CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 décembre 2015, n° 14-11110
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Adeios (SARL)
Défendeur :
Laser (SA), BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Rohart-Messager, M. Dabosville
Avocats :
Mes Gantelme, Hemzelvec, Boccon Gibod, Franjou
Faits et procédure
Par jugement rendu le 10 mars 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
- Condamné la SA Laser à payer à la SARL Adeios la somme de 80 000 euro à titre de dommages-intérêts ;
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- Condamné la SA Laser à payer à la SARL Adeios la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Dit les parties mal fondées pour leurs demandes plus amples ou autres, et les en a déboutées,
- Condamné la SA Laser aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euro dont 13,52 euro de TVA.
Vu l'appel interjeté le 23 mai 2014 contre cette décision par la société Adeios.
Vu les dernières conclusions signifiées par l'appelante le 23 août 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Avant dire droit,
- Enjoindre à la société Laser de produire le contrat conclu avec la DIRECCTE et l'AFPA Transition pour le traitement du volet 3 du PSE du site de Merignac de la société Laser.
- Dire et juger l'appel interjeté à l'encontre du jugement n° RG 2012044367 en date du 10 mars 2014 rendu par le Tribunal de commerce de Paris, recevable en la forme et bien fondé.
Sur le fond,
- En conséquence, et en infirmant le jugement entrepris,
- Dire et juger que les sociétés Laser et Adeios sont contractuellement liées,
- Dire et juger que la société Laser a rompu de manière unilatérale et brutale ses relations avec la société Adeios à ses torts exclusifs,
- Condamner la société Laser à payer à la société Adeios :
la somme de huit cent dix-sept mille euro (817 000 euro) représentant la perte de marge subie par Adeios sur le dossier Laser,
la somme de trois cent mille euro (300 000 euro) à titre de dommages et intérêts.
- Débouter la société Laser de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Vu les dernières conclusions déposées par la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Laser du 16 septembre 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- déclarer recevable l'intervention de la société BNP Paribas Personal Finance qui vient aux droits de la société Laser.
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
- dire et juger qu'il ne peut y avoir d'autre condamnation de la société BNP Paribas Personal Finance qui vient aux droits de la société Laser que celle prévue par la clause de dédit de la Convention de Prestation.
- donner acte à la société BNP Paribas Personal Finance qui vient aux droits de la société Laser de ce que cette dernière s'est acquittée du montant de la condamnation de première instance.
En conséquence,
- débouter la société Adeios de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
- condamner la société Adeios à payer à la société BNP Paribas Personal Finance qui vient aux droits de la société Laser la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner la société Adeios aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2015.
Il résulte de l'instruction du dossier les faits suivants :
La société Laser, qui avait décidé de réorganiser les différentes entités de son groupe, aux fins d'adapter l'entreprise à la crise économique et au nouveau contexte réglementaire lié à ses activités, se voyait dans l'obligation de procéder à une réduction de ses effectifs par le biais d'un plan de départs volontaires et d'un plan de sauvegarde de l'emploi, portant sur 400 salariés.
Compte tenu du nombre de postes touchés par cette réorganisation, la direction générale de la société Laser décidait de recourir aux services d'un cabinet spécialisé en gestion de restructuration accompagnée de plans de sauvegarde de l'emploi ou de plans de départs volontaires et c'est ainsi qu'elle prenait contact, en novembre 2011, avec la société Adeios.
La société Laser adressait à la société Adeios un projet de convention de prestation que cette dernière amendait et signait, mais qui n'était en définitive jamais signée par la société Laser.
Ce projet de convention se composait de trois volets, un volet numéro un " stratégies et projets ", un volet numéro deux " accompagnement managérial et psychologique " et un volet numéro trois " animation et gestion de l'espace conseil mobilité et de l'antenne emploi ".
Toutefois le cabinet Adeios commençait à travailler pour la société Laser dès la fin de l'année 2011 et émettait le 31 décembre 2011 une facture de 44 969,60 euro TTC qui était réglée, puis le 31 décembre 2012 une facture de 42 809,03 euro TTC réglée le 6 mars 2012, le 31 janvier 2012 une troisième facture de 35 165,34 euro TTC réglée le 6 mars 2012, une quatrième facture de 14 841,16 euro TTC émise le 29 février 2012 et réglée le 13 avril 2012 et enfin une facture de 6 804,04 euro TTC émise le 31 mars 2012 également payée.
Elle avait donc ainsi accompli les volets un et deux du projet de convention.
S'agissant du volet numéro trois, la société Laser décidait, à la demande de ses partenaires et notamment de l'expert-comptable du comité d'entreprise de l'UES Laser Loyalty, de lancer un appel d'offres, auquel la société Adeios refusait de candidater, estimant qu'elle avait été déjà choisie sur le fondement des prestations d'ores et déjà accomplies au titre des volets un et deux du projet de convention. Elle proposait également par courriel en date du 19 mars 2012 de mettre en œuvre une apparence d'appel d'offres étant précisé qu'en toute hypothèse c'est bien elle qui devrait être retenue dans les termes suivants : " je vous ai proposé une solution qui a le mérite d'avoir existé et d'avoir été pratiquée à de multiples reprises. Des entreprises, pour des raisons de relations avec les OS, présentaient plusieurs cabinets à ces OS, mais se réservaient le droit, légal et habituel, du choix. Elles nous choisissaient donc et confirmaient ainsi un engagement qu'elles avaient pris à l'orée de la démarche. "
La société Laser se refusait à organiser un simulacre d'appel d'offres et c'est dans ces circonstances que la société Adeios considérait alors que la société Laser avait rompu de manière unilatérale et brutale ses relations avec elle et par acte du 18 juin 2012 l'assignait en paiement d'une somme de 817 000 euro représentant la perte de marge qu'elle aurait subie du fait de la brusque rupture ainsi que la somme de 300 000 euro à titre de dommages-intérêts.
C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement entrepris.
Motifs de la décision
Sur l'intervention volontaire de la société BNP Paribas Personal Finance
La société BNP Paribas Personal Finance vient aux droits de la société Laser, suite à la fusion-absorption de celle-ci par la société BNP Paribas Personal Finance intervenue le 17 septembre 2015.
Il convient donc de recevoir la société BNP Paribas Personal Finance en son intervention.
Sur la convention régissant les rapports entre les parties
Pour condamner la société Laser à payer à la société Adeios une somme de 80 000 euro à titre de dommages-intérêts, les premiers juges ont considéré que le projet de convention devait trouver application entre les parties et régissait leurs relations au motif qu'il avait reçu un commencement d'exécution.
En cause d'appel, la société Laser ne conteste plus que ce projet de convention régit ses relations contractuelles avec la société Adeios, mais demande l'application de celle-ci en sa totalité.
Elle indique que l'article 11 de ce projet de convention prévoyait une clause de dédit qui précisait : " en cas de renoncement par Laser à son plan ou d'annulation de la prestation sans cause réelle et sérieuse, une indemnité forfaitaire et définitive d'un montant de 80 000 euro hors-taxes sera versée à la société Adeios à titre de dédit ". Elle indique que cette clause avait un caractère forfaitaire et définitif, que sa nature diffère d'une clause pénale car elle constitue le prix d'un désistement et non d'une réparation. Elle sollicite donc la confirmation du jugement qui l'a condamnée au paiement de cette somme.
La société Adeios, de son côté, soutient que la faculté de dédit contractuellement prévue ne peut trouver application que si elle s'exerce de bonne foi, ce qui, selon elle, ne serait pas le cas et demande à la cour de considérer qu'en réalité la société Laser aurait procédé à une brusque rupture des relations commerciales établies.
Toutefois la société Adeios ne caractérise pas une mauvaise foi de son cocontractant.
S'agissant de la demande au titre de la brusque rupture des relations commerciales établies, l'article L. 442-6 du Code de commerce sanctionne le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Cet article vise une relation commerciale " établie " c'est-à-dire celle qui présente un caractère suivi stable et habituel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où les parties n'ont conclu qu'un seul contrat. En conséquence il n'y a pas lieu à application de l'article L. 442-6 susvisé.
La société Adeios soutient encore que la clause de dédit doit s'analyser en une clause pénale et demande à la cour de l'augmenter en application de l'article 1152 du Code civil.
Cependant la clause stipulant une indemnité de dédit ne s'analyse pas en une clause pénale ayant pour objet de faire assurer par une des parties l'exécution de son obligation, mais en une faculté de dédit permettant à la société Laser de se soustraire à cette exécution et excluant le pouvoir du juge de diminuer ou de supprimer l'indemnité convenue.
En conséquence c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Laser à payer à la société Adeios le montant figurant à la clause de dédit, soit la somme de 80 000 euro. Il s'ensuit que le jugement sera confirmé, et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Adeios sollicitant qu'il soit enjoint à la société Laser de produire le contrat conclu avec la DIRECCTE et l'Afpatransition pour le traitement du volet 3 du PSE du site de Merignac de la société Laser, une telle communication de pièces n'étant pas utile à la solution du litige.
Par ces motifs, Reçoit la société BNP Paribas Personal Finance, qui vient aux droits de la société Laser, en son intervention, Confirme le jugement, Déboute la société Adeios du surplus de ses demandes, Condamne la société Adeios aux dépens d'appel avec recouvrement de dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, La Condamne également à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.