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Décisions

CA Bourges, ch. civ., 3 septembre 2015, n° 14-01454

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

AXA FRANCE IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Costant

Conseillers :

Mmes Le Meunier, Pouget

Avocats :

Mes Leblanc, Gauvin, Le Roy des Barres, Salsac, Jacquet, SCP Jacquet-Limondin, SCP Sorel & Associés

TGI Bourges, du 4 sept. 2014

4 septembre 2014

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Costant, Président de Chambre, en présence de Mme Pouget, Conseiller chargé du rapport, en présence de Mme G., Auditrice de Justice.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Selon acte notarié en date du 1er juin 2007, reçu par Maîtres Edouard B. et Stéphane P., Monsieur Romain A. et Mademoiselle Maeva P. ont acquis de Monsieur Georges De S. et de Mademoiselle Cécile H. un immeuble à usage d'habitation Commune de Vignoux Sur Barangeon pour la somme totale de 185 000 euro.

L'acte notarié mentionnait qu'aucune construction surélévation ou addition d'éléments d'équipement faisant corps avec l'immeuble n'avait été effectuées depuis moins de dix ans à l'exception de la construction du garage.

Monsieur A. et Mademoiselle P. se plaignant de désordres dont étaient atteints à la fois la maison et le garage, ont diligenté une procédure de référé contre leur vendeur, d'une part, les notaires rédacteurs, d'autre part, et contre Monsieur Hermani V. ayant effectué des travaux.

Le 5 juin 2012, l'expert, Monsieur V., a déposé son rapport.

Suivant acte en date des 27 août 2012, 7 et 12 septembre 2012 Monsieur A. et Mademoiselle P. ont fait assigner Monsieur De S., Mademoiselle H., Monsieur V. et les notaires ayant reçu l'acte de vente sur le fondement des articles 1116, 1147 et 1382 du Code civil, réclamant paiement des sommes nécessaires à la reconstruction de la maison, à la réparation du garage, et visant à être indemnisés d'un certain nombre de postes relatifs aux préjudices immatériels.

Par exploit en date du 22 mai 2013, Madame H. et Monsieur De S. ont appelé à la procédure la compagnie AXA France en qualité d'assureur multirisque artisan du bâtiment de Monsieur V.

Par jugement rendu le 4 septembre 2014, le Tribunal de Grande Instance de Bourges déclarera Monsieur De S., Madame H., Maître B., Maître P. et Monsieur V. responsables in solidum des conséquences du dol dont ont été victimes de Monsieur A. et Madame P. et les condamnera in solidum à verser aux demandeurs une somme de 310 664,00 euro avec indexation, en répartissant la charge finale de la réparation dans les proportions suivantes :

- 1/3 : pour Monsieur De S. et Madame H.,

- 1/3 : pour Monsieur V.,

- 1/3 : pour Maître P. et Maître B.

Les requérants ont été déboutés du surplus de leurs demandes au titre du préjudice de jouissance et du coût de la maîtrise d'œuvre. Monsieur A. et Madame P. se sont vus allouer une somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ladite somme répartie dans les mêmes proportions que ci-dessus. La compagnie AXA a été mise hors de cause. Quant au garage, il a été ordonné, avant dire droit, un complément d'expertise.

Les 3, 9 et 17 octobre 2014, Maîtres B. et P., Monsieur V. et Monsieur De S. et Madame H. ont interjeté appel de cette décision. Les instances ont été jointes.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2015, l'affaire étant fixée à l'audience du 16 juin 2015 où elle a été retenue et mise en délibéré.

Vu les conclusions de Maîtres B. et P., appelants et intimés, signifiées par voie électronique le 30 mars 2015, tendant à voir, en dehors des " constater que et dire que " sans incidence juridique, infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et débouter Monsieur A. et Madame P. de leur appel incident.

Ils soutiennent que les acquéreurs ont été avisés de ce que l'immeuble objet de la vente avait été sinistré par la sécheresse, étant précisé que le notaire a expressément interrogé les vendeurs sur l'étendue et la nature des travaux effectués sur l'immeuble vendu. Compte-tenu des déclarations des vendeurs, de la proximité de la facture avec les travaux de construction du garage et de la modicité de cette facture, aucune faute ne peut leur être reprochée quant à l'absence de mention de travaux effectués sur la maison.

Ils ajoutent qu'il n'y avait aucune ambiguïté dans l'acte de vente en ce qu'il n'existe aucun lien de cause à effet entre leur prétendue faute et les désordres dont la maison et le garage sont affectés, lesquels résultent de l'inefficacité des travaux réalisés par Monsieur V. De plus, ils rappellent que les acheteurs disposent d'une action directe contre leur vendeur, tout comme le constructeur et l'assureur de celui-ci, et ne peuvent prétendre à quelque recours que ce soit contre eux. En tout état de cause, ils notent qu'aucun reproche n'a été formulé à leur encontre en ce qui concerne le garage et que les préjudices allégués constituent des préjudices non indemnisables.

Subsidiairement, ils soutiennent que les acquéreurs ne pourraient prétendre qu'à une perte de chance de négocier le prix de vente à un prix inférieur au prix finalement payé.

Plus subsidiairement encore, si par extraordinaire, la cour confirmait en tout ou partie la décision entreprise, ils considèrent qu'ils ne peuvent être tenus des conséquences du dol des vendeurs comme du défaut de conseil de Monsieur V. et que Monsieur De S., Melle H. et Monsieur V. doivent être condamnés solidairement à les garantir de toutes condamnations mises à leur charge.

Enfin, dans l'hypothèse où Monsieur V. et/ou la société AXA seraient condamnés, Maîtres B. et P. affirment que ceux-ci ne peuvent se décharger de leur propre garantie en sollicitant la leur, dans la mesure où celle-ci ne résulte pas d'une quelconque faute de la part des notaires.

Vu les conclusions de Monsieur V., appelant et intimé, signifiées par voie électronique le 31 mars 2015, soutenant l'infirmation du jugement. Il sollicite le rejet des demandes formées à son encontre et sa mise hors de cause.

Subsidiairement, il demande la condamnation in solidum de Monsieur Georges De S., Mademoiselle Cécile H., Me Edouard B. et Me Stéphane P. à le garantir des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre, ainsi que la condamnation solidaire de Monsieur Romain A. et Mademoiselle Maéva P., ou tout autre contestant à lui payer une indemnité de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Sandra L.

Monsieur V. soutient que seuls, Monsieur A. et Madame P., pourraient invoquer la garantie décennale si les conditions en étaient réunies et qu'ils ne peuvent modifier ce fondement au profit de la responsabilité délictuelle. Aussi, les consorts H.-De S. ne peuvent se prévaloir de la responsabilité décennale des constructeurs à son encontre. De plus, il note l'absence de lien de causalité entre les dommages et les travaux réalisés qui ne sont pas à l'origine des désordres constatés qui étaient préexistants. Il considère que l'on ne peut pas plus lui reprocher un manquement au devoir de conseil, alors que les consorts De S.-H. étaient parfaitement informés par le rapport du géotechnicien dont ils ne l'ont pas informé voire l'ont trompé sur l'état de l'immeuble.

De plus, il rappelle que le dol ne peut exister qu'entre cocontractants et que les vendeurs n'ont pas indiqué aux acquéreurs les travaux réalisés par son entreprise, rendant impossible toute responsabilité de sa part à ce titre. Il ajoute que ceux-ci n'ont aucunement aggravé la situation et qu'il est de jurisprudence constante que la garantie décennale n'a pas vocation à s'appliquer dans cette hypothèse.

Enfin, Monsieur V. soutient que Monsieur Georges De S. et Mademoiselle Cécile H. ne peuvent pas se prévaloir de leur qualité de maître d'ouvrage profane pour échapper aux conséquences de leur responsabilité, dès lors qu'ils disposaient de toutes les informations nécessaires pour apprécier la nature, la portée et l'efficacité des travaux qu'ils lui ont confiés et qu'il est recevable et bien fondé à solliciter leur garantie sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil. Il en est de même pour les notaires qui n'ont ni donné une information complète, ni procédé aux vérifications qui s'imposaient et ont manifestement manqué à leur obligation de conseil.

Concernant le montant du préjudice, Monsieur V. indique que les dommages et intérêts alloués sont destinés à réparer une perte de chance de ne pas contracter du fait du dol et du défaut d'information et non les désordres causés par le sinistre de la sécheresse dont ils avaient connaissance.

Vu les conclusions de Monsieur Georges De S. et Madame Cécile H., appelants et intimés, signifiées par voie électronique le 30 mars 2015, soutenant l'infirmation du jugement déféré.

Ils sollicitent le débouté des consorts A.- P. de l'intégralité de leurs demandes à leur encontre. A titre subsidiaire, ils soutiennent la responsabilité de Monsieur Hernani V. dans l'aggravation des désordres par application des dispositions de l'article 1792 et suivants du Code Civil, ainsi que celles de Maître Edouard B. et de Maître Stéphane P., par application de l'article 1147 et 1382 du Code Civil.

Aussi, ils demandent la garantie de Monsieur Hernani V., sa compagnie d'assurances, AXA France, de Maître Edouard B. et de Maître Stéphane P. à les garantir de toutes les condamnations qui pourraient être éventuellement prononcées à leur encontre, outre le paiement de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens et allouer pour ceux d'appel à Me Le R. Des B. le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Ils nient avoir voulu cacher les désordres affectant l'immeuble et font d'ailleurs remarquer que le rapport géotechnique est repris intégralement dans l'acte notarié rédigé par Maître P., notaire, le 17 juin 2004. Ils soutiennent que les acquéreurs savaient, lorsqu'ils ont acquis la maison, que cette dernière avait fait l'objet de nombreux désordres notamment de fissures et que Monsieur V., à qui ils ont fait confiance, avait assuré un renforcement des fondations. Ils font remarquer qu'ils ne sont pas des professionnels en maçonnerie, ni en fondation et fournissent tous les décomptes et factures qu'ils ont fait réaliser. Ils réfutent toute plus-value lors de la vente de la maison suite à leur séparation.

Ils précisent qu'ils pensaient en toute bonne foi, en faisant intervenir l'entreprise V., que les travaux entrepris, quel que soit leur coût d'ailleurs, éviteraient une évolution des fissures. Aussi, ils considèrent que Monsieur V., professionnel expérimenté, les a trompés sur la qualité et la pérennité de sa prestation et a engagé sa responsabilité à leur égard sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du Code Civil.

De plus, ils soutiennent que les notaires qui ont rédigé l'acte de vente ont manqué à leur obligation de prudence et de conseil à leur égard en indiquant une clause de style contradictoire avec les documents annexés et en omettant les mentions importantes stipulées dans l'acte notarié que Me P. avait lui-même rédigé en 2004.

Enfin, ils ajoutent que la garantie décennale d'AXA Assurances parait devoir être engagée et que celle-ci devra également être tenue à les garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.

Vu les conclusions de Monsieur Romain A. et de Madame Maeva P., intimés et appelants incidents, signifiées par voie électronique le 13 avril 2015, soutenant la confirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne les frais de maîtrise de l'œuvre pour le suivi du chantier de reconstruction et le préjudice de jouissance dont ils demandent l'indemnisation. A ce titre, ils demandent respectivement une somme de 36 000,00 euro TTC pour les frais de maîtrise d'œuvre, laquelle sera indexée sur l'indice BT01 publié par l'INSEE, l'indice de base étant celui en vigueur au mois d'avril 2012 et l'indice de révision étant celui en vigueur au moment du règlement et celle de 16 000,00 euro au titre du préjudice de jouissance.

Enfin, ils sollicitent une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et le rejet des demandes formées à leur encontre par AXA France Iard à qui ils n'ont jamais rien demandé.

A titre subsidiaire, au cas où il serait jugé qu'il ne peut être demandé à l'égard des notaires l'indemnisation pour perte de chance de n'avoir pas contracté, ils indiquent que leur négligence leur a également fait perdre la possibilité de bénéficier d'une assurance dommages ouvrage, justifiant qu'ils soient tenus de les indemniser à hauteur des sommes prises en charge par l'assureur DO (travaux de déconstruction et de reconstruction de la maison et maitrise d''œuvre (280 400,00 euro + 36 000,00 euro) avec indexation sur l'indice BT01 ou tout autre indice venant à le remplacer, l'indice de base étant celui du mois d'avril 2012 et l'indice de révision étant celui en vigueur au jour du règlement effectif.

A défaut, ils sollicitent la condamnation in solidum de Maître B. et Maître P. au paiement d'une indemnité minimale de 183.000,00 euro à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance pour les acquéreurs de ne pas avoir contracté avec Monsieur De S. et Madame H.

Ils rappellent que seules les mentions contenues dans l'acte authentique peuvent faire foi entre les parties et que les vendeurs ne peuvent exciper de leur bonne foi quant à l'efficacité des travaux de l'entreprise V. sur l'immeuble sinistré par la sécheresse, alors qu'ils disposaient des documents leur permettant de se rendre compte que ceux-ci étaient sans aucun rapport avec les préconisations du géotechnicien. Ils nient toute proposition d'expertise préalablement à la vente comme précisé par les vendeurs, pour la première fois, dans leurs conclusions du 30 mars 2015. Ils ajoutent que la déclaration des vendeurs dans l'acte de vente par laquelle ils indiquent qu'il n'a été réalisé, dans les dix ans précédant la vente, aucun travaux relevant de la garantie décennale est incompréhensible au vu de ceux dont ils justifient. Ils considèrent que ceux-ci ont fait preuve d'une dissimulation intentionnelle qui leur a été gravement préjudiciable.

Concernant les notaires, ils indiquent que ces derniers avaient en main tous les éléments leur permettant de se rendre compte que les déclarations des vendeurs n'étaient pas justes et par leur négligence fautive, ils ont permis aux vendeurs de tromper les acquéreurs. D'autant que Maître B. et Maître P. connaissaient la situation de l'immeuble pour avoir établi le précédent acte de mutation en 2004 et qu'ils auraient dû s'interroger sur le prix de vente dans ces conditions et procéder à certaines vérifications.

De plus, l'indemnisation due par les notaires ne peut donc aucunement être limitée à la perte d'une chance de ne pas avoir contracté dès lors qu'ils ont favorisé un dol par leur négligence et qu'ils doivent répondre sans limitation des conséquences de leur comportement fautif.

Concernant Monsieur V., ils notent l'inexécution défectueuse des travaux réalisés sans rapport avec les prestations préconisées par le rapport du géotechnicien que les vendeurs disent lui avoir remis. La responsabilité de ce dernier résulte de son comportement qui a contribué à l'efficacité des manœuvres dolosives des vendeurs et a manqué au but poursuivi par la réalisation des travaux qui lui avaient été confiés mais aussi à son obligation de conseil en ne préconisant pas d'étude de sol.

Vu les conclusions d'AXA France Iard, intimée et appelante incidente, signifiées par voie électronique le 31 mars 2015, soutenant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause, es qualité d'assureur responsabilité décennale de Monsieur Hernani V.

Elle soutient que les appels en garantie de Me Edouard B., Me Stéphane P. et les consorts De S.-H. sont irrecevables et ne sauraient prospérer à son encontre. Pour le surplus, elle s'adjoint les écritures de son assuré qui devra être mis hors de cause.

Elle note que la somme allouée aux consorts A.- P. est destinée à réparer les conséquences de désordres antérieurs à leur acquisition, sans aucun lien avec les travaux réalisés par Monsieur Hemani V. et le dol commis.

Enfin, elle sollicite le rejet de l'appel incident des consorts A.-P. et la condamnation in solidum de Monsieur Georges De S., Mademoiselle Cécile H., Me Edouard B. et Me Stéphane P., à la garantir, es qualité d'assureur responsabilité décennale de Monsieur Hernani V., au titre des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre, outre le paiement à la charge des mêmes parties solidairement d'une indemnité de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Sandra L. et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Sur le dol

Sur le fondement de l'article 1116 du Code civil, il est aujourd'hui constant que tout silence ayant déterminé le consentement de l'autre partie est assimilé au dol, la réticence dolosive apparaissant alors comme l'inexécution intentionnelle de l'obligation précontractuelle d'information, née des devoirs de bonne foi et de loyauté contractuelles.

Comme l'a justement relevé le premier juge, Monsieur De S. et Madame H. ont acquis " une maison sinistrée du fait de la sécheresse " (page 4 de leur acte d'acquisition), à un prix correspondant uniquement à la valeur du terrain (39 000 euro).

De plus, le compromis de vente en date du 17 juin 2004 signé par les appelants, décrit précisément les désordres affectant l'immeuble et stipule que les acquéreurs " reconnaissent que compte tenu des précisions apportées, la maison comprise dans la présente ne peut pas être considérée comme habitable... Et l'éventuelle occupation et l'utilisation de la maison ne pourrait se faire qu'à leurs risques et périls. " (Cf. Page 4 du compromis de vente).

De même, la lecture du rapport Geocentre, établi en avril 1993, dont il ne peut être contesté que les consorts De S. - H. aient eu connaissance, car d'une part il est clairement visé dans le compromis de vente ci-dessus rappelé et d'autre part, ils soutiennent dans leurs écritures l'avoir remis à Monsieur V. (cf. dire du 17 avril 2012 de Me S.), corrobore la réalité et la gravité des désordres affectant l'immeuble, le technicien précisant que " la stabilité de l'ouvrage semble menacée à moyen ou long terme ".

Force pourtant est de constater que l'acte de vente litigieux en date du 1er juin 2007 se limite aux précisions succinctes suivantes :

- " le vendeur déclare que le bien n'a jamais connu de sinistres résultant de catastrophes naturelles ou technologiques... Toutefois, le vendeur déclare que l'immeuble présentement vendu a été sinistré par la sécheresse, ainsi qu'il est indiqué aux termes de son acte d'acquisition en date du 31 juillet 2004, Monsieur et Madame V., anciens propriétaires, ont donc probablement perçu une ou plusieurs indemnités d'assurance ",

- " Le vendeur déclare que le bien objet des présentes n'est pas concerné par les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil, aucune construction, surélévation ou addition d'éléments d'équipement faisant corps avec l'immeuble n'ayant été effectuées depuis moins de dix ans ", et ce, alors qu' il est annexé audit acte une facture en date du 12 octobre 2004 ayant pour objet de " renforcer les fondations " établie par l'entreprise de Monsieur Hernani V. pour un montant de 5 770,85 euro.

Or, et sans être un professionnel du bâtiment, il ne peut qu'être constaté que la réalisation de 12 plots en béton ne correspond en rien aux préconisations du géotechnicien qui prescrivait les travaux d'importance suivants : " une reprise généralisée des fondations par micropieux bilatéraux, sub verticaux, jumelés ou alternés, forés à travers les semelles existantes et munis d'élément de report de charges " tout en précisant que " le ferraillage et le dimensionnement des semelles devront être contrôlés par un BET et l'entreprise spécialisée ".

Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que " c'est bien sciemment que les vendeurs ont cherché à faire réparer la maison sans suivre le rapport du géotechnicien en date d'avril 1993 ".

Aussi, et eu égard à l'ensemble de ces éléments, en commandant des travaux à moindre coût à l'entreprise V. et sans rapport aucun avec ceux préconisés par la société Geocentre, Monsieur De S. et Madame H. ne peuvent valablement arguer de leur bonne foi et soutenir qu'ils pensaient que ceux-ci pouvaient définitivement réparer les importants désordres affectant la solidité et le devenir de l'immeuble et dont ils avaient pleinement connaissance.

Au surplus, ils ne démontrent pas avoir remis le dit rapport à l'entrepreneur qui conteste pour sa part en avoir eu connaissance.

De plus, et en toute hypothèse, les appelants se devaient lors de la vente du bien d'informer préalablement et précisément Monsieur A. et Madame P. sur l'importance des désordres affectant l'immeuble, les préconisations de la société Geocentre et leur choix de ne pas effectuer lesdits travaux, d'autant que le prix d'acquisition était de 185 000 euro.

Ils ne peuvent valablement se retrancher derrière leur propre acte d'acquisition aux motifs que celui-ci contient les dites informations, alors que leurs acquéreurs étaient nécessairement tiers au dit contrat et qu'aucun élément ne démontre que ledit acte authentique ou encore le rapport du géotechnicien aient été portés à leur connaissance, puisque seule la facture de Monsieur V. a été annexée à l'acte de vente De S. - H. / A. - P.

Quand bien même ils ont réalisé des travaux d'amélioration du bien dont ils justifient devant la cour, les appelants ne peuvent pas plus arguer de ceux-ci pour s'exonérer de leur obligation de donner une information précise et loyale à leurs acquéreurs et justifier leur silence sur des éléments fondamentaux relatifs à l'état de l'immeuble.

Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a retenu l'existence de manœuvres dolosives qui ont conduit les acquéreurs à contracter.

Sur la responsabilité de Monsieur V.

Il résulte du rapport de l'expert judiciaire que d'une part, les travaux effectués par Monsieur V. " sont absolument inefficaces au vu de la nature du terrain et sans effet concernant la stabilisation de l'immeuble " (cf. Page 28). D'autre part, les plots réalisés sont " aussi sans conséquence sur l'aggravation des désordres entre 1993 et 2011, [celle-ci] est dû à titre principal à la nature du terrain ".

Aussi, si les désordres constatés affectent la solidité de l'ouvrage, il est tout aussi exact qu'ils trouvent leur cause dans la nature du sol et dans la conception initiale des fondations, mais en aucune manière dans l'intervention postérieure de Monsieur V., laquelle n'a ni contribué à leur réalisation, ni à leur aggravation et n'a pas plus eu d'effet sur leur persistance.

Dès lors, la responsabilité décennale de ce dernier sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ne peut être valablement retenue.

Toutefois, et quand bien même ce dernier n'aurait pas eu connaissance du rapport du géotechnicien, il était tenu à une obligation d'information et de conseil vis-à-vis de ses clients, soit Monsieur De S. et Madame H., qu'il n'a pas rempli.

En effet, du fait des connaissances des terrains du Vierzonnais et en sa qualité de professionnel confirmé en maçonnerie, il ne pouvait ignorer la nécessité de pratiquer une étude du sol pour mettre fin aux désordres constatés. De même, si ces derniers souhaitaient effectuer des travaux à moindre coût comme il le soutient, il lui appartenait alors de les informer des limites voire de l'inefficacité de son intervention.

Or, il ne prouve pas qu'il ait exécuté ses obligations, alors qu'il supporte la charge de la preuve.

S'il est certain que les appelants avaient connaissance des préconisations du géotechnicien et ne pouvaient ignorer le caractère insuffisant des travaux proposés par Monsieur V., cela ne saurait pour autant atténuer sa faute, es qualité de professionnel du bâtiment, puisqu'il a réalisé des travaux sans étude du sol, ni étude de structure, ni plan d'exécution, alors qu'il ne pouvait ignorer " le type de reprise en sous-œuvre à réaliser " (cf. Rapport d'expertise).

Il a donc effectué des travaux non conformes aux règles de l'art et a même reconnu qu'ils étaient sans " rapport avec les désordres constatés à l'époque ".

Toutefois, les manquements contractuels commis par Monsieur V. ne pouvaient avoir pour conséquence de contribuer à l'efficacité de manœuvres dolosives de ses clients envers leurs acquéreurs, trois ans plus tard, alors qu'il convient de rappeler que le dol doit émaner du cocontractant.

Cependant, il est admis que Monsieur A. et Madame P., tiers au contrat d'entreprise, peuvent valablement invoquer à leur profit les inexécutions contractuelles de Monsieur V., dès lors qu'elles ont contribué au dommage qu'ils subissent, puisqu'ils ont acquis une maison présentant des désordres non résolus affectant sa solidité, alors qu'il en aurait été différemment, si ce professionnel était intervenu de manière efficiente et dans les règles de l'art.

Ainsi, conformément aux dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile et dans la mesure où les faits débattus sont appréciés de la même façon dans chacun des deux régimes de responsabilité, la qualification donnée à la responsabilité étant sans incidence sur le régime effectivement applicable et la nature délictuelle de celle-ci étant dans le débat, il convient de retenir la responsabilité délictuelle de Monsieur V.

La décision déférée sera donc confirmée sur ce point mais par substitution de motifs, eu égard à la faute et au fondement de la responsabilité retenus.

Sur la responsabilité des notaires, Me B. et Me P.

Les notaires, professionnels du droit, sont tenus de veiller à l'efficacité des actes qu'ils établissent, d'éclairer les parties sur leurs conséquences et ont l'obligation de les informer sur les données de fait dont ils ont connaissance.

De plus, le notaire se doit de prendre les plus grandes précautions dans la rédaction des clauses figurant dans l'acte qu'il rédige et qui engage sa responsabilité.

En l'occurrence, et comme l'a justement noté le premier juge, les notaires instrumentaires ont annexé à l'acte d'acquisition de Monsieur A. et Madame P., la facture du 12 octobre 2014 de Monsieur V., laquelle était explicite puisque son objet, clairement indiqué en gras, était le renforcement des fondations par la réalisation de douze massifs en béton.

Pour autant, ils ont pris comme tel les déclarations des vendeurs en stipulant dans l'acte litigieux, l'absence de travaux depuis moins de dix ans relevant de la garantie décennale sans s'interroger sur cette contradiction manifeste avec la facture ci-dessus relative à des travaux de nature décennale et sans attirer l'attention des acquéreurs sur la question.

De même, et alors que les travaux portaient sur les fondations de l'immeuble, ils se sont limités à indiquer dans l'acte que celui-ci avait subi un sinistre sécheresse sans plus de précisions sur les conséquences de ce dernier sur l'ouvrage vendu et alors, que l'un des notaires instrumentaires, Maître P., était pourtant intervenu à l'acte d'acquisition de juillet 2004 de Monsieur De S. et Madame H. et ne pouvait ignorer ni les conditions ci-dessus évoquées de la cession du même immeuble considéré comme inhabitable et sans valeur, ni l'importance des travaux à effectuer, puisque le rapport de la société Geocentre avait été produit lors de cette vente.

Or, s'ils soutiennent avoir expressément interrogé les vendeurs sur l'étendue et la nature des travaux, ils n'en rapportent pas la preuve alors qu'ils supportent la charge de la preuve.

De plus, et comme l'a très justement souligné le premier juge, et quand bien même les notaires ne sont pas juges de l'économie du contrat, l'écart du prix de vente entre les deux actes de cession (39 000 euro et 185 000 euro), à seulement trois ans d'intervalle, et alors qu'il n'était justifié que de 35 000 euro de travaux sans garantie décennale, aurait dû les alerter d'autant que l'immeuble était concerné par des désordres liés à la sécheresse et aux mouvements du sol qu'ils ne pouvaient ignorer.

Dans ces conditions, les dispositions contradictoires et imprécises de l'acte qui présentait une incohérence manifeste, mais aussi les manquements des deux notaires à leur obligation de conseil ont causé un préjudice à Monsieur A. et Madame P. qui ont acquis un immeuble sans valeur, sans avoir vu leur attention attirée sur les risques et désordres l'affectant, mais aussi sur la nature et l'importance des travaux, et ce, bien au contraire.

Aussi, les notaires instrumentaires ne peuvent valablement se soustraire à leur responsabilité en évoquant les manœuvres dolosives des vendeurs dont s'il est vrai qu'ils ne peuvent être complices, ne peuvent pas pour autant justifier leur négligence professionnelle et leur défaut de vigilance.

La décision déférée sera donc confirmée les concernant mais par substitution de motifs, eu égard à la faute et au fondement de la responsabilité retenus.

Sur l'indemnisation du préjudice

Conformément à l'article 1116 du Code civil, la sanction du dol est la nullité de la convention, laquelle n'exclut pas la possibilité d'obtenir des dommages et intérêts réparant le préjudice résultant des manœuvres dolosives.

En l'occurrence, le préjudice subi par Monsieur A. et Madame P. est constitué par la perte d'une chance de ne pas contracter et de ne pas acquérir l'immeuble affecté des nombreux vices ci-dessus visés.

Dès lors, ce préjudice correspond nécessairement au prix de vente qu'ils ont payé, soit 185 000 euro, mais en aucun cas aux coûts de déconstruction et de reconstruction de l'immeuble, ainsi qu'aux frais annexes à ces opérations, qui visent à réparer les dommages subis du fait de la nature du terrain et des épisodes de sécheresse successifs dont les appelants ne sont pas comptables.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé sur le montant de l'indemnisation allouée à Monsieur A. et Madame P., lesquels seront au surplus, eu égard au développement ci-dessus, déboutés de leurs demandes formées, dans le cadre de l'appel incident, au titre des frais de maîtrise et du préjudice de jouissance.

Compte tenu des fautes respectives des consorts De S.-H., de Maître P., de Maître B. et de Monsieur V. et de leurs liens entre elles ayant toutes concouru au même dommage subi par les acquéreurs, leurs auteurs doivent être tenus à le réparer ensemble.

Aussi, il conviendra de confirmer le premier juge en ce qu'il a d'une part, prononcé une condamnation in solidum et d'autre part, a justement évalué, dans leurs rapports entre eux, la proportion de responsabilité que chacun devra définitivement supporter au titre de la réparation.

Concernant les actions en garanties formées par les appelants, compte tenu du fait que chacun a commis une faute propre ayant contribué au dommage et justifiant une condamnation in solidum d'une part, et d'autre part, qu'il a été procédé à un partage de responsabilité entre chacun des auteurs dans la proportion d'un tiers chacun retenue par le premier juge, il convient de considérer qu'il a été ainsi statué sur les dits recours en garantie entre vendeurs, notaires et entrepreneur.

Enfin, il y a lieu de confirmer la mise hors de cause de la SAS AXA, es qualité d'assureur responsabilité décennale et non de responsabilité civile de Monsieur V. et qui ne pourra être tenue à une quelconque garantie à son profit ou au bénéfice des autres co-auteurs.

Il apparaît équitable d'accorder à Monsieur A. et Madame P. la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile que les consorts De S.-H., Maître P., Maître B. et Monsieur V. supporteront in solidum et dans leurs rapports entre eux, à hauteur d'1/3 comme déjà défini.

Il n'y a pas lieu de faire application dudit article au bénéfice de la SAS AXA.

Concernant les dépens d'appel, ils seront supportés in solidum par les consorts De S.-H., Maître P., Maître B. et par Monsieur V. et dans leurs rapports entre eux, à hauteur d'1/3 chacun.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré mais par substitution de motifs concernant les fautes et fondements des responsabilités de Maître Stéphane P., de Maître Edouard B. et de Monsieur Hernani V., et sauf en ce qui concerne le montant du préjudice alloué ; Statuant à nouveau sur ce chef, Condamne in solidum Monsieur Georges De S., Madame Cécile H., Maître Stéphane P., Maître Edouard B. et Monsieur Hernani V. à payer à Monsieur Romain A. et Madame Maeva P. la somme de 185 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ; Dit que dans leurs rapports entre eux, chacun supportera la charge finale de la réparation ci-dessus allouée dans les proportions suivantes : 1/3 pour Monsieur De S. et Madame H., 1/3 pour Maître Stéphane P. et Maître Edouard B. et 1/3 pour Monsieur Hernani V. ; Y ajoutant, Condamne in solidum Monsieur De S., Madame H., Maître Stéphane P., Maître Edouard B. et Monsieur Hernani V. à payer à Monsieur A. et Madame P. la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit que dans leurs rapports entre eux, chacun supportera la charge finale de l'indemnité allouée dans les proportions suivantes : 1/3 pour Monsieur De S. et Madame H., 1/3 pour Maître Stéphane P. et Maître Edouard B. et 1/3 pour Monsieur Hernani V. ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne in solidum Monsieur De S., Madame H., Maître Stéphane P., Maître Edouard B. et Monsieur Hernani V. aux dépens d'appel, étant observé que la charge finale de la masse des dépens sera supportée par ces derniers dans la même proportion que ci-dessus définie. L'arrêt a été signé par M. Costant, Président de Chambre, et par Mme Minois, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.