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Décisions

Cass. com., 10 mars 2015, n° 13-23.859

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, SCP Bénabent, Jéhannin

Paris, du 30 mai 2013

30 mai 2013

LA COUR : - Joint les pourvois n° 13-23.859 et 14-10.221, qui attaquent le même arrêt ; Donne acte à la société Les Hôtels de Paris du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X... ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Gestimmo finance, devenue la société Les Hôtels de Paris, spécialisée dans le conseil en financement et investissement dans le domaine de l'hôtellerie et dirigée par M. Y..., a proposé à des particuliers intéressés par une opération leur permettant de réduire leurs impôts de participer à la création d'un hôtel dénommé Paris Bercy ; que cette opération a été réalisée au moyen de la création d'une société en participation dénommée SEP Paris Bercy, propriétaire de l'immeuble, et d'une SARL, également dénommée Paris Bercy, gérante statutaire de la société en participation et exploitant le fonds de commerce hôtelier ; qu'à la suite d'opérations entre ces sociétés et d'autres, également dirigées par M. Y..., plusieurs investisseurs ont recherché la responsabilité de la société Les Hôtels de Paris pour avoir manqué à ses obligations d'information et d'exécution de bonne foi des conventions conclues ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 13-23.859, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches : - Attendu que la société Les Hôtels de Paris fait grief à l'arrêt de la condamner à payer, à titre de dommages-intérêts, diverses sommes à MM. Z..., A..., B..., C... et D... alors, selon le moyen : 1°) que la publicité délivrée par une personne proposant la souscription de parts ou actions doit être cohérente avec l'investissement proposé et mentionner le cas échéant les aléas et risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés ; qu'en affirmant que la société Gestimmo finance, devenue Les Hôtels de Paris, avait manqué à son obligation d'information loyale en remettant aux investisseurs une simple notice générale insistant prétendument sur la rentabilité du capital investi sans information personnalisée mentionnant l'existence d'un simple objectif aléatoire, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, s'il ressortait du bulletin de souscription dûment rempli et signé par chacun des investisseurs, dans lequel ces derniers reconnaissaient " avoir été informés que les coûts et les résultats prévisionnels avaient été établis sur des bases réalistes mais n'étaient nullement garantis ", que les investisseurs avaient été personnellement informés du caractère aléatoire de la rentabilité de l'investissement proposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 2°) que, pour juger que la société Gestimmo finance, devenue Les Hôtels de Paris, avait fait preuve d'une réticence dolosive lors de la conclusion du contrat d'investissement dans la société en participation et la société à responsabilité limitée Paris Bercy et dans l'exécution des engagements pris, la cour d'appel a affirmé que " la société Gestimmo finance avait prioritairement recherché son intérêt en vendant l'hôtel financé par les investisseurs pour une valeur inférieure à la valeur du marché tandis que le profit des investisseurs se limitait à quelques milliers d'euros " ; qu'en statuant de la sorte sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le prix de cession de l'hôtel correspondait à la valeur du marché dès lors qu'il était conforme à l'estimation réalisée par l'expert E... en novembre 2006, de sorte qu'aucun comportement déloyal ne pouvait être imputé à la société Les Hôtels de Paris dans l'exécution des engagements pris, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 3°) que, pour juger que la société Gestimmo finance, devenue Les Hôtels de Paris, avait fait preuve d'une réticence dolosive lors de la conclusion du contrat d'investissement dans la société en participation et la société à responsabilité limitée Paris Bercy et dans l'exécution des engagements pris, la cour d'appel a relevé que les investisseurs n'avaient été informés que trois ans après la disparition de la société en participation Paris Bercy de l'impossibilité dans laquelle ils se trouvaient désormais de déduire les déficits de la société à responsabilité limitée Paris Bercy de leur revenu ; qu'en se prononçant de la sorte sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les investisseurs connaissaient nécessairement les conséquences légales de la dissolution de la société en participation Paris Bercy qu'ils avaient décidée à l'unanimité, de sorte qu'aucun comportement déloyal ne pouvait être imputé à la société Les Hôtels de Paris dans l'exécution des engagements pris, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 4°) qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Les Hôtels de Paris faisant valoir que l'absence de progression du chiffre d'affaires de l'hôtel Paris Bercy et partant de la valorisation de l'immeuble n'étaient pas le fait de la société Les Hôtels de Paris, mais d'une conjoncture économique particulièrement difficile pour ce qui concerne les hôtels de cette catégorie, de sorte que les agissements de la société Les Hôtels de Paris n'avaient nullement causé le préjudice invoqué par les investisseurs, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur un élément de preuve qu'elle décidait d'écarter, a retenu que l'immeuble de l'hôtel Paris Bercy avait été cédé à un prix inférieur à la valeur du marché ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la société Les Hôtels de Paris est restée sciemment silencieuse sur le but réel de l'opération, qui a consisté à faire financer la construction d'un hôtel par le biais de la constitution d'une société d'investissement constituée par des personnes privées en leur laissant croire qu'elles souscrivaient à un produit de pure défiscalisation, reposant sur un investissement non spéculatif, quand il s'agissait d'attirer des capitaux, non pour faire des investisseurs des partenaires financiers mais des prêteurs de deniers à risque ; qu'il retient ensuite que, si les investisseurs avaient connu la réalité grâce à une information personnalisée, laquelle ne saurait être constituée par la remise d'une simple notice générale insistant sur la rentabilité du capital investi, ils auraient été dissuadés de s'engager ; qu'il retient enfin que la société Les Hôtels de Paris, après avoir organisé le montage de façon à s'octroyer le contrôle des entités mises en place, a conduit l'opération d'investissement à son propre avantage en vidant la SARL Paris Bercy de ses actifs tant mobilier qu'immobilier, en faisant perdre aux investisseurs l'avantage financier attendu ; qu'en l'état de ces appréciations, faisant ressortir que la société Les Hôtels de Paris a manqué à ses obligations d'information et d'exécution de bonne foi des conventions conclues avec les investisseurs, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d'appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le dernier grief, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n° 14-10.221 : - Vu les articles 31 et 122 du Code de procédure civile ; - Attendu que, pour déclarer M. X... irrecevable en ses demandes, l'arrêt retient qu'il a accepté volontairement de sortir de l'opération et cédé les titres dont il disposait dans la SARL Paris Bercy à la Compagnie financière du Trocadéro, en acceptant sans réserve le prix d'acquisition de ses titres ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir qu'en cédant ses titres, M. X... avait renoncé à rechercher la responsabilité de la société Les Hôtels de Paris pour obtenir réparation du préjudice résultant de l'absence de rentabilité de son investissement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi n° 13-23.859 ; Et sur le pourvoi n° 14-10.221 : casse et annule mais seulement en ce que, confirmant le jugement déféré, il dit M. Jean-Luc X... irrecevable en ses demandes, l'arrêt rendu le 30 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.