CA Rennes, 3e ch. com., 10 novembre 2015, n° 13-08792
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Fra Ma Pizz (SAS), Pizza Center France (SARL)
Défendeur :
Combourg Pizz (SARL), Goic (ès qual.), Geveze Pizz (Sté), Laurent (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Poumarède
Conseillers :
Mmes André, Guéroult
Avocats :
Mes Renaudin, Mercier, Michel
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Combourg Pizz, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Malo le 21 mars 2012, exerce l'activité de fabrication, vente à emporter, livraison à domicile de pizzas, boissons et produits alimentaires accessoires à la nourriture vendue. Représentée par son gérant M. X, elle a acquis, au prix de 110 000 euro, un fonds de commerce sis à Combourg, exploité depuis le 2 février 2012 par la société Mayenne Pizz et a conclu parallèlement, avec la société Fra Ma Pizz, dirigée tout comme la société cédante, par M. Franck Y, un contrat de franchise de la marque " Pizza Sprint ".
L'acte de cession comportait un article 23 intitulé " indivisibilité " ainsi rédigé : " Comme condition essentielle et déterminante des présentes, sans laquelle le cédant n'aurait pas contracté, il est expressément convenu que le cessionnaire s'oblige :
- à prendre en location-gérance le fonds artisanal et de commerce de " fabrication, vente à emporter, livraison à domicile de pizzas, boissons et produits alimentaires accessoires à la nourriture vendue " sis et exploité à titre d'établissement secondaire <adresse> avec effet au 1er avril 2012 et pour une durée de 1 année non renouvelable, moyennant le versement d'une redevance mensuelle de 1 500 euro HT s'appliquant à la mise à disposition des éléments du fonds (éléments corporels et incorporels hors droit au bail commercial), majorée d'une somme correspondant au montant du loyer mensuel versé dans le cadre du bail commercial portant sur le local d'exploitation, préalablement à son acquisition moyennant le prix global de 110 000 euro ;
- à régulariser un contrat de franchise avec la société Fra Ma Pizz avec effet au 1er avril 2012. "
Pour l'exploitation en location-gérance de ce second fonds appartenant à une filiale du franchiseur, M. X a constitué la société Geveze Pizz, laquelle s'obligeait également à acquérir, pour le même prix de 110 000 euro, le fonds de commerce à l'expiration du contrat de location-gérance sous réserve de l'obtention du financement, condition non réalisée.
Le 3 décembre 2013, le Tribunal de commerce de Rennes a :
- donné acte à la société Combourg Pizz de ce qu'elle s'engage à payer la somme de 1 632,78 euro TTC dès réception de la facture correspondante ;
- débouté les sociétés Pizza Center et Fra Ma Pizz de leurs autres demandes ;
- prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Fra Ma Pizz ;
- débouté M. X de sa demande de dommages-intérêts ;
- condamné solidairement les sociétés Pizza Center et Fra Ma Pizz à payer à la société Combourg Pizz la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et rejeté le surplus de ses demandes ;
- condamné solidairement les sociétés Pizza Center et Fra Ma Pizz aux entiers dépens.
La société Fra Ma Pizz, franchiseur, et la société Pizza Center France, société jouant le rôle de centrale d'achats, ont relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de :
- dire recevable la mise en cause de la société Geveze Pizz et de Me Goïc ès qualités de liquidateur judiciaire de cette société ;
- dire recevable l'intervention forcée de Me Laurent, ès qualité de mandataire judiciaire de la société Combourg Pizz ;
- fixer la créance de la société Pizza Center France au passif de la société Combourg Pizz à la somme de 1 785,53 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 24 juillet 2013 ;
- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Combourg Pizz à la date du 24 juillet 2013 ;
- fixer la créance de la société Fra Ma Pizz à l'encontre de la société Combourg Pizz à la somme de 57 253,78 euro avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2013 ;
- condamner la société Combourg Pizz et Me Paul Laurent ès qualités à leur régler la somme de 5 000 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.
La société Combourg Pizz et M. X, intimés, ainsi que Me Paul Laurent nommé le 3 février 2015 en qualité de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de la société Combourg Pizz, appelé en intervention, demandent à la cour :
- de débouter les sociétés appelantes de leurs demandes ;
- de donner acte à la société Combourg Pizz de ce qu'elle s'engage à payer la somme de 1 632,78 euro TTC somme représentant la créance de la société Pizza Center France déclarée à son passif sous réserve de la réception de la facture correspondante ;
- à titre reconventionnel, prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Fra Ma Pizz ;
- condamner solidairement les sociétés Pizza Center France et Fra Ma Pizz à payer à M. X la somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner solidairement les sociétés Pizza Center France et Fra Ma Pizz à payer à la société Combourg Pizz la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- à titre subsidiaire, réduire en application de l'article 1152 du Code civil, l'indemnité de résiliation à un euro.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour les sociétés Fra Ma Pizz et Pizza Centrer France le 12 mai 2015 et pour la société Combourg Pizz, M. X et Me Laurent mandataire judiciaire de la société Combourg Pizz le 12 mai 2005 également.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur l'appel à la cause de la société Geveze Pizz et de son liquidateur judiciaire
Les sociétés appelantes ne forment aucune demande à l'encontre de la société Geveze Pizz représentée par son liquidateur judiciaire de sorte que son appel à la cause ne se justifie pas.
Sur la demande en fixation de la créance de 1 785,53 euro
La société Pizza Center France réclame le paiement de marchandises livrées à la société Geveze Pizz au mois de mars 2013 qui ont été remises par cette société à la société Combourg Pizz pour un montant reconnu le 6 mai 2013 de 1 492,92 euro HT. Mais le fournisseur a facturé ces marchandises à la société Geveze Pizz et les a déclarées au passif de sa procédure.
En dépit de la suggestion de la société Combourg Pizz, le 6 mai 2013, d'éditer un avoir au profit de la société Geveze et de lui facturer les marchandises en cause, la société Pizza Center France n'a pas effectué ces diligences et se prétend ainsi créancière des deux sociétés pour les mêmes produits, ce qui n'est pas admissible.
En conséquence, la demande sera rejetée sauf à décerner acte à la société Combourg Pizz de son accord pour admettre ce passif à sa procédure dès que celle-ci aura procédé à l'opération de régularisation sollicitée depuis deux ans.
L'ouverture de la procédure collective arrêtant le cours des intérêts, la demande de ce chef sera rejetée.
Sur la demande de résiliation du contrat de franchise de la société Combourg Pizz
Ce contrat n'est plus exécuté par le franchiseur depuis le mois d'avril 2013 et les sociétés appelantes reconnaissent que la société Combourg Pizz n'utilise plus l'enseigne et la marque Pizza Sprint, chacune des parties concluant à la résiliation du contrat de franchise.
La société Fra Ma Pizz prétend que la société Combourg Pizz serait responsable de cette résiliation mais les éléments du dossier démontrent qu'elle en est à l'origine d'abord en modifiant unilatéralement les conditions d'approvisionnement de son franchisé dès le mois d'octobre 2012, puis en cessant unilatéralement de l'approvisionner au mois d'avril 2013 et enfin en mettant fin à sa connexion avec le réseau le 25 septembre 2013 avant toute décision judiciaire (pièce 33).
Or les motifs avancés pour justifier le refus d'exécution de ses obligations contractuelles ne sont ni pertinents, ni démontrés, ni en tout état de cause de gravité suffisante pour justifier sa décision.
Ainsi les griefs avancés à l'encontre de la société Geveze Pizz ne pouvaient, quelle qu'en soit la pertinence, justifier des mesures de rétorsion à l'égard de la société Combourg Pizz, ces deux sociétés étant indépendantes l'une de l'autre.
Par ailleurs, le fait pour la société Combourg Pizz de s'être au mois de mars 2013, partiellement approvisionnée auprès de la société Geveze Pizz, ne peut constituer une atteinte à l'exclusivité d'approvisionnement puisque les dits produits provenaient de la centrale d'achat du réseau. En outre, la société Combourg Pizz a admis et expliqué de manière loyale les motifs de cet approvisionnement indirect qui ne pouvait être préjudiciable au fournisseur si celui-ci avait accepté les opérations de régularisation comptable sollicitées.
Les allégations gratuites de violation des règles d'hygiène sont démenties par les notes obtenues lors des enquêtes " client-mystère " par la société Combourg Pizz, soit 17,4 en juillet 2012, 17,6 en septembre 2012, 19,2 en novembre 2012, 10,1 en janvier, 17,6 en février, 14,8 en mars, 19,2 en avril, 15,8 en mai et 14,8 en juin et juillet 2013.
L'observation faite le 10 janvier 2013 concernant l'utilisation de poulet fourni par la société Pizza Center France dont celle-ci ne justifie pas avoir ordonné le retrait, ni offert la reprise, ne peut être imputable à faute au franchisé. La seule violation démontrée concerne dès lors l'acquisition isolée de saumon frais non référencé, constatée à cette date, ce produit ayant été immédiatement retiré de la vente. Cet incident qui n'a sur le coup donné lieu qu'à une simple observation n'a pas la gravité suffisante pour justifier plusieurs mois plus tard, en l'absence de tout autre violation démontrée, la résiliation du contrat au tort du franchisé alors que les pièces produites et notamment les audits effectués, révèlent que le magasin était propre et bien tenu (visite flash du 10 janvier ayant donné lieu à l'observation sus-analysée, audit des 10 juin et 19 août 2013).
Les allégations de "vol" du stock de la société Geveze Pizz ne reposent sur aucun élément sérieux, cette seconde société, qui ne pouvait plus se faire livrer qu'au comptant, ayant bien évidemment épuisé son stock d'importance minime avant de cesser son activité.
Le franchiseur ayant pris sans motif légitime l'initiative de la résiliation du contrat de franchise, la responsabilité de celle-ci lui incombe et sa demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée.
Sur la demande reconventionnelle de M. X
Les premiers juges ont apprécié avec une grande modération l'impact des graves accusations portées contre M. X personnellement, ce qui peut s'expliquer par le fait que la procédure avait duré moins de six mois et précédait immédiatement la rupture des relations contractuelles. Cette modération aurait dû permettre un apaisement rapide des déceptions du groupe franchiseur dont les espoirs de gains importants n'avaient pu se concrétiser.
Malgré la sagesse de leur décision parfaitement motivée, les sociétés appelantes ont cru pouvoir relever appel de la décision en réclamant des sommes démesurées, sans commune mesure avec leur préjudice, ni prise en considération du caractère déséquilibré du contrat qui leur accordait des dommages-intérêts substantiels en cas d'inexécution imputable au cocontractant mais leur permettait de s'affranchir de leurs obligations sans la moindre pénalité, et en persistant à diffamer, sans le moindre élément probant, M. X accusé de multiples infractions pénales. Elles lui ont ainsi occasionné, par leur harcèlement procédural, un préjudice moral grave qui excuse ses interventions discrètes sur le réseau facebook en 2014 (sa qualité d'ancien gérant d'une franchise n'apparaissant pas) et justifie l'allocation à son profit d'une somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Il serait enfin inéquitable de laisser aux intimés l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, de sorte qu'il leur sera alloué à chacun une somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement rendu le 3 décembre 2013 par le Tribunal de commerce de Rennes en toutes ses dispositions sauf à dire que la somme de 1 632,78 euro TTC sera fixée au passif de la société Combourg Pizz dès réception de la facture correspondante à laquelle sera jointe l'avoir en faveur de la société Geveze Pizz, Y ajoutant, Met hors de cause Me Goïc ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Geveze Pizz, Condamne solidairement les sociétés Pizza Center France et Fra Ma Pizz à payer à M. X, la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts, la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne solidairement les sociétés Pizza Center France et Fra Ma Pizz à payer à la société Combourg Pizz la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples, Condamne solidairement les sociétés Pizza Center France et Fra Ma Pizz aux dépens d'appel.