CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 décembre 2015, n° 13-14048
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
General Motors France (SAS)
Défendeur :
Olivier Automobiles (SAS), Auto 24 (SARL), M.A Automobile (SARL), C. Chauvot Automobiles (SARL), GY2 (SARL), Sama Colmar (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Nicoletis, Mouthon Vidilles
Avocats :
Mes Lallement, Henry, Grappotte-Benetreau, Bertin
FAITS ET PROCÉDURE
I La société de droit américain General Motors Company distribue par l'entremise de la société General Motors Europe des véhicules de marques Saab. Elle contrôle depuis le mois de janvier 2000 la société de droit suédois Saab Automobile AB.
En février 2010, la société General Motors Company a cédé l'activité Saab à la société néerlandaise Spyker qui a racheté la société Saab Automobile AB et a créé la société Saab Automobiles Parts AB, la première ayant pour activité la vente de véhicules neufs, la seconde la vente de pièces détachées.
II La société General Motors France est importateur de véhicules neufs et de pièces de rechange de la marque Saab. En juin 2004, elle a fusionné avec la société Saab France et absorbé cette dernière avec effet au 1er janvier 2004. Elle avait signé un contrat d'importation avec la société Saab AB.
III Les SAS Olivier Automobiles, SARL Auto 24, SARL M.A. Automobile, SARL C. Chauvot Automobiles, SAS GY2, SAS Sama Colmar, étaient membres d'un réseau de distribution sélective de véhicules neufs et de réparation de la marque automobile " Saab ". Elles étaient liées à la société General Motors France par deux contrats, un contrat de réparateur agréé et un contrat de distributeur de véhicules neufs.
Entre le 23 et le 26 janvier 2010, avant la cession intervenue entre General Motors Company et Spyker en février 2010, certaines de ces sociétés, faisant état de fautes successives commises par le Groupe General Motors, ont notifié à la société General Motors France la résiliation à ses torts et griefs des contrats de distribution de véhicules neufs par courriers recommandés avec accusé de réception.
IV Les sociétés SAS Olivier Automobiles, SARL Auto 24, SARL M.A. Automobile, SARL C. Chauvot Automobiles, SAS GY2, SAS Sama Colmar ont assigné le 14 décembre 2012 la société General Motors France en raison d'une forte chute des ventes de véhicules Saab au cours des années précédant la cession, et notamment les années 2008 et 2009. Elles considéraient en effet que cette chute était liée à la communication des sociétés du groupe General Motors qui n'ont pas su assurer "un développement satisfaisant et pérenne de la marque Saab", qui a entretenu "continuellement l'essor d'un prochain essor commercial de la marque Saab", qui ne se serait pas désengagée de façon loyale et aurait préféré sacrifier ses distributeurs à des fins personnelles.
Par jugement rendu le 7 juin 2013, le Tribunal de commerce de Paris, considérant que la société General Motors France avait manqué à son devoir de loyauté en ne les informant pas convenablement du devenir de Saab dans deux courriers, et considérant que le préjudice subi concernait les conséquences d'une fin de contrat précipitée, a :
Disjoint la demande opposant la SA City Automobiles à la SAS General Motors France, (protocole en cours)
Condamné la SAS General Motors France à payer : (marge brute de quatre mois d'activité)
143 000 euro à la SAS Olivier Automobiles
92 000 euro à la SARL Auto 24
111 000 euro à la SARL M.A. Automobiles
147 000 euro à la SARL C. Chauvot Automobiles
134 000 euro à la SAS GY2
53 000 euro à la SAS Sama Colmar à titre de dommages et intérêts,
Condamné la SAS General Motors France à payer à la SAS Olivier Automobiles, SARL Auto 24, SARL M.A Automobile, SARL C. Chauvot Automobiles, SAS GY2 et SAS Sama Colmar 5 000 euro chacune au titre de l'article 700 Code de procédure civile,
Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à charge pour chaque demanderesse de fournir une caution bancaire couvrant en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel toutes les sommes versées en exécution du présent jugement outre les intérêts éventuellement couru sur ces sommes,
Renvoyé la cause au 13 décembre 2013 pour la seule partie du litige opposant la SA City Automobiles à la SAS GM France,
Enjoint les parties de se mettre en état de plaider de façon à ce que l'audience collégiale de plaidoirie ait pu être fixée au 13 septembre 2013,
Condamné la SAS GM France aux dépens.
Le 10 juillet 2013, la SAS General Motors France a interjeté appel de cette décision :
Par conclusions du 19 octobre 2015, la SAS General Motors France demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et suivant du Code civil,
Infirmer le jugement,
A titre principal
Juger, vu l'article 122 Code de procédure civile, que tous les faits dont excipent les sociétés Olivier Auto, Auto 24, M.A Automobile, C. Chauvot Automobiles, GY2 et Sama Colmar antérieurs au 14 décembre 2002 sont prescrits,
Juger que la société General Motors France n'a commis aucune faute à l'égard des sociétés Olivier Auto, Auto 24, M.A Automobile, C. Chauvot Automobiles, GY2 et Sama Colmar,
Débouter les sociétés Olivier Auto, Auto 24, M.A Automobile, C. Chauvot Automobiles, GY2 et Sama Colmar de leurs demandes et notamment de leur appel incident,
A titre subsidiaire
Juger que les sociétés Olivier Auto, Auto 24, M.A Automobile, C. Chauvot Automobiles, GY2 et Sama Colmar ne démontrent aucun lien de causalité entre les prétendues fautes commises par la société General Motors France et le préjudice dont elles excipent,
Juger en tout état de cause que les préjudices dont les sociétés Olivier Auto, Auto 24, M.A Automobile, C. Chauvot Automobiles, GY2 et Sama Colmar demandent réparation ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant,
Juger que les dommages et intérêts auxquels la société General Motors France a été condamnée ne sont justifiés ni dans leur principe (notamment en l'absence de lien de causalité démontré), ni dans leur montant,
Débouter en conséquence les sociétés Olivier Auto, Auto 24, M.A Automobile, C. Chauvot Automobiles, GY2 et Sama Colmar de leurs demandes indemnitaires,
En tout état de cause
Condamner chacune des sociétés Olivier Auto, Auto 24, M.A Automobile, C. Chauvot Automobiles, GY2 et Sama Colmar à verser à General Motors France la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 Code de procédure civile,
Condamner solidairement les sociétés Olivier Auto, Auto 24, M.A Automobile, C. Chauvot Automobiles, GY2 et Sama Colmar en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Bolling Durand Lallement conformément à l'article 699 Code de procédure civile.
Par conclusions du 15 octobre 2015, les sociétés SAS Olivier Automobiles, SARL Auto 24, SARL M.A. Automobile, SARL C. Chauvot Automobiles, SAS GY2, SAS Sama Colmar demandent à la cour de :
Vu les articles 1134 alinéas 1 et 3 du Code Civil et L. 442-6 I° et 5° du Code de commerce
Juger recevable mais mal fondée la société General Motors France en son appel,
La débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu et sanctionné le principe de la responsabilité de la société General Motors France en raison des manquements à son obligation de loyauté contractuelle au préjudice des concluantes, et en ce qu'il leur a alloué à chacune une indemnité de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code procédure civile,
Le réformer pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau,
Juger que la société General Motors France a engagé in solidum sa responsabilité avec la société General Motors Company,
Juger en conséquence que la société General Motors France sera tenue de réparer l'intégralité du préjudice indument causé aux sociétés concessionnaires par elle deux, sauf son recours contre General Motors Company,
En conséquence et pour les causes sus-énoncées, condamner la société General Motors France à payer les sommes suivantes :
714 684 euro à la société GY2
1 173 990 euro à la SA Olivier Auto
891 193 euro à la société Auto 24
461 609 euro à la société Sama Colmar
1 162 255 euro à la société C. Chauvot Automobiles
885 724 euro à la société Mondial Automobiles
La condamner à payer à chacune des sociétés requérantes une somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
La condamner aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.
A la demande des deux parties, l'ordonnance de clôture a été rabattue par le conseiller de la mise en état le 21 octobre 2015 et une nouvelle ordonnance de clôture est intervenue le même jour, 21 octobre 2015.
LA COUR renvoie expressément pour l'exposé des faits et moyens aux écritures des parties.
MOTIFS
a) Sur l'obligation de la société General Motors France (GM France) :
Considérant que les sociétés intimées exposent que GM Company "propriétaire de Saab AB se trouve responsable de la gestion de cette marque qu'elle a concédée aux distributeurs par l'intermédiaire de sa filiale la société GM France", que GM France est le "relai servile des décisions de la société tête de groupe dont elle est nécessairement indissociable", qu'elle ajoute que la cour peut constater "si celle-ci est intervenue en qualité d'auteur unique, ou au vu des circonstances, de co-auteur du dommage causé aux intimées" ; qu'en l'espèce, GM Company, GM France et le groupe GM ont engagé leur responsabilité in solidum en leur qualité de co-auteurs du dommage et que GM France doit supporter la condamnation à réparer intégralement le préjudice subi en raison des fautes commises par les uns et les autres ; que GM France remarque que les intimées font une demande qui opère une confusion entre les différentes entités juridiques pour finalement mettre en cause la seule société GM France et tenter de lui faire supporter la responsabilité de diverses décisions dont elle n'est pas l'auteur, en invoquant de surcroît l'obligation in solidum pour lui faire supporter seule la réparation intégrale du dommage qu'elles auraient subi,
Mais considérant que la société GM France ne saurait répondre que des fautes qu'elle a commises et qu'il appartient aux intimées de déterminer précisément, et qu'elle ne saurait réparer que le préjudice causé par ses fautes ; qu'il ne peut être soutenu que " l'unité d'intérêts entre la société mère et la société filiale d'importation ôtent à GM France toute indépendance, de sorte qu'elle est le relai servile des décisions de la société tête de groupe dont elle est nécessairement indissociable" ; qu'il n'y a pas lieu de rentrer dans le détail de l'argumentation des fautes reprochées à GM Corporation ou GM Europe (cessation des activités de Saab, annonce brutale du démantèlement des actifs de Saab, cessation de la production, liquidation du constructeur Saab AB) dont la société GM France ne peut être tenue pour responsable ; qu'il n'y a pas lieu de rentrer dans le détail de l'argumentation des intimées sur l'obligation in solidum,
b) Sur la faute de la société GM France :
Considérant que les intimées rappellent, au visa de l'article 1134 du Code civil, la force obligatoire des contrats, l'exécution loyale et de bonne foi des conventions, qu'elles reprochent la non tenue des engagements relatifs au doublement des volumes des ventes, à la sortie de nouveaux modèles, qu'elles reprochent le fait d'avoir entretenu de faux espoirs sur l'avenir de la marque, dans le but de les obliger à investir de façon déraisonnable et disproportionnée, tout en ne leur apportant pas d'assistance,
Considérant encore que les intimées reprochent au groupe GM une rupture brutale des contrats de distribution et une déloyauté vis-à-vis des distributeurs : que le groupe GM devait soit redresser la marque soit permettre aux distributeurs de sortir du réseau dans des conditions correctes, comme l'a fait GM Canada avec ses distributeurs ; qu'elles reprochent à GM France d'avoir relayé les informations données par GM Company sans la moindre réserve ;
Considérant que l'appelante qui rappelle qu'elle n'est qu'un importateur de véhicules conteste que la résiliation du contrat faite par les distributeurs soit imputable à une quelconque faute de sa part ;
Considérant qu'elle indique que les deux courriers des 27 février et 29 décembre 2008 ne sont pas mensongers et qu'elle n'a pas trompé les distributeurs ; qu'elle indique que la communication faite en fin d'année 2008 jusqu'en 2010 était destinée à informer les consommateurs, les distributeurs et réparateurs des marques du groupe GM ; qu'il s'agissait d'une communication délicate en période de crise qui devait ne rien cacher et ne rien obérer et qu'en l'espèce, elle était parfaitement appropriée ; qu'elle n'a fait que relayer les informations données par GM Company et qu'elle devait le faire,
Considérant qu'elle expose qu'elle a rempli ses obligations à l'égard du réseau ; qu'elle a développé la marque Saab et estime rapporter la preuve que l'activité de vente et de réparation des véhicules a été rentable au moins jusqu'en 2009 ; qu'elle remarque que des éléments de fait invoqués par les intimées qu'elle estime prescrits pour être antérieurs au 14 décembre 2002, ne peuvent engager sa responsabilité, que ce soit l'information précontractuelle de 1997, ou encore les déclarations du directeur de Saab France en 2000 ; que par la suite, les communications qui ne sont pas son fait mais celles du constructeur dont elle devait relayer l'information auprès des membres du réseau devaient dégager un certain optimisme ; qu'elle rappelle que les distributeurs sont des professionnels de l'automobile, connaissent la réalité du marché, ont continué avec la marque Saab ; qu'elle a soutenu le réseau et les intimées, grâce à des prêts, grâce au paiement d'une partie des investissements d'ailleurs non spécifiques à la marque (réfection des locaux électricité, acquisition de terrain, construction de bâtiment), grâce au paiement de primes par véhicules neufs vendus,
Considérant qu'elle entend rappeler que ce n'est pas elle qui a décidé la cession de la marque qui s'imposait en raison du contexte et qu'elle est dépendante des décision prises ; qu'elle ne peut répondre de ce que la cession n'a pas eu les effets escomptés, n'étant plus importateur Saab à compter de février 2010 ; que GM France expose qu'elle ne pouvait résilier les contrats avec son réseau à la fin de l'année 2008, et qu'on ne saurait créer une obligation de mettre fin à un contrat avec un préavis lors que la marque présente des difficultés et lui reprocher de ne pas l'avoir fait au motif qu'elle n'aurait pas été certaine de l'avenir de ses distributeurs ; que la seule démarche était pour elle de transférer les contrats aux repreneurs de la marque, ce que cinq des demanderesses ont refusé, qu'elle ne pouvait rien faire de plus,
Sur la loyauté de GMF :
Considérant selon les documents versés aux débats, que les intimées distribuent des véhicules neufs Saab depuis de nombreuses années : M.A Automobiles depuis 1987, City Automobiles depuis 1989, GY2 à Montpellier depuis 1992, Sama Colmar depuis 1997, Auto 24 depuis 1998, Chauvot Automobiles depuis 2000, que certaines ont fait des dépenses d'investissements en 2003 et 2004, que les contrats ont été exécutés manifestement sans difficulté, si ce n'est pour la société GY2 qui en 2007 a dû recapitaliser et la société Auto 24 à partir de 2008 ; qu'il apparaît que la rentabilité des distributeurs Saab français était positive : en 2000, de 0,5, en 2001 de 1,6, en 2002 de 0,7, en 2003 de 1, en 2004 de 1,6, en 2005 de 0,93, en 2006 de 0,78, en 2007 de 1,29, en 2008 de 0,51,
Considérant que GM Corporation qui avait acquis partie du capital de Saab en 1990 puis la totalité en 2000 n'avait, selon la presse professionnelle, guère investi dans la marque qui vivait sur quelques modèles ; que par la suite, des investissements ont été faits et qu'au début de l'année 2008, Saab avait dévoilé lors du salon automobile de Detroit, la Saab 9-4 X Bio Power Concept (Suède Magazine du 8 janvier 2008) et la presse avait salué l'arrivée de la berline 9-3 Turbo X WXD V6, 2,8l, 280 CH en mars et avril 2008 ; qu'aussi, le courrier du 27 février 2008 adressé par le directeur marketing de Saab France aux distributeurs avait pu faire part de son enthousiasme quant à l'avenir de la marque et de l'intérêt pour la marque du salon de Genève auquel il les invitait à participer,
Considérant que c'est dans le courant de l'été 2008 que la presse spécialisée s'est fait l'écho des difficultés de trésorerie très importantes rencontrées par General Motors Corporation ; qu'il était fait état d'un "risque de faillite", du "déclin de l'empire" ; qu'il apparaissait que General Motors Corporation pouvait être sauvée grâce à l'aide du Congrès américain par une allocation de 25 milliards de dollars à condition de séparer des activités Saab, Saturn et Pontiac, et, pour les marques conservées, à condition de réduire le nombre de concessionnaires ; qu'un repreneur était recherché pour la marque Saab,
Considérant que GM France faisait savoir à ses distributeurs par un courrier du 29 décembre 2008 que "Même malmené, Saab sait s'en sortir brillamment", et joignait à son courrier la lettre du Directeur General Jan Ake Jonsson qui faisait part de la décision "très positive" du parlement suédois de mettre en place un plan de soutien de 28 milliards de couronnes suédoises et qui demandait aux distributeurs de soutenir les initiatives prises,
Considérant que par la suite, des discussions ont eu lieu avec différents repreneurs potentiels, que Koenigsegg se désengageait le 24 novembre 2009, que Spyker et GM Company négociaient, rompaient les discussions en décembre 2009 pour finalement trouver un accord donnant lieu à la cession de la marque en février 2010,
Considérant qu'il est reproché un défaut de communication loyale que la cour ne peut trouver ni dans le courrier du 27 février 2008 ni dans celui du 28 décembre 2008 ; que leur teneur doit être appréciée dans le contexte et non a posteriori : qu'il n'y apparaît aucun mensonge mais de l'enthousiasme et de l'espoir, indispensables en cette période délicate ; qu'en outre, les distributeurs ne peuvent occulter leur connaissance du marché de l'automobile, rappelant eux-mêmes que les articles de fond, les interviews des dirigeants GM publiés dans la presse spécialisée s'adressent "non pas au grand public, mais aux professionnels de l'automobile, et en premier lieu aux concessionnaires", comme l'interview de Philippe Van der Meulen publié dans l'Argus en janvier 2007 ; qu'ils étaient en mesure d'apprécier la valeur des propos tenus à l'aune de la situation fragile dans laquelle se trouvait la marque depuis plusieurs années,
Considérant que les intimées reprochent à GM France un défaut d'information sur le statut de Saab AB et une absence d'objectifs au cours d'une réunion ayant eu lieu le 18 janvier 2010 entre un groupe de concessionnaires et GM France ; que toutefois GM France a adressé aux intéressés dès le 20 janvier 2010 un courrier dans lequel elle précisait la situation juridique de Saab Automobile AB, indiquait que des négociations avec un éventuel acquéreur sont en cours et rappelait que les objectifs sont présentés aux distributeurs "courant, voire fin janvier",
Sur l'exécution de ses obligations contractuelles par GM France :
Considérant que les intimées font l'historique de leurs relations avec GM France, qu'elles font état de l'information pré-contractuelle, des "engagements non tenus", des "objectifs trompeurs" ; qu'elles exposent que dans le document d'information précontractuelle de 1997, il était invoqué un objectif de 7 500 véhicules en 2000 par des investissements et par le lancement de nouveaux produits ; qu'il s'agit cependant d'un "objectif" et non d'un engagement, pas plus que le "rêve de la marque de doubler ses ventes" dont il est fait état dans une déclaration du président de GM France en l'année 2000 ; que d'ailleurs, pour ce qui concerne la promotion des ventes en France, le contrat (article 4.4) de distribution est particulièrement précis sur les obligations du distributeur qui devait "tout mettre en vente pour développer le potentiel des ventes", "promouvoir de manière active à ses frais, la vente de véhicules automobiles et accessoires" ; que la société GM France ne pouvait garantir des niveaux de vente aux concessionnaires parce qu'elle ne maîtrisait pas la sortie de nouveaux modèles, étant importateur et non pas constructeur, et qu'il est rappelé que le distributeur avait la maîtrise de la promotion des produits ; qu'il doit être constaté que les intimées n'en font le reproche qu'après de nombreuses années d'exécution du contrat, dans le cadre de la procédure introduite en 2012 contre GM France ;
Considérant encore qu'au cours de l'exécution du contrat, les intimées ont fait des investissements, réalisant des travaux de construction, de rénovation et d'extension ; que ces travaux sont anciens et rien ne permet de constater que GM France les a suggérés, imposés ; qu'en toute hypothèse, comme le remarque GM France, ils ne sont pas faits en pure perte et valorisent les sites ; que les travaux dédiés à la marque Saab n'ont pas été d'un montant élevé,
Considérant que GM France aurait été intraitable envers les intimées mais il apparaît que celles-ci ne détaillent pas précisément le comportement ici reproché, alors que GM France justifie des actions et avantages qu'elle a pu consentir aux concessionnaires,
Considérant que les intimées reprochent à GM France de ne pas avoir eu la prévenance de GM Canada avec ses distributeurs, d'avoir préféré "envoyer la totalité de son réseau à la casse en les bernant sur l'avenir de Saab jusqu'à la veille de l'annonce de l'arrêt de la marque", de "les avoir mis dans l'impossibilité de poursuivre le contrat en le rompant brutalement à leurs torts et griefs sans leur permettre de bénéficier du moindre délai de préavis" ; que la cour observe toutefois que les concessionnaires, professionnels spécialistes du marché de l'automobile, sont des commerçants indépendants et responsables, et qu'ils sont capables de gérer au mieux leurs intérêts ; que GM France n'avait pas à proposer, au début de l'année 2008, la résiliation des contrats de distribution avec un préavis de deux ans, alors que des moyens de pérenniser la marque étaient recherchés et étaient susceptibles d'être trouvés, ou à s'inspirer du traitement canadien de la crise lequel a répondu à des circonstances différentes avec des réseaux différents ; que GM France qui ne porte pas la responsabilité des annonces faites par GM Company et des décisions que celle-ci a prises, n'a pu, une fois la cession décidée par GM Company, que proposer aux concessionnaires la cession des contrats de concession à Spyker, cession que ceux-ci ont refusée ; que la fin du contrat n'est pas brutale compte tenu des circonstances ci-dessus développées et n'est pas le fait de GM France ;
Considérant enfin qu'il ne sera pas répondu aux arguments concernant les événements postérieurs à la cession intervenue en février 2010, de la marque Saab à Spyker, dont la société GM France ne saurait en aucun cas répondre,
Considérant que les intimées ne justement pas l'existence de fautes commises par la société GM France ; que le jugement doit être infirmé,
Par ces motifs LA COUR, Infirmant le jugement, Déboute les sociétés AS Olivier Automobiles, SARL Auto 24, SARL M.A. Automobile, SARL C. Chauvot Automobiles, SAS GY2, SAS Sama Colmar de leurs demandes, Condamne les sociétés AS Olivier Automobiles, SARL Auto 24, SARL M.A. Automobile, SARL C. Chauvot Automobiles, SAS GY2, SAS Sama Colmar à payer chacune à la société GMFrance la somme de 10 000 euro au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles, Condamne les sociétés AS Olivier Automobiles, SARL Auto 24, SARL M.A. Automobile, SARL C. Chauvot Automobiles, SAS GY2, SAS Sama Colmar aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Bolling Durand Lallement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.