Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 décembre 2015, n° 13-20186

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Allègre, Bocs; Val & Mar (SARL), Maralex (SARL)

Défendeur :

Fraîche Vallée (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Nicoletis, Mouthon Vidilles

Avocats :

Mes Teytaud, Bellet, Vignes, de Balmann

T. com. Paris, du 9 oct. 2013

9 octobre 2013

Faits et procédure

La société Fraîche Vallée a développé un concept de restauration rapide, saine et gourmande qu'elle exploite sous l'enseigne Vivre & Savourer et promeut au travers d'un réseau constitué de trois succursales et de franchises.

Le 8 juillet 2008, M. Laurent Bocs et Mme Sandy Allègre se sont portés candidats en vue d'intégrer ce réseau en qualité de franchisés et le 9 septembre 2008, ils ont signé un contrat de confidentialité et de remise du DIP leur garantissant notamment une exclusivité territoriale sur Marseille ou Lyon, villes où ils envisageaient d'exploiter.

Le 23 juin 2009, ils ont signé un contrat de franchise avec la société Fraîche Vallée et dans ce cadre, ils ont créé le 29 juin suivant la SARL Val & Mar afin d'exploiter un restaurant à l'enseigne Vivre & Savourer <adresse>, et dont l'ouverture a eu lieu le 10 octobre 2009.

Le 13 octobre 2010, M. Bocs et Mme Sandy Allègre ont créé la SARL Maralex afin d'exploiter un nouveau restaurant à l'enseigne " Vivre & Savourer " situé <adresse> dans le cadre d'un second contrat de franchise signé le 22 novembre 2010.

Par courrier du 24 octobre 2012, M. Bocs et Mme Allègre ont dénoncé de graves manquements commis par la société Fraîche Vallée et par lettre du 17 décembre 2012, ils ont fait application des dispositions de l'article 14 des contrats de franchise prévoyant une résiliation anticipée un mois après l'envoi d'une mise en demeure.

Reprochant à M. Bocs et Mme Allègre de ne plus régler leurs redevances, la société Fraîche Vallée les a assignés par exploit du 18 avril 2013 devant le Tribunal de commerce de Paris afin de voir prononcer la résiliation des contrats aux torts exclusifs des franchisés tandis que par exploit du 15 mai 2013, les sociétés Val & Mar et Maralex, M. Bocs et Mme Allègre ont assigné la société Fraîche Vallée en nullité des deux contrats de franchise.

Par jugement du 9 octobre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- joint les deux instances,

- débouté la société Val & Mar de sa demande en nullité du contrat de franchise du 23 juin 2009,

- prononcé la résiliation du contrat de franchise liant la société Fraîche Vallée et la société Val & Mar aux torts exclusifs de cette dernière qu'il a déboutée de toutes ses autres demandes,

- condamné la société Val & Mar à payer à la société Fraîche Vallée les sommes de 20 415,83 euro TTC au titre des redevances impayées et de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise,

- débouté la société Fraîche Vallée de sa demande au titre du parasitisme,

- prononcé la nullité du contrat de franchise du 22 novembre 2010 liant la société Maralex et la société Fraîche Vallée et a débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Maralex,

- condamné la société Fraîche Vallée à payer à la société Maralex les sommes de 10 000 euro pour le remboursement du droit d'entrée, 5 008 euro représentant le remboursement des redevances versées, 50 000 euro correspondant au remboursement des investissements spécifiques non amortis au 31 décembre 2012, 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation d'une perte de chance, toutes sommes assorties d'un intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par la société Fraîche Vallée,

- condamné la société Fraîche Vallée à payer à Mme Sandy Allègre et M. Laurent Bocs la somme globale de 23 000 euro à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

- débouté Mme Allègre et M. Bocs de leur demande de dommages et intérêts au titre du manque à gagner en termes de rémunération,

- condamné la société Fraîche Vallée à payer à la société Maralex la somme de 4 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Val & Mar à payer à la société Fraîche Vallée la somme de 4.000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Val & Mar aux dépens.

Les 18 et 25 octobre 2013 la société Fraîche Vallée a interjeté appel de cette décision de même que la société Val & Mar, la société Maralex, Mme Sandy Allègre et M. Laurent Bocs le 8 novembre 2013.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 28 septembre 2015, la société Val & Mar, la société Maralex, Mme Sandy Allègre et M. Laurent Bocs demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Val & Mar de sa demande de nullité du contrat de franchise, en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise liant la société Val & Mar à la société Fraîche Vallée aux torts exclusifs de la société Val & Mar, en ce qu'il a condamné la société Val & Mar à payer à la société Fraîche Vallée les sommes de 20 415,83 euro TTC au titre des redevances impayées et 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise,

- mais de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise liant la société Maralex à la société Fraîche Vallée et débouté cette dernière de toutes ses demandes,

- d'infirmer le jugement sur les quantums alloués,

- de retenir que le consentement de Madame Sandy Allègre et de Monsieur Laurent Bocs a été vicié aux motifs que la société Fraîche Vallée :

n'a pas remis de document d'information précontractuelle contenant les informations prévues par la loi, notamment l'état du marché local et les perspectives de développement,

n'a pas donné d'informations sur le manque de rentabilité du concept au sein du réseau (au jour de la remise du DIP) et n'a donc pas permis au candidat de s'engager en toute connaissance de cause,

n'a pas remis un document contenant " la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation ", conformément aux prescriptions du 6° de l'article R. 330-1 du Code de commerce,

a invité les candidats à se baser sur 6 100 euro par m2 qu'elle savait être totalement irréaliste,

a validé les comptes d'exploitation prévisionnels des franchisés qui ne correspondaient pas à la rentabilité de son concept et de son réseau,

n'a pas fourni de renseignements loyaux sur la rentabilité de son concept et de son réseau,

- d'estimer que Madame Allègre et de Monsieur Bocs ont été victimes d'une erreur sur la rentabilité de leurs entreprises, que la société Fraîche Vallée a manqué à son obligation de bonne foi, que cette dernière a commis de nombreux manquements à ses obligations contractuelles et n'a pas répondu aux attentes légitimes des sociétés Val & Mar et Maralex, qu'elle a également gravement manqué à son obligation d'assistance,

A titre principal

- de prononcer la nullité des deux contrats de franchise,

- de replacer les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la signature des contrats de franchise,

- de condamner la société Fraîche Vallée à payer à la société Val & Mar les sommes de 20 000 euro HT pour le remboursement du droit d'entrée, 49 044 euro représentant le remboursement des redevances versées en cours de contrat, 133 000 euro correspondant au remboursement des investissements spécifiques non amortis au 31 décembre 2012, 120 000 euro à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de mieux investir ses fonds,

- de condamner la société Fraîche Vallée à payer à la société Maralex les sommes de 10 000 euro HT pour le remboursement du droit d'entrée, 5 008 euro pour le remboursement des redevances versées en cours de contrat, 90 000 euro sauf à parfaire, représentant le remboursement des investissements spécifiques non amortis au 31 décembre 2012, 120 000 euro à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de mieux investir ses fonds,

- de condamner la société Fraîche Vallée à payer à Madame Sandy Allègre les sommes de 64 500 euro pour le manque à gagner en termes de rémunération, 70 000 euro correspondant à la perte de chance de mieux investir ses capitaux,

- de condamner la société Fraîche Vallée à payer à Monsieur Laurent Bocs les sommes de 64 500 euro pour le manque à gagner en termes de rémunération, 50 000 euro correspondant à la perte de chance de mieux investir ses capitaux.

A titre subsidiaire

- de prononcer la résiliation des deux contrats de franchise aux torts exclusifs de la société Fraîche Vallée

- en conséquence de condamner la société Fraîche Vallée à payer à la société Val & Mar la somme de 120 000 euro à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de mieux investir ses fonds,

- de condamner la société Fraîche Vallée à payer à la société Maralex la somme de 120 000 euro à titre de dommages et intérêts représentant la perte de chance de mieux investir ses fonds,

- de condamner la société Fraîche Vallée à payer à Madame Allègre les sommes de 64 500 euro pour le manque à gagner en termes de rémunération, 70 000 euro correspondant à la perte de chance de mieux investir ses capitaux,

- de condamner la société Fraîche Vallée à payer à Monsieur Bocs les sommes de 64 500 euro pour le manque à gagner en termes de rémunération, 50 000 euro correspondant à la perte de chance de mieux investir ses capitaux,

En tout état de cause :

- d'assortir les sommes allouées des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

- de condamner la société Fraîche Vallée à payer à la société Val et Mar la somme de 7 000 euro et à la société Maralex la somme de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 25 septembre 2015, la société Fraîche Vallée sollicite de la cour :

- la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Val & Mar de sa demande en annulation du contrat de franchise et a condamné cette dernière à lui payer les sommes de 20 415,83 euro représentant les redevances impayées et de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise,

- mais l'infirmation de cette décision en ce qu'elle a prononcé la nullité du contrat de franchise conclu par la société Maralex et alloué diverses sommes à cette dernière ainsi qu'aux consorts Bocs / Allègre,

- le rejet des demandes de la société Maralex, de Madame Allègre et de Monsieur Bocs,

- la constatation que la résiliation anticipée du contrat de franchise à laquelle a procédé la société Maralex est fautive,

- la condamnation de la société Maralex à lui payer la somme de 21 798,18 euro TTC au titre des factures de redevances impayées,

- la condamnation solidaire des sociétés Val & Mar et Maralex à lui verser la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise,

- la condamnation solidaire des sociétés Val & Mar et Maralex, Madame Allègre et Monsieur Bocs à lui régler la somme de 8 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce

Sur la demande de nullité du contrat de franchise de Marseille en date du 23 juin 2009

Considérant que pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris, la société Val & Mar, M. Bocs et Mme Allègre soutiennent que leur consentement a été vicié par une erreur sur la rentabilité du concept liée à une volonté de dissimulation du franchiseur de sorte que le contrat doit être annulé sur le fondement des articles 1110 du Code civil et L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; qu'ils indiquent plus particulièrement que le franchiseur ne pouvait, de bonne foi, d'une part, les inviter à construire leur projet sur la base de 6 100 euro/m2 car cela ne correspondait absolument pas à la rentabilité du concept et d'autre part, valider leur prévisionnel sachant parfaitement qu'il était totalement irréaliste au regard de ceux enregistrés tant par les succursales que par les autres franchisés en 2008 ; qu'ils reprochent également à la société Fraîche Vallée de n'avoir pas respecté son obligation de remise d'un état du marché local avec ses perspectives de développement et d'un document contenant la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne et son obligation de communiquer des chiffres sérieux et prudents ;

Considérant que la société Fraîche Vallée objecte qu'il n'appartient pas au franchiseur de garantir au franchisé une rentabilité du concept, qui dépend avant tout de la plus ou moins grande implication de l'exploitant ; qu'elle estime avoir satisfait à ses obligations essentielles de transmission d'un savoir-faire et d'aide pour sa mise en œuvre ;

Considérant qu'en application des dispositions des articles 1108 et 1109 du Code civil, le consentement de la partie qui s'oblige, est une condition essentielle de la validité d'une convention et qu'il n'y a point de consentement valable si ce consentement, n'a été donné que par erreur ou surpris par dol ; que l'article 1110 du même Code dispose que l'erreur n'est une cause de nullité que si elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet ; que l'article 1116 précise que le dol est une cause de nullité lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et qu'il doit être prouvé ;

Considérant que par ailleurs, l'article L. 330-3 du Code de commerce dispose que " toute personne qui met à disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. Ce document dont le contenu reste fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que les champs des exclusivités " ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles sus visés qu'un manquement à l'obligation d'information pré contractuelle prévue à l'article L. 330-3 du Code de commerce n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé ;

Considérant que l'erreur d'appréciation portant exclusivement sur la rentabilité de l'objet du contrat ne constituant pas en principe, une cause de nullité de la convention, il appartient aux appelants de caractériser l'erreur qui aurait été déterminante du consentement de la Val & Mar au moment de la souscription du contrat ; qu'il sera d'ores et déjà rappelé à cet égard que la franchise consiste à dévoiler les éléments d'un savoir-faire éprouvé de nature à permettre la reproduction d'une réussite commerciale par un franchisé ;

Considérant que l'article L. 330-3 du Code de commerce met à la charge du franchiseur l'obligation de présenter un " état et les perspectives de développement du marché concerné "; que l'article R. 330-1 l'oblige notamment à " une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché " ; que la présentation de l'état local du marché comporte, comme pour son état national, la définition du marché et la description de son état de manière à permettre au futur franchisé éventuel de s'engager en connaissance de cause ; qu'en revanche, la loi ne mettant pas à la charge du franchiseur une étude du marché local, il appartient au franchisé de procéder, lui-même, à une analyse d'implantation précise lui permettant d'apprécier le potentiel, et, par là même, la viabilité du fonds de commerce qu'il envisage de créer ;

Considérant qu'en l'espèce, il est établi que le 9 septembre 2008, soit plus de 9 mois avant la souscription du contrat de franchise, la société Fraîche Vallée a remis à M. Bocs et Mme Allègre un document d'information précontractuelle comportant un historique, la présentation des dirigeants de l'entreprise, une revue de presse, la présentation du réseau: 3 succursales et cinq franchisés, les résultats du franchiseur, l'état général du marché de la restauration rapide en France en 2006, l'état local du marché et un projet de contrat ; qu'il est constant que l'état local du marché marseillais a été réalisé par M. Bocs et Mme Allègre et ne comportait aucune perspective de développement du marché concerné ;

Considérant qu'il doit être relevé, à titre liminaire, que M. Bocs et Mme Allègre ne contestent pas avoir été en capacité intellectuelle d'établir un tel document ; qu'ils ne peuvent du reste être qualifiés de néophytes en la matière, le dossier de candidature qu'ils ont renseigné mentionnant que le premier a obtenu un CAP/BEP Restauration, reçu une formation d'assistant de direction en hôtellerie et restauration et occupé notamment un poste à responsabilité en tant qu'assistant manager en restauration tandis que la seconde, diplômée d'une école supérieure de commerce, a exercé successivement des fonctions de conseiller clientèle, responsable commerciale, assistante service RH puis consultante en recrutement ayant notamment pour mission la prospection commerciale ;

Considérant qu'en toute hypothèse, s'il appartenait au franchiseur de présenter un état local du marché et de ses perspectives de développement, ce dont il s'est effectivement abstenu, un tel manquement à une obligation pré contractuelle d'information, comme rappelé ci-dessus, ne peut suffire à caractériser le dol par rétention d'information, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ; qu'une telle erreur ne saurait se déduire de la seule absence des résultats escomptés ;

Considérant que M. Bocs et Mme Allègre se contentent de reprocher au franchiseur de ne pas avoir respecté son obligation de remise d'un état du marché local ainsi que des perspectives de développement et s'abstiennent d'expliquer en quoi cette abstention aurait vicié leur consentement ; qu'ils ne démontrent pas ni même n'allèguent que l'état du marché local qu'ils ont eux-mêmes établi, aurait été déficient du fait de l'absence de prise en compte d'une information essentielle que le franchiseur se serait sciemment abstenu de leur communiquer et/ou de la prise en compte de données erronées fournies par le franchiseur qui les aurait ainsi induits en erreur ; qu'ils ne justifient pas plus que l'absence d'informations sur les perspectives de développement du marché ait provoqué une erreur qui aurait été déterminante de leur consentement ; que dès lors, ce moyen ne saurait être retenu ;

Considérant que M. Bocs et Mme Allègre reprochent également à la société Fraîche Vallée de ne pas leur avoir révélé les difficultés rencontrées par les franchisés de Nantes, d'Amiens et de Lille ; que toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces versées aux débats que lors de la souscription du contrat, en juin 2009, les sites d'Amiens et de Lille connaissaient des difficultés significatives nécessitant une information particulière voire une mise en garde de la part du franchiseur ; que s'agissant du site de Nantes, il est établi qu'antérieurement à la souscription du contrat, en réponse à Mme Allègre qui l'interrogeait par mail du 8 avril 2009 sur les causes de la disparition de ce site sur le site Internet, le franchiseur lui a indiqué qu'il ne faisait plus partie du réseau ayant subi une fermeture administrative pour cause sanitaire suivie d'une liquidation de sorte que ces éléments ont été portés à sa connaissance ; qu'à titre surabondant, il sera relevé que le contrat de franchise indique en préambule que les franchisés ont eu à leur disposition la liste des restaurants pilotes et celle des franchisés et qu'ils ont eu la possibilité d'interroger leurs dirigeants sur les problèmes existants ainsi que sur leurs résultats ;

Considérant que M. Bocs et Mme Allègre font encore grief à la société Fraîche Vallée d'avoir pris la responsabilité de leur indiquer qu'il convenait de baser leur compte d'exploitation prévisionnel sur le chiffre d'affaires de la succursale du centre commercial Domus à Rosny-Sous-Bois (6 100 euro/m2) et de leurs deux concurrents du centre commercial de Marseille (10 600 euro et 11 100 euro/m2) et d'avoir validé leur prévisionnel sachant parfaitement qu'il était totalement irréaliste ;

Considérant que si le franchiseur n'est pas tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat à la franchise, aux termes du 6° de l'article R. 330-1 du Code de commerce, le document d'information précontractuelle doit contenir " la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation " ; qu'il appartient ensuite à chaque franchisé, commerçant indépendant, d'établir son compte prévisionnel à partir de ces données ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que le franchiseur n'a remis aucun document sur la nature et le montant des dépenses et investissement spécifiques et qu'il a été destinataire du compte d'exploitation prévisionnel établi par les futurs franchisés et pour lequel il n'a émis aucune réserve ;

Considérant que le compte prévisionnel a été établi à partir de chiffres communiqués par le franchiseur ; qu'il n'est pas démontré que ces chiffres aient été mensongers et aient ainsi trompés les candidats à la franchise ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que le 6 mars 2009, le franchiseur a fait parvenir à M. Bocs et Mme Allègre la " trame " d'une étude d'implantation en centre commercial et " un business plan type à remanier par vous en fonction de votre projet " leur précisant que la " négociatrice en charge du projet de commercialisation chez Mercyalis avance les chiffres d'affaires suivants pour les opérateurs déjà présents sur le site : Croissanterie : 800 Keuro/an sur 75 m2 soit un rendement au m2 de 10 660 euro) Mezzo Di Pasta : près de 300 Keuro sur 54 m2 les 6 premiers mois d'exploitation (soit une tendance au rendement au m2 de 11 100 euro) " ; que le franchiseur a préconisé de " connaître d'abord le montant de vos dépenses pour ensuite évaluer le seuil de rentabilité nécessaire pour les absorber. Si ce seuil de rentabilité démontre un CA au m2 en dessous de ce qui est avancé pour Croissanterie et Mezzo, alors je pense que l'opération sera viable pour vous puisque votre marge bénéficiaire se situera alors entre ce seuil de rentabilité au m2 et le ration des 2 opérateurs cités "; qu'il a ajouté " Je vous précise qu'il est plus prudent d'aller vérifier l'activité des concurrents à l'aide de la trame d'étude d'implantation que je vous ai communiquée. " ;

Considérant que sur demande expresse de Mme Allègre, le franchiseur a indiqué que le ratio CA/m2 de sa succursale située dans le centre commercial de Domus était de 6 100 euro sur la surface totale (120 m2) et de 9 200 euro si l'on retient la surface de vente (91m2) ; que selon les affirmations des franchisés, ils auraient appliqué un ratio de 6 100 euro/ 79 m2, soit 61.00 x 79 = 481 900 Keuro qu'ils auraient par prudence ramenés à 335 Keuro ;

Considérant que les franchisés reconnaissant que le chiffre d'affaires moyen des trois succursales était de 333 Keuro, il apparaît dès lors qu'il n'existe aucune différence significative entre les chiffres communiqués par le franchiseur et le prévisionnel établi par les franchisés de sorte que c'est vainement que ces derniers soutiennent que leur consentement a été vicié du fait de l'absence d'information sur la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques et de la communication de chiffres totalement irréalistes ;

Considérant qu'en outre, il doit être observé qu'à l'issue d'une réunion qui s'est tenue entre les franchisés dont M. Bocs et Mme Allègre, le 9 février 2011, ceux-ci ont adressé au créateur du concept en indiquant notamment reconnaître le concept " unanimement comme bon et adapté au marché " et relevé, à l'instar des premiers juges, que les appelants étaient satisfaits du concept dès lors qu'après un an d'expérience à Marseille, ils ont signé un nouveau contrat de franchise à Aix-en-Provence et que le premier exercice clos au 31 décembre 2010, d'une durée de 19 mois s'est soldé par un résultat d'exploitation de 17 338 euro et un résultat net équilibré ; qu'il apparaît qu'en réalité, les appelants déduisent l'existence d'une erreur déterminante de leur consentement de l'absence des résultats qu'ils escomptaient au jour de la souscription du contrat de franchise ; qu'en tout état de cause, la réalisation de prévisions est soumise à des aléas et peut être affectée par des facteurs inhérents au mode d'exploitation et de gestion du franchisé ;

Considérant dès lors que les franchisés échouent à démontrer l'existence d'une erreur déterminante qui aurait vicié leur consentement et a fortiori, celle d'un dol ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande en annulation du contrat et de celles subséquentes en restitution des sommes versées et en dommages et intérêts pour perte de chance de mieux investir leurs fonds ;

Sur la résiliation du contrat de franchise de Marseille en date du 23 juin 2009

Considérant qu'aux termes de l'article 14 du contrat de franchise, il était prévu que " Le présent contrat pourra être résilié par anticipation, par l'une ou l'autre des parties, en cas d'inexécution de l'une quelconque des obligations y figurant et/ou de l'une quelconque des obligations inhérentes à l'activité exercée. La résiliation anticipée interviendra automatiquement un mois après une mise en demeure signifiée par lettre recommandée avec accusé réception à la partie défaillante indiquant l'intention de faire application de la présente clause résolutoire restée sans effet... " ;

Considérant que pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que le contrat a été résilié à ses torts exclusifs, les franchisés font valoir que la société Fraîche Vallée s'est rendue coupable de nombreux manquements de sorte qu'ils étaient fondés à opposer une exception d'inexécution, à cesser de payer les redevances qui étaient dénuées de cause et à se prévaloir de l'article 14 du contrat pour solliciter la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur ;

Sur l'absence d'octroi d'un avantage concurrentiel sur les achats de matières premières

Considérant que la société Val & Mar produit un tableau qui, selon ses dires, fournirait 52 exemples significatifs de différences de prix de matières premières, hors fruits et légumes ; que toutefois, outre le fait que le contrat de franchise ne comporte une exclusivité d'achat que pour les fruits et légumes, il apparaît qu'à l'exception de quelques produits non significatifs, les exemples cités ne reflètent pas une substantielle différence entre le prix du fournisseur référencé et celui d'autres fournisseurs ; que le manquement invoqué à ce titre n'est donc pas établi ;

Sur la violation de l'obligation essentielle d'assistance

Considérant que les appelants soutiennent que le franchiseur n'a apporté aucune aide et n'a préconisé aucune mesure de nature à permettre à la société Val & Mar de régler les difficultés rencontrées et de réaliser les prévisions en termes de chiffre d'affaires ; qu'ils considèrent que les suggestions du franchiseur n'étaient pas de nature à répondre à leur attente c'est-à-dire une amélioration de la marge et la rentabilité du restaurant ;

Considérant qu'il y a lieu de rappeler que si pendant l'exécution du contrat, le franchiseur est tenu de procurer une assistance, celle-ci est de nature exclusivement technique et commerciale et constitue une obligation de moyens ; que le franchisé est un commerçant indépendant seul responsable de la gestion de son entreprise ; que les manquements du franchiseur ne se déduisent pas du seul fait de l'existence de difficultés financières rencontrées par les franchisés ; qu'en effet, l'exploitation d'un fonds est soumis à de multiples aléas dont notamment ceux liés à la gestion du franchisé et à la situation économique du marché de référence ;

Considérant que la société Fraîche Vallée justifie par la communication aux débats de nombreuses pièces avoir effectué de fréquentes visites suivies de rapports (rapports de visites des 26 janvier 2010, 12 février 2010, 12 mars 2010 "suivi de la fixation des objectifs", 4 juin 2011 et 9 mai 2012), avoir adressé régulièrement de nombreux mails aux termes desquels il a prodigué des conseils (assistance informatique, conseils dans l'organisation, face à la concurrence) et avoir notamment tenu une réunion annuelle les 21 et 22 mars 2010 regroupant l'ensemble des franchisés afin de permettre à chacun de s'exprimer et d'échanger sur leurs difficultés respectives et avoir adressé le compte rendu de cette réunion ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que le franchiseur était très présent et suggérait des évolutions notamment quant à la rigueur dans l'organisation du travail et que par ailleurs, ils ont relevé que la société Val & Mar n'avait jamais formulé de demandes précises auxquelles le franchiseur aurait pu répondre ;

Considérant dès lors qu'aucun manquement à l'obligation d'assistance n'est établi et que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Sur l'absence de notoriété de l'enseigne et l'absence de développement du réseau

Considérant que la société Fraîche Vallée produit les factures budget publicité 2011 et 2012 et justifie avoir communiqué par voie de presse nationale sur le concept Vivre & Savourer et plus particulièrement sur son plan de développement de franchise ;

Considérant qu'à titre surabondant, il sera relevé que la société Fraîche Vallée démontre que le secteur de la restauration " rapide mais saine " a connu une crise en 2012 ; qu'ainsi, les deux franchises les plus développées de ce secteur, Les Bars à salades Green is Better et les restaurants bio Planetalis ont été confrontées à de grandes difficultés économiques ;

Considérant dès lors que les manquements invoqués à ce titre ne sont pas établis ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Sur les autres manquements

Considérant enfin que les franchisés invoquent une série de griefs (sous-évaluation du temps de préparation, absence de visibilité du concept, absence de réactualisation régulière des fiches techniques) qui démontreraient, selon eux, que le franchiseur ne mettait pas en place les méthodes et les moyens permettant aux restaurants franchisés d'être rentables ; que toutefois, leurs affirmations ne sont étayées par la production d'aucun document précis de sorte qu'aucun des griefs n'est établi ;

Considérant qu'en conséquence de ces éléments, la société Val & Mar qui n'a pas respecté son obligation de payer les redevances, n'est pas fondée à opposer l'exception d'inexécution et à se prévaloir de l'article 14 du contrat ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le contrat a été résilié aux torts exclusifs de la société Val & Mar ;

Sur la demande en paiement au titre du contrat de franchise résilié de Marseille

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et il n'est pas contesté par la société Val & Mar que les redevances impayées s'élèvent à la somme de 20 415,83 euro TTC ; que le jugement entrepris sera donc confirmé à ce titre ;

Considérant que la société Fraîche Vallée sollicite en outre la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué une somme de 30 000 euro à titre d'indemnité du fait de la rupture anticipée du contrat de franchise ; que compte tenu des éléments du dossier, la somme allouée par le tribunal est justifiée ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Considérant par ailleurs que l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Fraîche Vallée sollicite dans le corps de ses dernières écritures l'allocation d'une somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour des faits de parasitisme ; que toutefois, cette demande n'étant pas reprise dans le dispositif, il n'y a pas lieu de l'examiner ;

Sur la demande de nullité du contrat de franchise d'Aix-en-Provence en date du 22 novembre 2010

Considérant que le jugement entrepris a prononcé l'annulation du contrat de franchise du 22 novembre 2010 au motif que l'absence de remise d'un DIP avant la signature de ce second contrat n'a pas permis aux franchisés d'avoir une information actualisée sur l'évolution du réseau et sur les difficultés rencontrées par plusieurs franchisés de sorte que les franchisés sont fondés à soutenir que leur consentement a été vicié ;

Considérant que pour solliciter l'infirmation du jugement, la société Fraîche Vallée qui reconnaît qu'elle n'a pas remis aux candidats le document d'information précontractuelle prévu aux articles L. 330-3 et R 330-1 du Code de commerce, fait valoir que les consorts Allègre/Bocs connaissaient parfaitement la situation du réseau lorsqu'ils ont signé le second contrat de franchise pour avoir été en contact lors de réunions avec les autres membres du réseau qui ne devaient pas manquer de leur faire état de leur situation ;

Considérant qu'il ressort du compte rendu de la réunion des 20 et 21 mars 2010 à laquelle a assisté Mme Allègre ainsi que les franchisés d'Amiens, de Toulouse, de Lille, de Schiltigheim et de Nice qu'elle a été parfaitement informée de la situation des autres membres du réseau ; que dès lors, les franchisés ne démontrent pas que leur consentement aurait été vicié par suite d'une erreur sur la situation du réelle du réseau ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat et a fait droit aux demandes de la société Maralex ainsi qu'à celles de M. Bocs et Mme Allègre en indemnisation pour perte de chance de mieux investir leurs fonds et confirmé en ce qu'il a débouté ces derniers de leur demande en dommages et intérêts pour manque à gagner en termes de rémunération ;

Sur la demande en résiliation du contrat de franchise d'Aix-en-Provence du 22 novembre 2010 et les demandes subséquentes

Considérant que la société Maralex et M. Bocs et Mme Allègre sollicitent à titre subsidiaire la résiliation du contrat aux torts de la société Fraîche Vallée en reprenant les mêmes arguments formulés pour la résiliation du contrat de franchise de Marseille ;

Considérant que cette demande sera, de la même façon et pour les mêmes motifs, rejetée ainsi que celle subséquente en dommages et intérêts ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et il n'est pas contesté par la société Maralex que les redevances impayées s'élèvent à la somme de 21 798,18 euro TTC ; qu'il y a donc lieu de dire fautive la résiliation anticipée du contrat par la société Maralex et de la condamner au paiement de cette somme ;

Considérant que la société Fraîche Vallée sollicite en outre le paiement d'une somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise ; que compte tenu des éléments du dossier, il y a lieu de lui allouer la somme de 30 000 euro à ce titre ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de franchise du 22 novembre 2010 liant la société Maralex à la société Fraîche Vallée, condamné la société Fraîche Vallée à payer à la société Maralex les sommes de 10 000 euro pour le remboursement du droit d'entrée, 5 008 euro représentant le remboursement des redevances versées, 50 000 euro correspondant au remboursement des investissements spécifiques non amortis au 31 décembre 2012, 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation d'une perte de chance, toutes sommes assorties d'un intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par la société Fraîche Vallée, condamné la société Fraîche Vallée à payer à Mme Sandy Allègre et M. Laurent Bocs la somme globale de 23 000 euro à titre de dommages et intérêts pour perte de chance et condamné la société Fraîche Vallée à payer à la société Maralex la somme de 4 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, et y ajoutant, Prononce la résiliation du contrat de franchise liant la société Fraîche Vallée à la société Maralex aux torts exclusifs de cette dernière, Condamne la société Maralex à verser à la société Fraîche Vallée la somme de 21 798,18 euro TTC au titre des redevances impayées et celle de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise, Déboute la société Maralex, Mme Sandy Allègre et M. Laurent Bocs de l'ensemble de leurs demandes, Condamne in solidum les sociétés Val & Mar et Maralex et M. Laurent Bocs et Mme Sandy Allègre aux dépens de première instance et d'appel, Autorise Maître Vignes, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Val & Mar et Maralex et M. Laurent Bocs et Mme Sandy Allègre à verser à la société Fraîche Vallée la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.