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Décisions

Cass. com., 8 décembre 2015, n° 14-11.394

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sidef (SAS)

Défendeur :

Alcatel Lucent France (SA), Alcatel Lucent participations (SA), Thalès Alenia Space France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Grass

Avocats :

SCP de Chaisemartin, Courjon, SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, SCP Waquet, Farge, Hazan

T. com. Paris, 3e ch., du 27 mai 2009

27 mai 2009

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2013), que la société Alcatel participations, devenue Alcatel Lucent participations, a conclu, en mai 2000, avec la Société d'investissement et de développement européen en France (la société Sidef), un contrat-cadre de consultant afin de l'assister dans la commercialisation de ses produits auprès de la direction générale de l'armement du ministère de la Défense, les détails des prestations attendues et de leur rémunération étant précisés dans deux annexes, conclues respectivement entre la société Sidef et deux filiales du groupe Alcatel, les sociétés Alcatel Cit, devenue Alcatel Lucent France, et Alcatel Space, devenue Thalès Alenia Space France ; que par lettre du 19 décembre 2006, la société Alcatel Lucent participations a dénoncé le contrat-cadre, ainsi que les contrats annexes ; que la société Sidef, estimant cette rupture abusive, a assigné en réparation les sociétés Alcatel, Alcatel Lucent et Thalès Alenia Space ;

Attendu que la société Sidef fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le contrat-cadre de consultant liant la société Sidef à la société Alcatel participations, pourtant cité par la cour d'appel, stipulait en son article 7.2 b) une possibilité de résiliation sans préavis dans les hypothèse suivantes : " le caractère intuitu personae des services personnels de M. Bertinetti, étant d'une importance capitale pour la société, si ce dernier n'est plus en mesure d'exécuter personnellement les prestations souscrites par le consultant pour quelque raison que ce soit, notamment du fait de sa démission, de sa révocation, d'une perte partielle ou totale de droit ou de fait de ses pouvoirs, de son décès ou de sa condamnation liée à son activité ou pour des faits de caractère à nuire à sa réputation " ; qu'en décidant que par cette stipulation " en plus de l'hypothèse d'une condamnation liée à l'activité de l'intéressé " (...) " les parties ont, en élaborant leur convention, particulièrement prévu la possibilité de résiliation en raison de faits qui n'auraient pas, ou pas encore, donné lieu à une condamnation judiciaire " pour en déduire que la résiliation du contrat était intervenue dans le respect des dispositions de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, les stipulations contractuelles qu'elle prétendait appliquer n'admettant la prise en compte " des faits de caractère à nuire à sa réputation " que lorsque a été prononcée une condamnation " pour " de tels faits ; 2°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'exposées notamment dans leurs écritures d'appel ; que dans ses conclusions d'appel, la société Sidef soutenait avoir, " par courrier RAR du 19 janvier 2007 " produit, informé " la société Alcatel participations de son désaccord sur cette résiliation anticipée du contrat régularisé en mai 2000 et de ses annexes " et avoir rappelé " à la société Alcatel participations ses obligations, à savoir le nécessaire respect du contrat jusqu'à son terme expirant le 31 décembre 2007 pour Alcatel Cit et le 31 décembre 2008 pour Alcatel Space " ; qu'en affirmant pourtant que " la soudaine démarche de rupture du contrat sans préavis, le 19 décembre (...) ne peut s'expliquer que par la publication par divers journaux de la mise en examen de M. Bertinetti, intervenue le 13 décembre, quand bien même la lettre de résiliation n'ait pas indiqué précisément le motif de cette décision. Cette explication est renforcée par le constat (...) que la société Sidef n'a à aucun moment demandé des explications sur le motif de la rupture, ni d'ailleurs cherché à contester cette décision ", la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Sidef invoquant et produisant la lettre par laquelle elle avait contesté la décision de résiliation, et, par conséquent, violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 3°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le contrat-cadre prévoyait dans deux paragraphes successifs (a., b.), deux séries d'hypothèses dans lesquelles le contrat pourrait être résilié automatiquement et sans préavis ; que la lettre de résiliation anticipée et sans préavis du 19 décembre 2006 n'en visait aucune ; qu'en affirmant pourtant que " la soudaine démarche de rupture du contrat sans préavis, le 19 décembre (...) ne peut s'expliquer que par la publication par divers journaux de la mise en examen de M. Bertinetti, intervenue le 13 décembre, quand bien même la lettre de résiliation n'ait pas indiqué précisément le motif de cette décision. Cette explication est renforcée par le constat (...) qu'il n'existait pas dans le contrat d'autre cas de rupture anticipée sans préavis et à réception du courrier ", la cour d'appel a à nouveau méconnu les termes du contrat violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que sous le couvert du grief infondé de dénaturation des conclusions de la société Sidef, le moyen en sa deuxième branche ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que l'article 7.1 du contrat stipulait que, compte tenu du caractère intuitu personae des services personnels de M. Bertinetti, qui étaient d'une importance capitale pour la société Alcatel Lucent participations, celle-ci pourrait résilier automatiquement et sans préavis le contrat si l'intéressé n'était plus en mesure d'exécuter personnellement les prestations pour quelque raison que ce soit, notamment du fait de sa condamnation liée à son activité ou pour des faits de caractère à nuire à sa réputation, la cour d'appel qui, ayant examiné les termes du courrier électronique précédant la lettre de rupture, a estimé que la mise en examen de M. Bertinetti, pour des actes de corruption auprès du personnel de la cliente essentielle du groupe Alcatel, était, en dépit de la présomption d'innocence dont il bénéficiait, un fait de nature à nuire à sa réputation et à jeter le discrédit sur ses interventions dans le secteur économique du groupe, a pu retenir que cette mise en examen justifiait la résiliation immédiate prévue par le contrat ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.