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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 18 décembre 2014, n° 13-15890

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Safi Transports (SARL), Dubois (ès qual.)

Défendeur :

Chronopost (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

MM. Birolleau, Douvreleur

Avocats :

Mes Fertier, Nief, Di Vetta

T. com. Lyon, du 29 mai 2013

29 mai 2013

Faits et procédure

Créée en 2004, la société Safi Transports (ci-après la société Safi) exerçait l'activité de transports routiers de marchandise. Elle a assuré, à partir de 2006 des prestations de transport pour l'agence de Saint-Etienne de la société Chronopost, puis pour son agence de Corbas.

Deux contrats de sous-traitance ont été conclus : le contrat n° 794 du 2 novembre 2006 relatif à des prestations de transport et de distribution exécutées pour l'agence de Saint-Etienne de la société Chronopost et le contrat n° 908 du 9 juin 2008 relatif à des prestations exécutées pour son agence de Corbas.

En 2008, la société Chronopost a réduit les prestations qu'elle confiait à la société Safi au titre du contrat n° 794, ce qui l'a amenée à résilier partiellement ce contrat. Le 31 mars 2009, elle a résilié le solde de ce contrat, avec un préavis de trois mois, et a lancé un appel d'offres pour l'exécution des prestations qu'elle confiait jusqu'alors à la société Safi.

La société Chronopost a, le 31 juillet 2008, partiellement résilié le contrat n° 908 en accordant à la société Safi un préavis d'une durée d'un mois ; le 4 mai 2009, elle a résilié le solde de ce contrat sans préavis, au motif que des salariés de la société Safi avaient été surpris alors qu'ils dérobaient des colis.

Le 28 juin 2010, la société Safi a assigné la société Chronopost en demandant sa condamnation à lui payer des sommes qu'elle estimait dues au titre des prestations qu'elle avait effectuées et des dommages et intérêts pour avoir abusivement résilié les contrats.

Par jugement du 20 septembre 2011, le Tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société Safi.

Par jugement rendu le 29 mai 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Lyon a :

- pris acte que Maître Dubois a poursuivi la procédure ès-qualités de mandataire judiciaire agissant au nom et pour le compte de la société Safi Transports, dont la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement en date du 20 septembre 2011 par le Tribunal de commerce de Lyon nommant maître Dubois liquidateur judiciaire ;

- dit que les demandes formées par la société Safi Transports ne sont pas atteintes par la prescription de l'article L. 133-6 du Code de commerce et relèvent de la prescription de droit commun ;

- jugé recevables les demandes de paiement formulées à l'encontre de la société Chronopost ;

- condamné la société Chronopost à payer à la société Safi Transports représentée par Maître Dubois ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Safi Transports, la somme de 42 474,42 euros au titre des factures partiellement payées de novembre et décembre 2007 ;

- condamné la société Chronopost à payer à la société Safi Transports représentée par Maître Dubois ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Safi Transports, la somme de 80 407,47 euros au titre des points précoces ;

- condamné la société Chronopost à payer à la société Safi Transports représentée par Maître Dubois ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Safi Transports, la somme de 25 882,04 euros au titre de la rectification du tarif de distribution principale ;

- condamné la société Chronopost à payer à la société Safi Transports représentée par Maître Dubois ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Safi Transports, la somme de 2 611,74 euros au titre du préavis non respecté pour la rupture partielle du contrat n° 794 du 2 novembre 2006 au titre de la tournée S15 ;

- dit que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2010 ;

- constaté que la société Safi Transports s'est désistée de sa demande d'indemnisation présentée au titre de l'interruption de sa tournée HLP ;

- jugé régulières et conformes aux dispositions contractuelles les conditions de la résiliation du solde du contrat n° 794 du novembre 2006 ;

- jugé régulières et conformes aux dispositions contractuelles les conditions de la résiliation partielle portant sur la collecte de Corbas du contrat n° 908 du 9 juin 2008,et débouté la société Safi Transports de sa demande de paiement de la somme de 6 650,96 euros à ce titre ;

- dit bien fondée la résiliation pour faute du contrat n° 908 du 9 juin 2000 prononcée le 4 mai 2009 par la société Chronopost et débouté la société Safi Transports de sa demande de paiement de la somme de 186 366,27 euros au titre du préavis non respecté ;

- rejeté comme non fondée la demande de condamnation de la société Chronopost pour abus de position dominante ;

- débouté la société Safi Transports de sa demande de dommages et intérêts pour rupture injustifiée de relations commerciales, ainsi que sa demande de publication dans la presse quotidienne ;

- rejeté comme non fondée la demande subsidiaire de la société Safi Transports reposant sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

- débouté la société Safi Transports de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales ;

- débouté la société Chronopost de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société Safi Transports le 31 juillet 2013 contre cette décision.

Vu les conclusions signifiées par la société Safi Transports le 29 octobre 2013 par lesquelles il est demandé à la cour de :

Réformant partiellement le jugement du 29 mai 2013 du Tribunal de commerce de Lyon,

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil,

Vu les dispositions des articles 12 et 13 du contrat conclu des marchés de la cause réglementant les conditions de l'exécution des contrats conclus entre les parties,

Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce s'appliquant à la brusque rupture des relations commerciales sans respect d'un préavis d'usage,

Vu les dispositions des articles L. 420-2 et suivants du Code de commerce,

Les présentes valant sommation à la société Chronopost de communiquer les procédures et les résultats des appels d'offres :

- ayant permis de recruter et de poursuivre la collaboration avec les sous-traitants FTE, CTE, Warninf et Perrot ;

- identifiant les lauréats de l'appel d'offres de l'agence de Saint-Etienne de mai 2009 et la copie des contrats des remplaçants de la société Safi ;

- condamner la société Chronopost à payer à la société Safi Transports les sommes suivantes :

60 617,35 euros ou à tout le moins 46 717,02 euros au titre du solde de la facture de novembre 2007 à mars 2008 ;

80 407,47 euros TTC à titre de rappel de rémunération, de la partie accessoire liée aux points "précoce" ;

25 882,04 euros TTC à titre de rappel de rémunération par application du tarif de 4 euros HT le point, en deçà du seuil de 570 points par jour ouvré ;

2 611,74 euros TTC euros à titre de respect du préavis contractuel de rupture de la tournée S 15 ;

6 650,96 euros TTC à titre de respect du préavis contractuel de rupture de la tournée Collectes De Corbas ;

186 366,27 euros TTC correspondant au préavis d'usage dû pour la brusque rupture par la Société Chronopost du contrat de sous-traitance de transport n° 908 de Corbas ;

245 000 euros en principal à titre de dommages et intérêts en compensation de la rupture injustifiée prononcée par la Société Chronopost à l'encontre de la Société Safi Transports en situation de dépendance économique ;

245 000 euros subsidiairement à titre de dommages et intérêts en compensation de la rupture brutale de l'ensemble des relations commerciales entre les parties par l'application de l'article L. 442-6 du Code du commerce ;

5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dire et juger que ces sommes porteront intérêts de droit au taux légal à compter de la saisine de la juridiction de première instance s'agissant des 6 premiers chefs de demandes constituant des rappels de rémunération au titre du respect des dispositions contractuelles et à compter de l'arrêt à intervenir concernant les autres chefs de demandes liées à la rupture injustifiée de la convention entre les parties ;

- ordonner en outre la publication de l'arrêt à intervenir dans deux journaux à désigner par la cour qui pourraient être "Le Progrès" et "Le Figaro".

La société Safi soutient que ses demandes relatives au paiement de ses prestations et à l'indemnisation de la rupture des contrats qui la liaient à la société Chronopost ne relèvent pas de la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce et qu'elles sont donc recevables.

Sur le fond, elle fait valoir que la société Chronopost a rémunéré ses prestations des mois de novembre et décembre 2007 et mars 2008 à un tarif inférieur à celui qu'elle avait facturé et elle demande, en conséquence, le paiement de la différence, soit la somme de 60 617,35 euros ou, à tout le moins, 46 772,02 euros. Elle réclame également les sommes de 80 407,47 euros et 25 882,04 euros à titre de rappel de rémunération du mois d'avril 2008 au mois d'avril 2009 ; elle considère, en effet, que sur cette période, la société Chronopost ne lui a pas versé la rémunération complémentaire qui lui était due au titre des 'points précoces' et qu'elle a, par ailleurs appliqué un tarif de 3,40 euros le point au lieu de 4 euros.

En ce qui concerne la résiliation des contrats, la société Safi soutient que la société Chronopost n'a pas respecté les préavis contractuellement prévus. Elle prétend, en particulier, qu'elle ne pouvait pas résilier sans préavis le contrat n° 908, au seul motif que certains de ses salariés auraient commis des vols de colis.

Enfin, la société Safi soutient que la société Chronopost a abusé de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait à son égard et elle demande, en réparation du préjudice qui en est résulté, l'allocation de la somme de 245 000 euros sur le fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce. Subsidiairement, elle invoque l'application de l'article L. 442-6 I 5°, la société Chronopost ayant, selon elle, brutalement rompu les relations commerciales qui étaient établies avec elle.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Chronopost le 17 septembre 2014 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

constaté que la société Safi Transports s'est désistée de sa demande d'indemnisation présentée au titre de l'interruption de sa tournée HLP ;

jugé régulières et conformes aux dispositions contractuelles les conditions de la résiliation du solde du contrat n° 794 du 2 novembre 2006 ;

jugé régulières et conformes aux dispositions contractuelles les conditions de la résiliation partielle portant sur la collecte de Corbas du contrat n° 908 du 9 juin 2008, et débouté la société Safi Transports de sa demande de paiement de la somme de 6 650,96 euros à ce titre ;

dit bien fondée la résiliation pour faute du contrat n° 908 du 9 juin 2008 prononcée le 4 mai 2009 par la société Chronopost, et débouté la société Safi Transports de sa demande de paiement de la somme de 186 366,27 euros au titre du préavis non respecté ;

rejeté comme non fondée la demande de condamnation de la société Chronopost pour abus de position dominante ;

débouté la société Safi Transports de sa demande de dommages et intérêts pour rupture injustifiée de relation commerciales ainsi que sa demande de publication dans la presse quotidienne ;

L'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

- déclarer prescrites, les demandes de la société Safi Transports tendant à la condamnation de la société Chronopost à lui régler :

60 617,35 euros, pour solde de factures sur la période novembre 2007-mars 2008 ;

80 407,04 euros au titre des points volumes, pour la période avril 2008-avril 2009 ;

25 882,04 euros pour rappel de rémunération au titre du tarif point précoce, sur la période novembre 2007-mars 2008 ;

2 611,74 euros TTC à titre de respect préavis contractuel de rupture de la tournée S15,

6 650,96 euros TTC à titre de respect préavis contractuel de rupture de la tournée Collecte de Corbas ;

186 366,27 euros TTC correspondant au préavis contractuel dû pour la rupture du contrat de sous traitance de transport n° 908 de Corbas ;

245 000 euros à titre de dommages et intérêts en compensation de la rupture injustifiée prononcée par la société Chronopost à l'encontre de la société Safi Transports en situation de dépendance économique ;

- la déclarer en tout état de cause mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions.

- recevoir la société Chronopost en sa demande reconventionnelle,

- condamner la société Safi Transports à lui régler la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Safi Transports à régler à la société Chronopost la somme de 10 000 euros au titre de la procédure de 1ère instance et 10 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Chronopost soutient que les demandes de la société Safi ayant pour fondement les prestations qu'elle a effectuées et la rupture des contrats de transport relèvent de la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce et que, faute d'avoir été engagées dans ce délai, elles sont prescrites et irrecevables.

Elle fait valoir qu'elle a régulièrement résilié les contrats, eu égard, notamment, aux conditions de préavis qui s'imposaient.

Elle considère que les conditions d'application de l'article L. 420-2 du Code de commerce ne sont pas réunies, la société Safi ne démontrant ni son état de dépendance économique, ni l'abus qu'elle lui reproche, ni l'affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence.

Reconventionnellement, elle demande la condamnation de la société Safi au paiement de la somme de 50 000 euros pour procédure abusive.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les demandes relatives à la rémunération de la société Safi

Considérant que la société Safi demande le paiement des sommes de 60 617,35 euros ou à tout le moins 46 717,02 euros au titre des prestations effectuées en novembre et décembre 2007 et mars 2008, de 80 407,47 euros à titre de rappel de rémunération liée aux points "précoce" et de 25 882,04 euros à titre de rappel de rémunération par application du tarif de 4 euros HT le point au lieu du tarif de 3,40 euros qui lui aurait indûment imposé ;

Considérant que la société Chronopost fait valoir que ces demandes relèvent de la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce et qu'elles sont donc prescrites puisque la société Safi n'a pas engagé son action dans ce délai ;

Considérant que la société Safi conteste ce moyen et soutient que ses demandes n'entrent dans le champ d'application de l'article L. 133-6, lequel ne concernerait que les actions relatives à la remise d'une marchandise ; qu'elle ajoute qu'en toute hypothèse, la prescription annale édictée par ce texte est écartée en cas de fraude du cocontractant ; qu'elle en conclut que ses demandes en paiement sont soumises à la prescription quinquennale de droit commun et qu'elles sont donc recevables ;

Mais considérant que se prescrivent dans le délai d'un à compter du jour où les marchandises ont été remises ou offertes à leur destinataire non seulement les 'actions pour avaries, pertes ou retards', mais aussi 'toutes les autres actions' auxquelles peut donner lieu le contrat de transport ; que les demandes formées par la société Safi sont nées des contrats de transport qui la liaient à la société Chronopost et en exécution desquels elle a effectué les prestations dont elle réclame le paiement ; qu'elles relèvent par conséquent, non de la prescription de droit commun, mais de la prescription annale prévue par l'article L. 133-6 ;

Considérant que la demande de paiement de la somme de 60 617,35 euros ou à tout le moins 46 717,02 euros, porte sur des prestations de transport effectuées aux mois de novembre et décembre 2007 et mars 2008 ; que les demandes de paiement de la somme de 80 407,47 euros, à titre de rappel de rémunération accessoire liée aux "points précoces", et de la somme de 25 882,04 euros, à titre de rappel de rémunération lié au tarif de 3,30 euros appliqué au lieu du tarif de 4 euros, ont pour fondement des prestations de transport effectuées du mois d'avril 2008 au mois d'avril 2009 ; que la société Safi devait dès lors engager son action avant, respectivement, mars 2009 et avril 2010 ; que tel n'a pas été le cas puisqu'elle n'a agi en paiement contre la société Chronopost que par assignation délivrée le 28 juin 2010 ; que ses demandes sont donc prescrites par application de l'article L. 133-6 précité ;

Considérant que la société Safi n'apporte aucun élément qui établirait que la société Chronopost est fautive d'une fraude de nature à écarter l'application de la prescription de l'article L. 133-6 ; que ses demandes sont donc irrecevables et le jugement sera dès lors infirmé ;

Sur les demandes fondées sur la résiliation des contrats

Considérant que la société Chronopost a, le 29 avril 2008, résilié partiellement le contrat n° 794 du 2 novembre 2006 puis qu'elle a, le 31 mars 2009, résilié le solde de ce contrat et annoncé à la société Safi qu'elle allait lancer un appel d'offres ; qu'elle a, le 31 juillet 2008, partiellement résilié le contrat n° 908 puis qu'elle a, le 4 mai 2009, résilié pour faute le solde de ce contrat ;

Considérant que la société Safi soutient que la société Chronopost a procédé aux résiliations des 31 mars 2009, 31 juillet 2008 et 4 mai 2009 au mépris des stipulations contractuelles et qu'elle demande à ce titre le paiement des sommes de 2 611,74 euros, 6 650,96 euros et 186 366,27 euros ;

Mais considérant que, comme le soutient la société Chronopost, ces demandes relèvent de la prescription annale de l'article L. 133-6 précité puisqu'elles ont pour fondement et pour objet les contrats de transport dont la société Safi conteste les conditions de résiliation ; qu'elles devaient donc être présentées au plus tard avant avril 2009 et mars 2010 s'agissant du contrat n° 794, et avant juillet 2009 et mai 2010 s'agissant du contrat n° 908 ; que tel n'a pas été le cas puisque la société Safi n'a agi de ce chef contre la société Chronopost que par assignation délivrée le 28 juin 2010 ; que ses demandes sont donc prescrites par application de l'article L. 133-6 précité ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a jugé ces demandes recevables ;

Sur la demande fondée sur l'abus de dépendance économique reproché à la société Chronopost

Considérant qu'à titre principal, la société Safi soutient que la société Chronopost a abusé de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait à son égard en violation des dispositions de l'article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce ; qu'en réparation du préjudice qu'elle dit avoir subi, elle réclame la somme de 245 000 euros à titre de dommages et intérêts et le prononcé d'une mesure de publication de l'arrêt à intervenir ;

Considérant, en premier lieu, qu'au titre des abus qu'elle reproche à la société Chronopost, la société Safi dénonce les conditions dans lesquelles il a été mis fin au contrat n° 794 du 2 janvier 2007 ;

Considérant, sur ce point, que par courrier du 31 mars 2009, la société Chronopost a fait savoir à la société Safi qu'elle résiliait le contrat n° 794 à compter du 6 juillet 2009, soit au terme d'un préavis de trois mois et six jours, et qu'elle s'apprêtait à lancer un appel d'offres ; que par lettre du 9 juin 2009 elle lui a indiqué que les offres ayant été analysées, sa proposition n'avait pas été retenue (pièce appelant n° 13) ;

Considérant que la société Safi soutient que la société Chronopost a mené cet appel d'offres dans des conditions discriminatoires et vexatoires, constitutives d'un abus au sens des dispositions de l'article L. 420-2 précité ;

Mais considérant qu'elle n'apporte à l'appui de cette allégation aucun argument ni élément de preuve qui en prouverait la réalité, ou qui même serait de nature à jeter un soupçon sur la sincérité et la loyauté de la procédure d'appel d'offres ; qu'elle se borne à indiquer que dans le cadre de sa réponse à cet appel d'offres elle n'a pas modifié ses tarifs, sans démontrer en quoi cette circonstance serait la preuve d'un abus commis par la société Chronopost ;

Considérant, en second lieu, que la société Safi reproche à la société Chronopost d'avoir rompu le contrat n° 908 du 9 juin 2008 de façon abusive et injustifiée ;

Considérant que par lettre recommandée du 4 mai 2009, la société Chronopost a fait savoir à la société Safi qu'elle résiliait le contrat n° 908 du 9 juin 2008, au motif que plusieurs de ses salariés avaient été surpris alors qu'ils dérobaient des colis et qu'ils avaient été interpellés par la gendarmerie ; qu'elle a invoqué les stipulations de l'article 13 du contrat selon lesquelles celui-ci pouvait être résilié sans préavis ni indemnité en cas de manquement grave dans son exécution ;

Considérant que la société Safi fait valoir qu'en définitive, seuls deux de ses salariés ont été condamnés pour vol, qu'elle les a immédiatement licenciés et qu'elle ne saurait donc endosser la responsabilité de faits volontaires commis par une minorité de ses salariés ;

Mais considérant que les vols de marchandises appartenant à la clientèle de la société Chronopost par des préposés de la société Safi constituent un manquement grave contractuellement imputable à celle-ci qui en était l'employeur ; que la société Safi s'était au demeurant engagée à l'égard de la société Chronopost à sélectionner son personnel en fonction, notamment, de sa probité (art. 4-8 du contrat n° 908 du 9 juin 2008 - pièce intimé n° 2) ; qu'elle a, à l'évidence, failli à cette obligation ;

Considérant dès lors que, sans qu'il soit besoin de déterminer si sont réunies les autres conditions d'application de l'article L. 420-2 alinéa 2 tenant à l'état de dépendance économique et à l'affectation de la concurrence, force est de constater que la société Safi ne démontre pas la réalité des abus qu'elle reproche à la société Chronopost ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a débouté la société Safi de sa demande ;

Sur la demande subsidiaire fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies reprochée à la société Chronopost

Considérant qu'à titre subsidiaire, la société Safi soutient que la société Chronopost a rompu les relations commerciales établies entre elles sans lui accorder un préavis d'une durée suffisante au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Mais considérant que la société Chronopost a, par lettre recommandée du 31 mars 2009, résilié le contrat n° 794 du 2 novembre 2006 et qu'elle a accordé à la société Safi un préavis d'une durée de trois mois et six jours ; que par lettre recommandée du 31 juillet 2008, elle a partiellement résilié le contrat n° 908 du 9 juin 2008 avec un préavis d'une durée d'un mois ; que dans l'un et l'autre cas, le préavis accordé était d'une durée conforme tant aux stipulations de ces contrats (article 12 des contrats n° 794 et 908) qu'à celles du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants approuvé par le décret du 26 décembre 2003, ces stipulations fixant la durée du préavis à, selon le cas, un mois et trois mois lorsque la durée d'exécution du contrat est, respectivement, inférieure à six mois ou supérieure à une année ; que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° ne peuvent donc être utilement opposées à la société Chronopost ;

Considérant par ailleurs que par lettre recommandée du 4 mai 2009, la société Chronopost a résilié, avec effet immédiat, le solde du contrat n° 908 sur le fondement de son article 13 prévoyant qu'il serait résilié sans préavis ni indemnité en cas de manquement grave d'une partie ; que la cour a jugé plus haut que certains des salariés de la société Safi ayant commis des vols d'objets confiés par la société Chronopost, celle-ci était fondée à résilier le contrat sans préavis pour manquement grave à l'exécution du contrat ; qu'à titre surabondant, la cour relève qu'au regard de dispositions de l'article L. 442-6 I 5°, la société Chronopost pouvait, compte tenu de cette inexécution contractuelle, résilier sans préavis les relations commerciales établies avec la société Safi ;

Considérant que la société Safi sera, dès lors, déboutée de sa demande ; que le jugement sera confirmé ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Chronopost

Considérant que si la société Safi s'est méprise sur l'étendue de ses droits et qu'elle succombe en cause d'appel, il ne résulte pas du dossier qu'elle aurait agi contre la société Chronopost avec mauvaise foi ou légèreté, ses demandes ayant de surcroît ayant été partiellement accueillies en première instance ; qu'en conséquence, la demande de condamnation pour procédure abusive formée contre elle par la société Chronopost sera rejetée et le jugement sera confirmé ;

Sur les frais irrépétibles

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Chronopost la totalité des frais irrépétibles engagés pour faire valoir ses droits et la société Safi sera condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Safi Transports de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur les articles L. 420-2 et L. 442-6 du Code de commerce et en ce qu'il a débouté la société Chronopost de sa demande de condamnation pour procédure abusive ; Reforme pour le surplus le jugement déféré et statuant à nouveau, Déclare irrecevables les demandes de la société Safi Transports tendant à la condamnation de la société Chronopost à lui payer les sommes de 60 617,35 euros ou à tout le moins 46 717,02 euros, 80 407,47 euros TTC, 25 882,04 euros TTC, 2 611,74 euros TTC, 6 650,96 euros TTC et 186 366,27 euros TTC ; Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Safi Transports la créance de 3 000 euros de la société Chronopost au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ; Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Safi Transports le montant de la créance de dépens qui seront recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.