les entreprises commercialisant des produits de grande consommation], dont l'accès fait l'objet d'une forte compétition entre producteurs " (point 55).

1326. Enfin, dans le secteur de l'entretien, la fabrication des produits requiert l'utilisation de procédés chimiques de transformation de matières premières qui s'avèrent polluants et sont à l'origine de l'application de normes de sécurité ou de gestion des risques lourdes et coûteuses (cote 44 511).

1327. Plusieurs mises en cause contestent l'existence et l'importance des barrières à l'entrée.

1328. En premier lieu, Vania et Johnson & Johnson Santé Beauté France (ci-après " JJSBF ") avancent que, dans le secteur de l'hygiène, l'existence de barrières à l'entrée devrait être relativisée compte tenu de l'entrée de nouveaux produits ou de nouvelles marques pendant la période considérée. Vania mentionne ainsi l'entrée de Neutrogena en 2003. Quant à Laboratoires Vendôme, elle rappelle l'entrée de nombreuses marques comme Cadum en 2003, Bi-Solution et Le Petit Olivier en 2004 ou John Frieda.

1329. À titre liminaire, il convient de préciser que l'entrée de Neutrogena sur le marché ne peut être considérée comme démontrant la possibilité, pour un nouvel opérateur, d'accéder au marché des produits d'hygiène. En effet, Neutrogena était commercialisée par Vania Expansion SNC, société déjà active dans le secteur par l'intermédiaire des marques Vania, Demak'up et Evian (cote 24 123).

1330. D'une façon plus générale, le développement de nouvelles marques sur un marché ne doit pas se confondre avec l'entrée de nouveaux opérateurs. En effet, il peut être observé que les opérateurs déjà actifs sur le marché mettent en œuvre des stratégies de diversification de leur portefeuille de produits. À cet égard, les éléments exposés par Beiersdorf aux points 216 et suivants de ses observations montrent qu'à l'époque des pratiques, les fournisseurs de produits d'hygiène commercialisaient un grand nombre de produits - plusieurs centaines parfois - sur plusieurs segments du marché et sous plusieurs marques.

1331. Il peut être également constaté que, dans le cas de l'hygiène, aucun nouvel acteur d'envergure n'est venu remettre en cause la configuration existante du marché (voir graphique II-5 des observations de Beiersdorf, p. 44) : les principaux opérateurs sont restés les mêmes au cours de la période 2004-2006, tandis que leur part de marché respective évoluait peu. Dans ces circonstances, si l'entrée de nouveaux offreurs sur le marché a pu être constatée, elle s'est limitée à des marchés de niche, comme les produits biologiques, à l'instar des marques Léa Nature ou Le Petit Olivier. Ces marques nouvelles ne constituent en conséquence qu'une source limitée de pression concurrentielle.

1332. En deuxième lieu, l'absence de barrières à l'entrée dans le secteur de l'hygiène serait étayée, selon plusieurs mises en cause, par le fort développement des marques de distributeurs (ci-après, les " MDD ") qui seraient venues exercer une pression concurrentielle très forte sur les produits des marques nationales. JJSBF note que sur certaines catégories de produits, comme les savons ou les gels douches, les MDD étaient particulièrement présentes et ont vu leurs parts de marché se développer.

1333. Il ressort toutefois des éléments du dossier que le taux de pénétration des MDD sur le marché de l'hygiène et de l'entretien reste particulièrement limité et qu'au cours de la période concernée par les pratiques, il a connu une croissance moindre par rapport aux autres catégories de produits de grande consommation.

1334. Ainsi, comme il a été dit au point 135, le taux de pénétration des MDD, en pourcentage de chiffre d'affaires, parmi les " autres produits de grande consommation " passe de 25 % au mois de janvier 2003 (début des pratiques) à 28,6 % au mois de janvier 2006 (fin des pratiques), soit un gain de 3,6 points, quand ce taux passe de 8,3 % à 9,5 % (gain de 1,2 points) pour le secteur de l'hygiène sur la même période. Le secteur de l'entretien est également caractérisé par un taux de pénétration des MDD inférieur à celui des autres produits de grande consommation (ci-après, les " PGC ") puisqu'il s'établit à 15,5 % en janvier 2003 et 16,5 % en janvier 2006 (soit un gain de 1 point).

1335. En outre, les secteurs de l'hygiène et de l'entretien n'ont pas connu de phénomène de rattrapage par rapport aux autres PGC entre 2003 et 2006 : la hausse du taux de pénétration des MDD est en effet identique pour le secteur de l'hygiène et des autres PGC (+14 %). Elle est même inférieure à la moyenne des autres secteurs pour le secteur de l'entretien (+ 6 %).

1336. S'agissant des deux catégories de produits visées par JJSBF, le taux de pénétration des MDD est passé de 8,1 % du chiffres d'affaires en janvier 2003 à 9,8 % en janvier 2006 pour les gels douches (soit un gain de 1,7 point) et de 13,7 % à 15,2 % pour les savons (soit un gain de 1,5 point). Les taux de pénétration des MDD pour ces deux catégories de produits étaient donc également sensiblement inférieurs à ceux des autres PGC.

1337. Le graphique ci-dessous, qui montre l'évolution des parts de marché des MDD en pourcentage de chiffre d'affaires dans les secteurs de l'hygiène, de l'entretien et des autres PGC ainsi que sur les catégories savons et gels douches, confirme l'écart important entre le taux de pénétration des MDD sur les secteurs ou catégories de produits concernés par les pratiques d'une part, et sur le reste des PGC d'autre part (11).

1338. En dernier lieu, Vania et JJSBF estiment qu'il conviendrait de démontrer que les barrières à l'entrée ont eu un effet sur la soutenabilité et la profitabilité des pratiques.

1339. Mais, l'Autorité n'est pas tenue de procéder à une telle démonstration pour l'appréciation du dommage à l'économie. En tout état de cause, la présence de barrières à l'entrée a joué un rôle de stabilisateur de l'entente. Les barrières à l'entrée ont limité la possibilité pour de nouveaux entrants de venir perturber l'entente et a contribué de ce fait à en accroître les effets potentiels, en permettant à ses membres d'accroître le niveau de leurs prix.

1340. Il résulte des éléments qui précèdent que l'existence de fortes barrières à l'entrée dans le secteur des produits d'hygiène et dans celui des produits d'entretien est démontrée. Cette caractéristique des secteurs concernés par les ententes est de nature à amplifier les effets dommageables des pratiques.

Une faible élasticité-prix de la demande

1341. En vue d'apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, il convient également de tenir compte de la sensibilité de la demande au prix, ou " élasticité-prix " (arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France e. a. , précité).

1342. Dans le cas d'espèce, contrairement à ce qu'avance la société Colgate-Palmolive, l'analyse de l'élasticité-prix de la demande du point de vue du consommateur final est pertinente. En effet, du fait de la loi Galland, les fournisseurs étaient en mesure de fixer eux-mêmes les prix de détail ou du moins, au vu des marges avant très faibles des distributeurs, de les influencer très significativement. Ainsi, lors de la mise en œuvre de pratiques collusives ayant pour objet et effet d'accroitre le prix net pratiqué à l'égard des distributeurs, c'est, notamment, la sensibilité des consommateurs finaux à ces hausses de prix qui détermine l'ampleur de la hausse qui pourra être fixée à l'issue de la concertation.

1343. Quatre indices principaux permettent d'apprécier cette élasticité-prix de la demande dans le secteur des produits d'hygiène et d'entretien.

1344. En premier lieu, les produits d'hygiène et d'entretien constituent des produits de consommation courante, indispensables pour les consommateurs : ces derniers sont donc relativement captifs et peuvent, au mieux, arbitrer entre différents produits au sein d'un même segment pour satisfaire un besoin donné.

1345. En deuxième lieu, comme il a été relevé précédemment, le poids des marques, de l'innovation de produit, des dépenses publicitaires et de marketing jouent un rôle central dans le choix des consommateurs, diminuant ainsi leur capacité à substituer à un produit donné un produit concurrent, en particulier sous marque de distributeur.

1346. En troisième lieu, plusieurs déclarations de salariés d'entreprises qui ne contestent pas les griefs attestent de la faible élasticité-prix de la demande. Ainsi, pour le secteur de l'hygiène, M. Etienne X. . . (Vania Expansion) a déclaré : " il s'agit d'un secteur pour lequel, sauf exception, la concurrence se fait davantage sur la force des marques et la communication marketing des acteurs que sur les prix. Il s'agit de produits qui sont généralement peu élastiques au prix " (cote 40 071). De même, Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) a déclaré que, dans le secteur de l'entretien, les produits étaient " peu élastiques au prix, hors promotion " (cote 39 913).

1347. En dernier lieu, à supposer, d'une part, que les données utilisées pour calculer ces élasticités soient suffisamment précises (cf. infra) et, d'autre part, que ces estimations soient dépourvues de biais dus à l'utilisation de données moyennes agrégées ou au caractère " stockable " des produits en question, les estimations économétriques produites par Henkel (12) à partir des données KANTAR viennent confirmer la faible élasticité-prix de la demande, tant sur les produits d'hygiène que d'entretien : en effet, en valeur absolue, l'élasticité-prix de la demande des produits d'hygiène est comprise entre 0,76 et 0,77 et celle des produits d'entretien entre 0,62 à 0,78 (13). Or, il est constant qu'une demande est considérée comme " inélastique " lorsque son élasticité-prix est inférieure à 1, en valeur absolue. À cet égard, le fait que les élasticités-prix de la demande des produits d'hygiène et d'entretien soient supérieures à celles obtenues pour l'élasticité-prix de la demande pour les autres produits de grande consommation ne remet pas en cause la faible élasticité de la demande constatée pour ces produits.

1348. Selon JJSBF et Vania, une faible élasticité-prix de la demande serait de nature à réduire le dommage causé à l'économie par une pratique d'entente. Selon ces sociétés, en présence d'une élasticité-prix faible, les fournisseurs et les distributeurs peuvent pratiquer des prix élevés y compris sur un marché concurrentiel, ce qui tend à réduire la différence entre le prix collusif et le prix concurrentiel, i. e. le surprix lié aux pratiques, et atténue donc le dommage à l'économie. Toutefois, si une faible élasticité-prix de la demande permet, dans certaines circonstances, à des entreprises en concurrence sur un marché oligopolistique de fixer des prix plus élevés qu'en présence d'une forte élasticité, cette faible élasticité permet également de fixer un prix plus élevé en situation de monopole ou d'entente. Or, moins une entreprise est contrainte par la concurrence sur un marché, plus elle est en mesure d'augmenter son prix à la suite d'une baisse de l'élasticité-prix de sa demande. En passant d'un marché où l'élasticité-prix est forte à un marché où cette même élasticité est faible, un monopole ou une entente entre entreprises peut donc accroître son prix d'un montant plus élevé que ne le ferait un oligopole non cartellisé. Contrairement aux conclusions de JJSBF et Vania, une faible élasticité-prix n'est pas de nature à atténuer le surprix et donc le dommage à l'économie, mais à les accroître.

1349. Il ressort des éléments qui précèdent que la demande de produits d'hygiène et celle de produits d'entretien sont faiblement élastiques au prix ce qui est de nature à accroître le dommage à l'économie causé par les pratiques.

Un contre-pouvoir des distributeurs à relativiser

1350. Plusieurs mises en cause allèguent que la puissance de négociation dont bénéficie la grande distribution, évoquée aux points 126 et suivants, a fait contrepoids aux pratiques dénoncées et a donc réduit le dommage causé à l'économie.

1351. Dans le secteur de l'approvisionnement de la grande distribution, notamment en produits d'entretien et d'hygiène, force est de constater que la demande présente un caractère oligopolistique. Elle est en effet essentiellement le fait de sept grandes enseignes (Carrefour, Auchan, Casino, Système U, Intermarché, Leclerc et Cora), présentes sur tous les segments de la distribution traditionnelle (superette, supermarché et hypermarché). Dans ce contexte, les enseignes disposent d'un pouvoir de négociation sur les fournisseurs, et ce d'autant plus que les linéaires constituent une ressource rare. Ce pouvoir se manifeste dans les cas les plus extrêmes par des menaces de déréférencement de produits ou des déréférencements effectifs.

1352. Pour autant, le pouvoir de négociation des distributeurs vis-à-vis des fournisseurs des secteurs de l'hygiène et de l'entretien doit être apprécié à l'aune du pouvoir de marché dont peuvent disposer les fournisseurs. À cet égard, six éléments retiennent l'attention.

1353. En premier lieu, les négociations des accords commerciaux ont lieu entre les fournisseurs et des responsables des achats, au sein des enseignes, qui n'interviennent que dans un secteur précis - en l'espèce le secteur de l'hygiène ou celui de l'entretien. Par conséquent, la comparaison effectuée par les mises en cause entre, d'une part, la part globale des principaux distributeurs dans le chiffre d'affaires des fournisseurs et, d'autre part, la part globale de chaque fournisseur dans le chiffre d'affaires de chaque distributeur, n'est pas pertinente. En effet, dès lors qu'il n'est pas envisageable pour un distributeur de compenser la perte de produits présents dans un rayon, consécutive à un éventuel déréférencement, par un renforcement de la vente de produits d'un autre rayon, l'importance réelle d'un fournisseur pour une enseigne ne correspond pas à la part qu'il représente dans le chiffre d'affaires total de cette dernière, mais à sa part dans l'activité d'un rayon déterminé. Ceci est d'autant plus vrai lorsque le fournisseur dispose de marques à forte notoriété qui valorisent le linéaire du distributeur. Or, il a déjà été indiqué que les participants aux pratiques poursuivies représentaient à l'époque des pratiques environ deux tiers des secteurs de l'hygiène et de l'entretien.

1354. En deuxième lieu, le pouvoir de la grande distribution s'exerce plus difficilement lorsque les fabricants disposent de marques à forte notoriété, comme l'a rappelé la Commission dans plusieurs décisions de concentration (à titre d'exemple : décisions du 15 juillet 2005, COMP/M. 3732, Procter & Gamble/Gillette, points 122 et suivants, du 30 juillet 2003, COMP/M. 3149, Procter & Gamble /Wella, point 57, et du 21 juin 1994, IV/M. 430, Procter & Gamble/VP Schickedanz). Dans le cas d'espèce, les fournisseurs des secteurs de l'hygiène et de l'entretien fabriquent et vendent aux distributeurs des produits disposant d'une réputation forte auprès des consommateurs. Comme l'a déclaré un distributeur, " le marché de l'hygiène et de l'entretien est particulier car tous les opérateurs, dans un domaine ou un autre, sont incontournables " (cote 34 232). De même, au moment de la mise en œuvre de la loi Dutreil, le dirigeant du groupe Carrefour avait indiqué " Les produits qui subissent les augmentations les plus fortes sont souvent incontournables. Je ne peux les sortir des linéaires " (cote 23 692). À cet égard, les entreprises concernées par les pratiques représentent la quasi-totalité des grandes marques nationales, sur chacun des secteurs en cause, et donc la plupart des produits dits " incontournables ".

1355. En particulier, les entreprises mises en cause ne peuvent utilement invoquer les décisions et avis de l'Autorité relatifs à certaines filières du secteur agro-alimentaire. En effet, le caractère souvent atomisé de l'offre, la variabilité de la production qui rend les prix volatils, le caractère instable de la demande, sensible aux aléas climatiques ou aux crises sanitaires, et enfin le caractère souvent périssable des produits mettent les producteurs de certains produits agricoles ou agro-alimentaires dans une position déséquilibrée face à la grande distribution (décisions n° 12-D-08 du 6 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, point 625, n° 13-D-03, précitée, points 21 à 23, et avis n° 08-A-07 relatif à l'organisation économique de la filière fruits et légumes, point 23). Les secteurs de l'hygiène et de l'entretien ne présentent aucune de ces caractéristiques, de sorte que toute comparaison de la présente affaire avec les décisions ou avis de l'Autorité concernant le domaine agro-alimentaire est sans pertinence.

1356. En troisième lieu, et contrairement à ce qu'affirment plusieurs mises en cause, les études, avis et rapports réalisés à l'époque (ou peu après) des pratiques sur les relations entre fournisseurs et distributeurs - que ce soit le rapport Canivet (2004), l'étude du professeur Michel Dietsch pour la Commission d'examen des pratiques commerciales déloyales (2007) ou l'avis n° 04-A-18 du Conseil de la concurrence du 18 octobre 2004 - ne concluaient pas à l'absence de pouvoir de négociation des fournisseurs. Ainsi, à titre d'exemple, le rapport Canivet insistait sur le fort pouvoir de négociation et la rentabilité élevée des grands fournisseurs (pp. 47 à 50) et, au contraire, sur la fragilité des PME. Le rapport Canivet notait également que, dans le domaine des produits de grande consommation (PGC), les grands groupes ne représentaient que 3 % des fournisseurs, mais 56 % des références et 59 % du chiffre d'affaires. L'étude du professeur Michel Dietsch pour la Commission d'examen des pratiques commerciales déloyales (pp. 56, 58 et 78) et l'avis n° 04-A-18 du Conseil de la concurrence du 18 octobre 2004 (point 17) soulignaient la puissance des marques ayant une forte réputation.

1357. En quatrième lieu, de nombreuses entreprises mises en cause pointent la menace significative des pratiques de déréférencement des distributeurs. Elles affirment que ces déréférencements étaient la marque du pouvoir de négociation des distributeurs. À titre liminaire, il convient de relever que les entreprises mentionnent uniquement les déréférencements de certains produits de grands fournisseurs, sans toutefois préciser si ces déréférencements concernaient des marques incontournables. Elles n'indiquent pas non plus la durée de ces déréférencements, ni n'en expliquent la cause objective.

1358. S'il est en effet possible qu'un distributeur puisse prendre le risque de ne pas avoir dans ses linéaires, pendant une certaine période, un ou plusieurs produits de l'un de ses fournisseurs, la puissance de certaines marques permet toutefois de limiter la fréquence et l'impact de ces déréférencements. Par ailleurs, les études économiques disponibles confirment la puissance des marques dans les secteurs de l'hygiène et de l'entretien. S'agissant du secteur de l'entretien, l'étude publiée par l'institut Xerfi en juin 2006 confirmait l'importance des marques majeures (cotes 44 539 à 44 541). Ainsi, pour les assouplissants, le marché était dominé par la marque Soupline (Colgate-Palmolive) et dans une moindre mesure par Cajoline (Unilever), qui regroupaient ensemble 69,1 % des ventes. Pour les produits vaisselle en machine, les marques les plus importantes étaient Sun (Unilever) et Calgonit (Reckitt Benckiser) et qui couvraient 74 % du marché. Enfin, pour les nettoyants ménagers, les marques Ajax (Colgate-Palmolive), Mr Propre (Procter & Gamble), Cif (Unilever) et Saint Marc (Reckitt Benckiser) correspondaient à 58,2 % des ventes. Pour le secteur de l'hygiène, l'étude publiée par l'institut Xerfi en janvier 2007 permettait le même diagnostic (cotes 44 617 à 44 619). S'agissant des produits douches et bains, les marques Sanex (Sara Lee), Mont Saint Michel (Henkel) et le Petit Marseillais (Johnson & Johnson) regroupaient ensemble 59,8 % des parts de marché. Pour les shampoings, les marques du groupe l'Oréal (Elsève, Fructis, Ultra-Doux, Jacques Dessange et Dop) représentaient à elles seules 44,2 % du marché et 54,4 % avec la marque Head&Shoulders (Procter & Gamble). Pour les dentifrices, les marques Signal (Unilever) et Colgate et Tonigencyl (Colgate-Palmolive) concernaient à elles deux 55,9 % des parts de marché.

1359. De plus, les fournisseurs importants sont en mesure de mutualiser les risques de déréférencement sur de nombreuses références et sur la totalité des distributeurs du marché. À titre d'exemple, à la suite du déréférencement par Auchan de la gamme Nivea Douche en 2006, Beiersdorf indique avoir perdu 5 % de son chiffre d'affaires avec ce distributeur sur le segment concerné. Il ne s'agissait donc pas de la perte de 5 % de son chiffre d'affaires total mais bien de 5 % du chiffre d'affaires réalisé avec ce seul distributeur et sur un seul segment de produits.

1360. Au surplus, les pratiques ont été mises en œuvre notamment pour minimiser ce risque de déréférencement. Ainsi, au cours de son audition, M. Gérard H. . . (Henkel ; cote 43 895) a déclaré : " Je prends l'option en interne d'arrêter l'accord Sarkozy au 1er Janvier 2005, mais je suis conscient du risque de déréférencement, et je suis par conséquent intéressé pour connaître les options prises par les autres opérateurs de notre environnement ". Dès lors que les mises en cause adoptaient des positions relativement cohérentes, les distributeurs faisaient face à un front commun de la quasi-totalité des fournisseurs importants. Dans ce contexte, il devenait plus difficile pour eux de procéder à des déréférencements.

1361. En cinquième lieu, plusieurs entreprises mises en cause insistent sur le fait que les marques nationales étaient toujours sous la menace de l'introduction de produits MDD. Il a été montré au point 1334 que le taux de pénétration des MDD sur le marché de l'hygiène est particulièrement limité et qu'au cours de la période concernée par les pratiques, il a connu une croissance moindre par rapport aux autres catégories de produits de grande consommation.

1362. En dernier lieu, plusieurs mises en cause affirment que l'importance des marges arrière et leur croissance seraient le signe d'un pouvoir de marché très important de la grande distribution. À titre liminaire, il convient de rappeler qu'à l'époque de l'application de la loi Galland, caractérisée par une situation d'équilibre tacite entre producteurs et distributeurs, la hausse des marges arrière était accompagnée d'une hausse concomitante des tarifs bruts des fournisseurs, ce qui conduisait à une relative stabilité des prix triple net. Ce dernier point est confirmé par les parties elles-mêmes dans leurs observations (L'Oréal, point 332, Colgate-Palmolive, point 172, Beiersdorf, point 269). Cette stabilité attestait à tout le moins de la capacité des fournisseurs à contrebalancer la puissance d'achat de la grande distribution dans le contexte normatif de l'époque.

1363. L'ensemble de ces éléments démontre que, si, à l'époque des pratiques poursuivies, les fournisseurs des secteurs de l'hygiène et de l'entretien faisaient effectivement face à des acheteurs puissants, leur situation leur permettait de contrebalancer, dans une mesure appréciable, le pouvoir des distributeurs. Plus encore, les pratiques concertées ont permis à la majorité des industriels les plus puissants des secteurs de l'hygiène et de l'entretien d'opposer aux enseignes de la grande distribution une réponse commune, qui leur a permis de faire échec, dans une certaine mesure, à la puissance d'achat des enseignes de la grande distribution.

1364. À titre subsidiaire, l'argument de plusieurs mises en cause selon lequel le dommage à l'économie serait atténué du fait que le surprofit résultant des pratiques aurait été capté en partie par les distributeurs est inopérant. En effet, le dommage à l'économie " ne se limite [...] pas aux seuls gains illicites que son ou ses auteurs ont pu escompter en retirer, mais englobe tous les aspects de la perturbation [que la pratique] est de nature à engendrer " (paragraphe 27 du communiqué sanctions). Par conséquent, à supposer même que le surprofit généré par la pratique ait été capté en partie par les distributeurs ou que la pratique se soit apparentée à un transfert de marge, ce constat ne serait pas de nature à remettre en cause l'existence d'un dommage à l'économie. En outre, dans le cas d'espèce, l'existence d'un contrepouvoir des distributeurs n'aurait pas permis d'annihiler, ni même de modérer, les effets des pratiques sur les prix de vente aux consommateurs. Ceux-ci étaient en effet fixés à un niveau très proche du prix facturé, qui correspondait, jusqu'au 1er janvier 2006, au niveau du seuil de revente à perte. Dans la mesure où les prix facturés par les fournisseurs aux distributeurs ne faisaient pas l'objet de négociation, les distributeurs étaient contraints par les hausses de tarifs concertées passées par les fournisseurs. Ces hausses se répercutaient donc, de façon quasi-automatique, sur les consommateurs.

Sur les conséquences conjoncturelles des pratiques

1365. Dans son appréciation de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité peut prendre en compte les conséquences conjoncturelles des pratiques. En l'espèce, il convient d'analyser successivement, les conséquences du passage d'un équilibre tacite à un équilibre collusif coopératif, l'impact des pratiques sur les relations bilatérales entre fournisseurs et distributeurs et enfin l'effet des pratiques sur les prix de détail.

1366. Il convient de rappeler que le dommage causé à l'économie par une pratique anticoncurrentielle s'apprécie de façon globale, sans tenir compte de la situation individuelle de chaque participant. À ce titre, ainsi que le Conseil de la concurrence l'avait indiqué dans sa décision 09-D-05 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire, et comme la cour d'appel l'avait reconnu (14), les données individualisées exploitées par certaines entreprises sont d'une valeur limitée pour l'évaluation quantitative du dommage puisqu'elles nécessitent de pouvoir être extrapolées aux autres entreprises pour lesquelles ces données individualisées sont indisponibles ou inexploitables. Au cas d'espèce, les données de prix triple net individuelles présentées font état, pour Colgate-Palmolive et Vania, de prix stables ou croissants pendant la période affectée et, pour JJSBF et Procter Gamble, de prix diminuant pendant la période affectée (ou augmentant moins fortement que pendant la période ultérieure). De même, les prix de vente aux consommateurs présentés par L'Oréal augmentent légèrement ou sont stables au cours de la période affectée. Ces données ne sont cependant d'aucune utilité pour apprécier quantitativement le dommage à l'économie causé par les pratiques en cause. En effet, les données de prix utilisées ne couvrent parfois qu'une partie de la période affectée, ne font l'objet que d'une analyse graphique et, enfin, ne sont le plus souvent comparées à aucune situation contrefactuelle permettant d'en inférer une évolution plausible des prix en l'absence des pratiques. Au surplus, elles ne sont présentées que par une minorité d'entreprises et couvrent des périodes différentes : elles ne permettent donc pas non plus d'inférer de manière suffisamment certaine les prix pratiqués par les mises en cause n'ayant pas présenté de données individuelles. Les arguments présentés sur la base de ces données individuelles doivent donc être écartés.

De plus, il n'y a pas lieu, s'agissant de deux ententes uniques et continues, de procéder à une analyse différenciée du dommage à l'économie pour chaque période d'échange à laquelle a participé chaque entreprise.

Les conséquences du passage d'un équilibre tacite à une collusion explicite

1367. Plusieurs mises en cause, notamment Unilever, Reckitt Benckiser, Vania et JJSBF, estiment que les pratiques n'ont pu causer d'effet dommageable sur l'économie au motif qu'elles auraient simplement conduit au passage d'un équilibre tacite, issu de la loi Galland, à un équilibre collusif coopératif. Trois réponses peuvent être apportées à cet argument.

1368. En premier lieu, il a été démontré aux points 212 et suivants que les réformes successives engagées par les pouvoirs publics à partir de 2003 - la circulaire Dutreil, l'Engagement Sarkozy puis la loi Dutreil - ont eu pour effet de générer une incertitude sur les marchés concernés, recréant ainsi des conditions davantage propices à une dynamique concurrentielle qui avait été altérée par la loi Galland. Dès lors, s'il n'est pas contesté que la loi Galland ait conduit à l'apparition d'un équilibre tacite, le contrefactuel pertinent pour apprécier l'impact des pratiques n'est pas le maintien d'un équilibre collusif - fût-il de nature tacite - mais le retour à une situation d'équilibre plus concurrentiel.

1369. En deuxième lieu, si les différentes initiatives des pouvoirs publics n'avaient eu aucun effet sur l'équilibre tacite issu de la loi Galland, les entreprises n'auraient eu aucune incitation à se rencontrer secrètement et à se coordonner, à de multiples reprises, sur leurs hausses tarifaires et sur leurs niveaux de dérive. Or, la plupart des directeurs commerciaux qui ont participé aux ententes ont expliqué que l'intérêt des échanges résidait dans un surcroît de transparence afin d'écarter le risque de se retrouver " isolé " dans la négociation commerciale avec la grande distribution (points 667 et s. ).

1370. En troisième lieu, et à titre subsidiaire, à supposer même que les réformes successives aient échoué à remettre en cause l'équilibre tacite issu de la loi Galland, la théorie économique - notamment au travers de l'économie expérimentale - et la théorie des jeux confirment qu'une coordination explicite, fondée sur des échanges d'informations entre entreprises, conduit en règle générale à un équilibre plus profitable qu'une coordination tacite (15).

1371. Enfin, s'agissant du lien établi par certaines parties entre équilibre collusif tacite et équilibre de monopole, la littérature économique (16) montre que cet équilibre collusif tacite, bien que supra-concurrentiel, ne correspond pas nécessairement à un équilibre de monopole. En particulier, pour que le prix de détail soit égal au prix de monopole, il aurait fallu que les prix triple net des fournisseurs soient égaux à leur coût marginal de production, les fournisseurs exigeant des distributeurs une redevance fixe maximisant leur profit. Mais un tel équilibre ne peut être atteint que si les distributeurs n'ont aucun pouvoir de négociation vis-à-vis des fournisseurs. Lorsque ce pouvoir de négociation - et la rente que s'approprient les distributeurs - augmentent, les fournisseurs sont incités à fixer des prix de détail plus compétitifs, inférieurs au prix de monopole, afin, notamment, de réduire les rentes des détaillants. Dans la présente affaire, les distributeurs dégageaient des profits non nuls, notamment au travers des marges arrière, ce qui montre qu'ils disposaient, en dehors des pratiques d'entente mises en œuvre par les distributeurs d'un certain pouvoir de négociation. Les fournisseurs fixaient quant à eux des prix triple nets supérieurs à leur coût marginal de production, comme en témoignent leurs niveaux de profit. Les conditions correspondant à la fixation d'un prix de monopole selon la théorie économique ne sont donc pas respectées. L'analyse économique confirme donc l'intérêt, pour les fournisseurs, du passage d'une collusion tacite à une coordination explicite et ses effets potentiels sur les prix de détail.

1372. Ainsi, le passage d'un équilibre tacite, qui n'est pas équivalent à un équilibre de monopole, à un équilibre collusif explicite n'est pas neutre sur les niveaux des prix, qui ont été impactés à la hausse.

L'impact des pratiques sur les relations fournisseurs/distributeurs

1373. A titre liminaire, afin d'apprécier l'impact des pratiques sur les relations entre fournisseurs et distributeurs, les services d'instruction et les mises en cause se sont appuyés sur plusieurs indices empiriques, portant sur l'évolution des marges arrières et sur celle des dérives dans les secteurs de l'hygiène et/ou de l'entretien. Toutefois, ces indices empiriques souffrent d'un manque de fiabilité et d'exhaustivité.

1374. Ainsi, le tableau sur l'évolution comparée des marges arrière (p. 125 du rapport) porte sur la seule période 2002/2004, période pour laquelle des statistiques ILEC sont disponibles. Ce tableau ne permet donc pas d'apprécier l'évolution des dérives sur l'ensemble de la période des pratiques, à savoir entre 2003 et 2006, ni de comparer les dérives proposées entre les secteurs de l'hygiène et de l'entretien et celles des autres secteurs, une telle comparaison nécessitant de disposer du niveau des dérives dans ces deux types de secteurs avant l'occurrence des pratiques. Dans ces conditions, les analyses fondées sur ce tableau, et notamment celle de l'Oréal (p. 47-48 de ses observations) sur l'évolution de la dérive, doivent être écartées.

1375. De même, le tableau (p. 96 du rapport) sur l'évolution des taux moyens de dérive de coopération commerciale dans le seul secteur de l'hygiène entre 2001 et 2006 souffre de plusieurs lacunes : il est construit sur la base de sources hétérogènes - la méthode de calcul des marges arrière employée par chaque entreprise répondante n'étant pas précisée ; il repose sur des moyennes arithmétiques non pondérées, ce qui ne permet pas de comparer ces chiffres avec les moyennes pondérées calculées par l'ILEC sur l'ensemble des produits de grande consommation ; certaines entreprises (Gillette et Unilever) n'ont pas transmis aux services d'instruction des données pour l'ensemble des années comprises entre 2000 et 2006, les calculs présentés dans le rapport étant donc réalisés à périmètre non constant. Dans ces conditions, les analyses fondées sur ce tableau, et notamment celle de L'Oréal, invoquant une diminution de la dérive pour les produits d'hygiène inférieure à celle observée pour l'ensemble des produits PGC, doivent être écartées.

1376. D'un point de vue qualitatif, les pratiques de concertation sous la forme d'échanges d'informations ont eu un double effet sur le déroulement des négociations entre fournisseurs et distributeurs. D'une part, les pratiques ont permis de réduire l'asymétrie d'information entre fournisseurs et distributeurs (en termes économiques " l'incomplétude de l'information ") dans le processus de négociation, qui a donc été altéré. D'autre part, elles ont réduit l'incertitude stratégique entre les fournisseurs (en termes économiques " l'imperfection de l'information ") dans la concurrence qu'ils se livraient entre eux, favorisant ainsi la convergence de leurs comportements. Ces deux aspects seront successivement développés.

? Effets des pratiques sur le processus de négociation avec les distributeurs

1377. D'un point de vue économique, les négociations des fournisseurs avec chaque distributeur se déroulent normalement dans un contexte d'information incomplète. En effet, les fournisseurs sont placés dans l'ignorance des propositions tarifaires réelles des autres opérateurs, tandis que de leur côté, les distributeurs sont au contraire informés, notamment :

- des demandes qu'ils formulent à chacun des distributeurs ;

- des propositions tarifaires qui leur sont faites ;

- de l'évolution de leurs demandes et des propositions tarifaires de chacun au cours d'une négociation qui s'étend sur plusieurs mois avant la fixation du prix triple net ;

- de l'état d'avancement de leurs négociations avec chacun.

1378. Dans ce type de situation, le distributeur occupe une position particulière dans la négociation puisqu'il dispose d'une information " privée " vis-à-vis de ses fournisseurs, tandis que les fournisseurs ne sont pas informés des propositions tarifaires concurrentes, ou à tout le moins ne le sont que de manière partielle.

1379. Le distributeur va donc tirer partie de cette asymétrie d'information pour mettre en concurrence ses différents interlocuteurs, via un " benchmarking " (points 159 et s. ). Il leur indiquera ainsi, de façon plus ou moins transparente et plus ou moins exacte (via des stratégies de " bluff "), le niveau des propositions tarifaires qu'il a reçues des autres fournisseurs.

1380. En présence d'une telle asymétrie d'information, les fournisseurs sont incités à formuler des propositions tarifaires attractives, dans le but d'augmenter leurs chances de signer un contrat avec un distributeur. Ce processus stimule la concurrence entre les fournisseurs, et les conduit à modérer la hausse du prix de leurs produits, voire à le baisser, ce qui est dans l'intérêt du distributeur et, in fine, du consommateur.

1381. Toutefois, en présence d'échanges d'informations entre les fournisseurs concernant leurs propositions tarifaires, le distributeur perd le bénéfice de cette information privée, au profit des fournisseurs.

1382. Dans le cas d'espèce, la concertation sous la forme d'échanges d'informations a permis aux fournisseurs de juger de la qualité de l'information fournie par les distributeurs et de déceler ainsi la part de " bluff " inhérente à ce type de négociation. Les tentatives de " bluff " de la part des distributeurs devenaient ainsi inopérantes.

1383. La perte du bénéfice de l'information privée qui existait au profit des distributeurs est attestée par les déclarations de plusieurs mises en cause, qui ont expliqué l'intérêt des échanges d'informations par la nécessité de déceler le " bluff " des distributeurs (voir par exemple les points 696, 710 et 716).

1384. Or, de tels échanges, à toutes les séquences de la négociation, sur les principaux éléments du prix, entre la quasi-totalité des fournisseurs de grandes marques nationales, et concernant tous les distributeurs, n'ont pu qu'avoir un effet significatif sur le profit tiré des négociations par chacun des fournisseurs participants, notamment en permettant la levée d'une part significative de l'asymétrie d'information et de l'incertitude inhérente au processus de négociation sur les secteurs en cause.

? Effets des pratiques sur les stratégies des fournisseurs

1385. Les pratiques de concertation ont également favorisé la formulation, par les fournisseurs, d'offres tarifaires à un niveau supérieur à celles qui auraient résulté du libre jeu de la concurrence.

1386. D'un point de vue économique, les négociations des fournisseurs avec chaque distributeur se déroulent dans un contexte d'information imparfaite : en l'absence de communication entre eux, chaque fournisseur ignore, lorsqu'il formule son offre, le contenu de la proposition faite par ses concurrents.

1387. Dès lors, dans la formulation de sa proposition tarifaire, le fournisseur peut, au mieux, tenter d'anticiper les propositions de ses concurrents, de façon à choisir la stratégie qui lui permettra d'obtenir le profit économique le plus élevé possible.

1388. Dans une telle situation d'incertitude stratégique quant au choix de ses concurrents, le fournisseur n'a pas intérêt à faire une offre qui se situe à un niveau supra-concurrentiel (au-dessus du prix concurrentiel). En effet, si les autres fournisseurs anticipent l'existence d'une telle offre, ils ont intérêt à ne pas s'aligner mais au contraire à faire une proposition à un prix inférieur pour se positionner favorablement. Le fournisseur à l'origine de l'offre supra-concurrentielle risque donc de se retrouver évincé totalement ou partiellement du marché.

1389. Au contraire, en présence d'échanges d'informations sur les choix à venir des fournisseurs, l'incertitude stratégique dans laquelle ces derniers se trouvent nécessairement réduite. Au moment de formuler leurs offres au distributeur, les fournisseurs ont connaissance des propositions tarifaires d'une partie ou de la totalité de leurs concurrents.

1390. Dès lors que les informations échangées sont crédibles, c'est-à-dire dès lors qu'il est suffisamment vraisemblable que les informations échangées correspondent aux offres effectivement faites, les fournisseurs peuvent proposer aux distributeurs des conditions moins concurrentielles que celles résultant d'un processus de négociation plus opaque. Les concurrents préfèreront s'aligner sur ces propositions supra-concurrentielles, plutôt que de proposer une offre à un niveau inférieur. Des offres supra-concurrentielles peuvent ainsi, en présence d'échanges d'informations, être mises en œuvre alors que l'incertitude stratégique inhérente aux interactions concurrentielles non faussées les éliminerait.

1391. Les informations ainsi échangées vont permettre à la fois une coordination sur des propositions tarifaires à un niveau supra-concurrentiel, notamment lorsqu'il s'agit de données futures, et une vérification des comportements passés permettant la détection du non-respect de la ligne d'action commune.

1392. En l'espèce, les pratiques constatées ont permis à chaque participant d'intégrer dans l'élaboration de ses propres propositions tarifaires, les propositions faites par ses concurrents. Les échanges d'informations ont ainsi conféré aux entreprises mises en cause la possibilité d'identifier une " zone de sécurité " au sein de laquelle elles n'étaient plus isolées par rapport aux propositions tarifaires de leurs concurrents.

1393. Les propositions tarifaires situées dans cette zone de sécurité étaient supérieures à celles qui auraient résulté d'une situation de concurrence non faussée tout en étant cohérentes les unes par rapport aux autres, ce qui les légitimaient aux yeux des distributeurs et facilitait de facto leur acceptation. De façon plus rare, les échanges d'informations ont également permis, aux participants d'adopter une position différente de celle de leurs concurrents, en toute connaissance de cause, et d'en tenir compte dans le déroulement de leurs propres négociations afin d'en tirer avantage (cote 40 503).

1394. De plus, le système d'échanges d'informations organisé sur chacun des deux secteurs permettait d'assurer la surveillance de l'équilibre collusif coopératif, grâce au contenu des informations que les entreprises se communiquaient et aux caractéristiques des secteurs sur lesquels les pratiques se sont déroulées.

1395. S'agissant des échanges de grilles tarifaires qui ont eu lieu à l'occasion des Cercles Team et des Amis sur les deux secteurs, ils ont limité les incitations à dévier de l'équilibre issu des échanges, puisque toute innovation ou baisse de prix pouvait être détectée et contrée rapidement, en mettant en place des promotions ponctuelles par exemple. L'échange d'informations permettait ainsi d'obtenir les grilles tarifaires et les CGV des concurrents de façon certaine et rapide, sans donner de contrepartie aux distributeurs. La rapidité de la détection des éventuelles déviations à l'équilibre collusif ne pouvait que limiter les incitations à dévier et, partant, renforcer l'équilibre collusif.

1396. S'ajoutaient à ces échanges, les informations communiquées lors des réunions relatives aux tarifs très récents, quoique passés, qui ont permis aux entreprises, pendant toute la durée de la pratique, de contrôler la véracité des informations échangées entre les entreprises, une fois les tarifs envoyés à la grande distribution.

1397. Quant aux échanges de chiffres d'affaires qui se sont déroulés dans ces mêmes cadres, lors des réunions ou par le biais de correspondances, ils ont permis aux participants aux pratiques de contrôler l'évolution de la performance commerciale des autres opérateurs et de détecter, rapidement, les éventuels écarts par rapport à l'équilibre collusif résultant des échanges d'informations relatifs aux différents éléments du prix triple net exposés précédemment. Dans la mesure où les chiffres d'affaires ainsi communiqués incluaient les " effets promotionnels ", ils ont notamment contribué à détecter rapidement la mise en place, par les entreprises concernées, de politiques promotionnelles qui étaient de nature à modifier l'équilibre collusif résultant des échanges (points 737 et s. ).

L'impact des pratiques sur les prix de vente aux consommateurs (PVC)

Sur les évaluations quantitatives du surprix causé par les pratiques

1398. A titre liminaire, il convient de rappeler que, si l'Autorité doit procéder à une appréciation de l'existence et de l'importance du dommage en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier, elle n'est pas tenue de le chiffrer précisément. Par ailleurs, le communiqué sanctions rappelle que " les éléments qu'elle prend en considération sont généralement de nature qualitative, mais peuvent également être de nature quantitative lorsque de tels éléments sont disponibles et fiables " (§28).

1399. Au cas d'espèce, les services d'instruction, puis les parties, ont tenté d'estimer quantitativement le surprix associé aux pratiques. Toutefois, compte tenu notamment de la faible qualité des données disponibles, les analyses économétriques réalisées ne sont pas probantes.

1400. Premièrement, les trois bases de données utilisées présentent d'importantes limites. L'indice de prix des produits d'hygiène et d'entretien (indice groupé dit " DPH ") vendus dans la grande distribution de l'INSEE incorpore les prix des lessives de certains fabricants, déjà sanctionnés par la décision n°11-D-17 pour des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives et, surtout, couvre des catégories de produits non concernées par les pratiques et des produits concernés par celles-ci mais vendus par des entreprises n'ayant pas pris part aux échanges d'information. L'estimation du surprix tirée de ces données ne pourrait constituer qu'un minorant du surprix effectivement causé par les pratiques, d'autant que le contrefactuel utilisé dans le cadre de l'estimation en double différence comprend également les prix des produits couverts par les pratiques.

1401. Les indices de prix de détail tirés des données de panels KANTAR et IRI, obtenues auprès de l'ILEC sous une forme agrégée par type de produits (comme " savons " ou " gels douches "), présentent également deux limites importantes. Premièrement, ces indices de prix élaborés par les services d'instruction, s'ils n'incorporent que les catégories de produits concernées par les pratiques, incorporent les prix de produits vendus par des entreprises qui n'ont pas participé aux pratiques et les prix des produits vendus sous marque de distributeur. A nouveau, le surprix estimé à partir de ces indices n'aurait pu constituer qu'un minorant du surprix réellement causé par les pratiques sur les produits vendus par les entreprises mises en cause. Deuxièmement, il est apparu au cours du débat contradictoire que les données dont étaient tirés ces indices présentaient, ainsi que l'ont souligné plusieurs parties (telles Bolton Solitaire, Vania, JJSBF, Colgate-Palmolive ou Unilever), d'importantes incohérences, dues notamment à la modification des périmètres des secteurs de l'hygiène et de l'entretien retenus au cours de la période étudiée. La solution consistant à supprimer les rayons ou catégories de produits présentant ces incohérences, ainsi que certaines entreprises l'ont proposé, n'est pas satisfaisante : elle équivaut à retirer entre 30 et 50 % des produits d'hygiène et d'entretien (selon les études économiques et les bases de données considérées), soit une proportion de produits affectés trop importante pour que les estimations réalisées puissent refléter le véritable surprix causé par les pratiques. De même, le retraitement des données consistant à remplacer les valeurs identifiées comme potentiellement aberrantes par des valeurs calculées à partir des valeurs identifiées comme potentiellement non-aberrantes plus proches dans le temps ou plus récentes, auxquelles sont appliqués leurs taux de croissance successifs, suppose cependant que tant ces données que les taux de croissance soient eux-mêmes fiables, ce qui n'est aucunement certain (17). En conséquence, la qualité des données agrégées IRI et KANTAR obtenues auprès de l'ILEC ne permet pas d'établir un surprix de manière fiable.

1402. Deuxièmement, les estimations produites par comparaison des indices de prix de l'INSEE avant et pendant la période des pratiques (méthode " avant-après " ou, au cas d'espèce, " avant-pendant ") ne sont pas probantes. En effet, comme rappelé supra, les pratiques se sont déroulées de manière concomitante à la mise en œuvre de la circulaire Dutreil puis de l'Engagement Sarkozy. Ces deux modifications du cadre normatif, qui ont généré une incertitude propice à la concurrence, rendent la période des pratiques, postérieure à la circulaire Dutreil puis à l'Engagement Sarkozy, très peu comparable à la période antérieure aux pratiques, pendant laquelle la loi Galland continuait d'atténuer la concurrence entre fabricants.

1403. Troisièmement, ainsi que le souligne Bolton Solitaire, l'analyse du dommage à l'économie sur la seule base des prix de détail ne permet pas d'identifier le surprix lié aux pratiques dénoncées, dont les effets se produisent au niveau des prix pratiqués par les fabricants, soit les prix sur facture et les prix triple net. Les comportements des distributeurs, qui perçoivent une marge faible au stade du détail mais dont le niveau (compris en moyenne entre 5 et 1 % entre 2000 et 2006 pour l'ensemble des produits de grande consommation) ne peut être négligé, peuvent influencer le surprix mesuré au stade du détail soit à la hausse (par exemple, si les distributeurs accroissent leurs marges de détail pendant les pratiques), soit à la baisse (s'ils diminuent leurs marges de détail pendant les pratiques). Le surprix effectivement causé par les pratiques ne peut donc être inféré directement de l'analyse des prix de détail. L'utilisation de la méthode de la double différence ne peut corriger ce biais que dans la mesure où les comportements des distributeurs quant à leur marge de détail sont identiques sur les secteurs de l'hygiène et de l'entretien et sur ceux des autres produits de grande consommation, ce qui n'est en rien démontré, y compris pour des groupes contrefactuels restreints, i. e. uniquement composés de produits d'hygiène et d'entretien non affectés par les pratiques (18).

1404. Quatrièmement, plusieurs parties ont souligné que les erreurs des modèles économétriques estimés présentent, en raison de la nature des données de prix disponibles, une auto-corrélation d'ordre supérieur à 1, dont la prise en compte rend les estimations du surprix imprécises. L'inclusion d'indices de prix " retardés " (correspondant aux mois ou périodes antérieurs à celui examiné) dans les estimations, si elle permet de résorber cette auto-corrélation, conduit à des estimations du surprix qui ne peuvent être interprétées que comme des minorants du surprix. En effet, celui-ci comprend non seulement l'effet directement mesuré par l'estimation mais aussi un effet indirect, correspondant à l'effet des pratiques sur les indices de prix retardés. L'estimation ainsi obtenue ne peut donc être qu'un minorant du surprix réel et demeure très imprécise.

1405. Pour ces différentes raisons, compte tenu de la faible qualité des données, les estimations économétriques du surprix, qui devraient d'ailleurs être interprétées comme des minorants du surprix réel, ne présentent pas un degré de fiabilité suffisant pour être prises en compte dans l'appréciation du dommage à l'économie et doivent être écartées.

Sur l'appréciation qualitative du surprix

1406. Plusieurs entreprises mises en cause - dont Unilever, Procter & Gamble, Reckitt Benckiser -allèguent que les pratiques de concertation sur les dérives, en limitant le niveau des marges arrière consenties par les fournisseurs aux distributeurs, ont limité la hausse des prix de détail. Selon les mises en cause, la moindre dérive de coopération commerciale consentie par les fournisseurs à leurs distributeurs aurait réduit la hausse des coûts de ces fournisseurs, ce qui aurait nécessairement été répercuté dans leurs prix de vente aux distributeurs, et donc dans les prix de vente aux consommateurs. Reckitt Benckiser, Unilever et Procter & Gamble suggèrent donc que les fournisseurs auraient rétrocédé une partie de cette marge aux consommateurs, en consentant une hausse de tarifs moindre.

1407. Au cas d'espèce, un tel argument ne saurait prospérer compte tenu des pratiques observées. En effet, les échanges d'informations relatifs aux dérives de coopération commerciale n'étaient pas autonomes mais s'inscrivaient dans un cadre plus global, portant sur toutes les composantes des prix triple net des entreprises mises en cause. En particulier, il a été établi que les pratiques ont aussi porté sur les hausses de tarifs bruts avant leur envoi aux distributeurs, sans qu'il ne soit jamais question d'une quelconque modération tarifaire pouvant bénéficier aux consommateurs.

1408. Compte tenu du cadre juridique applicable, ces hausses de tarifs facturées étaient nécessairement répercutées dans les prix de vente aux consommateurs. À cet égard, il convient de distinguer deux périodes.

1409. Avant le 1er janvier 2006, le seuil de revente à perte était défini comme " le prix d'achat effectif " : il s'entendait déduction faite des rabais ou remises de toute nature consentis par le fournisseur au moment de la facturation. Le prix de revente au consommateur était donc le prix de vente unitaire sur facture, prix plancher qui s'imposait au distributeur, majoré de la marge avant déterminée librement par les distributeurs. Ces derniers disposaient donc d'une marge de manœuvre réduite pour fixer les prix de vente aux consommateurs des produits qu'ils commercialisaient. Dans ces circonstances, la hausse du seuil de revente à perte induite par les pratiques a été nécessairement répercutée, au moins en grande partie, par les distributeurs dans le prix de revente au consommateur.

1410. À compter du 1er janvier 2006, le seuil de revente à perte a toujours constitué, pour le distributeur, un prix planché, mais sa définition a été modifiée. Cette nouvelle définition n'a pas conduit toutefois à une décorrélation absolue entre seuil de revente à perte et prix facturés dans la mesure où ces derniers constituaient toujours l'un des éléments essentiels du seuil de revente à perte. Dans ces circonstances, toute hausse coordonnée des tarifs facturés a eu un effet à la hausse sur le seuil de revente à perte, qui a nécessairement été répercuté, au moins en grande partie, dans les prix de vente aux consommateurs.

Conclusion sur le pourcentage de la valeur des ventes

1411. Compte tenu de l'appréciation qu'elle a faite ci-dessus de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie dans les deux secteurs sous examen, l'Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause, une proportion de la valeur de leurs ventes de 15 %.

d) Sur la durée de participation

1412. Comme indiqué au point 1277, la durée d'une infraction aux règles de concurrence est un facteur qu'il convient de prendre en compte dans le cadre de l'appréciation tant de la gravité des faits que de l'importance du dommage causé à l'économie. En effet, plus une telle infraction est longue, plus l'atteinte qu'elle porte au jeu de la concurrence et la perturbation qu'elle entraîne pour le fonctionnement du secteur ou du marché en cause, et plus généralement pour l'économie, peuvent être substantielles et persistantes. La jurisprudence de l'Union sur ce point relève d'ailleurs que " [s]i une entente fixe l'état du marché au moment où elle est conclue, sa longue durée peut en rigidifier les structures [...]. Le retour à l'état de libre concurrence sera d'autant plus difficile et long que la durée de l'entente aura elle-même été longue " (Cour de justice, 8 décembre 2011, KME Germany e. a. /Commission, C-389/10 P, Rec. p. I-13125, point 75).

1413. Dans le cas d'infractions qui se sont prolongées plus d'une année, l'Autorité s'est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes : la proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de mise en œuvre du comportement en cause, à la valeur des ventes de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes de mise en œuvre suivantes. Au-delà de cette dernière année complète, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.

1414. Dans chaque cas d'espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chaque entreprise à l'infraction et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d'entre elles pendant l'exercice comptable retenu comme référence.

1415. Au cas présent, au-delà des années complètes de participation, l'Autorité retiendra les mois complets de participation au prorata temporis.

Durée de participation des entreprises à l'entente unique dans le secteur de l'entretien

1416. L'entente unique, complexe et continue qui s'est déroulée dans le secteur des produits d'entretien a duré entre le mois de janvier 2003 et le 3 février 2006. Comme expliqué précédemment, cette entente unique est constituée de plusieurs pratiques concertées. Parmi elles, les pratiques qui se sont déroulées dans le cadre du Cercle Team HP (réunions et correspondances) ainsi que les contacts bilatéraux ou plurilatéraux entre les entreprises ont eu lieu pendant toute la période de l'entente unique, entre janvier 2003 et le 3 février 2006. En particulier, s'agissant des contacts bilatéraux et plurilatéraux, les éléments de preuve figurant au dossier montrent qu'ils se sont échelonnés, de façon régulière, entre le 14 janvier 2003 et le mois de novembre 2005. À ces différentes pratiques, sont venues s'ajouter, à compter du 21 septembre 2004, celles qui se sont déroulées dans le cadre du Cercle des Amis.

1417. Afin de garantir l'individualisation et la proportionnalité des sanctions, il convient de retenir, pour chacune des entreprises, la durée de leur participation à l'entente unique, complexe et continue ou, le cas échéant, à certaines pratiques concertées qui la constituent, telle qu'identifiée aux points 981 et suivants. Le tableau figurant ci-dessous récapitule, pour chacune des entreprises mises en cause, la période de participation à l'entente unique ou aux pratiques concertées qui la constituent, la durée de participation à l'infraction et le coefficient multiplicateur correspondant :

<Emplacement Tableau>

Durée de participation des entreprises à l'entente unique dans le secteur de l'hygiène

1418. L'entente unique, complexe et continue qui s'est déroulée dans le secteur des produits d'hygiène a duré entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006. Comme expliqué précédemment, cette entente unique est constituée de plusieurs pratiques concertées. Parmi elles, les pratiques qui se sont déroulées dans le cadre du Cercle Team PCP (réunions et correspondances) ont commencé en avril 2003 et ont duré jusqu'à la fin de l'entente, le 3 février 2006. S'agissant des contacts bilatéraux et plurilatéraux, les éléments de preuve figurant au dossier montrent qu'ils se sont échelonnés, de façon régulière, entre le 22 janvier 2003 et le 2 janvier 2006. À ces différentes pratiques, sont venues s'ajouter, à compter du 21 septembre 2004, celles qui se sont déroulées dans le cadre du Cercle des Amis qui ont duré jusqu'à la fin de l'entente, le 3 février 2006.

1419. Afin de garantir l'individualisation et la proportionnalité des sanctions, il convient de retenir, pour chacune des entreprises, la durée de leur participation à l'entente unique, complexe et continue ou, le cas échéant, à certaines pratiques concertées qui la constituent, telle qu'identifiée aux points 981 et suivants. Le tableau figurant ci-dessous récapitule, pour chacune des entreprises mises en cause, la période de participation à l'entente unique ou aux pratiques concertées qui la constituent, la durée de participation à l'infraction et le coefficient multiplicateur correspondant :

<Emplacement Tableau>

1420. La société Lascad est coauteur, avec L'Oréal (SA), des pratiques de l'entreprise L'Oréal pendant la période comprise entre octobre 2005 et le 3 février 2006, ce qui correspond à une durée de participation de 3 mois et un coefficient multiplicateur de 0,25.

e) Conclusion sur la détermination du montant de base

1421. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, eu égard à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques en cause, le montant de base de la sanction pécuniaire déterminé en proportion des ventes de produits d'hygiène et d'entretien en relation avec les infractions commises par chacune des entreprises en cause, d'une part, et de sa durée individuelle de participation aux pratiques, d'autre part, est le suivant :

<Emplacement Tableau>

3. SUR LA PRISE EN COMPTE DES CIRCONSTANCES PROPRES À CHAQUE ENTREPRISE

1422. L'Autorité s'est engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu'il s'agisse d'organismes ou d'entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.

1423. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l'infraction, ainsi que d'autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.

a) Sur la participation individuelle des entreprises aux deux ententes uniques

1424. Comme indiqué précédemment aux points 1281 et suivants, il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, du fait qu'une entreprise n'est pas tenue responsable de toutes les pratiques concertées constitutives d'une entente unique, et de moduler à la baisse la sanction qui lui est infligée. Cette méthode permet de refléter de manière effective dans l'amende imposée aux mises en cause dans chacun des deux secteurs les différences de responsabilité de chaque entreprise au regard des pratiques constitutives de chaque entente unique.

1425. Même si la sanction d'une infraction, surtout si les faits sont répréhensibles par leur objet même, revêt nécessairement un certain caractère forfaitaire et si l'Autorité a déjà tenu compte de la durée des pratiques pour chaque entreprise, il sera accordé une réduction supplémentaire du montant de la sanction aux entreprises qui ne sont pas tenues responsables des pratiques concertées mises en œuvre dans le cadre des cercles Team (réunions et/ou correspondances), du cercle des Amis (réunions et/ou correspondances), et/ou de l'ensemble ou d'une partie des contacts bi ou plurilatéraux.

1426. À cet égard, l'Autorité relève en particulier que le Cercle des Amis présentait des caractéristiques différentes par rapport à celles des Cercles Team. En particulier, son importance économique était moindre du fait que la part de marché cumulée des entreprises participant au Cercle des Amis était inférieure à celle des entreprises participant aux Cercles Team (point 1050). Les échanges de correspondances y revêtaient également un caractère moins institutionnalisé (point 312). Il convient d'en tenir compte dans l'abattement qui sera opéré sur le montant de base en fonction des données propres à chaque entreprise.

En ce qui concerne Colgate-Palmolive et Henkel

1427. Henkel et Colgate-Palmolive sont tenues responsables, dans chacun des deux secteurs, de l'intégralité de l'infraction unique. Il n'y a donc pas lieu de réduire leur amende pour tenir compte de leur participation individuelle à chacune des infractions uniques identifiées dans le secteur de l'hygiène d'une part, et dans celui de l'entretien d'autre part.

En ce qui concerne Reckitt Benckiser

1428. Dans le secteur de l'entretien, Reckitt Benckiser est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis et du Cercle Team HP ainsi que des contacts bilatéraux ou plurilatéraux.

1429. Ainsi, Reckitt Benckiser n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 112 083 993 euros.

1430. Dans le secteur de l'hygiène, Reckitt Benckiser est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis ainsi qu'un contact plurilatéral auquel elle a participé et des correspondances échangées dans le cadre du Cercle Team PCP.

1431. Ainsi, Reckitt Benckiser n'étant pas tenue responsable des réunions organisées dans le cadre du Cercle Team PCP et d'une partie des contacts complémentaires, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 13 147 184 euros.

En ce qui concerne Unilever

1432. Dans le secteur de l'entretien, Unilever est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team HP, des contacts bi ou plurilatéraux auxquels elle a participé entre le mois de janvier 2003 et le début du mois d'août 2005, et une réunion des " Amis " à la fin de l'année 2004.

1433. Ainsi, Unilever n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires et des pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception d'une réunion), il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 78 184 319 euros.

1434. Dans le secteur de l'hygiène, Unilever est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP, des contacts bi ou plurilatéraux auxquelles elle a participé entre le mois d'avril 2003 et le 2 janvier 2006 et une réunion des " Amis ", à la fin de l'année 2004.

1435. Ainsi, Unilever n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires et des pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception d'une réunion), il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 113 106 797 euros.

En ce qui concerne Procter & Gamble

1436. Dans le secteur de l'entretien, Procter & Gamble est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team HP et des contacts bi ou plurilatéraux auxquelles elle a participé entre le mois de janvier 2003 et le début du mois de février 2005.

1437. Ainsi, Procter & Gamble n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires et des pratiques concertées dans le cadre du Cercle des Amis, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 37 933 490 euros.

1438. Dans le secteur de l'hygiène, Procter & Gamble est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle Team PCP et des contacts bi ou plurilatéraux auxquels elle a participé entre le mois d'avril 2003 et le mois de janvier 2005.

1439. Ainsi, Procter & Gamble n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires et des pratiques concertées dans le cadre du Cercle des Amis, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 37 246 810 euros.

En ce qui concerne Sara Lee

1440. Dans le secteur de l'entretien, Sara Lee est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception des correspondances) et des contacts bilatéraux auxquels elle a pris part, entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006.

1441. Ainsi, Sara Lee n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires, des pratiques concertées dans le cadre du Cercle Team HP, et des correspondances organisées dans le cadre du Cercle des Amis, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 11 703 355 euros.

1442. Dans le secteur de l'hygiène, Sara Lee est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception des correspondances) entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006.

1443. Ainsi, Sara Lee n'étant pas tenue responsable de l'ensemble des contacts complémentaires, des pratiques concertées dans le cadre du Cercle Team PCP, et des correspondances organisées dans le cadre du Cercle des Amis, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 11 264 479 euros.

En ce qui concerne SC Johnson

1444. Dans le secteur de l'entretien, SC Johnson est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis et des contacts bilatéraux ou plurilatéraux auxquels elle a participé, entre le 30 juillet 2003 au plus tard et le 3 février 2006.

1445. Ainsi, SC Johnson n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires et des pratiques concertées dans le cadre du Cercle Team HP, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 47 115 905 euros.

En ce qui concerne Bolton Solitaire

1446. Dans le secteur de l'entretien, Bolton Solitaire est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques qui se sont déroulées dans le cadre du Cercle des Amis et le contact bilatéral auquel elle a participé entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006.

1447. Ainsi, Bolton Solitaire n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires et des pratiques concertées dans le cadre du Cercle Team HP, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 7 903 096 euros.

En ce qui concerne Laboratoires Vendôme

1448. Dans le secteur de l'hygiène, Laboratoires Vendôme est tenue pour responsable des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle des Amis et les correspondances échangées au sein du Cercle Team PCP entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006.

1449. Ainsi, Laboratoires Vendôme n'étant pas tenue responsable de l'ensemble des contacts complémentaires et des réunions organisées dans le cadre du Cercle Team PCP, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 19 829 428 euros.

En ce qui concerne L'Oréal

1450. L'Oréal est tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes :

- les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP entre le mois d'avril 2003 et le 24 mars 2004 et entre le mois d'octobre 2005 et le 3 février 2006 ;

- les pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis entre le 26 janvier 2006 et le 3 février 2006.

1451. Ainsi, L'Oréal SA n'étant pas tenue responsable de l'ensemble des contacts complémentaires et des pratiques concertées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception de la période du 26 janvier 2006 au 3 février 2006), il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 164 778 062 euros.

1452. De la même façon, Lascad, co-auteur des pratiques pour la période d'octobre 2005 au 13 février 2006, n'est pas tenue responsable de l'ensemble des contacts complémentaires et des pratiques concertées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception de la période du 26 janvier 2006 au 3 février 2006). Il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 39 610 110 euros.

En ce qui concerne Beiersdorf

1453. Beiersdorf est tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP et un contact trilatéral entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006 ; les pratiques organisées dans le cadre du Cercle des Amis entre le 19 janvier 2006 et le 3 février 2006.

1454. Ainsi, Beiersdorf n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires et des pratiques concertées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception de la période du 19 janvier 2006 au 3 février 2006), il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 78 044 381 euros.

En ce qui concerne Vania

1455. Vania est tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP et un contact trilatéral auquel elle a participé, entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006.

1456. Ainsi, Vania n'étant pas tenue responsable d'une partie des contacts complémentaires et des pratiques concertées dans le cadre du Cercle des Amis, il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction de en l'abaissant à 53 612 592 euros.

En ce qui concerne Gillette

1457. Gillette est tenue pour responsable, dans le secteur de l'hygiène, des seules pratiques concertées suivantes : les pratiques organisées dans le cadre du Cercle Team PCP ainsi que deux réunions des " Amis ", entre le mois d'avril 2003 et le 3 février 2006.

1458. Ainsi, Gillette n'étant pas tenue responsable de l'ensemble des contacts complémentaires et des pratiques concertées dans le cadre du Cercle des Amis (à l'exception de deux réunions), il y a lieu de diminuer le montant de base de la sanction en l'abaissant à 71 355 834 euros.

Conclusion sur la prise en compte de la participation individuelle des entreprises à chacune des ententes uniques

1459. Il résulte de ce qui précède que le montant de base de la sanction pécuniaire tenant compte la participation individuelle des entreprises à chacune des ententes uniques est le suivant :

<Emplacement Tableau>

b) Sur les circonstances atténuantes ou aggravantes et les autres éléments d'individualisation

Principes applicables

1460. L'Autorité s'est engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu'il s'agisse d'organismes ou d'entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges (points 43 et s. du communiqué sanctions).

1461. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l'infraction, ainsi que d'autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.

1462. S'agissant des circonstances atténuantes, le communiqué sanctions rappelle que " les circonstances atténuantes en considération desquelles l'Autorité peut réduire le montant de base de la sanction pécuniaire, pour une entreprise ou un organisme, peuvent notamment tenir au fait que :

- l'entreprise ou l'organisme apporte la preuve qu'il a durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d'avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause ;

- l'entreprise ou l'organisme apporte la preuve qu'il a été contraint à participer à l'infraction;

- l'infraction a été autorisée ou encouragée par les autorités publiques ".

1463. Parmi les circonstances atténuantes pouvant être prises en considération par l'Autorité dans le cadre de l'individualisation de la sanction figure le fait, pour une entreprise ou un organisme, d'adopter durablement un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits en cause, au point de perturber, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique (arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e. a. , précité, p. 32, et décision n° 07-D-50 du Conseil du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets, points 730 et 769, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club e. a. , n° 2008/00255, pp. 20 et 21). La jurisprudence de l'Union considère qu'un tel comportement peut constituer une circonstance atténuante (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T-50/00, Rec. p. II-2395, point 291, et du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26/02, Rec. p. II-713, point 113).

1464. Pour pouvoir être prise en considération, cette circonstance atténuante doit être démontrée par l'entreprise ou l'organisme qui l'allègue. S'il n'est pas exigé que l'intéressé se soit publiquement distancié de l'infraction, il n'est néanmoins pas suffisant qu'il ait violé, de façon ponctuelle ou partielle, la discipline commune.

1465. S'agissant des circonstances aggravantes, le communiqué sanctions rappelle que " les circonstances aggravantes en considération desquelles l'Autorité peut augmenter le montant de base de la sanction pécuniaire, pour une entreprise ou un organisme, peuvent notamment tenir au fait que :

- l'entreprise ou l'organisme a joué un rôle de meneur ou d'incitateur, ou a joué un rôle particulier dans la conception ou dans la mise en œuvre de l'infraction ;

- l'entreprise ou l'organisme a pris des mesures en vue d'en contraindre d'autres à participer à l'infraction ou a pris des mesures de rétorsion à leur encontre en vue de faire respecter celle-ci ;

- l'entreprise ou l'organisme jouit d'une capacité d'influence ou d'une autorité morale particulières, notamment parce qu'il est chargé d'une mission de service public ".

S'agissant des autres éléments d'individualisation, le communiqué sanctions rappelle qu' " [a]fin d'assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction

pécuniaire, l'Autorité peut ensuite adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant de base en considération d'autres éléments objectifs caractérisant la situation de l'entreprise ou de l'organisme concerné.

En particulier, elle peut l'adapter à la baisse pour tenir compte du fait que :

- l'entreprise concernée mène l'essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l'infraction (entreprise " mono-produit ") ;

- l'entreprise ou l'organisme concerné rencontre des difficultés financières particulières affectant sa capacité contributive ; cet ajustement est opéré au stade et selon les modalités prévus par la section D. 3 ci-dessous.

Elle peut aussi l'adapter à la hausse pour tenir compte du fait que :

- l'entreprise concernée dispose d'une taille, d'une puissance économique ou de ressources globales importantes, notamment par rapport aux autres auteurs de l'infraction ;

- le groupe auquel appartient l'entreprise concernée dispose lui-même d'une taille, d'une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier, dans le cas où l'infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe ".

1466. En ce qui concerne l'adaptation à la hausse du montant de la sanction, il est de jurisprudence constante que l'appréciation de la situation individuelle peut conduire à prendre en considération l'envergure de l'entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient (voir en ce sens, Cass. com. , 28 avril 2004, Colas Midi-Méditerranée e. a. , n° 02-15203).

1467. La jurisprudence constante des juridictions de l'Union va, au demeurant, dans le même sens. Tout en indiquant que le recours à la valeur des ventes de l'entreprise en cause permet de proportionner l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif de l'intéressée sur le secteur ou marché en cause, elle rappelle en effet qu'il est légitime de tenir compte, dans le même temps, du chiffre d'affaires global de cette entreprise, en ce que celui-ci est de nature à donner une indication de sa taille, de sa puissance économique et de ses ressources (CJCE, Musique Diffusion Française/Commission, précité, points 119 à 121, et CJCE, 26 juin 2006, Showa Denko/Commission, aff. C-289/04 P, Rec. p. I-5859, points 16 et 17). Il convient de prendre en considération la taille et les ressources globales des entreprises au moment de l'adoption de la décision litigieuse (Cour de justice, 4 septembre 2014, YKK Corporation, C-408/12, point 86).

1468. De fait, la circonstance qu'une entreprise dispose d'une puissance financière importante peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d'une ou plusieurs infractions données, soit plus élevée que si tel n'était pas le cas, afin d'assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire (cour d'appel de Paris, 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e. a. , précité, p. 71, et du 30 janvier 2014, Société Colgate-Palmolive Service, précité, p. 41). À cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de préciser que l'efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive - objectif également mis en exergue, s'agissant des sanctions pouvant être imposées en cas de violation de règles nationales de concurrence, par l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme du 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics/Italie (Req. n° 43509/08, point 41) -, au regard de la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée (Cass. com. , 18 septembre 2012, Séphora e. a. , n° 12-14401).

En ce qui concerne Colgate-Palmolive

Sur le rôle particulier de Colgate-Palmolive

1469. Parmi les circonstances aggravantes pouvant être prises en considération par l'Autorité dans le cadre de l'individualisation de la sanction figure le fait, pour une entreprise ou un organisme, de jouer un rôle de meneur ou d'incitateur, ou plus largement un rôle particulier dans la conception ou dans la mise en œuvre de l'infraction. La Cour de cassation a déjà jugé, à cet égard, que le rôle d'instigateur ou de chef de file d'une entreprise justifiait une aggravation de sa sanction à ce titre (arrêts de la Cour de cassation du 14 mars 1997, Spie Batignolles e. a. , n° 94-15133, et du 18 février 2004, OCP Répartition e. a. , n° 02-11754). La jurisprudence de l'Union va, au demeurant, dans le même sens (arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e. a. /Commission, T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, Rec. p. II-1181, point 301, et du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15/02, Rec. p. II-497, points 354 et 374 à 376).

1470. Différents éléments de fait peuvent permettre de caractériser un tel rôle. L'intéressé peut par exemple s'être chargé d'élaborer ou de suggérer la conduite à tenir par les membres de l'entente, ou encore en avoir assuré l'organisation logistique. En revanche, il n'est pas nécessaire que l'intéressé ait exercé des pressions ou dicté leur conduite aux autres membres de l'entente. L'important est que, quelle que soit la forme qu'a prise son comportement, il ait effectivement joué un rôle d'instigateur ou de chef de file.

1471. En l'espèce, Colgate-Palmolive a joué un rôle particulièrement actif dans l'organisation des différentes pratiques constitutives des ententes uniques qui se sont déroulées sur les deux secteurs.

1472. Tout d'abord, dans le secteur de l'entretien, Colgate-Palmolive a joué un rôle prépondérant dans la convocation des nouveaux participants aux réunions Team HP (points 244 et s. ) ce qui a permis d'assurer la pérennisation de ces réunions formelles entre les directeurs commerciaux des entreprises mises en cause. Dans le secteur de l'hygiène, l'entreprise a joué un rôle similaire dans le cadre des réunions Team PCP (points 260 et suivants).

1473. Ensuite, Colgate-Palmolive était en charge, au même titre qu'Henkel et, dans une moindre mesure, SC Johnson, de l'organisation des réunions " Amis " : Mme Nathalie Y. . . , directrice des ventes " grands comptes " de Colgate-Palmolive, a en effet joué un rôle dans la convocation des participants et dans la réservation des salles de réunion (points 284 et s. ).

1474. Enfin, l'entreprise était en charge de la coordination des échanges de correspondances relatives aux conditions générales de vente et aux chiffres d'affaires qui se sont déroulés entre les participants au Cercle Team HP et au Cercle Team PCP (points 326 et s. ).

1475. Il résulte de ces différents éléments que Colgate-Palmolive, dont le rôle peut être assimilé à celui d'un meneur, en tout cas d'un coordinateur, mérite que cette circonstance soit prise en compte au titre de la répression de chacune des deux ententes uniques.

1476. Colgate-Palmolive conteste l'analyse qui est faite de son comportement dans l'entente.

1477. S'agissant de la convocation de nouvelles personnes aux réunions Team, Colgate-Palmolive affirme que l'acceptation des nouveaux participants était toujours décidée d'un commun accord et que les personnes invitées par Colgate-Palmolive devaient être acceptées par les autres participants. Mais, comme indiqué précédemment, le rôle de meneur ne nécessite pas que l'entreprise concernée ait dicté leur conduite aux autres membres de l'entente. À titre indicatif, le Tribunal juge que " pour être qualifiée de meneur d'une entente, une entreprise doit avoir représenté une force motrice significative pour l'entente ou avoir porté une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de celle-ci " (arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum NV, T-343/06, point 198). En l'espèce, le comportement de Colgate-Palmolive, qui contactait systématiquement les nouvelles personnes physiques susceptibles de participer aux pratiques témoigne de son dévouement à assurer la stabilité et la pérennité de la concertation.

1478. S'agissant de l'organisation des réunions des " Amis ", Colgate-Palmolive note que ces rencontres étaient également organisées par Henkel, et, dans une moindre mesure, SC Johnson. Colgate-Palmolive considère que si ce rôle d'organisation n'a pas été considéré comme suffisant pour infliger une circonstance aggravante à Henkel et SC Johnson, il ne devrait pas être retenu à son encontre. Toutefois, le rôle de meneur est apprécié au travers d'un ensemble d'éléments qui témoignent de l'implication toute particulière de Colgate-Palmolive dans l'ensemble des pratiques poursuivies. Ainsi, si l'organisation des réunions des " Amis " ne peut, à elle seule, suffire à établir le rôle de meneur de Henkel ou de SC Johnson, elle conforte, en combinaison avec d'autres éléments, le rôle de meneur de Colgate-Palmolive.

1479. S'agissant de la gestion des correspondances dans le cadre des Cercles Team HP et Team PCP, Colgate-Palmolive considère qu'il ne s'agit que d'un aspect accessoire des deux pratiques poursuivies, ne démontrant pas l'existence d'une responsabilité particulière de l'entreprise. Mais, au contraire, la collecte des données relatives aux chiffres d'affaires, leur compilation au sein de tableaux et leur envoi aux participants constituaient un travail administratif important, assumé par la seule entreprise Colgate-Palmolive. Ce rôle particulier de " coordinateur " témoigne à nouveau de la responsabilité particulière et concrète de l'entreprise.

1480. Il convient donc de retenir à l'encontre de Colgate-Palmolive une circonstance aggravante qui justifie d'augmenter de 15 % le montant de base de la sanction qui lui est infligée au titre de chacune des deux infractions uniques.

Sur la puissance économique du groupe Colgate-Palmolive

1481. Le groupe Colgate-Palmolive dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1482. La société Colgate-Palmolive, à laquelle l'infraction a été imputée en tant qu'auteur des pratiques, est en charge de la commercialisation des produits d'entretien et d'hygiène du groupe Colgate-Palmolive sur le territoire français. Elle a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires d'environ 579 millions d'euros. Cette société, ainsi que la société Colgate-Palmolive Services, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère française de l'auteur des pratiques, font partie d'un groupe d'envergure mondiale, Colgate-Palmolive, au sein duquel elles consolident leurs comptes.

1483. La société Colgate-Palmolive Company, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère ultime de l'auteur des pratiques, est la société faitière du groupe Colgate-Palmolive. Ce groupe a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 17,42 milliards de dollars américains, et ses activités s'étendent bien au-delà du territoire français et sur d'autres secteurs que l'entretien et l'hygiène.

1484. Eu égard à ces éléments, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe Colgate-Palmolive, d'augmenter de 15 % la sanction infligée aux sociétés Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services et Colgate-Palmolive Company au titre des deux ententes uniques.

En ce qui concerne Henkel

1485. Le groupe Henkel dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1486. La société Henkel France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant qu'auteur des pratiques, a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires qui s'est élevé à environ 742 millions d'euros. Cette société fait partie d'un groupe d'envergure mondiale, Henkel, au sein duquel elle consolide ses comptes. Au surplus, l'activité d'Henkel France n'est pas limitée à la commercialisation de produits d'hygiène et d'entretien à la grande distribution : elle est également active dans d'autres secteurs comme la distribution de produits adhésifs.

1487. La société Henkel AG & Co. KGaA, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère de l'auteur des pratiques, est la société faitière du groupe Henkel. Ce groupe a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 16,35 milliards d'euros et ses activités s'étendent bien au-delà du territoire français et sur d'autres secteurs que l'entretien et l'hygiène.

1488. Eu égard à ces éléments, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe Henkel, d'augmenter de 15 % la sanction infligée aux sociétés Henkel France et Henkel AG & Co. KGaA au titre des deux ententes uniques.

1489. Henkel conteste la majoration de sanction et sollicite une diminution du montant de celle-ci.

1490. Tout d'abord, Henkel considère que la majoration du montant de sa sanction au titre la puissance économique du groupe n'est pas justifiée. Elle affirme que dans le cadre de l'affaire européenne des lessives en poudre (décision de la Commission européenne du 13 avril 2011, dossier 39. 579), la Commission a considéré que la taille d'Henkel ne justifiait aucune majoration. Toutefois, il convient de rappeler que l'argument tiré du niveau de sanction appliqué dans d'autres affaires est inopérant (arrêts de la cour d'appel de Paris du 14 avril 2007, société JH Industrie, n° 2006/06912, p. 7 et du 29 septembre 2009, Etablissements Mathé, n° 2008/12495, p. 17). En tout état de cause, la circonstance que la Commission, dont la décision n'est pas motivée sur ce point, n'ait pas jugé nécessaire d'adapter à la hausse le montant de la sanction infligée à Henkel, dans une affaire dont les circonstances ne sont pas similaires au cas d'espèce, ne peut remettre en cause l'application de la majoration dans la présente affaire. En outre, une majoration de sanction a été appliquée à Henkel au titre de la puissance du groupe dans la décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 précitée relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives en France (point 678) : la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 30 janvier 2014, a confirmé cette majoration.

1491. Henkel affirme en outre que la présente affaire sanctionnerait pour la troisième fois des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre en France par les mêmes entreprises au même moment. Elle considère en effet que l'infraction poursuivie serait connexe aux cartels des lessives déjà sanctionnés par l'Autorité (décision n° 11-D-17 précitée) et par la Commission européenne (décision du 13 avril 2011 précitée). Henkel demande à ce que le montant de l'amende qui lui sera imposée demeure modéré au regard de ces circonstances. Mais, comme il a déjà été dit aux points 1247 et suivants, les faits de la présente affaire sont différents de ceux en cause dans l'affaire des lessives en poudre dont a eu à connaître la Commission européenne dans sa décision du 13 avril 2011. En outre, s'agissant de la décision n° 11-D-17 de l'Autorité, il a déjà été répondu à la demande d'Henkel, au travers du retrait de la catégorie des lessives universelles de la valeur des ventes pour une partie de la durée de l'infraction (points 1242 et s. ). Ainsi, il n'y a pas lieu d'accorder une diminution du montant de l'amende pour tenir compte des sanctions imposées à Henkel dans les affaires des cartels français et européen des lessives.

1492. Henkel demande ensuite à ce que l'ancienneté des faits soit prise en compte pour diminuer le montant de l'amende. Toutefois, il est de jurisprudence constante que l'ancienneté des faits et la durée de la procédure ne constituent pas un moyen de réduction de la sanction (arrêt de la cour d'appel de Paris, 7 mars 2006, Société Inéo, p. 19). Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'Henkel.

1493. Henkel évoque enfin sa bonne coopération avec les services d'instruction tout au long de la procédure. Toutefois, sans nier la circonstance qu'Henkel a respecté de manière satisfaisante ses obligations légales dans ses relations avec les services d'instruction, celle-ci ne justifie, en tout état de cause, aucune réduction d'amende.

En ce qui concerne Reckitt Benckiser

1494. Le groupe Reckitt Benckiser dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1495. La société Reckitt Benckiser France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant qu'auteur des pratiques, a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires qui s'est élevé à environ 704 millions d'euros. Cette société, ainsi que la société RB Holding Europe du Sud, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère française de l'auteur des pratiques, font partie d'un groupe d'envergure mondiale, Reckitt Benckiser, au sein duquel elles consolident leurs comptes.

1496. La société Reckitt Benckiser PLC, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère ultime de l'auteur des pratiques, est la société faitière du groupe Reckitt Benckiser. Ce groupe a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 10,043 milliards de livres sterling et ses activités s'étendent bien au-delà du territoire français sur d'autres secteurs que l'entretien et l'hygiène.

1497. Eu égard à ces éléments, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe Reckitt Benckiser, d'augmenter de 15 % la sanction infligée aux sociétés Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud et Reckitt Benckiser PLC au titre des infractions commises sur les deux secteurs.

1498. Reckitt Benckiser conteste la majoration de sanction et sollicite une diminution de son montant.

1499. En premier lieu, Reckitt Benckiser conteste la majoration de sanction du fait de l'autonomie commerciale dont jouirait sa filiale française Reckitt Benckiser France. Mais Reckitt Benckiser PLC s'est vu imputer les pratiques de Reckitt Benckiser France en raison précisément de l'influence déterminante qu'elle exerce sur cette dernière. Ayant renoncé à contester les griefs, elle n'est pas recevable à contester l'absence d'autonomie de Reckitt Benckiser France.

1500. En deuxième lieu, Reckitt Benckiser allègue qu'elle n'aurait eu qu'un rôle mineur dans les pratiques poursuivies, dans le secteur de l'entretien et dans le secteur de l'hygiène, ce dont il conviendrait de tenir compte au-delà de ce qui a été fait au titre de l'individualisation de la sanction.

1501. À cet égard, il convient d'indiquer que les lignes directrices pour le calcul des amendes de la Commission du 14 janvier 1998 prévoyaient la possibilité de retenir le " rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l'infraction " comme une circonstance atténuante (point 3). Toutefois, conformément au principe d'autonomie procédurale, les entreprises ne peuvent se prévaloir des lignes directrices de la Commission, a fortiori lorsque ces lignes directrices sont abrogées.

1502. Du reste, il résulte de la jurisprudence du Tribunal qu'un rôle passif implique l'adoption par l'entreprise concernée d'un " profil bas ", c'est-à-dire une absence de participation active à l'élaboration du ou des accords anticoncurrentiels. Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d'une entreprise au sein d'une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l'entente de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l'objet de l'infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l'existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d'entreprises tierces ayant participé à l'infraction. Le fait que d'autres entreprises participant à une seule et même entente aient pu être plus actives qu'un participant donné n'implique pas, pour autant, que ce dernier ait eu un rôle exclusivement passif ou suiviste. En fait, seule la passivité totale pourrait entrer en ligne de compte et doit être établie par la partie qui l'invoque (arrêt du 16 novembre 2011, RKW SE, T-55/06 et T-66/06, points 79 à 84).

1503. En l'espèce, il suffit de constater que, dans le secteur de l'entretien, Reckitt Benckiser a participé à plus de la moitié des contacts organisés dans le cadre du Cercle Team HP (6 réunions sur 11 et 11 correspondances sur 13), du Cercle des Amis (6 réunions sur 11) et à 9 contacts bilatéraux ou plurilatéraux. Sa participation, non sporadique, a au surplus, été active, par exemple s'agissant des échanges sur les évolutions des dérives futures après l'adoption de la circulaire Dutreil (point 397), sur la méthode de répercussion de la baisse de tarifs de 2 % pendant l'engagement (points 416 et s. ), sur la stratégie d'arrêt de la remise linéaire (points 432 à 438), sur les évolutions des tarifs et des dérives à la suite de l'engagement (points 464, 468, 477, 486 et 490) et sur les évolutions tarifaires après l'adoption de la loi Dutreil (points 575 et 578).

1504. Il en est de même dans le secteur de l'hygiène où Reckitt Benckiser a pris part à plus de la moitié des correspondances échangées dans le cadre du Cercle Team PCP pendant sa participation aux pratiques (6 correspondances sur 11) et à plus de la moitié des réunions des " Amis " (7 réunions sur 12). Sa participation a, au surplus, été active, par exemple s'agissant des échanges sur la stratégie d'arrêt de la remise linéaire (points 432 à 438) et sur les hausses de tarifs dans le cadre de l'engagement (point 511).

1505. Ainsi, tant dans le secteur de l'hygiène que dans celui de l'entretien, Reckitt Benckiser n'est, en tout état de cause, pas fondée à solliciter une réduction de la sanction, au-delà de ce qui a été fait plus haut au titre de l'individualisation de la sanction, au titre de son rôle prétendument mineur dans la commission des pratiques.

1506. En troisième lieu, Reckitt Benckiser demande que lui soit accordée une réduction d'amende au titre de son statut d'entreprise mono-produit, en application du premier alinéa du point 48 du communiqué sanctions. Elle indique que la société Reckitt Benckiser France, auteur des pratiques, réalisait 83,8 % de son chiffre d'affaires pour l'année 2006 dans le secteur des produits d'entretien et 16,2 % de ce même chiffre d'affaires dans le secteur des produits d'hygiène. Ainsi, 100 % de son chiffre d'affaires était réalisé avec des produits concernés par la présente affaire.

1507. Toutefois, l'entreprise Reckitt Benckiser, dont la société mère ultime, Reckitt Benckiser PLC, s'est vu imputer les griefs, est un groupe d'envergure mondiale. Si les ventes réalisées en relation avec l'infraction s'élevaient, en 2005, à 435,7 millions d'euros, dans le secteur de l'entretien, et à 79,6 millions d'euros dans le secteur de l'hygiène, le chiffre d'affaires mondial consolidé de l'entreprise Reckitt Benckiser était, quant à lui, de 6,11 milliards d'euros. Dans ces conditions, l'entreprise Reckitt Benckiser, qui ne menait pas l'essentiel de son activité dans le secteur ou le marché en relation avec les infractions à la date des faits, ne constitue pas une entreprise mono-produit au sens du point 48 du communiqué sanctions.

1508. Reckitt Benckiser affirme, enfin, que l'évolution de son chiffre d'affaires pendant la période des pratiques montre qu'elle n'a pas retiré de bénéfice de la pratique. Mais il suffit de constater à cet égard que l'évolution du chiffre d'affaires de Reckitt Benckiser France pendant la durée des pratiques, qui peut d'ailleurs avoir de nombreuses causes non liées aux pratiques, ne constitue pas une circonstance ouvrant droit à une diminution de la sanction.

En ce qui concerne Unilever

1509. Le groupe Unilever France dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1510. La société Unilever France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant qu'auteur des pratiques pour la période du 3 avril 2005 au 2 janvier 2006, a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires de 2,7 milliards d'euros (cote 51 310). Cette société, ainsi que la société Topaze SAS, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que successeur juridique de l'auteur des pratiques pour la période de janvier 2003 au 3 avril 2005, et la société Unilever France Holdings, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère de l'auteur des pratiques, appartiennent à un groupe qui dispose, au niveau français, d'une taille, d'une puissance économique et de ressources importantes. En outre, l'activité de la société Unilever France n'est pas limitée à la commercialisation de produits d'hygiène et d'entretien à la grande distribution, cette société étant également active dans d'autres secteurs comme la distribution de produits alimentaires à la grande distribution.

1511. Eu égard à ces éléments, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe Unilever France, d'augmenter de 10 % la sanction infligée aux sociétés Unilever France, Topaze SAS et Unilever France Holdings, au titre des infractions sur les deux secteurs.

1512. Unilever sollicite une réduction du montant de la sanction à plusieurs égards.

1513. En premier lieu, Unilever affirme qu'elle a adopté durablement un comportement concurrentiel qui a pu trancher avec celui d'autres membres de l'entente. Unilever soutient notamment qu'elle a appliqué de manière volontariste les différentes réformes initiées par les pouvoirs publics, notamment en proposant dans ses CGV une ristourne logistique de 0,40 % remontée en marge avant, puis en appliquant des baisses de prix allant au-delà des 2 % pendant l'engagement Sarkozy. Elle indique qu'elle a également procédé à des promotions temporaires importantes pendant la période des pratiques.

1514. Le point 45 du communiqué sanctions prévoit que, pour bénéficier d'une circonstance atténuante, le comportement concurrentiel d'une entreprise doit " avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause ".

1515. Les pratiques concertées auxquelles Unilever a participé ont pris la forme d'échanges d'informations ou d'actes de coopération plus poussés qui ont permis la concertation entre les acteurs, en particulier sur les déterminants des prix futurs. Dans ce contexte, seul un non respect systématique des positions annoncées par une entreprise à ses concurrents, ayant perturbé le fonctionnement de l'entente, pourrait, le cas échéant, être considéré comme un comportement de " franc-tireur " (voir en ce sens : cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation, précité, p. 32).

1516. Or, lorsqu'Unilever a décidé de proposer une ristourne logistique de 0,40 % dans le cadre de la circulaire Dutreil, elle en a informé ses concurrents, dans le cadre des réunions Team HP et Team PCP (points 370 et 380).

1517. S'agissant de l'engagement Sarkozy, Unilever a participé aux échanges des 5 principaux lessiviers sur l'application de la méthode " 1+ 1 " et a participé aux contacts, sur les deux secteurs concernés, relatifs à l'arrêt des remises linéaires (points 424, 440 et 442). Ainsi, Unilever a maintenu ses concurrents informés de sa stratégie sur les principaux éléments de sa politique commerciale, et sur l'application qu'elle entendait faire des initiatives des pouvoirs publics. Elle n'a donc à aucun moment perturbé le fonctionnement de l'entente.

1518. S'agissant de la politique d'Unilever en matière de promotions et de NIP (points 319 à 327 de ses observations), il faut à nouveau rappeler que ces éléments ont également fait l'objet d'une coordination au moyen d'échanges d'informations, auxquels Unilever a participé dans le secteur de l'hygiène (point 628). En tout état de cause, Unilever n'explique pas en quoi sa politique en matière de NIP et de promotions aurait pu constituer une déviation par rapport aux positions annoncées dans le cadre des pratiques.

1519. Par ailleurs, la politique de prix d'Unilever ne peut pas être qualifiée de systématiquement divergente par rapport à celle de ses concurrents. Elle révèle, au contraire, à de multiples reprises, une grande proximité avec celle des autres participants aux pratiques (voir par exemple, les points 363, 372, 405, 416, 433, 467, 475, 501, 537 et 595).

1520. Il convient donc de rejeter la demande d'Unilever de se voir appliquer une circonstance atténuante au titre de son prétendu comportement concurrentiel sur le marché.

1521. En second lieu, Unilever prétend que sa participation aux pratiques aurait été limitée, ce dont il conviendrait de tenir compte au-delà de ce qui a été fait au titre de l'individualisation de la sanction.

1522. Toutefois, dans le secteur de l'entretien, Unilever a participé à 7 des 9 réunions Team HP et à 10 correspondances sur 13 qui ont eu lieu dans ce cadre, entre janvier 2003 et le mois d'août 2005. Le fait qu'Unilever n'a pas pris part aux échanges de l'automne 2005 sur les hausses de tarifs et sur leur date d'application est déjà pris en compte dans le calcul de son amende dans la mesure où le grief qui lui a été imputé s'arrête au début du mois d'août 2005. Unilever a, au surplus, participé de façon active aux échanges, notamment sur les évolutions des tarifs et de la dérive dans le cadre de la circulaire Dutreil (points 372 et 392) et des tarifs dans le cadre de l'engagement (points 468).

1523. Dans le secteur de l'hygiène, Unilever a participé à 11 des 23 réunions Team PCP et à 9 correspondances sur 18 qui ont eu lieu dans ce cadre entre avril 2003 et le 2 janvier 2006. Les éléments qui figurent au dossier montrent ainsi que l'entreprise a participé à 15 échanges sur les chiffres d'affaires, 7 échanges sur l'avancement des négociations, 3 échanges sur les NIP, 1 échange sur les dérives dans le cadre de la loi Dutreil, 1 échange sur les dérives dans le cadre de l'engagement Sarkozy, 3 échanges sur les hausses de tarif dans le cadre de l'engagement Sarkozy. Unilever a, au surplus, participé de façon active aux échanges, notamment sur les évolutions des tarifs et/ou de la dérive dans le cadre de la circulaire Dutreil (points 383), de l'engagement (points 501 et 537) et de la loi Dutreil (point 595).

1524. Ainsi, tant dans le secteur de l'hygiène que dans celui de l'entretien, Unilever n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que sa participation aux pratiques aurait été particulièrement limitée et qu'elle devrait obtenir, à ce titre, une réduction du montant de la sanction au-delà de ce qui a été fait plus haut au titre de l'individualisation de la sanction.

En ce qui concerne Procter & Gamble

1525. Le groupe Procter & Gamble dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1526. La société Procter & Gamble France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant qu'auteur des pratiques, a réalisé, en 2012/2013, un chiffre d'affaires qui s'est élevé à environ 1,7 milliards d'euros. Cette société, ainsi que la société Procter & Gamble Holding France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère française de l'auteur des pratiques, font partie d'un groupe d'envergure mondiale, Procter & Gamble, au sein duquel elles consolident leurs comptes. En outre, l'activité de Procter & Gamble France n'est pas limitée à la commercialisation de produits d'hygiène et d'entretien à la grande distribution, cette dernière étant également active dans d'autres secteurs comme la distribution de piles ou de petit électroménager à la grande distribution.

1527. La société The Procter & Gamble Company, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère ultime de l'auteur des pratiques, est la société faitière du groupe Procter & Gamble. Ce groupe a réalisé, en 2012/2013, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 84,17 milliards de dollars (cote 51 513) et ses activités s'étendent bien au-delà du territoire français sur d'autres secteurs que l'entretien et l'hygiène.

1528. Eu égard à ces éléments, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe Procter & Gamble, d'augmenter de 25 % la sanction infligée aux sociétés Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France et The Procter & Gamble Company, au titre des infractions commises sur les deux secteurs.

1529. Procter & Gamble sollicite une diminution de la sanction à deux égards.

1530. Mais, en premier lieu, si l'entreprise fait état de son comportement parfois singulier, décrit dans les constatations, notamment lors de l'application de l'engagement Sarkozy, cette circonstance n'est pas suffisante pour établir que l'entreprise a joué un rôle de franc-tireur dans le cadre des pratiques.

1531. En l'espèce, il ressort des constatations que Procter & Gamble a, à plusieurs reprises, annoncé et mis en œuvre des politiques de prix différentes de celles des autres participants aux pratiques, ce qui a parfois été considéré par ses concurrents comme une " désolidarisation " par rapport aux décisions prises dans le cadre des pratiques (pendant la circulaire Dutreil, dans le secteur de l'entretien, s'agissant de la compensation du gel de la dérive par des investissements en NIP, point 389 ; pendant la période de l'engagement, sur l'approche 1+1, point 418, sur l'arrêt de la remise linéaire, point 438, sur l'évolution des marges arrière, point 535).

1532. Mais, d'une part, si Procter & Gamble a parfois adopté un comportement différent sur le marché, elle a également, à d'autres reprises, pris des positions proches de celles de ses concurrents. Tel est le cas dans le secteur de l'entretien (dans le cadre de la circulaire Dutreil, sur les évolutions tarifaires, points 364 ; dans le cadre de l'engagement, sur le refus de la compensation financière, point 452, sur les évolutions tarifaires, point 468) et dans le secteur de l'hygiène (dans le cadre de la circulaire Dutreil, sur les évolutions tarifaires, point 374, et sur la dérive, point 402 ; dans le cadre de l'engagement, sur les évolutions tarifaires, point 506).

1533. D'autre part, les pratiques poursuivies consistent en des pratiques concertées prenant la forme d'échanges d'informations ou des actes de coopération plus poussés entre concurrents, et non pas en un accord fixant un comportement déterminé. Or, pour chacune des occurrences mentionnées par Procter & Gamble, les autres participants à l'entente étaient systématiquement informés de la politique que l'entreprise entendait suivre (point 535). Par conséquent, Procter & Gamble n'a pas perturbé le fonctionnement même de la pratique en cause. Elle a au contraire continué à faire part à ses concurrents de ses choix de stratégie commerciale. De plus, en participant aux réunions et contacts poursuivis, elle a également eu connaissance des positions de ses concurrents et a pu adapter son comportement en fonction de ces informations.

1534. En second lieu, Procter & Gamble allègue que sa participation aux pratiques qui se sont déroulées dans le secteur de l'hygiène et celui de l'entretien était limitée, ce dont il conviendrait de tenir compte au-delà de ce qui a été fait au titre de l'individualisation de la sanction.

1535. Toutefois, dans le secteur de l'entretien, Procter & Gamble a participé à 6 des 8 réunions Team HP et à 9 correspondances sur 10, ainsi qu'à 5 contacts de nature bilatérale ou plurilatérale qui ont eu lieu entre janvier 2003 et février 2005. Elle a donc pris part à la quasi-totalité des échanges sur les principaux thèmes de la concertation, entre janvier 2003 et février 2005. Sa participation aux pratiques a, au surplus, été active (notamment dans le cadre de la circulaire Dutreil, sur les évolutions tarifaires, point 364, et la dérive, point 396 ; dans le cadre de l'engagement, sur les hausses de tarifs, point 486).

1536. Dans le secteur de l'hygiène, la participation de Procter & Gamble à l'infraction d'avril 2003 à janvier 2005 a consisté dans les réunions et échanges anticoncurrentiels suivants : réunion Team du 18 septembre 2003, réunion Team du 21 octobre 2003, contact bilatéral avec Unilever fin novembre / début décembre 2003, contact plurilatéral le 12 ou 13 juillet 2004, huit correspondances sur les chiffres d'affaires. Sa participation aux pratiques a, au surplus, été active (notamment dans le cadre de la circulaire Dutreil, sur les évolutions tarifaires, point 377, sur la dérive, point 402 ; dans le cadre de l'engagement, sur la mise en œuvre de l'engagement, point 415, sur les tarifs, point 499).

1537. Ainsi, tant dans le secteur de l'hygiène que dans celui de l'entretien, Procter & Gamble n'est, en tout état de cause, pas fondée à solliciter une réduction de la sanction, au-delà de ce qui a été fait plus haut au titre de l'individualisation de la sanction, au titre de sa participation prétendument limitée aux pratiques.

En ce qui concerne Sara Lee

1538. S'agissant des pratiques mises en œuvre par l'entreprise Sara Lee, les infractions ont été imputées à la société Colgate-Palmolive SASU, en tant que successeur juridique de l'auteur des pratiques, la société Sara Lee Household & Body Care France, et à la société Hillshire Brands Company en tant que société mère de l'auteur des pratiques.

1539. En premier lieu, le groupe Hillshire dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1540. La société Hillshire Brands Company, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère de l'auteur des pratiques, est la société mère d'un groupe d'envergure mondiale. Ce groupe a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 3,92 milliards de dollars et ses activités s'étendent bien au-delà du territoire français.

1541. Dans ces conditions, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe Hillshire, d'augmenter de 10 % la sanction infligée à la société Hillshire Brands Company au titre des infractions sur les deux secteurs.

1542. En second lieu, Hillshire et Colgate-Palmolive SASU, successeur juridique de Sara Lee Household & Body Care France, considèrent que l'entreprise Sara Lee n'a joué qu'un rôle mineur dans les pratiques, ce dont il conviendrait de tenir compte au-delà de ce qui a été fait plus haut au titre de l'individualisation de la sanction. Toutefois, il ressort des points 1031 et suivants, qu'Hillshire a participé, au surplus de façon active, à un grand nombre de réunions et échanges anticoncurrentiels sur les deux secteurs. Par conséquent, l'argument de Colgate-Palmolive SASU et Hillshire doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne SC Johnson

1543. En premier lieu, le groupe SC Johnson dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1544. La société SC Johnson France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant qu'auteur des pratiques, a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires qui s'est élevé à environ 174 millions d'euros.

1545. La société SC Johnson & Son, Inc. , à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère ultime de l'auteur des pratiques, est la société faitière du groupe SC Johnson. Ce groupe a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 7,35 milliards de dollars américains (cote 50 590) et ses activités s'étendent bien au-delà du territoire français.

1546. Dans ces conditions, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe SC Johnson, d'augmenter de 10 % la sanction infligée aux sociétés SC Johnson France et SC Johnson & Son, Inc. au titre de l'infraction qui leur est imputable dans le secteur de l'entretien.

En ce qui concerne Bolton Solitaire

1547. En premier lieu, Bolton Solitaire fait valoir que sa participation aux pratiques serait limitée, ce dont il conviendrait de tenir compte au-delà de ce qui a été fait au titre de l'individualisation de la sanction.

1548. Toutefois, il convient de constater que Bolton Solitaire a pris part à l'intégralité des réunions des " Amis " qui se sont déroulées entre le 21 septembre 2004 et le 3 février 2006 ainsi qu'aux correspondances organisées dans ce cercle et à un contact complémentaire. Elle a donc participé à l'ensemble des échanges relatifs aux évolutions tarifaires, aux dérives, aux NIP et aux opérations promotionnelles, à l'avancement des négociations avec les distributeurs, aux CGV et aux chiffres d'affaires qui se sont déroulées dans le cadre des pratiques dont elle est tenue responsable. En outre, sa participation aux échanges a été active (points 1065 et s. ).

1549. Ainsi, Bolton Solitaire n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que sa participation aux pratiques aurait été limitée et qu'elle devrait obtenir, à ce titre, une réduction de la sanction au-delà de ce qui a été fait plus haut au titre de l'individualisation de la sanction.

1550. En deuxième lieu, Bolton Solitaire allègue que sa taille justifierait une réduction de la sanction. Mais, le fait que l'entreprise mise en cause serait une PME, ce qui n'est d'ailleurs nullement le cas, ne peut constituer, en soi une circonstance individuelle de nature à justifier une réduction de l'amende (Tribunal, 28 avril 2010, Söhne GmbH & Co. KG, T-446/05, point 200).

1551. Bolton Solitaire affirme enfin que l'Autorité devrait tenir compte de son statut d'entreprise " mono-produit " et lui accorder à ce titre une diminution de la sanction qui lui sera imposée. Mais l'entreprise Bolton, dont la société mère en charge du secteur entretien, Bolton Manitoba, s'est vu imputer les griefs dans la présente affaire, est un groupe d'envergure mondiale. Si les ventes réalisées en relation avec l'infraction s'élevaient, en 2005, à 54,72 millions d'euros, dans le secteur de l'entretien, le chiffre d'affaires mondial consolidé de l'entreprise Bolton ayant pour société mère Bolton Manitoba était, quant à lui, de 1,28 milliard d'euros. Dans ces conditions, l'entreprise Bolton, qui ne menait pas l'essentiel de son activité dans le secteur ou le marché en relation avec les infractions à la date des faits, ne constitue pas une entreprise mono-produit au sens du point 48 du communiqué sanctions.

En ce qui concerne Laboratoires Vendôme

1552. Il ressort des pièces du dossier que, s'agissant de Laboratoires Vendôme, les ventes réalisées en relation avec l'infraction s'élevaient, en 2004, à 134 millions d'euros, ce qui représente 94 % du chiffre d'affaires de l'entreprise qui était, quant à lui, de 143 millions d'euros. Dans ces conditions, l'entreprise Laboratoires Vendôme, qui menait l'essentiel de son activité dans le secteur ou le marché en relation avec l'infraction à la date des faits, constitue une entreprise mono-produit au sens du point 48 du communiqué sanctions. Il y a lieu de lui accorder une réduction du montant de la sanction de 50 %.

1553. Par ailleurs, Johnson & Johnson Santé Beauté France, successeur juridique de l'auteur des pratiques et de sa société mère, fait valoir que Laboratoires Vendôme n'aurait participé aux pratiques que de façon réduite, ce dont il conviendrait de tenir compte au-delà de ce qui a été fait au titre de l'individualisation de la sanction. Or, Laboratoires Vendôme a participé à 10 réunions des " Amis " sur 12 et à 7 échanges de correspondances sur les 11 dénombrés pendant la durée du grief qui lui a été imputé. Laboratoires Vendôme a participé à une concertation sur l'ensemble des composantes du prix triple net de ses produits d'hygiène (tarifs, dérives, CGV, NIP et promotions). Elle a échangé des informations relatives au déroulement de ses négociations et de celles de ses concurrents avec les distributeurs et à leurs chiffres d'affaires. Sa participation aux échanges a, au surplus, été active (notamment, dans le cadre de l'engagement, sur les tarifs et les dérives, points 507, 512, 538 à 540 ; dans le cadre de la loi Dutreil, point 609). Dans ces conditions, Johnson & Johnson Santé Beauté France n'est, en tout état de cause, pas fondée à solliciter une réduction du montant de la sanction, au-delà de ce qui a été fait plus haut au titre de l'individualisation de la sanction, au titre du caractère prétendument réduit de sa participation aux pratiques.

En ce qui concerne L'Oréal

1554. Le groupe L'Oréal dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1555. Les sociétés L'Oréal (SA) et Lascad, auxquelles l'infraction a été imputée en tant qu'auteurs des pratiques, ont réalisé un chiffre d'affaires qui s'est élevé respectivement à 2,77 milliards d'euros en 2013 et à 486,6 millions d'euros en 2012 (dernière donnée connue, cote 51 830). L'activité de la société L'Oréal (SA) n'est pas limitée à la commercialisation de produits d'hygiène et de beauté à la grande distribution, cette dernière étant également active dans d'autres secteurs comme la distribution de produits de beauté dans des réseaux de distribution spécialisés.

1556. Les sociétés L'Oréal (SA) et Lascad appartiennent à un groupe, dont L'Oréal (SA), à laquelle l'infraction a été imputée en tant qu'auteur et que société mère de Lascad, est la société faitière. Le groupe L'Oréal a réalisé en 2013 un chiffre d'affaires mondial consolidé de 22,98 milliards d'euros et ses activités s'étendent bien au-delà du territoire français.

1557. Dans ces conditions, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe L'Oréal, d'augmenter de 15 % la sanction infligée aux sociétés L'Oréal (SA) et Lascad, au titre des infractions qui leur sont imputées.

1558. L'Oréal demande également à ce que soit prise en compte sa coopération avec l'Autorité tout au long de la procédure. Toutefois, sans nier que l'entreprise a fourni les informations demandées ou répondu aux questions posées par les services d'instruction, celle-ci ne constitue que le simple respect de ses obligations légales et ne justifie, en tout état de cause, aucune réduction d'amende.

1559. L'Oréal affirme que sa participation aux échanges était sporadique et devrait conduire à une diminution de la sanction. Toutefois, L'Oréal a participé à 8 des 10 réunions Team PCP et à 8 correspondances sur 9 qui ont eu lieu dans ce cadre pendant la durée du grief qui lui a été imputé. Elle a également participé à l'ensemble des réunions des " Amis " qui ont eu lieu entre le 26 janvier 2006 et le 3 février 2006, période pendant laquelle ces pratiques lui ont été imputées. Sa participation aux pratiques, loin d'être sporadique, a, au surplus, été active (points 1087 et s. ). Aucune réduction de sanction, au-delà de ce qui a été fait plus haut au titre de l'individualisation de la sanction, ne peut donc lui être accordée à cet égard.

En ce qui concerne Beiersdorf

1560. Le groupe Beiersdorf dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1561. La société Beiersdorf SAS, à laquelle l'infraction a été imputée en tant qu'auteur des pratiques, a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires qui s'est élevé à environ 249 millions d'euros. Cette société, ainsi que la société Beiersdorf Holding France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère française de l'auteur des pratiques, font partie d'un groupe d'envergure mondiale, Beiersdorf, au sein duquel elles consolident leurs comptes.

1562. La société Beiersdorf AG, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère ultime de l'auteur des pratiques, est la société faitière du groupe Beiersdorf. Ce groupe a réalisé, en 2013, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 6,14 milliards d'euros (cote 58 499) et ses activités s'étendent bien au-delà du territoire français.

1563. Dans ces conditions, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe Beiersdorf, d'augmenter de 10 % la sanction infligée aux sociétés Beiersdorf SAS, Beiersdorf Holding France et Beiersdorf AG.

1564. Beiersdorf sollicite une diminution de la sanction à plusieurs égards.

1565. En premier lieu, Beiersdorf demande à bénéficier d'une circonstance atténuante, au motif qu'elle aurait cherché à mettre en œuvre les différentes initiatives des pouvoirs publics, afin de faire profiter les consommateurs de baisses de prix.

1566. De manière générale, il convient de rappeler que le comportement concurrentiel d'une entreprise sur le marché ne peut être pris en compte au titre des circonstances atténuantes que si celui-ci a eu pour effet de perturber effectivement le déroulement des pratiques. Or, aucun élément fourni par Beiersdorf ne permet d'indiquer que cette dernière aurait effectivement joué un rôle de franc-tireur, au point de déstabiliser les autres participants aux pratiques. Dans ce contexte, une simple " bonne volonté " de l'entreprise vis-à-vis des consommateurs ne peut en soi constituer un motif d'atténuation de la sanction, à moins que ce comportement n'aille directement à l'encontre des discussions qui ont eu lieu entre entreprises concurrentes.

1567. S'agissant de la période de la circulaire Dutreil, Beiersdorf indique qu'elle aurait intégré dans ses CGV en 2004 une ristourne d'optimisation des assortiments à hauteur de 3 %. Elle affirme que si les distributeurs s'étaient engagés à réaliser les conditions de cette ristourne, elle aurait pu être intégrée dans le seuil de revente à perte. Mais Beiersdorf ne fournit aucun élément sur cette ristourne, sur les conditions devant être remplies ou encore sur ses négociations avec les distributeurs à ce sujet. En particulier, elle n'explique pas dans quelles circonstances cette ristourne pouvait effectivement être ramenée " vers l'avant ". Par conséquent, Beiersdorf ne démontre pas l'existence d'un comportement allant à l'encontre de ce qui était discuté lors des réunions et contacts poursuivis. Son argument sur ce point doit être écarté.

1568. S'agissant de la période de l'engagement Sarkozy, Beiersdorf affirme qu'elle a accordé, sur certains produits d'hygiène, des remises ciblées allant de 5 à 15 %. Mais, à nouveau, Beiersdorf n'explique pas en quoi son comportement a constitué une perturbation des pratiques poursuivies. En particulier, elle n'explique pas en quoi la méthode adoptée par Beiersdorf constituait une déviation par rapport aux informations fournies à ses concurrents dans le cadre des pratiques. Ainsi, le fait que Beiersdorf ait fait le choix d'opérer des baisses de prix sur certains produits ne peut être pris en compte que si celles-ci venaient en contradiction avec ce qui était annoncé par l'entreprise dans le cadre des contacts et réunions poursuivis.

1569. Beiersdorf affirme ensuite qu'elle a, tout au long de la période des pratiques, mis en œuvre des dépenses promotionnelles, au travers de NIP, qui ont bénéficié aux consommateurs. Mais Beiersdorf a participé à des échanges entre concurrents portant précisément sur les NIP (voir points 625 à 628). Dans ce contexte, le comportement de Beiersdorf ne visait pas à perturber le déroulement des pratiques poursuivies.

1570. Du reste, Beiersdorf a, à plusieurs reprises, pris des positions proches de celles de ses concurrents (notamment, dans le cadre de l'engagement, sur les tarifs, points 499 et 509, sur la dérive, point 537 ; dans le cadre de la loi Dutreil, sur les tarifs, point 557, sur la dérive, points 606 et 609).

1571. Le comportement de Beiersdorf dans le cadre de l'application des initiatives prises par les pouvoirs publics ne peut donc pas être pris en compte pour réduire le montant de la sanction qui lui sera imposée.

1572. En deuxième lieu, Beiersdorf fait valoir que sa participation aux pratiques aurait été mineure, ce dont il conviendrait de tenir compte au-delà de ce qui a été fait au titre de l'individualisation de la sanction. Toutefois, Beiersdorf a participé à 19 des 24 réunions Team PCP, à 15 correspondances sur 18 qui ont eu lieu dans ce cadre, et à un contact complémentaire entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006. Elle a ainsi participé à la quasi-totalité des pratiques dont elle est tenue responsable et sa participation a, au surplus, été active (notamment, dans le cadre de la circulaire Dutreil, sur les tarifs, points 378 et 383 ; dans le cadre de l'engagement, sur les tarifs, points 499, 509, sur les dérives, point 537 ; dans le cadre de la loi Dutreil, sur les tarifs, point 557, sur la dérive, point 609). Sa participation aux pratiques ne peut donc pas être considérée comme mineure et ne saurait donner lieu, en tout état de cause, à une réduction du montant de la sanction au-delà de ce qui a été fait plus haut au titre de l'individualisation de la sanction.

1573. En troisième lieu, Beiersdorf estime qu'il faudrait tenir compte de la moindre taille du groupe Beiersdorf par rapport aux autres fournisseurs concernés, de la moindre diversification du groupe Beiersdorf par rapport à celle de ses concurrents et de l'importante part des produits d'hygiène dans le chiffre d'affaires. Toutefois, la moindre taille du groupe Beiersdorf par rapport à certaines des entreprises mises en cause est prise en compte par l'application d'un taux de majoration de la sanction limité à 10 %. S'agissant de la moindre diversification de Beiersdorf par rapport à certains de ses concurrents, il suffit de constater que le groupe Beiersdorf, présent dans plus de 150 pays, employant plus de 16 000 personnes, dispose de ressources globales importantes. L'argument sera écarté.

1574. En quatrième lieu, Beiersdorf demande que lui soit accordée une réduction d'amende au titre de son prétendu statut d'entreprise " mono-produit ", en application du premier alinéa du point 48 du communiqué sanctions. Elle indique qu'elle réalisait, au moment des pratiques, plus de 80 % de son chiffre d'affaires sur le territoire français avec des produits d'hygiène concernés par les pratiques.

1575. Mais, comme indiqué par l'entreprise, cette proportion est calculée uniquement sur l'activité de l'entité Beiersdorf SA. Or, à l'époque des pratiques, le groupe Beiersdorf était actif sur le territoire au travers d'autres filiales, toutes détenues directement ou indirectement à 100 % par Beiersdorf AG et/ou Beiersdorf Holding France SARL. Il s'agissait tout d'abord des sociétés Sodicos SAS et Laboratoires Dermatologiques Eucerin SASU, actives dans le secteur de l'hygiène, mais dont les produits étaient vendus dans d'autres circuits que la grande distribution (luxe et distribution sélective, cotes 39 524 à 39 527). Il s'agissait ensuite de la société Tesa SAS, active dans le secteur des adhésifs (cotes 39 529 et 39 530). Le groupe Beiersdorf était également actif en France à l'époque des pratiques dans le secteur des produits pour les hôpitaux, au travers de participations majoritaires au sein des sociétés Bode France SAS et BSN Medical SAS (cotes 39532 à 39534).

1576. Surtout, l'entreprise Beierdorf, dont la société mère ultime, Beiersdorf AG, s'est vu imputer les griefs, est un groupe d'envergure mondiale. Si les ventes réalisées en relation avec l'infraction s'élevaient, en 2005, à 295,6 millions d'euros, le chiffre d'affaires mondial consolidé de l'entreprise Beiersdorf était, quant à lui, de 4,77 milliards d'euros. Dans ces conditions, l'entreprise Beiersdorf, qui ne menait pas l'essentiel de son activité dans le secteur ou le marché en relation avec les infractions à la date des faits, ne constitue pas une entreprise mono-produit au sens du point 48 du communiqué sanctions.

1577. Enfin, Beiersdorf demande à ce que soit prise en compte dans la détermination de la sanction la baisse de son chiffre d'affaires réalisé en France depuis la fin des pratiques. Elle invoque à ce sujet la décision n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gadgets et articles de fantaisie (point 165) dans laquelle l'Autorité a accepté de minorer l'amende imposée à l'entreprise concernée en raison de la très forte contraction de son chiffre d'affaires en quelques années. Mais, dans l'affaire mentionnée, le chiffre d'affaires de Kontiki avait été divisé par cinq entre 2005 et 2011. De son coté, Beiersdorf mentionne une baisse de son chiffre d'affaires réalisé en France de 13,7 % entre 2005 et 2013. Cette évolution, sans commune mesure avec celle évoquée dans l'affaire " Kontiki ", ne justifie pas une diminution du montant de la sanction.

En ce qui concerne Vania

1578. En premier lieu, Vania allègue que sa participation aux pratiques concertées organisées dans le cadre du Cercle Team PCP était limitée, ce dont il conviendrait de tenir compte. Toutefois, Vania a participé à 19 des 24 réunions Team PCP, à 8 correspondances sur 18 qui ont eu lieu dans ce cadre et à un contact trilatéral. Elle a donc participé à une très grande partie des pratiques concertées dont elle est tenue responsable et sa participation aux pratiques a été, au surplus, active (dans le cadre de la circulaire Dutreil, sur les tarifs, point 378 et 383, sur la dérive, point 402 ; dans le cadre de l'engagement Sarkozy, sur les tarifs, points 499 et 504 ; dans le cadre de la loi Dutreil, point 606). L'argument sera écarté.

1579. En deuxième lieu, Vania demande que sa taille et ses ressources limitées par rapport aux autres participants à la pratique, tant aujourd'hui qu'à l'époque des pratiques, soient prises en compte pour diminuer la sanction qui lui sera imposée. Mais, comme indiqué précédemment, le fait qu'une entreprise soit une PME ou soit de taille inférieure à celle des autres participants à une entente ne peut constituer, en soi, une circonstance particulière de nature à diminuer la sanction. En outre, la taille réduite d'un participant à une pratique anticoncurrentielle est déjà prise en compte au stade de la valeur des ventes. L'argument de Vania sera donc écarté.

1580. En troisième et dernier lieu, Vania demande que lui soit accordée une réduction d'amende au titre de son statut d'entreprise " mono-produit ", en application du premier alinéa du point 48 du communiqué sanctions. Elle indique qu'elle réalisait, au moment des pratiques, plus de 80 % de son chiffre d'affaires sur le territoire français avec des produits d'hygiène concernés par les pratiques.

1581. Toutefois, la société Vania Expansion SNC était détenue conjointement à l'époque des pratiques par les sociétés Johnson & Johnson Consumer France SAS devenue Johnson & Johnson Consumer Holdings France et Georgia Pacific France, devenue SCA Tissue France, qui se sont vu imputer l'infraction. Si les ventes réalisées en relation avec l'infraction s'élevaient, en 2005, à 203 millions d'euros, les chiffres d'affaires des sociétés Vania Expansion, Johnson & Johnson Consumer Holdings France et Georgia Pacific France étaient respectivement de 220,6 millions d'euros, 198 millions d'euros et 811,4 millions d'euros, ce qui correspond à un total de 1,23 milliards d'euros pour la société Vania Expansion et ses sociétés mères. Dans ces conditions, l'entreprise Vania, qui ne menait pas l'essentiel de son activité dans le secteur ou le marché en relation avec les infractions à la date des faits, ne constitue pas une entreprise mono-produit au sens du point 48 du communiqué sanctions.

En ce qui concerne Gillette

1582. Le groupe Procter & Gamble dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

1583. La société Procter & Gamble France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que successeur juridique de l'auteur des pratiques, a réalisé, en 2012/2013, un chiffre d'affaires qui s'est élevé à environ 1,7 milliards d'euros. Cette société, ainsi que la société Procter & Gamble Holding France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère française de l'auteur des pratiques commises à compter du 30 novembre 2005, font partie d'un groupe d'envergure mondiale, Procter & Gamble, au sein duquel elles consolident leurs comptes. En outre, l'activité de Procter & Gamble France n'est pas limitée à la commercialisation de produits d'hygiène et d'entretien à la grande distribution, cette dernière étant également active dans d'autres secteurs comme la distribution de piles ou de petit électroménager à la grande distribution.

1584. La société The Procter & Gamble Company, à laquelle l'infraction a été imputée en tant que société mère ultime de l'auteur des pratiques et successeur juridique de la société The Gillette Company, est la société faitière du groupe Procter & Gamble. Ce groupe a réalisé, en 2012/2013, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 84,17 milliards de dollars (cote 51 513) et ses activités s'étendent bien au-delà du territoire français sur d'autres secteurs que l'entretien et l'hygiène.

1585. Dans ces conditions, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du groupe Procter & Gamble, d'augmenter de 25 % la sanction infligée aux sociétés Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France et The Procter & Gamble Company.

1586. Procter & Gamble sollicite une diminution du montant de la sanction.

1587. En premier lieu, Procter & Gamble considère que la majoration aux fins de dissuasion de la sanction de Gillette n'est pas justifiée, dans la mesure où la société Groupe Gillette France, auteur des pratiques, aurait été une société autonome pendant la période d'avril 2003 au 8 novembre 2005. Toutefois, tel n'est pas le cas dès lors que la société The Gillette Company, tête du groupe Gillette, exerçait une influence déterminante sur sa filiale française et que l'infraction a été imputée à la société The Procter & Gamble Company, en tant que successeur juridique de la société The Gillette Company. Dans ces conditions, Procter & Gamble, n'est pas fondée à soutenir que la société Groupe Gillette France aurait été autonome pour la période d'avril 2003 au 8 novembre 2005.

1588. En deuxième lieu, Procter & Gamble affirme que Gillette aurait fait preuve d'une autonomie de comportement par rapport aux autres participants en appliquant le " 2 % pondéré " au lieu de la méthode " 1+1 ". Mais, comme pour Procter & Gamble, Gillette avait informé ses concurrents de ce choix. Cela ne constitue donc pas une déviation par rapport aux pratiques. Du reste, les positions de Gillette révèlent, à d'autres occasions, une homogénéité avec celles des autres entreprises mises en cause (notamment, dans le cadre de l'engagement, sur les tarifs, point 509, sur la dérive, point 537 ; dans le cadre de la loi Dutreil, sur les tarifs, point 557). L'argument de Procter & Gamble sera écarté.

1589. En dernier lieu, Procter & Gamble allègue que la participation de Gillette aux échanges dans le secteur de l'hygiène serait limitée, ce dont il conviendrait de tenir compte au-delà de ce qui a été fait plus haut au titre de l'individualisation de la sanction. Toutefois, Gillette a pris part à 18 réunions du Cercle Team PCP sur les 24 qui se sont déroulées entre avril 2003 et le 3 février 2006, ainsi qu'à 12 correspondances sur les 18 qui ont eu lieu dans ce cadre et à deux réunions des " Amis ". Elle a ainsi participé, de façon assidue, à tous les thèmes d'échanges qui se sont déroulés au sein du Cercle Team PCP. Au surplus, sa participation a été active (dans le cadre de la circulaire Dutreil, sur les tarifs et la dérive, points 382 et 402401 ; dans le cadre de l'engagement, sur les tarifs et la dérive, points 499, 509 et 537 ; dans le cadre de la loi Dutreil, sur les tarifs et les offres de dérive, points 557 et 606). L'argument sera donc écarté.

Conclusion sur le montant intermédiaire de la sanction

1590. Les tableaux ci-dessous récapitulent, pour chaque entreprise, le montant intermédiaire de la sanction due au titre de l'entente unique dans chacun des deux secteurs.

<Emplacement Tableau>

c) Sur la vérification du montant maximum applicable

En ce qui concerne l'entreprise Colgate-Palmolive

1591. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Colgate-Palmolive était de 17 420 000 000 dollars soit 13 116 304 425 euros en 2013 (taux de change moyen annuel euro/dollar de 1,3281 en 2013). Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 655 815 221 euros en ce qui concerne les sociétés Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services et Colgate-Palmolive Company. Ce montant est supérieur aux montants mentionnés au point 1590 ci-dessus.

En ce qui concerne l'entreprise Henkel

1592. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Henkel était de 16 510 000 000 euros en 2012. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 825 500 000 euros en ce qui concerne les sociétés Henkel France et Henkel AG & Co. KGaA. Ce montant est supérieur aux montants mentionnés au point 1590 ci-dessus.

En ce qui concerne l'entreprise Unilever

1593. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Unilever était de 51 324 000 000 euros en 2012. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 2 566 200 000 euros en ce qui concerne les sociétés Topaze, Unilever France et Unilever France Holdings. Ce montant est supérieur aux montants mentionnés au point 1590 ci-dessus.

En ce qui concerne l'entreprise Reckitt Benckiser

1594. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Reckitt Benckiser était de 10 043 000 000 livres soit 11 825 658 960 euros en 2013 (taux de change moyen annuel euro/livre de 0,8492 en 2013). Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 591 282 947 euros en ce qui concerne les sociétés Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud et Reckitt Benckiser PLC. Ce montant est supérieur aux montants mentionnés au point 1590 ci-dessus.

En ce qui concerne l'entreprise Procter & Gamble

1595. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Procter & Gamble était de 84 167 000 000 dollars soit 63 373 134 014 euros en 2013 (taux de change moyen annuel euro/dollar de 1,3281 en 2013). Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 3 168 656 700 euros en ce qui concerne Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France et The Procter & Gamble Company. Ce montant est supérieur aux montants mentionnés au point 1590 ci-dessus.

En ce qui concerne l'entreprise Sara Lee

Pour la sanction visant la société Colgate-Palmolive SASU

1596. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Colgate-Palmolive était de 13 116 304 425 euros en 2013. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 655 815 221 euros en ce qui concerne la société Colgate-Palmolive SASU, successeur juridique de l'auteur des pratiques. Ce montant est supérieur aux montants mentionnés au point 1590.

? Pour la sanction visant la société Hillshire Brands Company

1597. La société Hillshire Brands Company, qui a fusionné le 28 août 2014 avec la société Tyson Foods, Inc. , est, depuis cette date, une filiale à 100 % de cette dernière. Les comptes de la société Hillshire Brands Company sont désormais consolidés au sein de ceux de la société Tyson Foods, Inc.

1598. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Tyson Foods était de 34 374 000 000 dollars soit 25 881 736 412 euros en 2013 (taux de change annuel moyen euro/dollar de 1,3281 en 2013). Le montant maximum de la sanction s'élève à 2 588 173 641 euros en ce qui concerne la société Hillshire Brands Company, société mère de l'auteur des pratiques. Ce montant est supérieur aux montants mentionnés au point 1590 ci-dessus.

En ce qui concerne l'entreprise Laboratoires Vendôme

1599. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Johnson & Johnson était de 71 312 000 000 dollars soit 53 694 024 176 euros en 2013. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 2 684 701 208 euros en ce qui concerne la société Johnson & Johnson Santé Beauté France, successeur juridique de l'auteur des pratiques et de sa société mère. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 1590.

En ce qui concerne l'entreprise SC Johnson

1600. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe SC Johnson était de 7 351 985 000 dollars soit 5 535 641 411 euros en 2013. Le montant maximum de la sanction s'élève à 553 564 141 euros en ce qui concerne les sociétés SC Johnson SAS et SC Johnson & Son, Inc. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 1590.

En ce qui concerne l'entreprise Bolton Solitaire

1601. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Bolton Manitoba était de 1 549 000 000 euros en 2012. Le montant maximum de la sanction s'élève à 154 900 000 euros en ce qui concerne les sociétés Bolton Solitaire et Bolton Manitoba. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 1590.

En ce qui concerne l'entreprise Gillette

1602. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Procter & Gamble était de 84 167 000 000 dollars soit 63 373 134 014 euros en 2013. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 3 168 656 700 euros en ce qui concerne les sociétés Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France et The Procter & Gamble Company. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 1590.

En ce qui concerne l'entreprise L'Oréal

1603. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe L'Oréal était de 22 976 600 000 euros en 2013. Le montant maximum de la sanction s'élève à 2 297 660 000 euros en ce qui concerne les sociétés Lascad et L'Oréal (SA). Ce montant est supérieur aux montants mentionnés au point 1590.

En ce qui concerne l'entreprise Beiersdorf

1604. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Beiersdorf était de 6 141 000 000 euros en 2013. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 307 050 000 euros en ce qui concerne les sociétés Beiersdorf SAS, Beiersdorf Holding France et Beiersdorf AG. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 1590.

En ce qui concerne l'entreprise Vania

? Pour la sanction visant les sociétés Vania Expansion et Johnson & Johnson Consumer Holdings France

1605. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Johnson & Johnson était de 71 312 000 000 dollars soit 53 694 024 176 euros en 2013. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 2 684 701 208 euros en ce qui concerne les sociétés Vania Expansion et Johnson & Johnson Consumer Holdings France. Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 1590.

? Pour la sanction visant la société SCA Tissue France

1606. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Georgia Pacific (renommé SCA Tissue en 2013) était de 22 715 000 000 dollars soit 24 021 785 110 euros en 2002 (taux de change annuel moyen euro/dollar de 0,9456 en 2002). Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 1 201 089 255 euros en ce qui concerne la société SCA Tissue France (anciennement dénommée Georgia Pacific France). Ce montant est supérieur au montant mentionné au point 1590.

Conclusion

1607. Les montants de sanction après vérification du maximum applicable sont ceux mentionnés au point 1590.

d) Sur l'application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce relatif au programme de clémence

Rappel des principes applicables

1608. Dans le cadre de la présente procédure, trois entreprises ont bénéficié d'un avis de clémence dans l'un des deux secteurs concernés par les griefs, voire dans les deux secteurs. Il s'agit de SC Johnson, Colgate-Palmolive et Henkel s'agissant du secteur de l'approvisionnement en produits d'entretien, et de Colgate-Palmolive et Henkel uniquement s'agissant du secteur de l'approvisionnement en produits d'hygiène.

1609. À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que le IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa version issue de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, subordonne la mise en œuvre de la procédure de clémence à deux conditions générales.

1610. Il faut, d'une part, que le demandeur de clémence ait " avec d'autres, mis en œuvre une pratique prohibée " par l'article L. 420-1 de ce Code. Il est nécessaire, d'autre part, que l'intéressé ait " contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont [l'Autorité] [...] ne dispos[ait] pas antérieurement ". C'est en considération de ces éléments que, lorsqu'il adopte une décision constatant l'existence d'une infraction et imposant une sanction à ses auteurs, le Conseil - désormais l'Autorité - peut " accorder une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction " par le demandeur de clémence.

1611. En second lieu, le IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce permet à l'Autorité, comme avant elle au Conseil, de soumettre au cas par cas, c'est-à-dire dans chaque affaire d'entente dont elle a à connaître et pour chaque demande individuelle de clémence faite dans ce cadre, qu'elle émane de la première entreprise effectuant cette démarche ou de celles qui se présentent ensuite, l'octroi de la clémence à des conditions particulières. Ces conditions doivent alors figurer dans l'avis de clémence rendu par l'Autorité, qui est lui-même transmis au demandeur. L'exonération de sanction pouvant être accordée à ce dernier à l'issue de la procédure, si elle doit être proportionnée à sa contribution à l'établissement de l'infraction, dépend donc aussi, comme le prévoit le Code de commerce, du respect " [d]es conditions précisées dans l'avis de clémence ".

1612. En application de cette disposition, l'Autorité, comme le Conseil avant elle, a pour pratique d'accorder aux demandeurs de clémence autres que celui éligible à une exonération totale de sanction pécuniaire le bénéfice conditionnel d'une exonération partielle de sanction dont l'importance dépend, d'une part, de la valeur ajoutée des pièces produites à l'appui de leur demande, qui est elle-même liée au rang de présentation de cette demande dans la mesure où elle s'apprécie par rapport au contenu du dossier dont l'Autorité dispose déjà, et, d'autre part, du comportement du demandeur pendant la procédure.

1613. S'agissant du premier point, le communiqué de procédure du 11 avril 2006 relatif au programme de clémence français, qui décrit les modalités pratiques que le Conseil s'était engagé à respecter aux fins du traitement des demandes de clémence et qui était applicable à la date de la présentation de la demande de clémence de Colgate-Palmolive, explique que, lorsque l'institution dispose déjà d'informations sur une entente présumée et qu'une entreprise ne remplit pas les conditions permettant d'obtenir le bénéfice d'une exonération totale de sanction, elle peut toutefois se voir accorder une exonération partielle de sanction en fournissant " au Conseil de la concurrence des éléments de preuve de l'infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve dont le Conseil ou l'administration dispose déjà. La notion de valeur ajoutée est le critère d'appréciation pour retenir les éléments de preuve fournis dans la mesure où ils renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité du Conseil ou de l'administration d'établir l'infraction présumée " (paragraphe 15). Des dispositions identiques figurent dans le communiqué de procédure du 17 avril 2007 relatif au programme de clémence français, qui s'est substitué au précédent, et qui était applicable à la date de la présentation des demandes de clémence d'Henkel (paragraphe 16). Ce second communiqué précise que, s'agissant de la valeur ajoutée des pièces remises par le demandeur de clémence, " le Conseil estimera notamment que :

- les éléments de preuves écrits contemporains de l'entente présumée ont une valeur supérieure aux éléments établis ultérieurement ;

- les éléments de preuve à charge se rattachant directement aux faits en cause ont une valeur supérieure aux éléments s'y rapportant indirectement, et ;

- les éléments de preuve incontestables ont une valeur supérieure aux éléments devant être corroborés en cas de contestation ".

1614. S'agissant du second point, la pratique de l'Autorité, comme celle du Conseil avant elle, consiste à subordonner l'octroi effectif de l'exonération de sanction pécuniaire envisagée dans ses avis de clémence à la condition que le demandeur coopère activement à l'ensemble de la procédure d'enquête et d'instruction. À cet égard, il ressort de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, confirmée par la cour d'appel de Paris, que " [le] IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce appréhende en effet la procédure de clémence comme une contribution active et volontaire d'entreprises ou d'organismes ayant participé à des ententes, non seulement à leur détection par l'Autorité, par le biais de la production d'éléments de preuve, mais également, en aval, à l'instruction de l'affaire par les services d'instruction et, en définitive, au constat, par le collège, de la réalité de la pratique prohibée. En pratique, l'obligation de " contribuer à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ne disposait pas antérieurement " signifie donc que, dans les procédures d'ententes, qui comprennent plusieurs étapes, d'une part, et qui peuvent porter sur des faits complexes à établir et généralement occultes, d'autre part, la coopération attendue du demandeur n'est pas épuisée par le seul fait de présenter sa demande de clémence : elle reste nécessaire tout au long de la période séparant le dépôt de cette demande de la tenue de la séance du collège, en passant par les différentes étapes de la phase préliminaire d'enquête et de la procédure d'instruction " (point 716).

1615. Cette obligation de coopération, à la charge du demandeur de clémence, ressort également des communiqués de procédure successifs adoptés par le Conseil de la concurrence depuis 2006.

Application en l'espèce

Situation de SC Johnson SAS

1616. Par un avis n° 06-AC-01 du 6 janvier 2006, les sociétés SC Johnson & Son, Inc. et SC Johnson SAS (premier demandeur de clémence) ont obtenu le bénéfice conditionnel d'une exonération totale de sanction au titre de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur de l'entretien. Cette exonération de sanction a cependant été subordonnée aux conditions suivantes :

- apporter une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction ;

- mettre fin à sa participation aux activités illégales à compter de la date qui lui serait indiquée par le rapporteur général afin notamment d'assurer la plus grande efficacité des mesures d'enquête ;

- n'avoir pris aucune mesure à l'égard d'autres entreprises pour les contraindre à participer à une infraction ;

- ne pas avoir informé de sa démarche les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées.

1617. Il ressort de l'ensemble des éléments du dossier, ainsi que du déroulement de la procédure, que les sociétés SC Johnson & Son, Inc. et SC Johnson SAS ont rempli l'ensemble de ces conditions. Elles doivent dès lors, être exonérées de toute sanction pécuniaire, pour les pratiques poursuivies dans le secteur des produits d'entretien.

Situation de Colgate-Palmolive

? Dans le secteur de l'hygiène

1618. Par un avis n° 06-AC-06 du 19 juin 2006, la société Colgate-Palmolive France (premier demandeur de clémence) a obtenu le bénéfice conditionnel d'une exonération totale de sanction au titre de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur des produits d'hygiène. Cette exonération de sanction a cependant été subordonnée aux conditions suivantes :

- apporter une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction ;

- mettre fin à sa participation aux activités illégales à compter du 3 février 2006 ;

- n'avoir pris aucune mesure à l'égard d'autres entreprises pour les contraindre à participer à une infraction ;

- ne pas avoir informé de sa démarche les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées.

1619. Il ressort de l'ensemble des éléments du dossier, ainsi que du déroulement de la procédure, que la société Colgate-Palmolive France a rempli l'ensemble de ces conditions. Elle doit dès lors, être exonérée de toute sanction pécuniaire, pour les pratiques poursuivies dans le secteur des produits d'hygiène.

? Dans le secteur de l'entretien

1620. Par un avis n° 06-AC-05 du 19 juin 2006, la société Colgate-Palmolive France (deuxième demandeur de clémence) a obtenu le bénéfice conditionnel d'une exonération partielle de sanction au titre de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur de l'entretien, comprise dans une fourchette de 40 % à 50 %. Cette exonération partielle de sanction a cependant été subordonnée aux conditions suivantes :

- apporter une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction ;

- mettre fin à sa participation aux activités illégales à compter du 3 février 2006;

- n'avoir pris aucune mesure à l'égard d'autres entreprises pour les contraindre à participer à une infraction ;

- ne pas avoir informé de sa démarche les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées.

1621. Il ressort de l'ensemble des éléments du dossier, ainsi que du déroulement de la procédure, que la société Colgate-Palmolive France a rempli l'ensemble de ces conditions.

1622. Les éléments fournis par Colgate-Palmolive dans le cadre de sa demande de clémence, outre qu'ils confirment, corroborent et précisent les informations qui étaient déjà en possession des services du Conseil, revêtent une forte valeur ajoutée. En effet, Colgate-Palmolive a révélé au Conseil et à l'administration qui l'ignoraient, l'existence des réunions Team HP qui constituent l'un des cercles majeurs de la concertation dans le secteur des produits d'entretien. À cet égard, elle a fourni nombre d'éléments probants contemporains des faits et des explications détaillées. En outre, Colgate-Palmolive a remis de nombreux documents émanant des concurrents et d'elle-même, attestant de l'existence d'échanges d'informations confidentielles, par courriers et courriels envoyés le plus souvent à l'adresse personnelle des membres de l'entente.

1623. Il y a lieu dès lors de lui accorder le bénéfice d'une exonération de sanction de 50 % pour les pratiques poursuivies dans le secteur des produits d'entretien.

1624. Colgate-Palmolive demande à l'Autorité de faire application du point 19 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif au programme de clémence français qui permet de prendre en compte " une contribution supplémentaire " dans la détermination individuelle de la sanction qui pourrait faire l'objet d'une exonération partielle. Colgate-Palmolive fait valoir au titre de cette contribution supplémentaire la révélation de l'ensemble des réunions Team HP dont le Conseil de la concurrence n'avait pas connaissance avant la demande de clémence de Colgate. Elle invoque également la pratique de la Commission européenne et des autorités américaines en matière de clémence.

1625. Il convient tout d'abord de relever que Colgate-Palmolive ne peut utilement invoquer ni la pratique de la Commission européenne, conformément au principe d'autonomie procédurale, ni a fortiori la pratique des autorités américaines. De plus, la demande de clémence de Colgate-Palmolive a été introduite le 24 février 2006, à une époque où le premier communiqué de procédure n'avait pas encore été adopté, et l'avis de clémence a été rendu le 19 juin 2006, à une époque où la disposition invoquée par l'entreprise ne figurait pas dans le communiqué de procédure du 11 avril 2006. Elle ne le sera en effet que dans le communiqué de procédure du 17 avril 2007. Par conséquent, cette disposition n'est pas applicable en l'espèce. Il convient ensuite de relever que le point 19 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 est suivi d'un point 20 qui précise : " L'exonération partielle des sanctions pécuniaires accordée à une entreprise ayant apporté une valeur ajoutée significative ne saurait en principe excéder 50 % du montant de la sanction qui lui aurait été imposée si elle n'avait pas bénéficié de la clémence ". Par conséquent, l'application du point 19 du communiqué précité ne peut aboutir, " en principe ", à une exonération partielle de sanction supérieure à 50 %.

1626. En tout état de cause, même en l'absence d'une disposition spécifique, la " contribution supplémentaire " de Colgate-Palmolive relative aux réunions Team HP est dûment prise en compte par la décision de l'Autorité. En effet, c'est la révélation de ces réunions qui vaut à Colgate-Palmolive de bénéficier d'une exonération partielle de 50 %, valorisant ainsi suffisamment et fortement la valeur ajoutée de la contribution de Colgate-Palmolive pour l'affaire 06/0001F.

? Sur la situation de Colgate-Palmolive, en tant que successeur juridique de Sara Lee Household and Body Care France

1627. La société Colgate-Palmolive SASU prise en sa qualité de successeur juridique de Sara Lee Household and Body Care France demande que le bénéfice des clémences qui lui ont été accordées le 19 juin 2006 en tant qu'auteur des pratiques poursuivies soit étendu à Sara Lee Household and Body Care France. Selon elle, l'entreprise Colgate-Palmolive comprend depuis 2011, la société Sara Lee Household and Body Care France. Dès lors, le bénéfice de la clémence accordée dans les avis conditionnels du 19 juin 2006 à Colgate-Palmolive devrait, selon elle, être étendu aux pratiques de Sara Lee.

1628. Mais seule l'unité économique ayant déposé une demande de clémence et transmis les preuves décisives peut en bénéficier, à savoir la filiale et la société mère qui la détient au moment de cette demande (voir en ce sens la décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des produits chimiques, point 1029). Or, au moment de sa demande de clémence, Colgate-Palmolive n'a pu déposer de demande que pour l'unité économique qu'elle formait à l'époque, dont Sara Lee Household & Body Care France ne faisait pas partie, et ne transmettre de preuves décisives que pour les agissements de cette unité économique. En d'autres termes, Colgate-Palmolive ne pouvait pas engager, au moment du dépôt de sa demande de clémence, une future société dont elle n'était pas encore le successeur juridique.

1629. Par ailleurs c'est à tort que Colgate-Palmolive soutient que le champ des avis conditionnels de clémence qui lui ont été délivrés par le Conseil de la concurrence ne se limiterait pas aux seules pratiques de Colgate-Palmolive puisque celle-ci a dénoncé non seulement ses propres agissements mais aussi ceux de ses concurrents, dont Sara Lee. Contrairement à ce qu'allègue Colgate-Palmolive, l'avis conditionnel de clémence concerne bien les comportements de l'entreprise Colgate-Palmolive à la date des pratiques et impose d'ailleurs au seul demandeur de clémence de cesser sans délai sa participation aux pratiques illégales présumées.

1630. La demande de Colgate-Palmolive devra donc être écartée.

Situation d'Henkel

? Dans le secteur de l'hygiène

1631. Par un avis n° 11-AC-01 du 7 mars 2011, la société Henkel France et ses filiales (deuxième demandeur de clémence) ont obtenu le bénéfice conditionnel d'une exonération partielle de sanction au titre de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur de l'hygiène, comprise dans une fourchette de 20 % à 30 %. Cette exonération partielle de sanction a cependant été subordonnée aux conditions suivantes :

- mettre fin à sa participation aux activités illégales ;

- n'avoir pris aucune mesure à l'égard d'autres entreprises pour les contraindre à participer à une infraction ;

- ne pas avoir informé de sa démarche les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées ;

- apporter une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction.

1632. Il ressort de l'ensemble des éléments du dossier, ainsi que du déroulement de la procédure, que la société Henkel France a rempli l'ensemble de ces conditions. Il y a lieu dès lors, compte tenu de la valeur ajoutée des pièces remises par Henkel, de lui accorder le bénéfice d'une exonération de sanction de 30 % pour les pratiques poursuivies dans le secteur des produits d'hygiène.

? Dans le secteur de l'entretien

1633. Par un avis n° 09-AC-01 du 21 janvier 2009, la société Henkel France et ses filiales (troisième demandeur de clémence) ont obtenu le bénéfice conditionnel d'une exonération partielle de sanction au titre de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur de l'entretien, comprise dans une fourchette de 10 % à 20 %. Cette exonération partielle de sanction a cependant été subordonnée aux conditions suivantes :

- apporter une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction ;

- mettre fin à sa participation aux activités illégales ;

- n'avoir pris aucune mesure à l'égard d'autres entreprises pour les contraindre à participer à une infraction ;

- ne pas avoir informé de sa démarche les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées.

1634. Il ressort de l'ensemble des éléments du dossier, ainsi que du déroulement de la procédure, que la société Henkel France a rempli l'ensemble de ces conditions.

1635. Henkel a remis des éléments qui ont permis de corroborer des informations dont le Conseil disposait déjà mais aussi de les compléter et de les préciser, en révélant notamment qu'en dehors des réunions, des échanges avaient lieu par courrier électronique et par téléphone, tout en fournissant des pièces et des explications à cet égard.

1636. En outre, au stade du rapport, Henkel, dans le cadre de son obligation de coopération, a apporté des éléments nouveaux et des explications complémentaires sur des pièces qui avaient été fournies dans le cadre de sa demande de clémence mais dont la valeur ajoutée au regard des pratiques poursuivies n'avait pas été appréciée à leur juste valeur au moment de l'avis de clémence. Ces éléments ont permis d'établir des échanges par catégorie de produits dans le secteur de l'entretien et ce, dès 2003.

1637. Il convient de rappeler que l'Autorité a établi le principe selon lequel l'exonération est a priori accordée dans le cadre de la fourchette proposée dans l'avis, le demandeur n'étant pas recevable à en contester le taux maximum, en particulier lorsqu'il n'y a pas lieu d'effectuer une nouvelle appréciation de la valeur ajoutée des pièces remises par le demandeur. Cependant, ce principe n'exclut pas, dans certaines circonstances, que l'Autorité, à son initiative, puisse accorder à l'issue de l'instruction, une réévaluation du taux maximum lorsqu'il apparaît notamment que la valeur ajoutée des pièces remises par le demandeur avait été sous-évaluée au stade de l'avis. Dans l'affaire des lessives, la cour d'appel de Paris a ainsi considéré : " à ce stade initial de la procédure, le collège (fixe) simplement une fourchette d'exonération donnée à titre indicatif et conditionnel, ne se prononçant pas alors de manière définitive sur le degré de valeur ajoutée significative des pièces produites " (arrêt du 30 janvier 2014, précité, p. 48).

1638. Il y a lieu, dès lors, compte tenu de la valeur ajoutée des pièces remises par Henkel, de lui accorder le bénéfice d'une exonération de sanction de 25 % pour les pratiques poursuivies dans le secteur des produits d'entretien.

e) Sur l'application du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce relatif à la non-contestation des griefs

Rappel des principes applicables

1639. Aux termes du III de l'article L. 464 du Code de commerce, " [l]orsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la sanction ".

1640. Cet article permet au rapporteur général de proposer à l'Autorité de tenir compte, lors de la détermination de la sanction, du fait qu'une entreprise ou un organisme renonce à contester les griefs qui lui ont été notifiés. En effet, ainsi que l'Autorité l'a relevé à plusieurs reprises, la renonciation à contester les griefs vise principalement à alléger et à accélérer le travail d'instruction, en particulier en dispensant les services d'instruction de la rédaction d'un rapport lorsqu'elle est le fait de l'ensemble des entreprises mises en cause (décisions n° 07-D-21 du Conseil du 26 juin 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la location-entretien de linge, point 129, n° 08-D-13 du 11 juin 2008 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l'entretien courant des locaux, paragraphe 99, et n° 09-D-05 du 2 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire, point 155).

1641. Dans son communiqué de procédure du 10 février 2012 relatif à la non-contestation des griefs, l'Autorité rappelle que, eu égard à la jurisprudence à ce sujet, cette renonciation doit prendre la forme d'une déclaration par laquelle l'organisme ou l'entreprise en cause indique, dans des termes clairs, complets, dépourvus d'ambiguïté et inconditionnels qu'il ne conteste, directement ou indirectement, ni la réalité de l'ensemble des pratiques en cause, ni la qualification juridique qu'en donnent les services de l'Autorité au regard des dispositions pertinentes du Code de commerce et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni leur imputabilité. La renonciation à contester la réalité des pratiques en cause doit de ce fait porter notamment sur les faits constitutifs de ces pratiques, sur leur objet et leurs effets anticoncurrentiels selon ce que retient la notification des griefs, sur leurs caractéristiques, sur leur durée et sur les modalités de participation de l'intéressé aux pratiques.

1642. La renonciation à contester les griefs de la part d'une entreprise ne peut conduire à accorder à l'intéressée qu'une réduction de sanction relativement limitée. Ce sont, le cas échéant, la nature et la qualité des engagements présentés par l'entreprise à l'occasion de la procédure de non-contestation des griefs qui peuvent permettre d'accorder une réduction de sanction plus importante, dans la mesure où ils sont substantiels, crédibles et vérifiables (décision n° 07-D-21 du Conseil de la concurrence du 26 juin 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la location-entretien de linge, point 129, décision n° 08-D-13 du 11 juin 2008 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l'entretien courant des locaux, point 99, décision n° 09-D-05 du 2 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire, point 155, et décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, point 770). Lorsqu'elle accepte des engagements qui consistent en des programmes de conformité, l'Autorité les rend obligatoires dans la décision qu'elle adopte au terme de la procédure. Elle peut naturellement être conduite à s'assurer ultérieurement de leur mise en œuvre effective.

1643. S'agissant des programmes de conformité, l'Autorité a publié le 10 février 2012 un document-cadre sur les programmes de conformité aux règles de concurrence. Ce document, qui vient synthétiser sa pratique décisionnelle, précise les conditions auxquelles l'Autorité considère que de tels programmes doivent répondre pour pouvoir être efficaces, et les résultats concrets qu'elle en attend.

Mise en œuvre cumulée des III et IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce

1644. La procédure de clémence prévue au IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce a pour objectif de permettre à une entreprise qui participe avec d'autres à une pratique anticoncurrentielle de révéler l'infraction et de contribuer à son établissement en contrepartie d'une exonération totale ou partielle de sanction.

1645. La procédure de clémence et la procédure de non-contestation des griefs poursuivent donc des objectifs distincts. La coexistence de ces deux procédures n'exclut pas la possibilité, pour le rapporteur général, de proposer à l'Autorité de tenir compte du fait qu'une entreprise ou un organisme ayant présenté une demande de clémence renonce ultérieurement à contester les griefs qui lui auraient été notifiés dans l'intervalle.

1646. Le point 6 du communiqué de procédure relatif à la non-contestation des griefs précité signale cette possibilité de mise en œuvre conjuguée des procédures de clémence et de non-contestation des griefs " lorsque l'Autorité estime que les gains procéduraux attendus d'un tel cumul sont suffisants ".

1647. Le point 6 du communiqué de procédure relatif à la non-contestation des griefs identifie une liste non limitative des critères pouvant ouvrir droit à un tel cumul. Il a ainsi précisé : " Tel est en particulier le cas lorsque le champ des griefs notifiés à l'organisme ou à l'entreprise en cause diffère sur un ou plusieurs point(s) important(s) de l'entente telle que décrite par l'intéressé dans sa demande de clémence, au vu de l'ensemble des informations et des éléments de preuve dont il disposait ou pouvait disposer ".

1648. Dans sa décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, l'Autorité de la concurrence a relevé que de telles différences pouvaient tenir en particulier au champ matériel des griefs notifiés (par exemple, parce qu'ils mettent en cause une entente horizontale portant sur une fixation des prix et une répartition de clientèle alors que le demandeur de clémence a fait état du premier aspect seulement), à leur champ temporel (par exemple, parce qu'ils portent sur une période antérieure ou postérieure à celle évoquée par le demandeur), à l'implication des entreprises (par exemple, parce qu'ils considèrent qu'une entente présentée comme régionale par le demandeur s'étend en réalité à tout le territoire français) ou encore à leur champ personnel (par exemple, parce qu'ils mettent en jeu la responsabilité de la société mère du demandeur de clémence). Dans toutes ces hypothèses, le rapporteur général peut être conduit à considérer qu'une renonciation à contester les griefs de la part d'un demandeur de clémence présente un intérêt pour la suite du traitement de l'affaire, et donc à mettre en œuvre cette procédure (point 773 de la décision n° 11-D-17).

1649. Cette mise en œuvre conjuguée doit donc se fonder sur une appréciation au cas par cas du dossier, de son contexte et des gains procéduraux engendrés par le cumul des deux procédures en cause.

Application en l'espèce

1650. Dans le cas d'espèce, deux entreprises ayant présenté une demande de clémence en application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce ont sollicité le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs. Il s'agit de Colgate-Palmolive et Henkel qui ont signé des procès-verbaux de non-contestation pour les deux griefs qui leur ont été notifiés, dans le secteur de l'hygiène et dans celui de l'entretien. S'agissant de Colgate-Palmolive, le procès-verbal de non-contestation des griefs concernait également les pratiques qui lui ont été notifiées en sa qualité de successeur juridique de Sara Lee Household and Body Care France.

1651. Par ailleurs, toutes les entreprises ayant demandé à bénéficier de la procédure de non-contestation des griefs ont proposé à l'Autorité des engagements comportementaux. Ces engagements sont conformes au point 21 du communiqué de procédure du 10 février 2012 qui précise qu'ils " peuvent tendre à assurer de façon plus générale la conformité du comportement de l'intéressé aux règles de concurrence, notamment par le biais de la mise en place ou de l'amélioration d'un programme de conformité ".

1652. Enfin, toutes les entreprises concernées disposaient déjà, avant leur demande, d'un programme de conformité plus ou moins élaboré. Elles ont donc présenté des améliorations de leur programme existant. Dans ces conditions, il y a lieu de tenir compte de la valeur ajoutée desdites améliorations afin de déterminer le montant de la réduction de sanction dont elles peuvent bénéficier.

En ce qui concerne Colgate-Palmolive

1653. Par procès-verbal signé le 30 août 2013, les sociétés du groupe Colgate-Palmolive ont sollicité, y compris en tant que successeur juridique de Sara Lee Household and Body Care France, le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et se sont engagées à prendre des engagements consistant en l'amélioration de leur programme de conformité actuel (cotes 48 662 à 48 668).

1654. En premier lieu, il existe, en l'espèce, un réel gain procédural à accéder à la demande formée par Colgate-Palmolive. L'Autorité relève en particulier que les griefs notifiés aux sociétés du groupe Colgate-Palmolive diffèrent sur plusieurs points, notamment quant à leur durée, leur périmètre et leur nature, des pratiques dénoncées par l'entreprise dans le cadre de ses demandes de clémence, tant dans le secteur de l'hygiène que dans celui de l'entretien, au vu de l'ensemble des informations et des éléments de preuve dont Colgate-Palmolive pouvait disposer. Par conséquent, il y a lieu d'accéder à la demande formée par Colgate-Palmolive en application du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

1655. En second lieu, les filiales françaises du groupe Colgate-Palmolive disposent déjà d'un programme de conformité. Les propositions d'amélioration du programme actuel de conformité prévoient le renforcement de la formation obligatoire des salariés, le développement des systèmes de contrôle du respect du droit de la concurrence au sein des sociétés, la mise en œuvre de ce programme sous le contrôle d'un responsable conformité France, disposant de moyens matériels et humains nécessaires pour accomplir sa mission, une prise de position de la direction générale du groupe dans le cadre des règles de conduite remises à tous les salariés, et la remise d'un rapport annuel à l'Autorité de la concurrence.

1656. L'ensemble de ces engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables et représentent une valeur ajoutée par rapport au programme existant. L'Autorité relève en particulier que la réalisation de trois audits de droit de la concurrence dans les dix ans et les vérifications successives du bon fonctionnement du programme de conformité pendant dix ans constituent des efforts qu'il convient de valoriser.

1657. Il convient donc d'accorder à la société Colgate-Palmolive et ses filiales une réduction de 18 % du montant de leur sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs, réduction qui s'applique également s'agissant de la société Colgate-Palmolive, en sa qualité de successeur juridique de la société Sara Lee Household and Body Care France.

En ce qui concerne Henkel

1658. Par procès-verbal signé le 22 août 2013, les sociétés du groupe Henkel ont sollicité le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et se sont engagées à prendre des engagements consistant en l'amélioration de leur programme de conformité actuel (cotes 48 613 à 48 620).

1659. En premier lieu, il existe, en l'espèce, un réel gain procédural à accéder à la demande formée par Henkel. L'Autorité relève en particulier que les griefs notifiés aux sociétés du groupe Henkel diffèrent sur plusieurs points, notamment quant à leur nature, leur contenu et leur périmètre, des pratiques dénoncées par l'entreprise dans le cadre de ses demandes de clémence, tant dans le secteur de l'hygiène que dans celui de l'entretien, au vu de l'ensemble des informations et des éléments de preuve dont Henkel pouvait disposer. Par conséquent, il y a lieu d'accéder à la demande formée par Henkel en application du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

1660. En second lieu, Henkel France dispose déjà d'un programme de conformité. Les propositions d'amélioration du programme actuel de conformité prévoient son application aux activités détergents, cosmétiques et adhésifs, le renforcement de l'information et de la formation obligatoire des salariés, le développement des systèmes de contrôle du respect du droit de la concurrence, la mise en œuvre de ce programme sous le contrôle d'un responsable conformité France, disposant de moyens nécessaires pour accomplir sa mission, une prise de position de la direction générale du groupe, et la remise d'un rapport annuel à l'Autorité de la concurrence.

1661. L'ensemble de ces engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables et représentent une valeur ajoutée par rapport au programme existant. L'Autorité relève en particulier que la réalisation d'audits du respect des règles de la concurrence tous les trois ans pendant dix ans et l'extension du périmètre de l'engagement aux activités détergents, cosmétiques et adhésifs constituent des efforts qu'il convient de valoriser.

1662. Il convient donc d'accorder à la société Henkel AG & Co KGaA et à sa filiale Henkel France une réduction de 18 % du montant de leur sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs, réduction qui s'ajoute à celle déjà accordée au titre de la procédure de clémence.

En ce qui concerne Unilever

1663. Par procès-verbal signé le 19 juillet 2013, les filiales françaises du groupe Unilever ont sollicité le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et se sont engagées à prendre des engagements consistant en l'amélioration de leur programme de conformité actuel (cotes 48 113 à 48 120 (VC) / cotes 48 756 à 48 763 (VNC)).

1664. Les filiales françaises du groupe Unilever disposent déjà d'un programme de conformité. Les propositions d'amélioration du programme actuel de conformité prévoient son application à toutes les activités, y compris la commercialisation de produits alimentaires, le renforcement de l'information et de la formation obligatoire des salariés, le développement des systèmes de contrôle du respect du droit de la concurrence, le renforcement du système d'alerte existant, la mise en œuvre de ce programme sous le contrôle d'un responsable conformité France, disposant de moyens nécessaires pour accomplir sa mission, des communications régulières de la part de la direction sur ce programme, et la remise d'un rapport annuel à l'Autorité de la concurrence.

1665. L'ensemble de ces engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables et représentent une valeur ajoutée par rapport au programme existant. L'Autorité relève en particulier que le renforcement du dispositif d'alerte interne par la création d'une ligne téléphonique préservant l'anonymat et l'élargissement du périmètre d'activités couvert par le programme à toutes les activités du groupe constituent des efforts qu'il convient de valoriser.

1666. Il convient donc d'accorder aux filiales françaises du groupe Unilever une réduction de 18 % du montant de leur sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs.

En ce qui concerne la société Johnson & Johnson Santé Beauté France

1667. Par procès-verbal signé le 22 juillet 2013, Johnson & Johnson Santé Beauté France, venant aux droits de Laboratoires Vendôme, a sollicité le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et s'est engagée à prendre des engagements consistant en l'amélioration de son programme de conformité actuel (cotes 48 134 à 48 141 (VC) / cotes 49 202 à 49 209 (VNC)).

1668. Johnson & Johnson Santé Beauté France dispose déjà d'un programme de conformité. Les propositions d'amélioration du programme actuel de conformité prévoient son application à toutes les activités du groupe, le renforcement de l'information et de la formation obligatoire des salariés, le développement des systèmes de contrôle du respect du droit de la concurrence, le renforcement du système d'alerte, la mise en œuvre de ce programme sous le contrôle d'un responsable droit de la concurrence, disposant de moyens matériels et humains nécessaires pour accomplir sa mission, un engagement de la direction à respecter le droit de la concurrence, et la remise d'un rapport annuel à l'Autorité de la concurrence.

1669. L'ensemble de ces engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables et représentent une valeur ajoutée par rapport au programme existant. L'Autorité relève en particulier que le renforcement du dispositif d'alerte interne par la création d'une ligne téléphonique préservant l'anonymat et l'élargissement du périmètre d'activités couvert par le programme à toutes les activités du groupe constituent des efforts qu'il convient de valoriser.

1670. Il convient donc d'accorder à Johnson & Johnson Santé Beauté France une réduction de 18 % du montant de sa sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs.

En ce qui concerne les sociétés Vania Expansion et Johnson & Johnson Consumer Holdings France

1671. Par procès-verbal signé le 8 août 2013, les sociétés Vania Expansion et Johnson & Johnson Consumer Holdings France, ont sollicité le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et se sont engagées à prendre des engagements consistant en l'amélioration de leur programme de conformité actuel (cotes 48 594 à 48 601 (VC) / cotes 50 189 à 50 196 (VNC)).

1672. S'agissant de ce programme, il convient de rappeler que Vania Expansion est désormais une filiale à 100% de Johnson & Johnson Consumer Holdings France. En outre, Vania Expansion n'exerce plus d'activité opérationnelle, celle-ci ayant été transférée intégralement à Johnson & Johnson Santé Beauté France. Par conséquent, l'engagement souscrit par Vania Expansion et Johnson & Johnson Consumer Holdings France sera mis en œuvre, dans la pratique, par Johnson & Johnson Santé Beauté France. Il est en tout point identique à celui décrit au point 1668.

1673. Il convient donc d'accorder aux sociétés Vania Expansion et Johnson & Johnson Consumer Holdings France une réduction de 18 % du montant de leur sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs.

En ce qui concerne la société SCA Tissue France

1674. Par procès-verbal signé le 8 août 2013, la société SCA Tissue France, successeur juridique de Georgia Pacific France, ancienne maison mère à 50 % de la société Vania Expansion, a sollicité le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et s'est engagée à prendre des engagements consistant en l'amélioration de son programme de conformité actuel (cotes 48 567 à 48 585 (VC) / cotes 48 771 à 48 789 (VNC) et 53 048).

1675. SCA Tissue France dispose déjà d'un programme de conformité. Les propositions d'amélioration du programme actuel de conformité, sans être aussi substantielles que celles décrites aux points 1653 à 1673, prévoient le renforcement de l'information et de la formation obligatoire des salariés, la mise en œuvre de ce programme sous le contrôle d'un responsable droit de la concurrence, disposant de moyens matériels et humains nécessaires pour accomplir sa mission, un engagement de la direction sur la nécessité de respecter le droit de la concurrence, et la remise d'un rapport annuel à l'Autorité de la concurrence.

1676. L'ensemble de ces engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables. Il convient donc d'accorder à la société SCA Tissue France une réduction de 16 % du montant de sa sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs.

En ce qui concerne Reckitt Benckiser

1677. Par procès-verbal signé le 28 août 2013, la société Reckitt Benckiser PLC et ses filiales, ont sollicité le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et se sont engagées à prendre des engagements consistant en l'amélioration de leur programme de conformité actuel (cotes 48 637 à 48 647 (VC) / 50 161 à 50 171 (VNC)).

1678. Reckitt Benckiser dispose déjà d'un programme de conformité. Les propositions d'amélioration du programme actuel de conformité, sans être aussi substantielles que celles décrites aux points 1653 à 1673, prévoient notamment le renforcement de l'information et de la formation obligatoire des salariés, le développement des systèmes de contrôle du respect du droit de la concurrence, la mise en œuvre de ce programme sous le contrôle d'un responsable conformité pour les questions de droit de la concurrence, disposant de moyens matériels et humains nécessaires pour accomplir sa mission, un engagement de la direction sur la nécessité de respecter le droit de la concurrence, et la remise d'un rapport annuel à l'Autorité de la concurrence.

1679. L'ensemble de ces engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables. Il convient donc d'accorder à la société Reckitt Benckiser PLC et à ses filiales une réduction de 16 % du montant de leur sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs.

En ce qui concerne Procter & Gamble

1680. Par procès-verbal signé le 30 août 2013, la société The Procter & Gamble Company et ses filiales, pour leur compte et en qualité de successeur juridique de Groupe Gillette France et The Gillette Company, ont sollicité le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et se sont engagées à prendre des engagements consistant en l'amélioration de leur programme de conformité actuel (cotes 48 678 à 48 732).

1681. Procter & Gamble dispose déjà d'un programme de conformité. Les propositions d'amélioration du programme actuel de conformité, sans être aussi substantielles que celles décrites aux points 1653 à 1673, prévoient le renforcement de l'information et de la formation obligatoire des salariés, le développement des systèmes de contrôle du respect du droit de la concurrence, la mise en œuvre de ce programme sous le contrôle d'un responsable conformité pour les questions de droit de la concurrence, disposant de moyens matériels et humains nécessaires pour accomplir sa mission, un engagement de la direction sur la nécessité de respecter le droit de la concurrence, et la remise d'un rapport annuel à l'Autorité de la concurrence.

1682. L'ensemble de ces engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables. Il convient d'accorder à la société Procter & Gamble et à ses filiales une réduction de 16 % du montant de leur sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs.

En ce qui concerne Beiersdorf

1683. Par procès-verbal signé le 2 septembre 2013, la société Beiersdorf AG et ses filiales ont sollicité le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs et se sont engagées à prendre des engagements consistant en l'amélioration de leur programme de conformité actuel (cotes 48 742 à 48 748 (VC) / cotes 53 051 à 53 057 (VNC)).

1684. Beiersdorf dispose déjà d'un programme de conformité. Les propositions d'amélioration du programme actuel de conformité, sans être aussi substantielles que celles décrites aux points 1653 à 1673, prévoient le renforcement de l'information et de la formation obligatoire des salariés, le développement des systèmes de contrôle du respect du droit de la concurrence, la mise en œuvre de ce programme sous le contrôle d'un responsable conformité pour les questions de droit de la concurrence, disposant de moyens matériels et humains nécessaires pour accomplir sa mission, un engagement de la direction sur la nécessité de respecter le droit de la concurrence, et la remise d'un rapport annuel à l'Autorité de la concurrence.

1685. L'ensemble de ces engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables. Il convient d'accorder à la société Beiersdorf AG et à ses filiales une réduction de 16 % du montant de leur sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs.

f) Sur le montant final des sanctions

1686. Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il y a lieu d'imposer les sanctions suivantes :

<Emplacement Tableau>

C. SUR L'OBLIGATION DE PUBLICATION

1687. Aux termes du I de l'article L. 464-2, cinquième alinéa, du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Les frais sont supportés par la personne intéressée.

1688. En l'espèce, afin d'informer les consommateurs et professionnels de la présente décision et de les inciter à la vigilance vis-à-vis des pratiques condamnées, il y a lieu d'ordonner la publication, à frais partagés des entreprises sanctionnées et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans les éditions papier des journaux " Les Echos " et " LSA ", du résumé de la présente décision figurant ci-après :

" Le 18 décembre 2014, l'Autorité de la concurrence a rendu une décision par laquelle elle sanctionne, à hauteur respectivement de 345 242 000 millions d'euros et de 605 977 000 millions d'euros, deux ententes - l'une entre fabricants de produits d'entretien, l'autre entre fabricants de produits d'hygiène - ayant consisté entre 2003 et début 2006 pour chacun des marchés concernés, à coordonner en France leur politique commerciale auprès de la grande distribution, et en particulier à se concerter sur les hausses de prix :

- une première entente sur le marché de l'approvisionnement de la grande distribution en produits d'entretien, à laquelle ont participé, chacune à leur mesure, les entreprises Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Procter & Gamble, Reckitt Benckiser, Sara Lee, SC Johnson et Bolton Solitaire ;

- une seconde entente sur le marché de l'approvisionnement de la grande distribution en produits d'hygiène, à laquelle ont participé, chacune à leur mesure, les entreprises Colgate-Palmolive, Henkel, Unilever, Procter & Gamble, Reckitt Benckiser, Sara Lee, Laboratoires Vendôme, Gillette, L'Oréal, Beiersdorf et Vania.

Une affaire révélée grâce au programme de clémence

L'affaire a été portée à la connaissance de l'Autorité de la concurrence entre janvier 2006 et juillet 2008 par SC Johnson, Colgate-Palmolive et Henkel qui ont sollicité le bénéfice de la clémence. La procédure de clémence permet aux entreprises qui participent ou ont participé à une entente d'en révéler l'existence à l'Autorité et d'obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d'une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire, en fonction notamment de leur rang d'arrivée à l'Autorité.

Les opérations de visite et de saisie réalisées en France en février et juin 2006 ont permis de réunir de nombreuses preuves de ces ententes et ont été complétées par une instruction approfondie.

Les secteurs des produits d'hygiène et d'entretien

Les produits d'entretien et les produits d'hygiène occupent une place importante dans les dépenses des consommateurs français. Il s'agit notamment, en ce qui concerne les produits d'entretien, des lessives et assouplissants pour le linge, des nettoyants pour le sol et les vitres, des produits de lavage pour la vaisselle à la main ou en machine, des désodorisants et insecticides, et, en ce qui concerne les produits d'hygiène, des dentifrices, déodorants, gels douches, produits d'hygiène féminine, rasoirs manuels, maquillages, shampooings, etc.

Du point du vue de l'offre, les marchés de l'approvisionnement en produits d'hygiène et en produits d'entretien étaient caractérisés, entre 2003 et 2006, par la présence d'un nombre limité de grandes entreprises, disposant de parts de marchés élevées et stables, en raison notamment de fortes barrières à l'entrée.

Du point de vue de la demande, il existait également une forte concentration permettant aux distributeurs de disposer d'un pouvoir de négociation dans leurs relations avec les fournisseurs. Néanmoins, ce pouvoir de négociation était limité par la position des fournisseurs qui disposaient aussi d'une forte puissance de marché et vendaient des produits de marque bénéficiant d'une forte notoriété auprès du consommateur final.

L'évolution du contexte juridique

À partir de 1996 et jusqu'au début de l'année 2003, les relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs étaient organisées par la loi du 1er juillet 1996 dite " loi Galland " qui avait redéfini le seuil de revente à perte, c'est-à-dire le prix minimal auquel le distributeur peut revendre ses produits, comme le prix net facturé par le fournisseur. Cette définition du seuil de revente à perte, combinée au principe de non-discrimination tarifaire, avait conduit à une grande transparence tarifaire et à la hausse des prix de détail. Un équilibre tacite unissait alors les fournisseurs et les distributeurs.

Pour y remédier et faire baisser les prix de vente aux consommateurs, les pouvoirs publics ont adopté une succession de réformes du cadre juridique. Ainsi, la circulaire Dutreil du 16 mai 2003, l'engagement pour une baisse durable des prix à la consommation du 17 juin 2004 et la loi Dutreil du 2 août 2005 ont introduit davantage d'incertitude dans les relations entre fournisseurs et distributeurs afin d'animer la concurrence en prix.

C'est dans ce contexte que les principaux fournisseurs de produits d'hygiène et d'entretien ont organisé, dans leur secteur respectif, une entente pour maintenir leur profitabilité. C'est par un souci délibéré de s'adapter aux initiatives Dutreil et Sarkozy que les entreprises sont passées de l'équilibre tacite à la collusion explicite : cette dernière avait pour objectif de préserver et de prolonger le premier pour maintenir la profitabilité sur laquelle les initiatives publiques risquaient d'exercer une pression non désirée.

Des ententes secrètes

Dans chaque secteur, les fournisseurs de produits d'entretien et de produits d'hygiène se rencontraient régulièrement et secrètement pour discuter de leur politique tarifaire. La concertation avait lieu au sein de plusieurs cercles dénommés " Team " ou " des Amis " qui rassemblaient les directeurs commerciaux ou les responsables des ventes des fabricants. Les représentants des entreprises se réunissaient dans des restaurants et s'échangeaient, pour certains, des correspondances à leur domicile privé. Ces échanges étaient complétés par des contacts bilatéraux ou plurilatéraux, notamment téléphoniques, qui permettaient aux entreprises de compléter et de consolider les échanges organisés dans les différents cercles.

Des concertations sur les prix

Les ententes visaient à diminuer l'incertitude inhérente à toute négociation commerciale, par des échanges d'informations stratégiques ou des actes de coopération plus poussés. Elles ont donné lieu à des échanges fréquents de données précises, individualisées et stratégiques couvrant les principaux paramètres de fixation du futur prix triple net, c'est-à-dire le prix de cession des produits, déduction faite des remises sur facture et du montant acquitté pour les services de coopération commerciale. Ces échanges avaient lieu avant que le prix triple net ne soit fixé par le jeu de la négociation entre fournisseurs et distributeurs et se sont matérialisés par des annonces sur les évolutions des tarifs futurs et les dérives futures (la dérive étant l'évolution de la rémunération des services de coopération commerciale). Ces pratiques se sont accompagnées d'échanges sur des données extrêmement récentes (tarifs, opérations promotionnelles, déroulement des négociations) et sur les chiffres d'affaires ou les conditions générales de vente, qui permettaient notamment de contrôler d'éventuelles déviations d'un participant à l'entente.

Les ententes ont modifié, au profit des fournisseurs, le déroulement normal des négociations avec les distributeurs et ont permis de maintenir le prix négocié à un niveau artificiellement élevé, ce qui s'est répercuté sur les prix de vente aux consommateurs.

À titre d'exemple, lors des négociations commerciales pour l'année 2006, la plupart des participants aux ententes dans le secteur de l'hygiène et celui de l'entretien ont passé des hausses tarifaires très importantes, de l'ordre de 4 à 6 %, proches de celle annoncée initialement par l'un des participants aux ententes.

Des sanctions proportionnées à la gravité des faits, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de chacune des entreprises sanctionnées

Conformément à l'article L. 464-2 du Code de commerce, tel que précisé par le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions, l'Autorité a tout d'abord déterminé le montant de base de la sanction pécuniaire : l'assiette de celle-ci est le chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble des entreprises du fait de la commercialisation en France, aux enseignes de la grande distribution, des produits des secteurs de l'hygiène et de l'entretien. Ont cependant été déduites de ce montant les ventes des lessives universelles déjà prises en compte dans une précédente décision de l'Autorité qui a condamné conjointement et solidairement les entreprises Henkel France SA et Henkel AG & Co. KGaA, Procter & Gamble France SAS, Procter & Gamble Holding France SAS et The Procter & Gamble Company et Colgate Palmolive Services SA ainsi que Colgate Palmolive Company pour entente sur les prix (voir décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives en France, entièrement confirmée par un arrêt devenu définitif de la cour d'appel de Paris en date du 30 janvier 2014).

L'Autorité a sanctionné des infractions d'une gravité particulière, eu égard non seulement à leur nature d'ententes secrètes mais aussi compte tenu de leur objet même, les ententes visant à se coordonner sur les principaux paramètres de la négociation commerciale, et en particulier sur les évolutions tarifaires.

L'Autorité a aussi relevé que ces ententes avaient causé un dommage certain à l'économie, compte tenu notamment de leur ampleur nationale, des caractéristiques des marchés en cause et des effets qu'elles ont engendrés sur les consommateurs finals.

Le montant de base de la sanction a ensuite été adapté pour prendre en considération la participation individuelle des entreprises aux ententes ainsi que les éléments propres au comportement et à la situation individuelle de chaque entreprise. L'Autorité a notamment retenu que Colgate-Palmolive avait joué un rôle particulièrement actif dans la commission des ententes et que la plupart des entreprises appartenaient à un groupe disposant d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.

Les entreprises SC Johnson, Colgate-Palmolive et Henkel ont bénéficié d'une réduction de sanction au titre du programme de clémence comprise entre 100 % et 25 %. Les sociétés appartenant aux groupes Unilever, Johnson & Johnson, SCA Tissue, Henkel, Reckitt Benckiser, Colgate-Palmolive, Procter & Gamble et Beiersdorf, qui n'ont pas contesté les faits, ont bénéficié d'une réduction de sanction de 16 à 18 % dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs.

L'Autorité a infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

<Emplacement Tableau>

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que les sociétés Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services, Colgate-Palmolive Company, Henkel France, Henkel AG & Co. KGaA, Topaze, Unilever France, Unilever France Holdings, Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France, The Procter & Gamble Company, Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud, Reckitt Benckiser PLC, Hillshire Brands Company, SC Johnson SAS, SC Johnson & Son, Inc. , Bolton Solitaire SAS et Bolton Manitoba S. p. A. ont enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu l'article 101, paragraphe 1, du TFUE, et de l'article L. 420-1 du Code de commerce, en participant, entre le mois de janvier 2003 et le 3 février 2006, chacune dans la seule mesure indiquée aux points 982 et suivants de la présente décision, à une entente unique, complexe et continue sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'entretien, qui visait à maintenir leurs marges par une concertation sur les prix des produits d'entretien pratiqués à l'égard de la grande distribution.

Article 2 : Il est établi que les sociétés Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services, Colgate-Palmolive Company, Henkel France, Henkel AG & Co. KGaA, Topaze, Unilever France, Unilever France Holdings, Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France, The Procter & Gamble Company, Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud, Reckitt Benckiser PLC, Hillshire Brands Company, Johnson & Johnson Santé Beauté France, L'Oréal (SA), Lascad, Beiersdorf SAS, Beiersdorf Holding France SARL, Beiersdorf AG, SCA Tissue France, Vania Expansion et Johnson & Johnson Consumer Holdings France ont enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu l'article 101, paragraphe 1, du TFUE, et de l'article L. 420-1 du Code de commerce, en participant, entre le 22 janvier 2003 et le 3 février 2006, chacune dans la seule mesure indiquée aux points 982 et suivants de la présente décision, à une entente unique, complexe et continue sur le marché français de l'approvisionnement en produits d'hygiène, qui visait à maintenir leurs marges par une concertation sur les prix des produits d'hygiène pratiqués à l'égard de la grande distribution.

Article 3 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 1er, les sanctions pécuniaires suivantes :

- 46 736 000 euros, solidairement, aux sociétés Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services et Colgate-Palmolive Company ;

- 59 105 000 euros, solidairement, aux sociétés Henkel France et Henkel AG & Co. KGaA ;

- 70 522 000 euros, solidairement, aux sociétés Topaze, Unilever France et Unilever France Holdings ;

- 39 830 000 euros, solidairement, aux sociétés Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France et The Procter & Gamble Company ;

- 108 273 000 euros, solidairement, aux sociétés Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud et Reckitt Benckiser PLC ;

- 12 873 000 euros à la société Hillshire Brands Company, la société Colgate-Palmolive SASU étant solidairement responsable du paiement de cette somme à hauteur de 10 556 000 euros ;

- 7 903 000 euros, solidairement, aux sociétés Bolton Solitaire SAS et Bolton Manitoba S. p. A.

Article 4 : Les sociétés SC Johnson SAS et SC Johnson & Son, Inc. sont exonérées de sanction pécuniaire pour les pratiques visées à l'article 1er, par application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

Article 5 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 2, les sanctions pécuniaires suivantes :

- 50 062 000 euros, solidairement, aux sociétés Henkel France et Henkel AG & Co. KGaA ;

- 102 022 000 euros, solidairement, aux sociétés Topaze, Unilever France et Unilever France Holdings ;

- 39 109 000 euros, solidairement, aux sociétés Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France et The Procter & Gamble Company ;

- 12 700 000 euros, solidairement, aux sociétés Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud et Reckitt Benckiser PLC ;

- 12 390 000 euros à la société Hillshire Brands Company, la société Colgate-Palmolive étant solidairement responsable du paiement de cette somme à hauteur de 10 160 000 euros ;

- 8 130 000 euros à la société Johnson & Johnson Santé Beauté France ;

- 74 923 000 euros, solidairement, aux sociétés Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France et The Procter & Gamble Company ;

- 189 494 000 euros à la société L'Oréal (SA), la société Lascad étant solidairement responsable du paiement de cette somme à hauteur de 45 551 000 euros ;

- 72 113 000 euros, solidairement, aux sociétés Beiersdorf SAS, Beiersdorf Holding France SARL et Beiersdorf AG ;

- 45 034 000 euros à la société SCA Tissue France, les sociétés Vania Expansion et Johnson & Johnson Consumer Holdings France étant solidairement responsables du paiement de cette somme à hauteur de 43 962 000 euros.

Article 6 : Les sociétés Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services et Colgate-Palmolive Company sont exonérées de sanction pécuniaire pour les pratiques visées à l'article 2, par application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

Article 7 : Il est enjoint aux sociétés Topaze, Unilever France, Unilever France Holdings, Johnson & Johnson Santé Beauté France, Vania Expansion, Johnson & Johnson Consumer Holdings France, SCA Tissue France, Henkel France, Henkel AG & Co KGaA, Reckitt Benckiser France, RB Holding Europe du Sud, Reckitt Benckiser PLC, Colgate-Palmolive, Colgate-Palmolive Services, Colgate-Palmolive Company, Procter & Gamble France, Procter & Gamble Holding France, The Procter & Gamble Company, Beiersdorf SAS, Beiersdorf Holding France SARL et Beiersdorf AG de se conformer en tous points aux engagements décrits aux points 1653 et suivants et dont la version définitive figure en annexe de la présente décision, qui sont rendus obligatoires.

Article 8 : Les personnes morales visées à l'article 1er et à l'article 2 feront publier à frais partagés le texte figurant au point 1688 de la présente décision dans les journaux " Les Echos " et " LSA ", en respectant la mise en forme. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision de l'Autorité de la concurrence n°14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d'hygiène et de soins pour le corps ". Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les personnes morales concernées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de cette publication, dès leur parution et au plus tard le 19 février 2015.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Sara Darley-Reygner, MM. Alexis Brunelle, Sébastien Mitraille et Mathias Laffont, rapporteurs et l'intervention de M. Eric Cuziat, rapporteur général adjoint par M. Emmanuel Combe, vice-président, président de séance, Mmes Laurence Idot, Marie-Laure Sauty de Chalon et Reine-Claude Mader-Saussaye, membres.

La secrétaire de séance,

Béatrice Déry-Rosot

Le président,

Emmanuel Combe

Autorité de la concurrence

ANNEXES

> Consulter les engagements de Beiersdorf

> Consulter les engagements de Colgate-Palmolive

> Consulter les engagements de Henkel

> Consulter les engagements de JJSBF

> Consulter les engagements de Procter & Gamble (partie 1, partie 2)

> Consulter les engagements de Reckitt Benckiser

> Consulter les engagements de SCA Tissue France

> Consulter les engagements d'Unilever

> Consulter les engagements de Vania et Johnson & Johnson Consumer Holdings France

Notes :

1. Décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d'hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques, paragraphe 5.

2. Décision M/2115 de la Commission européenne du 28 septembre 2000, Carrefour/GB, point 8. Voir également les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-134 du 2 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société Groupe Bernard Hayot, paragraphe 18 et n° 10-D-08 du 3 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur du commerce d'alimentation générale de proximité, paragraphe 148.

3. Décision M/2115 de la Commission européenne du 28 septembre 2000, Carrefour/GB, point 8. Voir également les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-134 du 2 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société Groupe Bernard Hayot, paragraphe 18 et n° 10-D-08 du 3 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur du commerce d'alimentation générale de proximité, paragraphe 148.

4. Restaurer la concurrence par les prix - Les produits de grande consommation et les relations entre industrie et commerce, Guy Canivet, octobre 2004.

5. Voir observations d'Unilever en réponse au rapport, annexe n° 27.

6. En ce qui concerne les correspondances relatives aux chiffres d'affaires, bien que les tableaux ne contiennent pas de date précise, les éléments exposés aux points 656 et suivants montrent que les informations étaient échangées dans des délais courts, souvent inférieurs à un mois. De ce fait, chacun des tableaux de correspondances sur les chiffres d'affaires remis par Colgate-Palmolive ou saisi dans les entreprises montre l'existence d'échanges entre les entreprises au cours du mois suivant celui pour lequel sont données des informations (pour des données relatives à la fin du mois de décembre 2002, les informations ont été échangées en janvier 2003).

7. L'existence d'échanges est établie par les comptes-rendus de M. Eric N. . . (Bolton Solitaire) et Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) qui concernent les réunions des " Amis " du 14 janvier 2005 (cotes 9 588, 9 589 et 1 144 à 1 146 du dossier 06/0018AC), 17 février 2005 (cotes 9 586 et 9 587), 17 mars 2005 (cotes 9 584 et 1 154 du dossier 06/0018AC), 14 avril 2005 (cotes 9 595, 1 160 et 1 161 du dossier 06/0018AC) et du 12 mai 2005 échangeant des informations sur les demandes de dérive des distributeurs à l'occasion de réunions Team HP ou des " Amis ".

8. Le premier échange sur les demandes de dérive remonte à un contact trilatéral entre Beiersdorf/Vania et Colgate-Palmolive (notes de M. Benoit 2. . . du 22 janvier 2003, cote 14 875). Les éléments au dossier attestant de ces échanges consistent en des notes de M. Jean-François Q. . . pour les réunions Team PCP du 9 mars 2005 (cote 742 du dossier 06/0019AC), 11 avril 2005 (cotes 747 et 748 du dossier 06/0019AC), 11 juillet 2005 (cote 760 du dossier 06/0019AC), 9 novembre 2005 (cote 765 du dossier 06/0019AC), 7 décembre 2005 (cote 769 du dossier 06/0019AC)) et du début du mois de janvier 2006 (cotes 772 à 774 du dossier 06/0019AC) ainsi que les notes de Mme Nathalie Y. . . (Colgate-Palmolive) prises lors des réunions du 12 mai 2005 (cote 692 du dossier 06/0019AC) et du 26 janvier 2006 (cotes 699,700,703 et 704 du dossier 06/0019AC).

9. Voir par exemple, sur le secteur de l'entretien, les notes de réunion Team HP de M. Jean-François Q. . . datées du 15 novembre 2004 (cote 1181 du dossier 06/0018AC), sur le secteur de l'hygiène, les notes de réunion Team PCP datées du 4 mai 2004 et du 14 février 2005 (cotes 719 et 737 du dossier 06/0019AC) et sur les deux secteurs, les notes des réunions des Amis de Mme Nathalie Y. . . datées du 12 mai 2005 et du 14 janvier 2005 (cotes 1 165 et 1 144 du dossier 06/0018AC, 692 et 673 du dossier 06/0019AC).

10. L'année de référence est 2004 plutôt que 2005 en raison d'un changement de date de clôture des comptes.

11. Ce graphique a été réalisé à partir des données agrégées IRI obtenues auprès de l'ILEC. Ces données ont permis de déterminer les parts de marché des MDD sur le secteur de l'hygiène affecté par les pratiques, sur le secteur de l'entretien affecté par les pratiques, ainsi que sur l'ensemble des autres produits de grande consommation (PGC) non affectés par celles-ci (y compris les produits d'hygiène et d'entretien non-affectés par les pratiques). Pour chacun de ces trois groupes, la part des MDD a été calculée en faisant la moyenne, pondérée par les chiffres d'affaires, des parts de marché des MDD dans les différentes catégories IRI constituant le groupe étudié.

12. Voir l'annexe 1 des observations des sociétés Henkel AG & Co. KGaA et Henkel France SA relatives à la détermination des sanctions pécuniaires.

13. L' " inélasticité de la demande " fait référence au fait que le volume vendu s'accroît de moins de 1 % lorsque le prix du produit diminue de 1 %. Au cas d'espèce, selon les estimations fournies par Henkel, la demande de produits d'hygiène augmente de 0,76 % à 0,77 % lorsque le prix de ces produits diminue de 1 %, et celle des produits d'entretien de 0,62 % à 0,78 % lorsque le prix des produits d'entretien diminue de 1 %.

14. Arrêt de la cour d'appel de Paris 2009/03532 du 26 janvier 2010.

15. Voir la discussion sur les effets de la communication observés dans différentes expériences dans Kühn, K. -U. (2001) " Fighting collusion : regulation of communication between firms " Economic Policy:168-204.

16. Voir par exemple Patrick Rey et Thibaud Vergé, "Resale Price Maintenance And Interlocking Relationships" (Journal of Industrial Economics, Wiley Blackwell, vol. 58(4), pages 928-961, December, 2010). L'article de M. L. Allain et C. Chambolle (" Anti-competitive effects of resale-below-cost laws ", International Journal of Industrial Organisation, 2011, 29 : pp 373-385) cité par Reckitt-Benckiser dans ses observations au Rapport (Annexe 1, page 9, section 2. 3. ), montre également que dans un cadre théorique similaire au contexte de l'espèce, les prix résultant du contexte de la loi Galland et des marges arrière sont inférieurs aux prix qui résulteraient d'une coordination explicite entre fabricants.

17. Dans ses observations au rapport, Reckitt-Benckiser démontre par exemple que les données brutes IRI antérieures à 2003 et celles postérieures à 2006 présentent le même type d'incohérences entre les données brutes et les données reconstruites à partir des taux de croissance. De même, tant Unilever que les services d'instruction ont été contraints de supprimer certaines des valeurs prises par les taux de croissance (les plus faibles et les plus élevés d'entre elles), ce qui montre l'absence de fiabilité des taux de croissance disponibles dans les bases de données IRI et KANTAR transmises par l'ILEC.

18. Au demeurant, le nombre de produits contrefactuels composant ces groupes contrefactuels restreints est trop limité pour disposer d'un indice de prix fiable, à même de lisser les fortes variations de prix de certains produits le composant.