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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 19 novembre 2015, n° 14-00888

CAEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mauffrais

Défendeur :

Société de Construction du Pavillon Montois (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mmes Beuve, Boissel Dombreval

Avocats :

Mes Thill, Balavoine, Briand, SCP Marion Leroux Sibillotte English

T. com. Coutances, du 7 févr. 2014

7 février 2014

Exposé du litige

Par acte sous seing privé en date du 14 mars 2009 la société de construction du pavillon montois (Socopam) a conclu avec M. Alain Mauffrais un contrat d'agent commercial pour une durée indéterminée prenant effet à compter du 14 mars 2009.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 février 2010 la Socopam a rompu le contrat en raison des propos tenus par M. Mauffrais sur l'organisation de la société et de ses collègues traités d'incompétents dans un message téléphonique du 15 février précédent.

Par acte d'huissier en date du 8 janvier 2013 M. Mauffrais a assigné la Socopam devant le Tribunal de commerce de Coutances en paiement des indemnités compensatrices des préjudices qu'il alléguait subir.

Par jugement en date du 7 février 2014 assorti de l'exécution provisoire ce tribunal a condamné la Socopam à payer à M. Mauffrais la somme de 2 924 euro au titre du solde de son indemnisation, celle de 900 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, l'a débouté de ses autres demandes et a condamné la Socopam aux dépens.

Le 17 mars 2014 M. Mauffrais a relevé appel de cette décision.

Dans des conclusions remises au greffe le 23 juillet 2014 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés la Socopam demande à la cour de débouter M. Mauffrais de toutes ses demandes, subsidiairement confirmer le jugement déféré en ce qu'il a limité à 2 924 euro le montant de l'indemnité de rupture de M. Mauffrais et l'a débouté de ses demandes en paiement de rappel de commissions et de dommages et intérêts pour préjudice moral, condamner M. Mauffrais à 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Dans des conclusions récapitulatives remises au greffe le 12 juin 2015 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés M. Mauffrais demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'absence de faute grave, l'infirmer quant à l'indemnisation, condamner Socopam à lui payer les sommes de 32 094 euro HT au titre des commissions dues à M. Mauffrais, 179 180 euro HT au titre de l'indemnité de rupture, 200 000 euro au titre du préjudice moral et ce avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2010, 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 septembre 2015.

Motifs de la décision

L'article L. 134-12 du Code de commerce reconnaît à l'agent commercial, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, le droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi dont le prive l'article L. 134-13 du même Code en cas de faute grave.

Ces dispositions sont reprises à l'alinéa 4 de l'article 10 du contrat d'agent commercial conclu le 14 mars 2009 par les parties.

En l'espèce il n'est pas discuté que dans un message téléphonique adressé le 15 février 2010 à M. X, président de la Socopam, M. Mauffrais a critiqué l'organisation de la société et de ses collègues notamment traités d'incompétents.

M. Mauffrais indique lui-même dans ses conclusions que son message mettait particulièrement en cause le métreur effectuant le chiffrage des dossiers dont il assurait la commercialisation.

Le caractère fautif de ce message a été admis par M. Mauffrais qui indiquait à M. X avoir " pété les plombs en vous adressant ce mail absurde le 15 février dernier " dans un mail du 4 mars suivant.

Cette faute unique dont les manifestations sont restées internes à l'entreprise et sans incidence vis-à-vis de ses partenaires extérieurs ne revêt pas le caractère de gravité exigé par l'article L. 134-13 du Code de commerce pour priver M. Mauffrais de l'indemnité compensatrice auquel il est en droit de prétendre en application de l'article L. 134-12 du même Code.

L'assiette de calcul de cette indemnité est constituée par les commissions perçues par l'agent commercial au cours de son mandat.

L'article 7 du contrat d'agent commercial prévoit que " Dans tous les cas le fait générateur de la commission sera constitué par la facturation correspondante par le mandant. Les commissions sont dues sur les affaires qui auraient dû être signées au cours de la même période et qui ne l'ont pas été pour des raisons imputables au mandant ".

En l'espèce M. Mauffrais réclame une somme de 32 094 euro HT au titre des commissions qui lui resteraient dues dans quatre dossiers 1, 2, 3 et 4 en faisant valoir " qu'il s'agit d'affaires qui auraient dû être signées au cours du contrat mais qui ne l'ont pas été pour des raisons imputables à son mandant : la société Socopam ".

Mais les époux 1 et 2 indiquent avoir conclu le contrat avec une société concurrente de la Socopam sans que rien dans leurs attestations n'établisse que les agissements de la Socopam ont déterminé ce choix.

De même il ne ressort d'aucune des pièces produites que l'appelant s'apprêtait à conclure un contrat avec les époux 3 et n'y serait pas parvenu du fait de son mandant, la lettre de l'appelant datée du 3 avril 2010 produite au soutien de cette affirmation étant dépourvue de valeur probante dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même.

En fin le contrat 4 ayant été signé le 24 juillet 2012 soit deux ans et demi après la fin de son contrat M. Mauffrais ne peut prétendre avoir oeuvré à sa conclusion et réclamer la commission correspondante.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. Mauffrais de sa demande en paiement de la somme de 32 094 euro HT.

Destinée à compenser le préjudice subi par l'agent commercial du fait de la résiliation du contrat l'indemnité compensatrice doit être ajustée à ce préjudice et n'est pas nécessairement calculée sur la base de deux ans de commission.

M. Mauffrais qui l'affirme, ne prouve pas que la rupture du contrat était en réalité motivée par les difficultés financières de son mandant qui voulait fermer l'agence de Lamballe qu'il lui avait confiée ou par le souhait de la Socopam de se séparer " d'un agent commercial en trop " après la reprise de son travail par M. Y qu'il aurait remplacé pendant un arrêt de travail pour cause de maladie.

Par conséquent il n'est pas démontré que la rupture était fondée sur des motifs totalement étrangers à l'agent commercial ou à son activité.

En l'espèce le contrat de M. Mauffrais dans lequel il s'engageait à réaliser durant la première année un chiffre d'affaires minimum hors taxes de 1 500 000 euro devant générer une somme totale de 75 000 euro au titre des commissions, a duré un an pendant lequel il a effectivement perçu des commissions à hauteur de la somme de 35 099 euro constituant l'assiette de calcul de l'indemnité de rupture.

La brièveté du mandat et la modestie de l'apport de clientèle ne justifient pas l'octroi à M. Mauffrais de dommages et intérêts à hauteur de deux ans de commission et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a limité l'indemnité de rupture à la somme de 2 924 euro représentant un mois de commissions.

Au soutien de sa demande en paiement d'une indemnité de 200 000 euro en réparation de son préjudice moral M. Mauffrais fait valoir que du fait de son éviction il a souffert d'un état dépressif réactionnel.

Mais si les documents médicaux produits attestent de la réalité de son état dépressif rien ne permet d'établir un lien de cause à effet entre cet état et la rupture du contrat d'agent commercial alors que dans le mail du 4 mars 2010 déjà cité M. Mauffrais expliquait l'envoi du message téléphonique à l'origine de la rupture du contrat par " le stress, la peur de ne pas y arriver, pas de congés depuis 2007 " tous éléments étrangers à la Socopam et pouvant tout autant expliquer l'état dépressif médicalement constaté qui a suivi.

Sont tout aussi étrangères à la caractérisation du préjudice moral allégué les considérations développées par M. Mauffrais sur la carrière de son épouse dont la présence au sein de la même entreprise a pris fin au terme normalement fixé à son contrat à durée déterminée, l'appelant indiquant lui-même qu'elle devait s'installer en tant qu'auto entrepreneur à compter du mois de mars 2010.

Enfin M. Mauffrais ne prouve pas avoir été débauché par la Socopam alors qu'il exerçait la même activité d'agent commercial pour le compte des maisons Aura.

Au regard de ces éléments le préjudice moral allégué n'apparaît pas caractérisé et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. Mauffrais de sa demande d'indemnité à ce titre.

Ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.

Partie perdante M. Mauffrais doit être débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la Socopam qui doit être déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de ce texte.

Par ces motifs, Confirme le jugement rendu le 7 février 2014 par le Tribunal de commerce de Coutances dans toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, Condamne M. Mauffrais aux dépens d'appel.