CA Pau, ch. soc., 26 novembre 2015, n° 13-02512
PAU
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Benhalouche
Défendeur :
Subway Reality of France (SARL), Subway International BV (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Theate
Conseillers :
Mme Gauthier, M. Peyrot
Avocats :
Mes Estrade, Duale, Haroche
Le 15 janvier 2007, Madame Aïda Benhalouche a conclu avec la SARL Subway International BV un contrat de franchise pour l'exploitation d'un restaurant <adresse> et ce pour une durée de 20 ans à compter de sa signature. En contrepartie du savoir-faire de la société et de la licence d'exploitation qui lui avait été accordée, Madame Aïda Benhalouche était soumise à des obligations répertoriées dans un manuel d'exploitation SBIV et régulièrement évaluée par une agence Sub'Aquitaine.
A plusieurs reprises en 2008, 2009 et 2010, Madame Aïda Benhalouche s'est vue rappeler à ses obligations sous peine de résiliation du contrat de franchise.
Par lettre du 28 avril 2010, le service de recouvrement de la société SARL Subway International BV a informé Madame Aïda Benhalouche de la résiliation du contrat pour défaut de paiement des royalties en l'enjoignant de cesser toute exploitation.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 novembre 2010 la SARL Subway International BV a mis Madame Aïda Benhalouche en demeure de lui payer, dans un délai de 7 jours, les sommes suivantes :
30 235,84 euro de royalties et redevances publicitaires ;
2 250 Dollar ;
et de retirer la signalétique Subway de son restaurant.
Par courriel du 27 décembre 2010, la société SLR France, fournisseur de la SARL Subway International BV en France a informé Madame Aïda Benhalouche qu'il cessait tout approvisionnement à compter de cette date. En dépit des protestations de Madame Aïda Benhalouche le fournisseur a maintenu sa position.
Dès le 1er juin 2010, Madame Aïda Benhalouche avait déposé une requête devant le Conseil des prud'hommes de Pau aux fins de conciliation.
La SARL Subway International BV avait alors saisi le 15 juin 2010 l'American Dispute Resolution Center d'une demande d'arbitrage, dont la sentence rendue le 29 septembre 2010, avait reçu l'exequatur du Tribunal de grande instance de Paris par ordonnance du 11 février 2011. Cette décision a cependant été infirmée par la Cour d'appel de Paris le 16 octobre 2012.
Après échec de la tentative de conciliation, la procédure s'est poursuivie devant le Conseil des prud'hommes de Pau, la SARL Subway International BV ayant toutefois introduit une nouvelle demande d'arbitrage le 15 novembre 2012, rendue le 29 janvier 2014 et dont la procédure d'exequatur est à nouveau pendante devant la Cour d'appel de Paris, puis formé contredit et appel à l'encontre des décisions de renvoi de l'affaire en audience de départage au fond, que la Cour d'appel de Pau a par deux arrêts du 17 janvier 2013, déclaré l'un comme l'autre irrecevables.
Par jugement du 12 juin 2013, le Conseil des prud'hommes de Pau auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le juge départiteur du Conseil de prud'hommes de Pau :
a dit n'y avoir lieu à réouverture des débats pour communication d'écritures,
s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de Madame Aïda Benhalouche
a dit que les conditions de l'article L. 7321-2 du Code du travail relatif à la qualité de gérant de succursale n'étaient pas réunies ;
a débouté Madame Aïda Benhalouche de l'ensemble de ses demandes.
Le conseil des prud'hommes a également débouté la SARL Subway International BV de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile et condamné Madame Aïda Benhalouche aux dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe de la Cour d'appel de Pau du 3 juillet 2013, le conseil de Madame Aïda Benhalouche a interjeté appel de ce jugement en limitant cet appel aux dispositions du jugement relatives au rejet de la demande fondée sur l'article L. 7321-2 du Code du travail, au débouté de la demanderesse de ses demandes subséquentes et à sa condamnation aux dépens.
Madame Aïda Benhalouche demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que la 4e condition posée par l'article L. 7321-2 du Code du travail n'était pas remplie et d'en tirer les conséquences de droit en condamnant la SARL Subway International BV au paiement des sommes suivantes :
240 000 euro au titre de la rémunération minimale brute ;
24 000 euro au titre des congés payés y afférents ;
565 593,60 euro en paiement des heures supplémentaires effectuées ;
63 415,04 euro au titre des congés payés y afférents ;
24 800 euro à titre de dommages et intérêts pour les repos hebdomadaires et jours fériés non respectés ;
54 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la méconnaissance de la durée légale du travail des jours de congés et des repos compensateurs.
Madame Aïda Benhalouche demande en outre que la SARL Subway International BV soit condamnée à prendre en charge le supplément d'imposition qui résultera de ces condamnations et la condamnation de la SARL Subway International BV à l'immatriculer au régime général de la sécurité sociale.
Sur la rupture du contrat, elle demande la condamnation de la SARL Subway International BV à lui payer :
14 569,18 euro à titre d'indemnité de licenciement ;
109 268,82 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
18 211,47 euro d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
54 634,41 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
5 463,44 euro au titre des congés payés y afférents ;
18 211,47 euro d'indemnité pour travail dissimulé ;
Madame Aïda Benhalouche demande à la cour de dire que la clause de non-concurrence stipulée au contrat est nulle et de condamner la SARL Subway International BV au paiement d'une somme de 63 000 euro de ce chef.
En troisième lieu, Madame Aïda Benhalouche conclut à la condamnation de la SARL Subway International BV au remboursement des frais professionnels suivants :
147 973,02 euro de frais d'installation de matériels sous l'enseigne Subway ;
3 184,35 euro de frais de publicité et de marketing ;
7 449,40 euro de frais de petits matériels et d'équipements ;
4 189 euro de remboursement de la TVA ;
2 236,14 euro de frais de formation ;
avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes (soit le 1er juin 2010 pour les créances salariales et à compter de l'arrêt à intervenir pour les créances indemnitaires).
En quatrième lieu, Madame Aïda Benhalouche réclame la remise des bulletins de salaires et documents de fin de contrat rectifiés conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euro par jour de retard passé un délai de 7 jours suivant la notification de l'arrêt, dont la cour se réservera la liquidation.
Subsidiairement, Madame Aïda Benhalouche demande la désignation d'un expert-comptable pour évaluer le montant de sa participation aux fruits de l'expansion de la SARL Subway International BV
Elle conclut en tout état de cause au débouté de la SARL Subway International BV de l'ensemble de ses prétentions, à la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité de procédure de 12 000 euro ainsi qu'aux dépens.
Sur l'application de l'article L. 7321-2 et L. 7321-3 du Code du travail l'appelante soutient que les conditions sont remplies, à savoir : exclusivité de l'approvisionnement, exploitation du restaurant dans un local fourni ou agréé par Subway, exploitation du restaurant aux conditions de la société Subway et fixation des prix imposés par Subway.
Sur l'exclusivité d'approvisionnement elle se réfère aux prescriptions du manuel d'exploitation (article 8) qui impose un fournisseur référencé unique par produit vendu ou acheté, la faculté de modifier la liste appartenant au seul franchiseur. Madame Aïda Benhalouche a ainsi dû équiper son magasin uniquement avec les sociétés américaines référencées à cette fin par la SARL Subway International BV et signer un contrat d'approvisionnement exclusif d'une part avec la SLR France pour les commandes de produits alimentaires (80 %), d'autre part avec la société Pomona pour les produits frais et légumes (20 %). C'est encore la SARL Subway International BV qui est intervenue pour modifier en novembre 2010 les conditions d'approvisionnement et pour ordonner en décembre 2010 la cessation des relations commerciales avec Madame Aïda Benhalouche.
L'appelante fait valoir que non seulement elle ne pouvait vendre des produits non référencés, mais qu'elle était en outre obligée de vendre des produits " obligatoires " en sorte qu'elle ne disposait d'aucune marge d'approvisionnement.
Sur l'agrément du local par la société Subway Madame Aïda Benhalouche se réfère à l'article 11 du manuel et à l'agrément donné par la SARL Subway International BV par lettre du 5 février 2007.
Sur les conditions d'exploitation du restaurant, les articles 5 ii et 5 iii du contrat de franchise imposent sans ambiguïté le respect de " prescriptions obligatoires de normes et de procédures d'exploitation " très précises (choix de la musique d'ambiance, tenues vestimentaires du personnel, horaires d'ouverture et de fermeture), soumise à des contrôles réguliers, et sanctionnées par la résiliation du contrat, dont Madame Aïda Benhalouche soutient qu'elles excèdent largement la nécessité d'harmoniser le réseau de franchise. L'appelante souligne encore à ce titre des quotas irréalistes et des méthodes d'évaluation contestables.
S'agissant des prix enfin, dont le manuel d'exploitation stipule qu'ils sont librement fixés par le franchisé, Madame Aïda Benhalouche affirme que sous couvert de " recommandations " la SARL Subway International BV les imposait comme le démontrent :
la plaquette de prix diffusée lors d'une réunion régionale qui s'est tenue à Toulouse le 18 juillet 2008 ;
les courriels de responsables de Subway ;
les comptes rendus d'évaluation mensuelle ;
les attestations d'anciens franchisés Subway ;
la rétention pratiquée sur une partie du chiffre d'affaires en cas de non-respect des prix imposés par le franchiseur.
Madame Aïda Benhalouche en déduit qu'elle était placée dans un lien de dépendance économique impliquant l'exécution d'un travail sous l'autorité de la SARL Subway International B.V, qui avait tous pouvoirs pour donner des ordres, en contrôler l'exécution et éventuellement sanctionner leur inexécution. Elle en déduit qu'elle est en droit de bénéficier des dispositions protectrices du Code du travail tant en ce qui concerne l'exécution du contrat que sa rupture.
Au regard de sa compétence et de sa qualification, elle déclare relever de la classification niveau V échelon 3 sur la base de laquelle elle évalue le montant de la rémunération et des congés payés qui lui sont dus pendant toute la durée d'exécution du contrat. Elle ajoute que la société Subway exigeait sa présence 98 heures par semaine hors de toute convention de forfait, et qu'elle travaillait tous les dimanches et jours fériés, soit une rémunération due au titre des heures supplémentaires et une indemnisation pour l'absence de repos hebdomadaire et pendant les jours fériés. Elle considère qu'elle est enfin en droit d'obtenir une réparation distincte pour les perturbations dans ses conditions de vie générées par une durée de présence obligatoire de 98 heures par semaine.
Faute d'éléments comptables suffisants, Madame Aïda Benhalouche demande une expertise sur l'évaluation de sa participation aux fruits de l'expansion, constamment retenue au profit des bénéficiaires de l'article L. 7321-2 du Code du travail, sauf pour la cour à admettre le montant qu'elle évalue.
L'appelante fait également valoir que par la faute de la SARL Subway International BV qui n'a pas respecté la législation du travail, elle va devoir supporter des prélèvements fiscaux supérieurs à ceux qu'elle aurait dû payer si les sommes litigieuses avaient été versées à leur date d'exigibilité. Elle demande en conséquence que ce supplément d'imposition soit supporté par l'intimée.
Elle rappelle ensuite qu'en tant que gérante de succursale, elle doit être immatriculée au régime général de la sécurité sociale.
Elle fait enfin valoir l'ensemble des frais d'installation qu'elle a dû prendre en charge et financer par des prêts (160 000 euro) et apports personnels (67 404,24 euro), sur lesquels elle demande le remboursement d'une somme de 165 031,91 euro de frais professionnels et investissements exposés dans l'intérêt et pour le compte de la société Subway.
Sur la rupture du contrat, Madame Aïda Benhalouche relève qu'elle est incontestablement intervenue à l'initiative de la SARL Subway International BV le 28 décembre 2010. Elle fait valoir que cette rupture ne saurait lui être reprochée dès lors que les conditions imposées par l'intimée et l'absence totale d'assistance dans les problèmes rencontrés (approvisionnement auprès des fournisseurs exclusifs, défaillances de matériel notamment) ne lui permettaient pas d'atteindre les objectifs fixés par cette dernière ni même de respecter les prescriptions du manuel d'exploitation.
L'appelante demande en conséquence à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la SARL Subway International BV et produisant en conséquence les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec effet au 28 décembre 2010.
Outre les indemnités légales consécutives, Madame Aïda Benhalouche réclame le versement de 6 mois de salaire à titre d'indemnisation pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une indemnité de travail dissimulé d'un montant équivalent dès lors que le choix d'un contrat faussement qualifié de franchise n'avait pas d'autre objet que de soustraire intentionnellement Madame Aïda Benhalouche au paiement de ses heures de travail et de réaliser ainsi de substantielles économies.
Elle souligne enfin que la clause de non-concurrence qui lui avait été imposée dans le contrat était dépourvue de toute compensation financière, ce qui l'autorise ipso facto à réclamer une indemnité compensatrice sans avoir à justifier d'un préjudice.
La SARL Subway International BV et la SARL Subway Reality of France demandent à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur des chefs de demande ne relevant pas de son champ de compétence (nullité de la clause de non-concurrence inscrite dans le contrat de franchise, demande en participation de Madame Aïda Benhalouche aux fruits de l'expansion, nomination des parties pour faire le compte entre les parties) et pour le surplus la SARL Subway International BV et la SARL Subway Reality of France concluent à la confirmation des dispositions du jugement qui leur sont favorables et à l'infirmation de celles qui ne le sont pas.
In limine litis, les intimées demandent à la cour de se déclarer incompétent au profit du Centre Américain de résolution des différends désigné à l'article 10 du contrat de franchise pour apprécier les demandes de Madame Aïda Benhalouche en nullité de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de franchise demande en participation de Madame Aïda Benhalouche aux fruits de l'expansion, nomination des parties pour faire le compte entre les parties.
Elles soutiennent en outre au principal que contrairement à l'opinion du conseil des prud'hommes, trois des quatre conditions d'application de l'article L. 7321-2 du Code du travail (exclusivité des fournitures, fixation des conditions d'exploitation, et de prix n'étaient pas remplies non seulement parce qu'elle n'était pas le fournisseur de Madame Aïda Benhalouche mais en outre parce que cette dernière avait la faculté de proposer d'autres listes de fournisseurs que ceux proposés par Subway et que les contrôles opérés avaient pour objet de vérifier les impératifs de sécurité et de respect des normes. Elles ajoutent que Madame Aïda Benhalouche ne démontre pas que les heures d'ouverture et de fermeture lui étaient imposées, pas plus que les heures de travail qu'elle revendique. Elles concluent en conséquence au débouté de Madame Aïda Benhalouche. Subsidiairement, elles font valoir que les conditions de l'article L. 7321-3 du Code du travail ne sont pas réunies dans la mesure où les sociétés Subway n'ont pas fixé les conditions de travail de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, et qu'elles n'ont pas été soumises à leur accord. Elles en déduisent que Madame Aïda Benhalouche ne peut prétendre bénéficier des dispositions du livre 1 du Code du travail relatives à la durée du travail, au repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relative à la santé et à la sécurité au travail.
Pour les sociétés Subway, le poste qu'elle occupait ne correspond pas à la classification de cadre niveau 5 échelon 3 qu'elle revendique, et Madame Aïda Benhalouche ne peut davantage prétendre au régime de la sécurité sociale ni au salaire de base qu'elle a retenu dans ses calculs, ni au paiement des heures supplémentaires qu'elle met en compte.
Elles soutiennent que la prise d'acte alléguée par Madame Aïda Benhalouche n'est pas causée et doit en conséquence être requalifiée en démission.
En tout état de cause, les intimées font valoir que le contrat a été rompu aux torts exclusifs de l'appelante.
A titre reconventionnel les SARL Subway International BV et SARL Subway Reality of France demandent la condamnation de Madame Aïda Benhalouche au paiement d'une somme de 10 000 euro en raison du caractère abusif de l'action engagée, outre 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les prétentions et moyens des parties exposés dans leurs écritures respectives ont été intégralement repris oralement à l'audience du 28 septembre 2015.
Motifs
Il sera en premier lieu rappelé que la reconnaissance de la qualité de gérant de succursale telle que définie à l'article L. 7321-2 du Code du travail n'a pas pour effet d'entraîner une requalification du contrat liant les parties, mais de permettre au gérant de bénéficier des dispositions du Code du travail liées à cette reconnaissance.
Il en découle que les stipulations du contrat qui n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions visées par l'article L. 7321-1 du Code du travail ne relèvent pas de la compétence du conseil des prud'hommes. Ainsi des demandes en nullité de la clause de non-concurrence figurant au contrat de franchise (non assimilable à la clause de non-concurrence susceptible d'assortir un contrat de travail), de la demande de participation aux fruits de l'expansion et de la demande de désignation d'un expert judiciaire aux fins d'examiner la comptabilité de la SARL Subway International BV
Il n'y a pas lieu par ailleurs de faire application des dispositions de l'article 89 du Code de procédure civile dès lors que, d'une part le contrat de franchise contient une clause d'arbitrage ; d'autre part le Tribunal arbitral de New York a non seulement été saisi mais a également rendu sa sentence ; en troisième lieu les recours exercés contre le jugement d'exéquatur accordé à cette sentence ne sont fondés ni sur la nullité de la clause ni sur son inapplicabilité manifeste.
Pour écarter l'application de la clause d'arbitrage, Madame Aïda Benhalouche soutient qu'elle serait nulle comme s'insérant dans un contrat de franchise également nul pour méconnaître les dispositions d'ordre public de l'article L. 7321-5 du Code du travail et de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Or l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 7321-5 du Code du travail n'a pas pour effet d'entraîner la "nullité" du contrat de franchise mais de rendre inopposables les clauses de ce contrat qui seraient incompatibles avec les dispositions impératives du Code du travail applicables au gérant de succursale lorsque cette qualité est établie.
Quant à la nullité du contrat au regard des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce relatives à la prohibition des pratiques anticoncurrentielles - dont il n'est pas soutenu qu'elle ait été invoquée pour faire annuler la sentence arbitrale - qui suppose pour être prononcée la détermination préalable du marché dans lequel ont lieu les pratiques incriminées, une analyse approfondie tant des comportements de l'entreprise en matière de production, distribution et de fixation des prix que de ses relations avec les concurrents, elle ne peut certainement pas être invoquée comme une hypothèse de nullité manifeste de la convention. Il en découle que le Conseil des prud'hommes de Pau pas plus que la cour ne sont compétents pour statuer sur les points précités.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 7321-1 du Code du travail
L'application des dispositions de l'article L. 7321-1 du Code du travail, est liée à la qualité de gérant de succursale telle que définie par l'article L. 7321-2 du même Code selon lequel :
" Est gérant de succursale toute personne :
1° Chargée, par le chef d'entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;
2° Dont la profession consiste essentiellement :
a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ;
b) Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise. "
Ces dispositions visent deux types d'activité : la vente à titre professionnel de marchandises d'une part, la prestation de service d'autre part. L'activité doit être exercée à titre professionnel.
En l'espèce, le contrat de franchise liant la SARL Subway International BV à Madame Aïda Benhalouche, vise l'exploitation d'un " restaurant " offrant principalement à la vente des sandwiches et des salades commercialisés sous le nom commercial et la marque de service " Subway " (voir contrat de franchise " Préambule ") qui constitue indéniablement une activité professionnelle, dont la vente de sandwiches et salades constitue l'essentiel de l'activité.
Trois conditions cumulatives sont requises dans le cas d'une activité de vente de marchandises pour que la qualité de gérant de succursale soit retenue :
la fourniture des marchandises exclusivement ou quasi exclusivement par l'entreprise contractante ;
l'exercice de l'activité dans un local fourni ou agréé par cette entreprise ;
des conditions de vente et des prix imposés par cette entreprise.
La condition liée à l'exercice de l'activité dans un local fourni ou agréé par cette entreprise est acquise et expressément admise par la SARL Subway International BV dans ses écritures (" le conseil des prud'hommes a considéré à bon droit que cette condition était remplie ").
S'agissant de la fourniture exclusive, cette condition est remplie lorsque les marchandises proviennent soit de l'entreprise contractante soit d'une société intégrée au groupe contrôlé par l'entreprise contractante. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 23 juin 2015 n° de pourvoi: 13-26361).
En l'occurrence le processus d'approvisionnement décrit par Madame Aïda Benhalouche est le suivant : la société Subway sélectionne ses fournisseurs par type de produit en fonction de critères de qualités et normes de spécification prédéterminés par elle (programme Gold Standart pour les produits alimentaires), cette clause de restriction d'approvisionnement s'appliquant aussi bien aux " marchandises " (produits alimentaires) qu'aux biens, matériels et produits d'équipement.
Ces produits sont acquis par une centrale d'achats exclusivement auprès des fournisseurs sélectionnés et revendus aux franchisés.
En l'occurrence deux centrales d'achats existent pour la France, la société SLR (80 des approvisionnements de Madame Aïda Benhalouche) et la société Pomona (20 % des approvisionnements correspondant aux achats de produits frais : légumes fruits). Ce processus excluant la fourniture des marchandises par l'entreprise contractante elle-même, il importe de déterminer si la fourniture des marchandises est assurée par " une société intégrée au groupe contrôlé par l'entreprise contractante ".
A cet égard, il ressort du contrat de vente de marchandises conclu entre la SLR et l'EURL Subway du Palais (dont la gérante est Madame Aïda Benhalouche) que la SLR France qui est une société spécialisée dans les prestations logistiques, l'entreposage, la gestion des stocks et la préparation de commandes dans le domaine alimentaire, s'est engagée à ne s'approvisionner qu'auprès des fournisseurs agréés par Subway en échange de quoi elle bénéficie d'une exclusivité pour l'approvisionnement des franchisés Subway sur le territoire français (voir article 3 du contrat de vente : " SLR France bénéficie d'une exclusivité sur le territoire pour l'approvisionnement en produits en conséquence de quoi en signant le présent contrat avec SLR France, le franchisé s'interdit de s'approvisionner directement ou indirectement en produits auprès d'un autre fournisseur ") la seule exception étant constituée par l'approvisionnement en légumes que n'assure pas la SLR France, ces produits étant exclusivement fournis par la société Pomona. Le préambule du contrat précise encore que EIPC, qui est " l'organisme de liaison entre SLR France et Subway " dont le siège est en Angleterre " fournit à SLR France la liste des franchisés Subway sur le territoire français ainsi que les fournisseurs agréés les conditions d'achat de produits et toute information commerciale nécessaire au bon approvisionnement des " restaurants " Subway ".
Il importe enfin de relever que lorsque la SARL Subway International BV a décidé de mettre fin au contrat de franchise de Madame Aïda Benhalouche la SLR France a " reçu l'ordre de Subway " de ne plus l'approvisionner ce qu'elle a fait (pièce n° 33 de Madame Aïda Benhalouche).
Cependant, une société n'appartient à un groupe que si elle dépend d'une société dominante qui, soit possède directement ou indirectement plus de la moitié de son capital social, soit la contrôle effectivement et forme avec elle un même ensemble économique. Or si l'organisation décrite révèle un système d'exclusivité réciproque totalement contrôlé par Subway pour l'approvisionnement de ses franchisés, il n'est ni démontré ni même soutenu que le groupe Subway détient plus de la moitié du capital social de la SLR France ni que la SLR France limite son activité à l'approvisionnement des restaurants Subway.
La société SLR France assurant 80 % des fournitures de marchandises, la condition d'approvisionnement exclusif ou quasi exclusif par l'entreprise contractante ou par une société intégrée au groupe Subway n'est pas remplie.
Concernant ensuite la condition relative aux conditions de vente imposées par la société Subway le contrat de franchise stipule :
" Vous devrez exploiter le restaurant conformément au manuel d'exploitation pour lequel nous vous avons accordé une licence (Manuel d'Exploitation) " et qui contient des prescriptions obligatoires et des suggestions ainsi que les normes et procédures d'exploitation lesquelles pourront être réactualisées à tout moment en fonction de l'expérience acquise ou par suite de changements intervenus dans la législation ou sur le marché. Vous devrez effectuer ou faire effectuer à vos frais toutes les modifications nécessaires pour respecter les prescriptions du manuel d'exploitation (...).
" Au cas où vous n'exploiteriez pas le restaurant conformément au manuel d'exploitation nous sommes en droit de résilier le présent contrat ".
Comme l'a relevé le premier juge ces conditions d'exploitation sont strictement contrôlées par la société Sub Aquitaine.
Toutefois, l'obligation pour le franchisé de respecter des normes imposées par le franchiseur est de l'essence même du contrat de franchise et la contrepartie de la notoriété de la marque dont bénéficie le franchisé. Pour autant, le franchisé doit bénéficier d'une réelle autonomie dans l'exploitation et la gestion du fonds et les relations avec la clientèle.
A cet égard, Madame Aïda Benhalouche évoque le contrôle opéré par la société Subway sur les fonds musicaux diffusés dans l'enceinte de l'établissement, l'obligation de revêtir une tenue vestimentaire agréée par Subway et l'absence de toute autonomie dans le choix des horaires d'ouverture.
Les contraintes vestimentaires découlant du port d'un uniforme, et les observations sur l'uniformité des fonds musicaux au demeurant anecdotiques, relèvent de l'identification à la marque et ne portent pas atteinte à l'autonomie du franchisé dans l'exploitation et la gestion du fonds dès lors qu'ils restent proportionnés aux objectifs poursuivis. Au demeurant, les observations relatives à l'atteinte aux libertés individuelles constituée par l'obligation de revêtir un uniforme ne relèvent pas du débat afférent à la détermination de la qualité de gérant de succursale.
S'agissant des contrôles périodiques effectués par la société Sub Aquitaine, il importe d'observer qu'à plus de 90 % les observations relevées concernent le respect des normes en matière d'hygiène (température excessive, état des toilettes, nettoyage du réfrigérateur, désordre, présence d'insectes...) de sécurité et d'identification des produits à la qualité défendue par la marque (produits pas ou trop cuits, peu appétissants, ne respectant pas les règles de présentation...).. Il est en revanche remarquable de souligner que les contrôles opérés ne portent ni sur la gestion du personnel (embauche, exercice du pouvoir disciplinaire, licenciement), ni sur les relations avec la clientèle (hormis la vérification de " l'image " identifiée à la vente des produits Subway) ni sur les horaires d'ouverture. A cet égard, l'affirmation selon laquelle Subway aurait imposé à Madame Aïda Benhalouche " une présence obligatoire de 98 heures " n'est étayée par aucune pièce. Les comptes rendus d'évaluation n'évoquent à aucun moment la présence de Madame Aïda Benhalouche dans le restaurant mais seulement des amplitudes d'ouverture de l'établissement pour lesquelles sont formulées:
soit de simples constatations (pièce n° 67 : " avec les heures d'été le restaurant est maintenant ouvert plus de 98 heures dans la semaine ") ;
soit au signalement de discordances entre les heures d'ouverture annoncées et les horaires réellement pratiqués sans immixtion dans la détermination de ces horaires (pièce n° 68 : " nous sommes passés lundi 21 décembre au restaurant et avons constaté que votre restaurant était fermé ". Une affiche sur l'entrée indiquait : " fermeture exceptionnelle à 14h30 " sans autre remarque) (" le restaurant n'était pas ouvert au public à 10h et le restaurant n'était prêt qu'à servir qu'à 10h45. De plus vous annoncez sur la porte à vos clients que vous ouvrez à 7h30...de plus votre WISR montre que vous totalisez seulement 85 heures de présence de salariés ".) Aucune des pièces produites n'établit que ces remarques aient été suivies de sanctions ou aient suscité des directives impératives.
Au demeurant, les sociétés Subway produisent des pièces non-contestées qui démontrent que tout en étant préconisée, l'amplitude horaire de 98 heures d'ouverture par semaine est loin d'être uniforme le tableau produit par les intimés révélant des écarts de 60 à 168 heures par semaine.
S'agissant en troisième lieu des " quotas " irréalistes prétendument exigés par la société Subway, ils ne présentent rien d'impératif mais sont formulés sous forme de conseils et de préconisations dans le but d'aider le gérant du " restaurant " à parvenir à un équilibre économique (pièce n° 70 : " le CA effectué ces 8 dernières semaines est encore bas par rapport aux expectatives. En effet un CA de 5 000 euro par semaine te soulagerait et te permettrait de générer de la trésorerie. Cela représente environ 600 clients par semaine ou 85 clients par jour, ce qui n'est pas insurmontable sachant que la majorité du business se fait le midi il te faut environ 70 clients entre 12h et 14h " suivent des propositions pour " attirer le client ") (pièce n° 71 : " j'aimerais que tu te fixes les objectifs par rapport aux tendances des ventes. Nous avions fixé 5 000 euro par semaine de CA HT pour le printemps " qui atteste que ces " quotas " d'objectif sont fixés en accord avec le franchisé).
Quant aux prix prétendument imposés, le premier juge a souligné à juste titre que l'article 5 iv du contrat garantit la liberté du franchisé de fixer les prix de vente des biens et services, que les prix des sandwiches variaient d'un " restaurant " à l'autre et que les remarques faites à Madame Aïda Benhalouche dans le cadre des comptes rendus d'évaluation, lorsqu'elle n'appliquait pas les prix pratiqués constituaient de simples recommandations formulées pour permettre à l'exploitante de parvenir à un équilibre financier, dans le cadre de la mission d'assistance du franchisé (pièce n°83 : " pour revenir sur le pricing général du magasin, je te reconfirme que tes prix sont trop bas amenant ton food cost au-dessus de la normale et te faisant perdre du CA "). Il importe également d'observer que ces observations ne sont suivies ni de directives ni a fortiori de sanctions, contrairement à ce qu'affirme Madame Aïda Benhalouche sans en rapporter la preuve.
Les nouveaux éléments produits par Madame Aïda Benhalouche ne contredisent pas les motifs retenus par le conseil des prud'hommes. Ainsi, le document intitulé " Politique tarifaire se limite à fixer un tarif maximum et pour le reste ne comporte que des fourchettes de " prix de vente conseillés ".
S'agissant des opérations publicitaires lancées au niveau national autour d'un produit (telle l'opération " Sub du jour à 2.90 euro ") dont se prévaut Madame Aïda Benhalouche, et dont il importe de relever qu'elles correspondent à des " augmentations " de tarifs, elles ne sont pas significatives d'une intervention de Subway dans la fixation des prix par les franchisés dès lors que ce prix, qui ne concerne qu'un seul produit " phare " parmi toute une gamme de produits et " formules " proposés dans les " restaurants " Subway, ne constitue qu'un plafond certes recommandé mais non impératif comme le démontre la correspondance électronique produite par Madame Aïda Benhalouche (pièce n° 78 : message de l'un des franchisés Subway, qui en dépit de cette opération a proposé son " Sub du jour à 2.50 euro " et s'est néanmoins attiré les félicitations de Subway France : " Voici une excellente initiative de Patrick pour le lancement de l'uniformisation des " Subs du jour à 2.90 euro comme convenu ensemble il y a qqs mois "... qui relativise quelque peu la portée du terme " uniformisation ").
Quant au " compte rendu de réunion du 9 juin 2008 ", le message relatif à la politique de prix ne comporte que des avis et recommandations exprimés à la suite de propositions apparemment faites dans ce but par un franchisé et n'est donc pas significatif d'une fixation des prix par la société Subway.
Les intimées versent d'ailleurs au débat plusieurs attestations de franchisés Subway dont il ressort qu'ils décident librement de la politique de prix à appliquer dans leurs fonds de commerce.
Il en découle que les conditions requises pour l'application de l'article L. 7321-1 du Code du travail ne sont pas réunies en sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Madame Aïda Benhalouche de sa demande de ce chef.
A toutes fins utiles et au regard de la formulation de certaines demandes de l'appelante (" Madame Aïda Benhalouche doit être assimilée à un salarié ") il importe de relever que le lien de subordination caractérisant le contrat de travail n'est pas plus démontré que ne l'est la gérance de succursale ne serait-ce qu'en raison de l'autonomie, démontrée, dont bénéficiait Madame Aïda Benhalouche dans l'exploitation du fonds dont elle était propriétaire (autonomie dans la gestion salariale, libre fixation des prix et horaires d'ouverture...). Il y a donc lieu de débouter l'appelante de l'ensemble des prétentions afférentes à l'application en sa faveur des dispositions du Code du travail et du Code de la sécurité sociale applicables aux personnes ayant la qualité de gérants de succursales.
S'agissant enfin de la rupture du contrat de franchise, il y a lieu de constater que ses modalités et conséquences ont déjà été appréciées par le tribunal arbitral (" American Dispute Resolution Center ") qui s'est prononcé.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il appartient à Madame Aïda Benhalouche qui succombe de supporter la charge des dépens de l'instance et de verser aux SARL Subway International BV et SARL Subway Reality of France une indemnité de procédure de 500 euro (soit 250 euro pour chacune de ces sociétés).
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe et en dernier ressort, Infirme le jugement du Conseil des prud'hommes de Pau en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de Madame Aïda Benhalouche relatives à la nullité de la clause de non-concurrence figurant au contrat de franchise à la participation de Madame Aïda Benhalouche aux fruits de l'expansion et à la désignation d'un expert judiciaire aux fins d'examiner la comptabilité de la SARL Subway International BV, Le Confirme pour le surplus, Déboute Madame Aïda Benhalouche de l'intégralité de ses prétentions, Condamne Madame Aïda Benhalouche aux dépens de l'instance et à payer à la SARL Subway International BV et à la SARL Subway Reality of France une indemnité de procédure de 500 euro (cinq cents euros) à répartir par moitié entre elles, Dit que les dépens seront recouvrés en la forme prévue en matière d'aide juridictionnelle.