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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 14 octobre 2015, n° 15-00811

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Soule (Epoux)

Défendeur :

Sofemo (SA), Selarl MJ Synergie (ès qual.), Carolina (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lottin

Conseillers :

Mme Girard, M. Samuel

Avocats :

Mes Morel, Bobee, Cardon

TGI Le Havre, du 15 janv. 2015

15 janvier 2015

Par acte du 7 novembre 2010, Jean-Louis Soulé et Isabelle Auger épouse Soulé (ci-après désignés les époux Soulé) ont conclu un contrat de vente avec la société Carolina portant sur la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques à leur domicile pour la somme de 24 500 euro, travaux financés à l'aide d'un prêt du même montant conclu auprès de la société Sofemo le même jour.

Les travaux ont été réalisés au mois de décembre 2010 et ont été entièrement réglés par le prêteur. À la suite de la pose desdits panneaux, les époux Soulé ont reçu, par courrier du 14 avril 2011, une proposition de raccordement au réseau électrique de la part d'ERDF, moyennant le paiement de la somme de 11 897,15 euro, montant que les époux Soulé n'ont pu financer.

La société Carolina a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Saint Etienne du 25 janvier 2012 et se trouve désormais représentée par la SELARL MJ Synergie, mandataire liquidateur.

Après des démarches effectuées auprès de l'association " Que Choisir " en août 2011, par actes des 30 août et 3 septembre 2013, les époux Soulé ont assigné la SELARL MJ Synergie et la société Sofemo devant le Tribunal de grande instance du Havre afin d'obtenir l'annulation du contrat de vente des panneaux photovoltaïques pour dol et, en conséquence, du contrat de financement affecté.

Par jugement rendu le 15 janvier 2015, le Tribunal de grande instance du Havre a débouté les époux Soulé de leurs demandes, les a condamnés à payer à la société Sofemo la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les a condamnés aux dépens.

Les époux Soulé ont relevé appel de la décision le 18 février 2015.

Dans leurs dernières conclusions du 18 juin 2015 auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet des moyens qui seront examinés dans les motifs de l'arrêt, les époux Soulé sollicitent de la cour de :

À titre principal,

Dire que le consentement des époux Soulé a été surpris par le dol de la société Carolina,

À titre subsidiaire,

Dire que la société Carolina a manqué à son devoir d'information concernant les caractéristiques essentielles des biens vendus ainsi que le coût de raccordement des panneaux photovoltaïques au réseau ERDF,

En tout état de cause,

Annuler le contrat conclu le 7 novembre 2010 entre Madame Soulé et la société Carolina concernant la vente, la fourniture et la pose des panneaux photovoltaïques,

Remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient préalablement à la souscription du contrat,

Fixer judiciairement la créance de 24 500 euro des époux Soulé au passif de la société Carolina,

Leur donner acte de ce qu'ils tiennent à la disposition de la SARL MJ Synergie es qualité de liquidateur de la société Carolina les panneaux photovoltaïques litigieux à charge pour elle de les déposer et de les enlever,

Les autoriser à mettre en décharge publique lesdits panneaux à défaut de leur reprise par la SELARL MJ Synergie dans un délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir,

En conséquence de quoi,

Annuler le contrat de financement affecté au contrat de vente, passé entre les époux Soulé et la société Sofemo,

Dire que la société Sofemo a commis une faute dans la délivrance des fonds et n'y avoir lieu pour les époux Soulé de restituer le capital prêté,

Condamner la société Sofemo au paiement de la somme de 10 099,94 euro au titre des mensualités réglées arrêté au 15 avril 2015, outre 246,34 euro par mois jusqu'au prononcé de la décision à intervenir,

Condamner solidairement la SELARL MJ Synergie et la société Sofemo au paiement de la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Dubosc Preschez Chanson Missoty Morel, avocats au barreau du Havre.

Dans ses dernières conclusions du 2 septembre 2015 auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet des moyens qui seront examinés dans les motifs de l'arrêt, la société Sofemo sollicite de la cour de :

Confirmer le jugement,

Subsidiairement, en cas d'annulation du contrat principal et, ce faisant, du contrat de crédit,

Condamner les époux Soulé à lui payer la somme de 24 500 euro correspondant au capital prêté, dont à déduire les remboursements effectués,

Condamner les époux Soulé à lui payer une somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,

Condamner les époux Soulé en tous les dépens.

La SELARL MJ Synergie, mandataire liquidateur de la société Carolina, à qui la déclaration d'appel et les conclusions des époux Soulé ont été régulièrement signifiées par acte déposé en l'étude de l'huissier le 15 mai 2015, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2015.

SUR CE :

Sur le contrat intervenu entre les époux Soulé et la société Carolina

Les époux Soulé reprochent à la décision déférée de les avoir déboutés de leur demande en annulation du contrat de vente pour dol alors que, selon eux, le fait pour la société Carolina de ne pas les avoir renseignés quant au coût de raccordement est constitutif d'une réticence dolosive, entraînant l'annulation du contrat de vente.

En application de l'article 1116 du Code civil, " Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ".

Il résulte des stipulations du contrat signé le 7 novembre 2010 que :

" À l'issue de l'installation, l'acheteur s'engage à effectuer le règlement de son raccordement au réseau de transport électrique (RTE), sauf mention contraire figurant sur le bon de commande.

Le raccordement de l'installation du matériel au réseau public d'électricité (EDF) ou aux réseaux exploités par les Entreprises Locales de Distribution (ELD) est de l'entière responsabilité d'EDF et des ELD.

Les travaux de raccordement de l'installation au réseau restent à la charge de l'acheteur et seront effectués par lui, celui-ci étant le seul contractant d'EDF ou des ELD. "

Dès lors, à l'appui de leur demande en annulation du contrat de vente pour dol, il appartient aux époux Soulé de prouver les manœuvres constitutives de dol effectuées intentionnellement dans le but de les tromper aux fins de les déterminer à contracter.

Il est constant que la société Carolina, vendeur et installateur professionnel, n'a pas informé les époux Soulé, clients profanes, de l'importance du coût prévisible du raccordement de l'installation du matériel au réseau public d'électricité.

En outre, la société Carolina, qui a proposé aux époux Soulé de souscrire le contrat de crédit affecté auprès de la société Sofemo, savait pertinemment que ceux-ci empruntaient l'intégralité de la somme destinée à l'installation de panneaux photovoltaïques. Dès lors, elle ne pouvait ignorer que les époux Soulé n'auraient pas contracté s'ils avaient connu l'importance du coût supplémentaire des indispensables travaux de raccordement de l'installation au réseau public d'électricité, dans la mesure où ce coût est important puisqu'il représente près de la moitié du coût de la fourniture et de la pose de panneaux photovoltaïques.

Par conséquent, en omettant de révéler aux époux Soulé l'importance du coût des travaux de raccordement, la société Carolina a sciemment et volontairement caché une information économique essentielle et déterminante du consentement des acquéreurs, lequel a été ainsi vicié par réticence dolosive de la venderesse.

Il sera en conséquence fait droit à la demande en annulation du contrat de vente, la décision entreprise sera infirmée de ce chef.

En raison de l'annulation du contrat de vente, il y a lieu de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient préalablement à la souscription du contrat et les époux Soulé devront restituer à la SARL MJ Synergie es qualité de liquidateur de la société Carolina les panneaux photovoltaïques litigieux, à charge pour celle-ci de les déposer et de les enlever dans un délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt, délai à partir duquel les époux Soulé seront autorisés à mettre en décharge publique lesdits panneaux, à défaut de leur reprise par la SELARL MJ Synergie.

Enfin, il convient de fixer judiciairement la créance de 24 500 euro des époux Soulé au passif de la société Carolina.

Sur le contrat intervenu entre les époux Soulé et la société Sofemo

Les époux Soulé sollicitent l'annulation du contrat de financement affecté.

L'annulation judiciaire du contrat principal de vente et d'installation des panneaux photovoltaïques entraîne l'annulation de plein droit du contrat de crédit accessoire, en application des dispositions de l'article L. 311-21 du Code de la consommation ; la décision déférée sera dès lors infirmée de ce chef.

En conséquence de cette annulation de plein droit, hors le cas d'une faute du prêteur dans la remise des fonds prêtés, il appartient aux emprunteurs de rembourser au prêteur le capital prêté.

Les époux Soulé font valoir que le prêteur a commis une faute en ne s'étant pas assuré, avant de délivrer les fonds au vendeur, que celui-ci avait exécuté ses obligations puisque le raccordement au réseau ERDF n'était pas effectué.

La société Sofemo, quant à elle, fait valoir qu'elle n'avait pour obligation que de s'assurer que la livraison de l'installation, la prestation de raccordement étant extérieure au contrat conclu avec la société Carolina.

Il résulte des pièces versées aux débats une " attestation de livraison et d'installation - demande de financement " signée par Isabelle Soulé le 21 décembre 2010 et qui porte la mention manuscrite suivante de celle-ci : " Je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises. Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés. En conséquence, je demande à Sofemo de bien vouloir procéder au décaissement de ce crédit et d'en verser le montant directement entre les mains de la SARL Carolina ". De même a été produite l'" attestation de fin de travaux ", également signée par Isabelle Soulé.

Il est constant que le raccordement était formellement exclu de la prestation de la société Carolina, aux termes du contrat de vente et de pose des panneaux photovoltaïques, de telle sorte que la société Sofemo n'avait pas à en vérifier l'existence.

Dès lors, la société Sofemo n'a pas commis de faute et les époux Soulé seront déboutés de leurs demandes à l'encontre de Sofemo en remboursement des mensualités versées et condamnés à lui rembourser la somme de 24 500 euro correspondant au capital prêté, dont à déduire les remboursements déjà effectués.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

La décision entreprise sera également infirmée de ces deux chefs. Les époux Soulé ainsi que la société Sofemo seront déboutés de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. La SELARL MJ Synergie ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Carolina supportera les dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, Infirme le jugement du tribunal de grande instance du Havre rendu le 15 janvier 2015 en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Prononce l'annulation du contrat signé le 7 novembre 2010 entre Jean-Louis Soulé et Isabelle Auger épouse Soulé, d'une part et la société Carolina, d'autre part, portant sur la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, Dit que les époux Soulé devront restituer à la SARL MJ Synergie, es qualité de liquidateur de la société Carolina les panneaux photovoltaïques litigieux, à charge pour celle-ci de les déposer et de les enlever dans un délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt, délai à partir duquel les époux Soulé seront autorisés à mettre en décharge publique lesdits panneaux, à défaut de leur reprise par la SELARL MJ Synergie, Fixe la créance des époux Soulé au passif de la société Carolina, à la somme de 24 500 euro, Dit que le contrat de crédit accessoire intervenu entre les époux Soulé et la société Sofemo est annulé de plein droit, Déboute les époux Soulé de leurs demandes à l'encontre de Sofemo en remboursement des mensualités versées, Condamne les époux Soulé à rembourser à la société Sofemo la somme de 24 500 euro correspondant au capital prêté, dont à déduire les remboursements déjà effectués Déboute les époux Soulé ainsi que la société Sofemo de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SELARL MJ Synergie ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Carolina aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats en ayant fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.