Cass. 2e civ., 13 décembre 2012, n° 11-28.181
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel, SCP Boutet, SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Defrenois, Levis, SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, SCP Vincent, Ohl, Mes Le Prado, Spinosi
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 octobre 2011), qu'un incendie s'est déclaré le 15 avril 2004 dans le parking souterrain d'un ensemble immobilier, endommageant plusieurs véhicules en stationnement ainsi que la structure de l'immeuble et divers équipements ; qu'une mesure d'expertise confiée à M. X, assisté de deux sapiteurs, a été ordonnée en référé à la demande notamment du syndicat des copropriétaires Ponts jumeaux, ayant en charge les infrastructures à usage commun de l'immeuble et les parkings en sous-sol ; qu'après dépôt du rapport d'expertise ayant conclu que l'incendie avait pris naissance dans un véhicule de marque Renault Laguna, stationné dans le sous-sol au moment des faits, le syndicat des copropriétaires a assigné en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, la société Temsys, venant aux droits de la société Locaplan, propriétaire du véhicule litigieux, la société Terreal, titulaire d'un contrat de location de longue durée sur ce véhicule, et l'assureur de cette dernière, la société Covea fleet, venant aux droits des Mutuelles du Mans assurances ; qu'appelées dans la cause, les sociétés Barcelona, Monceau investissements immobiliers, La Garonnaise d'habitation Promologis et Ruggieri gestion, copropriétaires de lots endommagés par le sinistre, ainsi que la société HVA conseil, locataire d'emplacements de stationnement et de locaux d'archives incendiés, et la société Hertz France, propriétaire d'un véhicule détruit par les flammes, ont sollicité la réparation de leurs préjudices respectifs sur le même fondement ; qu'ont également été attraits à l'instance la société Renault dont la garantie a été recherchée en tant que constructeur par les sociétés Temsys, Terreal et Covea fleet ainsi que la société Codifra, propriétaire d'un véhicule Peugeot 406 suspecté par la société Renault d'être à l'origine du sinistre ; que la société Axa France IARD, assureur de la Société hôtelière de Brienne, est intervenue volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche : - Attendu que la société Covea fleet fait grief à l'arrêt de juger que la société Terreal doit, en tant que gardienne du véhicule Renault Laguna, indemniser les victimes de l'incendie causé par celui-ci et de condamner la société Covea fleet, in solidum avec la société Terreal, à payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le gardien d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est celui qui dispose des pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur le véhicule lors de la réalisation du dommage ; que le locataire d'un véhicule n'est le gardien de la structure de celui-ci que s'il a la possibilité de prévenir lui-même le préjudice que cette structure peut causer ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour juger que la société Terreal était la gardienne de la structure du véhicule Renault Laguna, que ce véhicule ne constituait pas une chose dangereuse, sans rechercher si la société Terreal avait les moyens de prévenir l'échauffement spontané des faisceaux électriques à l'origine du dommage, spécialement après avoir relevé que l'entretien du véhicule, dont la société Terreal était en partie chargée, n'avait joué aucun rôle causal dans l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il résulte du contrat de location que la société propriétaire a confié la garde du véhicule au locataire qui est le titulaire exclusif de la garde et assumera la responsabilité conformément aux dispositions de l'article 1384 du Code civil ; qu'un véhicule automobile ne constitue pas une chose a priori dangereuse et que la société Terreal et son assureur ne démontrent pas que le véhicule Laguna était atteint d'un vice caché ;
Qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a pu décider que la société Temsys avait la qualité de gardienne du véhicule impliqué dans l'accident, au sens de l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, tel que reproduit en annexe : - Attendu que la société Covea fleet fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en garantie contre la société Renault sur le fondement de la garantie des vices cachés ;
Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de l'article 1134 du Code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel, qui, constatant par des motifs non critiqués, que l'expert Y, intervenu comme sapiteur, avait émis un avis nuancé sur le processus ayant conduit à l'incendie du véhicule Renault Laguna, a pu en déduire, hors de toute dénaturation du rapport d'expertise judiciaire, qu'il n'était pas établi que l'incendie avait pour origine un vice caché ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Covea fleet fait grief à l'arrêt de rejeter son recours formé contre la société Renault sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, alors, selon le moyen : 1°) qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la responsabilité de la société Renault en qualité de producteur, que les sociétés Terreal et Covea fleet ne caractérisaient pas le défaut du véhicule, qui n'avait pu être individualisé, bien qu'un produit soit considéré comme défectueux du seul fait qu'il n'offre pas une sécurité normale, peu important que le défaut n'ait pu être individualisé, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article 1386-4 du Code civil ; 2°) que l'expert judiciaire indiquait dans son rapport que " l'incendie avait pour origine un échauffement au niveau des faisceaux électriques situés près de la batterie de la Renault Laguna " ; qu'il résultait de ces termes clairs et précis que le défaut du véhicule était la mauvaise qualité de ces fils électriques, qui ne doivent normalement pas chauffer ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter la responsabilité de la société Renault en qualité de producteur, que " l'expertise situe le lieu de départ de l'incendie, mais ne donne aucun élément d'information permettant d'individualiser la présence d'un défaut ou d'un vice compromettant la sécurité " du véhicule, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise retenant la défectuosité des faisceaux électriques situés près de la batterie, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que l'expert Y avait émis un avis nuancé sur le processus ayant conduit à l'incendie et rappelé exactement que selon l'article 1386-9 du Code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, l'arrêt retient que la société Terreal et son assureur ne démontrent pas que le véhicule loué était dangereux et ne caractérisent pas le défaut dont il était atteint lorsqu'il a pris feu ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations découlant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel a pu décider, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche du moyen, et hors de toute dénaturation du rapport d'expertise, que la preuve d'un défaut de sécurité n'était pas rapportée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le la première branche du premier moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.