CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 décembre 2015, n° 13-12219
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Komosa, Komosa Bordeaux (SARL)
Défendeur :
Feel Developpement (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Nicoletis, Mouthon Vidilles
Avocats :
Mes Teytaud, Cadiot
FAITS ET PROCÉDURE
La société Feel Developpement exploite un concept de restauration rapide à base de produits frais et diététiques à travers plusieurs succursales et un réseau de franchisés. En 2009, M. Frédéric Komosa a crée la SARL Komosa Bordeaux pour rejoindre ce réseau et ouvrir une boutique sous la marque " Feel Juice ".
Le 18 mai 2009, les parties ont conclu un contrat de franchise pour un magasin situé au 253 rue Sainte Catherine à Bordeaux.
Le 31 janvier 2011, la société Feel a vendu à la société Komosa un fonds de commerce d'un magasin qu'elle exploitait jusqu'alors en succursale au 133 de la même rue. Ce magasin a fait l'objet d'un autre contrat de franchise.
En 2012, pour répondre à des difficultés financières, la société Komosa a vendu le fonds de commerce situé 253 rue Saint Catherine. Elle a prévenu par courriel la société Feel de son intention de vendre puis du prix de vente.
La société Feel, estimant que la société Komosa n'avait pas respecté la clause de préférence figurant au contrat de franchise, a fait saisir le prix de vente du fonds.
M. Komosa et la société Komosa considérant de leur côté que la société Feel avait commis des fautes dans l'exécution du contrat, l'ont assignée devant le Tribunal de commerce de Paris, par exploit du 22 février 2013 aux fins de résolution du contrat de franchise du 18 mai 2009, de restitution des sommes versées et d'indemnisation.
Par jugement du 12 mai 2013, le Tribunal de commerce de Paris a notamment :
Débouté la société Komosa Bordeaux et M. Frédéric Komosa de l'ensemble de leurs demandes,
Condamné la société Komosa Bordeaux à payer à la société Feel Developpement, au titre de la clause pénale, la somme de 60 000 euro, majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2012, déboutant pour le surplus,
Ordonné la main levée de l'opposition sur le prix de vente du fonds de commerce du 253 rue Sainte Catherine à Bordeaux à hauteur de la somme de 85 000 euro, déboutant pour le surplus ;
Condamné la société Komosa Bordeaux à payer à la société Feel Developpement la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
M. Frédéric Komosa et la société Komosa ont interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions signifiées le 21 septembre 2015 aux termes desquelles les appelants demandent à la cour de :
Vu les articles 1110, 1116, 1131, 1134, 1135, 1147, 1149, 1152, 1184, 1162, 1227 et 1382 du Code civil,
Déclarer la société Komosa Bordeaux et Monsieur Frédéric Komosa recevables et bien fondés en leur appel,
Y faisant droit,
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
Dire et juger que le concept Feel Juice n'était pas éprouvé lorsque la société Feel Developpement a fait signer à Monsieur Komosa le contrat de franchise,
Dire et juger que le concept n'était pas rentable lorsque Monsieur Komosa a signé son contrat de franchise,
Constater, dire et juger que le franchiseur a franchisé son concept sur des pertes,
Dire et juger que le concept est totalement dépourvu de rentabilité,
Dire et juger que le contrat de franchise est dépourvu de cause,
Dire et juger que Monsieur Komosa a été trompé sur la rentabilité du concept ou à tout au moins commis une erreur sur la rentabilité de celui-ci,
Par conséquent,
Prononcer la nullité du contrat de franchise au visa des articles 1131, 1110 et 1116 du Code civil avec toutes conséquences de droit,
Débouter la société Feel Developpement de toutes demandes fondées sur l'application d'un contrat nul et notamment de sa demande d'application d'une clause pénale,
Subsidiairement,
Dire et juger que le franchiseur a manqué à son obligation essentielle de transmettre un savoir-faire éprouvé,
Prononcer la résolution du contrat avec toutes conséquences de droit,
Dans les deux cas, annulation ou résolution, condamner la société Feel Developpement à restituer à la société Komosa Bordeaux la somme de 89 086,92 euro, ainsi décomposée :
- droit d'entrée : 15 000 euro HT
- frais de matériel : 46 250 euro HT
- frais de stock : 6 000 euro HT,
- fournitures de démarrage : 5 376,70 euro HT
- redevances : exercice clos au 30-06-10 = 5 530 euro
- exercice clos au 30/06/11 = 4 332 euro
- exercice clos au 30/06/12 = 6 248 euro
Dans les deux cas, annulation ou résolution, condamner en outre la société Feel Developpement à payer à la société Komosa Bordeaux les sommes de :
- 40 965 euro au titre des pertes d'exploitation ;
- 100 000 euro à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds ;
Plus subsidiairement,
Dire et juger que la société Feel Developpement a manqué à ses obligations essentielles de transmission et de renouvellement d'un savoir-faire éprouvé,
Dire et juger que la société Feel Developpement a manqué à ses obligations essentielles d'aide et d'assistance,
Dire et juger que la société Feel Developpement a manqué à son obligation de loyauté,
Prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu le 18 mai 2009 aux torts exclusifs de la société Feel Developpement,
Condamner la société Feel Developpement à verser à la société Komosa Bordeaux les sommes suivantes :
- 40 965 euro au titre des pertes d'exploitation ;
- 100 000 euro à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds ;
Dire et juger que les dispositions de l'article 11 du contrat de franchise ne sauraient recevoir application dès lors que les conditions de l'article 10 qui constituent le fait générateur de l'application de la clause de préférence et d'agrément ne sont pas remplie, la société Komosa Bordeaux n'ayant pas cédé ou transféré à titre onéreux ou gratuit, " les avantages que lui confère le présent contrat ",
Dire et juger qu'en application des dispositions de l'article 1162 du Code civil, les dispositions des articles 10 et 11 doivent s'interpréter en faveur de la société Komosa Bordeaux,
Dire et juger que la clause de préférence, qui a donné lieu à une opposition au prix de vente du fonds de commerce cédé par la société Komosa Bordeaux, est nulle pour absence de cause et/ou cause illicite,
Dire et juger que les dispositions de l'article 11 du contrat de franchise étaient inapplicables dans le cas particulier de la société Komosa Bordeaux qui continuait à exploiter dans le périmètre de l'exclusivité territoriale qui lui était concédée un second point de vente sous enseigne " Feel Juice ",
Dire et juger que la société Feel Developpement savait parfaitement qu'elle était dans l'impossibilité d'appliquer cette clause sous peine de manifester une volonté évidente de nuire à son franchisé,
Constater, dire et juger que la société Feel Developpement a été dûment informée dès le mois de juin 2012 de la vente du pas de porte situé au 253 rue sainte Catherine et dès le mois d'août 2012 du prix de vente,
Dire et juger que la société Feel Developpement n'a pas fait part à la société Komosa Bordeaux de son intention de préempter le fonds de commerce,
Dire et juger qu'elle devait donc être considérée comme ayant renoncé à l'exercice de son droit, Dire et juger que la société Feel Developpement a abusivement sollicité, a posteriori, l'application de la clause de préférence,
Condamner la société Feel Developpement à payer à la société Komosa Bordeaux la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts,
Débouter la société Feel Developpement de toutes demandes fondée sur l'article 11 du contrat de franchise,
Subsidiairement, faire application des dispositions de l'article 1152 du Code civil et réduire le montant de la clause pénale à des proportions en rapport avec le préjudice réellement subi par la société Feel Developpement, lequel, en tout état de cause ne peut correspondre qu'à une perte de marge sur droit d'entrée et redevances, dont elle ne justifie pas.
Ordonner la mainlevée sur opposition du prix de vente du fonds de commerce,
En tout état de cause,
Condamner la société Feel Developpement à verser à Monsieur Komosa la somme de 130 000 euro à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de mieux utiliser ses fonds et au titre du manque à gagner en termes de rémunération.
Débouter la société Feel Developpement de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
Condamner la société Feel Developpement à payer à la société Komosa Bordeaux la somme de 10 000 euro et à Monsieur Frédéric Komosa la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société Feel Developpement aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 octobre 2013 par lesquelles la société Feel Developpement demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1110, 1116, 1131, 1134 et 1147 et 1382 du Code civil,
Vu les dispositions de l'article 1152 du Code civil,
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
A titre liminaire,
Constater le caractère irrecevable des prétentions nouvellement formées en cause d'appel tendant au prononcé de la nullité du contrat pour défaut de cause et erreur.
Constater, Dire et Juger que la société Komosa Bordeaux et Monsieur Frédéric Komosa ne rapportent nullement l'existence d'un défaut de cause, d'une erreur ou d'un dol dont ils se prévalent.
A titre principal,
Constater que la société Komosa Bordeaux et Monsieur Frédéric Komosa ne caractérisent ni n'établissent les manquements qu'ils invoquent à l'encontre de la société Feel Developpement.
Constater, Dire et Juger l'existence d'un savoir-faire substantiel, original et secret transmis par la société Feel Developpement à la société Komosa Bordeaux et à Monsieur Frédéric Komosa.
Constater, Dire et Juger le respect, par la société Feel Developpement, de son obligation d'assistance.
Dire et Juger en conséquence que la société Feel Developpement a parfaitement respecté ses obligations contractuelles tendant à mettre à disposition de la société Komosa Bordeaux un signe distinctif, un savoir-faire et à lui procurer une assistance.
Constater les multiples manquements commis par la société Komosa Bordeaux tant lors de l'exécution du contrat de franchise mis en cause que lors de la cessation de ce contrat.
Constater la violation, par la société Komosa Bordeaux, des clauses de préférence et d'agrément stipulées au contrat de franchise, Constater, Dire et Juger ces deux clauses parfaitement valides.
En conséquence, Débouter la société Komosa Bordeaux et Monsieur Frédéric Komosa de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de la société Feel Developpement.
Confirmer dans son intégralité le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 22 mai 2013.
Condamner la société Komosa Bordeaux à payer à la société Feel Developpement une somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles.
Condamner la société Komosa Bordeaux aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 septembre 2015.
L'affaire a été plaidée le 14 octobre 2015 et les parties ont été avisées qu'elle était mise en délibéré au 2 décembre 2015, date à laquelle la présente décision a été rendue par mise à disposition au greffe.
SUR CE
Sur la demande principale en annulation du contrat de franchise du 18 mai 2009 sur l'exception d'irrecevabilité
Considérant que les appelants ont demandé au tribunal de commerce de prononcer la résolution du contrat de franchise du 18 mai 2009 aux torts de la société Feel Developpement et que devant la cour, ils sollicitent à titre principal la nullité du contrat pour absence de cause et vice du consentement et à titre subsidiaire, sa résolution ;
Considérant que la société Feel Developpement soutient que la demande de nullité formée en cause d'appel constitue une prétention nouvelle qui doit être déclarée irrecevable ; que les appelants répliquent qu'elle ne constitue pas une telle prétention dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que la demande de résolution du contrat qu'ils avaient déjà formée en 1ère instance ;
Considérant qu'aux termes de l'article 565 du Code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ;
Considérant que l'action en résolution et celle en nullité tendent toutes deux à l'anéantissement rétroactif de l'acte de sorte que la demande en nullité formée en cause d'appel ne peut être considérée comme nouvelle ; que dès lors, l'exception d'irrecevabilité sera rejetée ;
Sur la demande en annulation du contrat de franchise pour absence de cause
Considérant que les appelants font valoir en substance que l'intimée ne leur a pas transmis un savoir-faire particulier leur permettant de bénéficier d'un avantage stratégique sur le marché et que le concept n'était pas éprouvé et rentable au moment de la signature du contrat de franchise; qu'ils contestent les motifs retenus par le tribunal pour juger que ce concept était éprouvé et rentable, soit : l'existence d'un manuel opératoire de 400 pages fourni par l'intimée, le fait que 14 des 17 points de vente de la franchise étaient rentables et l'achat à l'intimée par les appelants d'un second fonds de commerce après 2 ans de relation commerciale ce qui témoignerait de leur satisfaction ; qu'ils concluent qu'en raison de l'absence de transmission d'un savoir-faire éprouvé, le contrat est nul pour absence de cause ;
Considérant que l'intimée réplique qu'elle dispose d'un savoir-faire substantiel et original qu'elle a transmis, notamment en remettant au franchisé un manuel très complet de 400 pages et en lui dispensant une formation initiale dont il était satisfait ;
Considérant que la cause d'une obligation s'apprécie au jour de sa souscription, soit en l'espèce au 18 mai 2009 ;
Considérant que le savoir-faire est défini comme un ensemble finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessibles, non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur, testées par lui et conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel ; que le défaut de savoir-faire prive le contrat de franchise de cause ;
Considérant, en l'espèce, que la définition contractuelle du savoir-faire de la société Feel Developpement exerçant sous l'enseigne Feel Juice figure, en exposé préalable, dans le contrat de franchise conclu entre les parties ; qu'il repose sur la fabrication et la vente de jus de fruits à base de fruits et légumes frais et de plats cuisinés avec des aliments frais et diététiques; qu'il se distingue de la restauration rapide traditionnelle en ce qu'il propose au consommateur une offre nutritive équilibrée et définie autour de produits frais ;
Considérant que ce savoir-faire est synthétisé à l'annexe 5 du contrat intitulée " Book de respect du concept " qui indique de manière claire les principes propres à l'enseigne Feel Juice et afférents à l'organisation, aux recettes, à l'identité visuelle (charte graphique, contraste des lignes design, matériaux modernes, couleurs avec la mise en avant des fruits naturels), à l'architecture intérieure (couleur, hauteur de plafond, mange debout, tabouret, menu board, sol, meubles..) et extérieure (vitrine, terrasse, facing) et à l'agencement et est agrémenté par de nombreuses illustrations ; que ce savoir-faire est en outre très précisément détaillé dans un document d'information pré-contractuel d'environ 400 pages ;
Considérant que ce document qui constitue un manuel opératoire, se réfère à la création de recettes originales et variées, nutritives, naturelles et diététiques, à base de fruits et de légumes frais, à la sélection de fournisseurs et le stockage des produits frais, à la préparation des produits devant le client " à la minute ", à la définition des méthodes de commercialisation des produits sous forme de restauration rapide, à consommer sur place ou à emporter, à la définition des emplacements commerciaux appropriés, à la création d'un concept architectural propre à l'enseigne, à l'équipement du point de vente en matériels spécifiques, à l'agencement et à la décoration des locaux sous l'enseigne, à la gestion opérationnelle du point de vente, au merchandising, à l'anticipation des ventes et des commandes, au suivi de la relation client et la fidélisation des clients, à la communication sur le point de vente, au marketing de l'enseigne, à la gestion des flux clients, à la gestion de la caisse et au respect de la réglementation en matière d'hygiène ;
Considérant que ce savoir-faire est transmis par la communication du manuel opératoire, par la formation initiale à l'issue de laquelle a été remis un " passeport Feel Juice " et par la formation permanente ;
Considérant que les appelants ne démontrent pas ni même n'allèguent que le franchiseur ait failli à ses obligations de formation ; que bien au contraire, à l'issue de la formation effectuée sur deux des sites pilotes de Nantes et Bordeaux, M. Komosa a rempli un questionnaire aux termes duquel il a conclu qu'il était parfaitement satisfait ; qu'il doit être relevé, à l'instar des premiers juges, que les appelants étaient d'autant plus satisfaits du concept qu'après plus d'un an d'expérience au 253 rue Sainte Catherine à Bordeaux, la société Komosa a acquis le 13 décembre 2010 un second fonds de commerce qui était exploité comme fonds pilote depuis juillet 2007 au 133 de la même rue ;
Considérant enfin qu'au jour de la souscription du contrat de franchise en cause, le concept Feel Juice était exploité depuis 2006 dans un premier fonds de commerce créé à Nantes puis depuis juin 2007 dans un second à Bordeaux qui sera acquis par la société Komosa ; qu'il est établi par la production des comptes de résultats des deux sites qui, au demeurant, figuraient dans le document pré-contractuel d'information remis à la société Komosa, que leurs chiffres d'affaires respectifs ont augmenté en 2009 ; qu'ainsi, celui de Nantes est passé de 151 654 euro en 2008 à 177 936 euro en 2009 et celui de Bordeaux de 213 248 euro en 2008 à 230 569 euro en 2009 de sorte que c'est vainement que les appelants font état de difficultés financières survenues en 2010 pour soutenir que le savoir-faire n'était pas éprouvé lors de la souscription du contrat de franchise en cause ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'existence d'un réel savoir-faire original et éprouvé Feel Juice est avérée et qu'il a été transmis ; que dès lors, les appelants seront déboutés de leur demande principale en annulation du contrat de franchise pour absence de cause ;
Sur la nullité du contrat pour erreur sur la rentabilité du concept
Considérant que les appelants soutiennent avoir été trompés par l'intimée qui a retenu dolosivement des informations sur la non-rentabilité du modèle économique qu'elle propose et dont elle disposait lors de la signature du premier contrat de franchise ; qu'ils indiquent plus particulièrement qu'ils ont été trompés sur la réussite des sites pilotes et leur rentabilité en réalité inexistante ; qu'ils rappellent qu'en vertu de plusieurs arrêts de la Cour de cassation, la nullité est encourue, chaque fois qu'il est démontré que le franchisé s'est engagé, notamment sur la foi des informations qui lui ont été communiquées par le franchiseur, dans la croyance de résultats qui ne seront en pratique jamais atteints pour des raisons ne dépendant pas de lui ; qu'ils demandent donc la nullité du contrat de franchise sur la base des articles 1110 et 1116 du Code civil ;
Considérant qu'en application des dispositions des articles 1108 et 1109 du Code civil, le consentement de la partie qui s'oblige, est une condition essentielle de la validité d'une convention et qu'il n'y a point de consentement valable si ce consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été surpris par dol ; que l'article 1110 du même Code dispose que l'erreur n'est une cause de nullité que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose, objet de la convention ; que l'article 1116 précise que le dol est une cause de nullité lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et qu'il doit être prouvé ;
Considérant que l'erreur d'appréciation portant exclusivement sur la rentabilité de l'objet du contrat ne constitue pas en principe, une cause de nullité de la convention ; qu'il appartient aux appelants de caractériser l'erreur qui aurait été déterminante du consentement de la société Komosa au moment de la souscription du contrat ;
Considérant que les appelants se contentent d'affirmer que le franchiseur s'est gardé de communiquer de façon transparente et loyale sur son absence de réussite alors que " l'aventure était vouée à l'échec " ; qu'ils ne font aucunement état d'un manquement du franchiseur quant au contenu du document pré-contractuel d'information et notamment n'excipent pas de l'absence de toutes les informations prescrites par la loi ; qu'ils ne font en outre aucunement mention de la communication par le franchiseur de chiffres prévisionnels qui auraient été mensongers et les auraient ainsi trompés ; qu'il apparaît qu'en réalité, les appelants déduisent l'existence d'une erreur déterminante du consentement de l'absence des résultats qu'ils escomptaient au vu des chiffres d'affaires en constante augmentation des deux sites pilotes au jour de la souscription du contrat de franchise ; qu'en tout état de cause, la réalisation de prévisions est soumise à des aléas et peut être affectée par des facteurs inhérents au mode d'exploitation et de gestion du franchisé;
Considérant dès lors que faute pour les appelants de démontrer l'existence d'une erreur déterminante qui aurait vicié pas le consentement de la société Komosa et a fortiori, celle d'un dol, ils seront déboutés de leur demande en annulation du contrat pour vice du consentement ;
Sur la demande subsidiaire en résolution du contrat aux torts de la société Feel Developpement
* pour manquement à l'obligation essentielle de transmettre un savoir-faire éprouvé
Considérant qu'il vient d'être constaté que l'intimée avait respecté son obligation de transmettre un savoir-faire éprouvé ; que dès lors, la demande en résolution judiciaire du contrat de franchise pour inexécution de cette obligation, sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;
* pour absence de renouvellement du concept
Considérant que la société Feel justifie avoir fait évoluer le concept Feel Juice afin notamment de prendre en compte les périodes de basse saison où le consommateur est moins enclin à consommer des produits rafraîchissant ; qu'elle a ainsi mis au point des produits dits " hotties " soit des boissons chaudes à base de fruits ainsi que des thés ; que c'est donc vainement que les appelants font grief à la société Feel de ne pas avoir renouveler le concept ;
* pour manquement à son obligation d'assistance
Considérant que les appelants soutiennent que le franchiseur n'a apporté aucune aide et n'a préconisé aucune mesure de nature à permettre à la société Komosa de régler les difficultés rencontrées et de réaliser les prévisions en termes de chiffre d'affaires ;
Considérant qu'il y a lieu de rappeler que si le franchiseur est tenu de procurer une assistance technique et commerciale pendant l'exécution du contrat, ce qui, au demeurant, constitue une obligation de moyens, le franchisé est un commerçant indépendant seul responsable de la gestion de son entreprise ; que les manquements du franchiseur ne se déduisent pas du seul fait de l'existence de difficultés financières rencontrées par les franchisés ; qu'en effet, l'exploitation d'un fonds est soumis à de multiples aléas dont notamment ceux liés à la gestion du franchisé et à la situation économique du marché de référence ;
Considérant que la société Feel Developpement justifie par la communication aux débats de nombreuses pièces, avoir effectué de fréquentes visites de bilans, avoir adressé de très nombreux mails réseaux ainsi que des mails individuels aux franchisés, avoir tenu des réunions annuelles regroupant l'ensemble des franchisés afin de permettre à chacun de s'exprimer et d'échanger sur leurs difficultés respectives, avoir adressé des comptes rendus de ces réunions, avoir animé de nombreuses campagnes nationales de publicité et avoir mis en place des opérations promotionnelles ;
Considérant dès lors qu'aucun manquement à l'obligation d'assistance n'est établi et que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. Komosa et la société Komosa de leur demande en résolution du contrat de franchise aux torts de la société Feel Developpement et de leurs demandes subséquentes en restitution des sommes versées et en dommages et intérêts pour pertes d'exploitation, pour perte de chance de faite une meilleure utilisation de leurs fonds et au titre du manque à gagner en termes de rémunération ;
Sur l'application de la clause pénale pour manquements de la société Komosa lors de la cession du fonds de commerce de Bordeaux
Considérant que la société Komosa sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 60 000 euro au titre de la clause pénale ; qu'elle fait valoir qu'il n'est nulle part écrit dans le contrat de franchise que le franchisé doit recueillir l'accord du franchiseur pour vendre son fonds et que les clauses de préférence et de préemption n'avaient pas lieu à s'appliquer dans la mesure où elle cédait son fonds mais non le contrat de franchise ; qu'elle ajoute que la clause de préférence est nulle pour absence de cause et qu'elle est illicite en ce qu'elle empêche le libre jeu de la concurrence ;
Considérant que l'article 11.1 intitulé " Pacte de préférence " du contrat de franchise précise que si le franchisé " désire céder... tout ou partie du fonds de commerce, objet du contrat... il notifiera immédiatement son intention au franchiseur par lettre recommandée avec accusé réception. Il devra par préférence proposer la cession de son fonds... au franchiseur. Pour ce faire, la notification devra comporter l'indication du prix et des principales modalités juridiques de l'opération projetée. Le franchiseur disposera d'un délai de trente (30) jours à compter de la date de réception de la notification pour notifier au franchisé l'exercice de son droit de préférence. A défaut de réponse dans ce délai, le franchiseur est réputé ne pas exercer son droit de préférence. " ;
Considérant que l'article 11.3 intitulé " Procédure d'agrément " prévoit que si le franchiseur n'exerce pas son droit de préférence, une procédure d'agrément devra être respectée ; que l'article 11.4 intitulé " Droit de préemption " dispose que dans tous les cas prévus aux articles 11.1 à 11.3, ce qui inclut le cas de la cession du fonds de commerce, " le franchiseur dispose d'un droit de préemption lui permettant d'acquérir pour lui-même ou pour toute personne physique ou morale qu'il souhaiterait se substituer, les ou les biens concernés, dans un délai de deux (2) mois à compter de la réception du projet d'acte de cession transmis par le franchisé en vue de l'agrément aux conditions stipulées dans le projet, quand bien même il n'aurait pas exercé son droit de préférence. "
Considérant qu'il résulte clairement de ces dispositions qu'elles trouvent à s'appliquer en cas de cession du fonds de commerce de sorte que les appelants ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils ne sont applicables qu'en cas de cession du contrat de franchise ; que ce moyen est donc inopérant et sera rejeté ;
Considérant qu'il en ressort également que le franchisé désirant céder le fonds de commerce doit dans un premier temps notifier au franchiseur le projet de cession afin de permettre à ce dernier d'exercer son droit de préférence, que dans un second temps si le franchiseur n'a pas exercé son droit de préférence, une procédure d'agrément par le franchiseur du nouvel acquéreur doit être organisée et qu'enfin, le franchiseur dispose d'un droit de préemption lui permettant d'acquérir lui-même le fonds ;
Considérant que l'article 11.5 du contrat de franchise dispose que " dans le cas où le franchisé céderait, apporterait, louerait, placerait en location-gérance ou nantirait tout ou partie de son fonds de commerce à un successeur non agréé par le franchiseur, le présent contrat sera résilié... Le franchisé versera au franchiseur, au titre de la clause pénale, une somme égale à 50 % (cinquante pour cent) du chiffre d'affaires mensuel réalisé dans le Point de vente, sur la moyenne des deux derniers exercices, multipliée par le nombre de mois au prorata restant à courir jusqu'à l'arrivée du Terme " ;
Considérant qu'il résulte de cet article que les parties ont convenu de l'application d'une clause pénale en cas de défaut d'agrément du cessionnaire du fonds de commerce par le franchiseur ; qu'il n'est nullement prévu que cette clause ait à s'appliquer en cas de non-respect des clauses de préférence et de préemption ; que l'éventuelle illicéité de la clause de préférence est sans influence sur la validité de la clause d'agrément laquelle n'est, au demeurant, pas discutée ;
Considérant que par mail du 6 juin 2012, la société Komosa a informé la société Feel Developpement de son intention de vendre le fonds de commerce du 253 rue sainte Catherine puis par mail du 11 août 2012, elle lui a précisé le prix de cession ;
Considérant qu'il ne peut qu'être constaté que la société Komosa n'a pas respecté les dispositions contractuelles en ce qu'elle n'a pas notifié par lettre recommandée avec accusé réception son intention de vendre ainsi que le prix de cession et n'a pas adressé le projet d'acte de cession au franchiseur en vue de l'agrément ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a fait application de la clause pénale ;
Considérant qu'eu égard au montant du droit d'entrée d'un nouveau franchisé (18 000 euro) et à celui des redevances minimales que le franchiseur aurait dû percevoir pendant les 43 mois restant (45 972 euro), la somme de 60 000 euro retenue par le jugement entrepris au titre de la clause pénale est justifiée ; que le jugement sera également confirmé de ce chef ;
Sur la demande de main-levée de l'opposition sur le prix de vente
Considérant que la société Feel Developpement a fait opposition au prix de vente du fonds de commerce d'un montant de 145 000 euro ; que compte tenu du montant de la clause pénale réduite à 60 000 euro, le tribunal de commerce a à juste titre ordonné la mainlevée sur la somme de 85 000 euro ;
que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
Sur la demande en dommages et intérêts pour déloyauté et abus de droit formée par M. Komosa et la société Komosa
Compte tenu du sens du présent arrêt, les appelants qui ne justifient aucunement de comportement déloyaux et d'un abus de droit de la société Feel Developpement, seront déboutés de la demande formée à ce titre et le jugement entrepris sera confirmé ;
Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et y ajoutant, Condamne M. Komosa et la société Komosa aux dépens de l'appel, Condamne M. Komosa et la société Komosa à verser à la société Feel Developpement la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.