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Décisions

Cass. com., 24 novembre 2015, n° 14-22.578

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Coroller-Béquet (Selarl)

Défendeur :

Banque Populaire Atlantique (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Orsini

Avocats :

Me Balat, SCP de Chaisemartin, Courjon

TGI Lorient, du 8 mars 2011

8 mars 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 17 juin 2014), rendu sur renvoi après cassation (1re chambre civile, 27 février 2013, pourvoi n° 12-22.075), que la Selarl Coroller-Béquet (la Selarl), société d'avocats, a été pendant de nombreuses années l'avocat de la société Banque Populaire atlantique (la BPA) devant les juridictions du ressort du Tribunal de grande instance de Quimper ; que, reprochant à cette dernière d'avoir brutalement cessé, fin 2008, de lui confier des dossiers, la Selarl l'a assignée en responsabilité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, et subsidiairement, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil.

Sur le premier moyen : - Attendu que la Selarl fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande fondée sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce alors, selon le moyen : 1°) que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que le caractère non lucratif d'une activité de service ne fait pas obstacle à l'existence d'une relation commerciale au sens de ce texte ; qu'en estimant que ce texte n'était pas applicable dans les relations entre un avocat et son client, en l'occurrence une banque commerciale, en raison du désintéressement dont doit faire preuve l'avocat dans ses rapports avec son client en application des règles déontologiques de la profession d'avocat, la Cour d'appel a ajouté au texte susvisé une restriction qu'il ne comporte pas et a ainsi violé par refus d'application l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et par fausse application l'article 3 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ; 2°) que la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce suppose l'existence d'une relation commerciale établie ; que bien que n'ayant pas le droit d'accomplir des actes de commerce en application des règles déontologiques auxquelles il est soumis, l'avocat, qui exerce contre rémunération une activité qui le conduit à offrir des services dans le domaine économique, se trouve avec son client, a fortiori s'agissant d'une banque commerciale, dans une relation qui est elle-même de nature commerciale, et qui entre ainsi dans le champ du texte susvisé ; qu'en jugeant le contraire, au motif que la profession d'avocat était incompatible avec une activité de commerce, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce par refus d'application et l'article 111 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 par fausse application ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que, selon l'article 111 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la profession d'avocat est incompatible avec toutes les activités de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée, l'arrêt retient que les textes organisant la profession d'avocat excluent expressément que l'avocat puisse exercer une activité s'apparentant à une activité commerciale ; que de ces seules énonciations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, la cour d'appel a exactement déduit que l'article L. 442-6 I 5 du Code de commerce n'était pas applicable à la relation nouée entre la Selarl et son client ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen : - Attendu que la Selarl fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de réparation de son préjudice économique sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil alors, selon le moyen : 1°) que la convention cadre est l'accord dans le cadre duquel viennent s'inscrire des contrats particuliers, et dont le régime ne se confond pas avec celui de chacun de ces contrats particuliers ; qu'en écartant en l'espèce l'existence d'une convention cadre conclue entre la Selarl et la BPA, tout en constatant que les liens entre les parties était caractérisés par " la constance de leurs relations communes qui s'est traduite par un flux de dossiers relevant de la compétence des juridictions quimpéroises que la BPA a confié à la société d'avocats pendant une trentaine d'années ", ce dont résultait nécessairement l'existence d'une convention cadre dans le contexte de laquelle s'inscrivait chaque dossier confié à l'avocat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'en énonçant que le fait de reconnaître en l'espèce l'existence d'une convention cadre serait incompatible avec la notion d'intuitu personae qui prévaut dans les relations entre l'avocat et son client, cependant que la conclusion d'une convention cadre ne prive pas les parties de mettre fin à la relation, mais les oblige simplement à respecter un préavis et à indemniser le préjudice économique de leur cocontractant en cas de rupture brutale de la convention ayant entraîné un tel préjudice, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'était pas sérieusement contestable que la Selarl recevait mandat, dossier par dossier, de représenter et de défendre les intérêts de la BPA, l'arrêt retient que la constance des relations entre la BPA et la Selarl, qui s'est traduite par un flux de dossiers confiés par la première à la seconde pendant une trentaine d'années, ne suffit pas à démontrer que ces relations étaient encadrées ; qu'il en déduit que la Selarl n'établissait pas l'existence de la convention cadre qu'elle invoquait ; qu'en cet état, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.