CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 décembre 2015, n° 13-12195
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Thorel
Défendeur :
Rent a Car (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Nicoletis, Mouthon Vidilles
Avocats :
Mes Montacie, Berger
FAITS ET PROCEDURE
En 2006, la société Agora Loc ayant pour activité la location de véhicules utilitaires et de tourisme, détenue à hauteur de 42 % par M. Jean-Luc Thorel qui en est également le gérant, et dont le siège social est à Salon de Provence, a souhaité intégrer le réseau de franchise de la société Rent a Car. Un contrat de franchise avec exclusivité territoriale a été conclu le 20 octobre 2006.
Des redevances demeurant impayées, le 16 octobre 2008, la société Rent a Car a résilié le contrat de franchise.
Invoquant des préjudices subis du fait des manquements contractuels de la société Rent a Car, M. Thorel l'a assignée, par exploit du 22 févier 2011, en indemnisation devant le Tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 21 décembre 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a :
Déclaré recevable l'action formée par M. Jean-Luc Thorel à l'encontre de la société Rent a Car,
Débouté M. Jean-Luc Thorel de l'ensemble de ses demandes,
Condamné M. Jean-Luc Thorel à payer à la société Rent a Car la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné M. Jean-Luc Thorel aux entiers dépens.
Vu l'appel interjeté par M. Jean-Luc Thorel le 18 juin 2013,
Vu les dernières conclusions signifiées par M. Jean-Luc Thorel le 13 septembre 2013 aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
Infirmer dans son intégralité le jugement en date du 21/12/2012 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris.
Dire que la société Rent a Car a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Agora Loc.
Dire que ces manquements ont causé un dommage personnel et direct à M. Thorel.
Condamner la société Rent a Car à verser à M. Thorel la somme de 100 126 euro au titre de son préjudice matériel,
Condamner la société Rent a Car à verser à M. Thorel la somme de 60 000 euro au titre de son préjudice moral,
Condamner la société Rent a Car à verser à M. Thorel la somme de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Jacques Montacie, avocat, en son affirmation de droit.
Vu l'absence de signification de conclusions de la société Rent a Car qui a constitué avocat,
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 septembre 2015. L'affaire a été plaidée le 14 octobre 2015 et les parties ont été avisées qu'elle était mise en délibéré au 2 décembre 2015, date à laquelle la présente décision a été rendue par mise à disposition au greffe.
Sur ce
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 472 du Code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés ;
Considérant que pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris, M. Thorel fait valoir que le franchiseur a commis de graves manquements à ses obligations contractuelles qui ont occasionné la liquidation de la société et lui ont fait subir personnellement et directement un préjudice économique et un préjudice moral dont il demande l'indemnisation ;
Considérant qu'à titre liminaire, la cour constate que M. Thorel qui soutient que l'accumulation de graves difficultés économiques a conduit la société Agora Loc à la cessation des paiements puis à sa liquidation et que celle-ci a été radiée le 22 mars 2010, ne produit aucun document au soutien de ses affirmations ;
Sur le manquement du franchiseur à son obligation d'assistance, de collaboration et de conseil
Considérant que M. Thorel fait valoir que le franchiseur n'a jamais analysé les rapports périodiques de la société Agora Loc au mépris des dispositions de l'article 10.3 du contrat de franchise qui prévoit une obligation d'assistance, caractérisée d'obligation essentielle, en disposant que " Le franchiseur analyse les rapports périodiques de contrôle et d'informations qui lui sont remis par le Franchisé. Il informera périodiquement le Franchisé de tout manquement contraire à une exploitation efficace de son agence ... " ; qu'il considère que l'inertie dont le franchiseur a fait preuve est en lien avec la mauvaise exploitation du franchisé ;
Considérant toutefois qu'il ne produit aux débats aucun des rapports périodiques de contrôle et d'informations qui auraient été adressés par la société Agora Loc à la société Rent a Car et que selon ses dires, cette dernière n'aurait pas analysé au mépris de ses obligations contractuelles ; que de même, aucun document concernant l'inefficacité, alléguée, de l'exploitation qui aurait dû alerter le franchiseur, n'est communiqué ; qu'au surplus, comme l'ont relevé les premiers juges, M. Thorel ne démontre pas qu'en sa qualité de gérant de la société, il ait sollicité l'aide ou le conseil de la société Rent a Car ; que dès lors, le manquement invoqué à ce titre n'est pas établi et que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
Sur le manquement du franchiseur à son obligation d'effectuer un audit exceptionnel
Considérant que M. Thorel soutient également que la société Rent a Car aurait manqué à son obligation contractuelle prévue à l'article 17.2 du contrat d'effectuer un audit exceptionnel en cas de non-réalisation des objectifs minima prévus à l'annexe 3 ;
Considérant qu'il ressort des factures de loyers émises par la société Rent a Car pour les années 2007 et 2008 que les objectifs de pénétration du marché par la mise à disposition d'un minimum de véhicules n'ont effectivement pas été réalisés ;
Considérant qu'il n'est pas établi que la société Rent a Car a procédé à un audit exceptionnel prévu contractuellement dans cette hypothèse ; que le manquement à ce titre aux obligations contractuelles est avéré ;
Sur le manquement du franchiseur à son obligation d'animation du réseau
Considérant que M. Thorel fait également valoir que le contrat de franchise prévoie à l'article 16.2 que le franchiseur pourra organiser des réunions périodiques tout le long de l'année et qu'en outre, une réunion, dite convention nationale, réunissant tous les membres du réseau sera organisée une fois par an et que la société Rent a Car n'a organisé aucune réunion ni aucune convention nationale ;
Considérant qu'aucun document n'est produit aux débats établissant que la société Rent a Car a satisfait aux obligations dont elle était redevable à ce titre ;
Considérant dès lors que les deux manquements reprochés sont établis ;
Considérant toutefois que l'allocation de dommages et intérêts ne constitue pas la sanction d'une faute mais la réparation d'un préjudice en lien direct avec cette faute et qu'il appartient à M. Thorel de justifier d'un préjudice personnel distinct de celui subi par la société et en lien direct avec les manquements contractuels constatés ;
Considérant que M. Jean-Luc Thorel soutient avoir un subi un préjudice économique personnel et direct en ce qu'il a dû se porter caution solidaire du prêt consenti à la société Agora Loc, emprunter auprès de la société Sofinco pour financer son investissement dans la société et enfin, abandonner son compte courant ; qu'il ajoute avoir subi également un préjudice moral compte tenu du fait qu'il a dû se débrouiller seul sans aucune assistance ni conseil du franchiseur et qu'il a été très affecté par le projet d'implantation d'une agence MDL sur le territoire qui lui avait été contractuellement réservé de sorte qu'il aurait perdu le sommeil et son équilibre psychologique et a fini par se brouiller avec toute sa famille, divorcer et racheter les parts sociales de son frère ;
Considérant que d'une part, le recours à un emprunt personnel lors de la création de la société et l'engagement de caution solidaire des engagements de la société envers un prêteur ne sont la conséquence que de la décision de M. Thorel d'investir dans la société et de sa désignation en qualité de gérant ; que ces obligations sont sans lien aucun avec les inexécutions du franchiseur constatées ci-dessus ; qu'en outre, aucune pièce n'atteste qu'il ait été poursuivi en sa qualité de caution et ait dû exécuter son engagement ; qu'enfin, s'agissant de l'abandon du compte courant, M. Thorel qui ne produit aucun document relatif aux difficultés financières qu'aurait rencontrées la société, ne justifie aucunement que les manquements du franchiseur en soient à l'origine ;
Considérant par ailleurs, que comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le projet d'implantation d'une agence MDL n'a pas été mené à son terme compte tenu notamment de l'opposition de M. Thorel à une telle implantation ; que dès lors, il sera débouté de sa demande en indemnisation tant du préjudice économique que du préjudice moral et le jugement entrepris sera confirmé en intégralité ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et y ajoutant, Condamne M. Thorel aux dépens de l'appel.