CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 décembre 2015, n° 13-15850
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
IHG Hotels Limited (Sté)
Défendeur :
Blacher, Dupont, Hôtel Malherbe (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Nicoletis, Mouthon Vidilles
Avocats :
Mes Faizant, Lempérière, Belfayol Broquet, Marc
FAITS ET PROCÉDURE
Le 8 mars 1993, la SNC Hôtel Malherbe (société Malherbe) dont les gérants sont Messieurs T. Blacher et JJ. Dupont, a signé un contrat de franchise pour l'exploitation d'un hôtel à l'enseigne "'Holiday Inn'" avec la société Bass International Holdings NV, aux droits de laquelle est aujourd'hui la société IHG Hotels Ltd (société IHG). Ce contrat était d'une durée de 20 ans à compter du 15 juillet 1993.
Parallèlement, lors de la conclusion du contrat de franchise, Messieurs Blacher et Dupont se sont engagés comme cautions solidaires pour garantir les obligations de la société Malherbe.
Au cours du mois de mai 2010, Messieurs Blacher et Dupont ont envisagé de céder les parts sociales qu'ils détenaient dans le capital de la société Malherbe. Informée de leur projet, la société IHG a diligenté un audit technique, dont le rapport communiqué à l'acquéreur potentiel précisait que des travaux de mise en conformité étaient indispensables pour maintenir l'hôtel dans le réseau de franchise " Holiday Inn ". Par un courriel en date du 1er septembre 2010, le candidat a renoncé à son projet d'achat.
Le 20 octobre 2010, la société Malherbe a proposé à la société IHG de rompre son contrat avant le terme de juillet 2013. Le 19 janvier 2011, la société Malherbe a proposé une indemnité forfaitaire transactionnelle amiable de 100 000 euro, puis le 30 mai une indemnité de 150 000 euro qui n'était pas acceptée.
Le 7 octobre 2011, la société Malherbe a dénoncé le contrat de franchise, avec effet au 30 juin 2011.
Par acte du 18 juin 2012, la société IHG a assigné la société Malherbe, Messieurs Blacher et Dupont devant le Tribunal de commerce de Paris afin de les voir condamner au paiement de diverses sommes, indemnité de résiliation et factures correspondant aux services fournis.
Par jugement rendu le 19 juin 2013, le Tribunal de commerce de Paris a :
Condamné in solidum la société Hôtel Malherbe, M. T. Blacher & M. JJ. Dupont à payer à la société IHG Hotels Limited la somme de 22 909 euro au titre des factures impayées ainsi que les intérêts correspondants calculés sur la base du taux légal d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter du 7 octobre 2011,
Condamné in solidum la SNC Hôtel Malherbe, M. T. Blacher & M. JJ. Dupont à payer à la société IHG Hotels Limited la somme de 30 267,23 euro augmentée des taux d'intérêt légal à compter du 7 octobre 2011 à titre d'indemnités de rupture,
Débouté les parties de leurs demandes d'application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Débouté les parties de leurs autres demandes,
Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement, en toutes ses dispositions, sans constitution de garantie,
Condamné la SNC Hôtel Malherbe aux dépens de l'instance.
Vu l'appel interjeté par la société IHG Hotels Limited le 30 juillet 2013 contre cette décision :
Vu les dernières conclusions notifiées par la société IHG Hotels Limited le 25 septembre 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil,
Vu les articles 2288 et suivant du Code civil
Vu les pièces versées au débat,
Reformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 19 juin 2013 en ce qu'il condamne in solidum la société Malherbe, MM. T. Blacher et JJ. Dupont à payer à la société IHG seulement la somme de 30 267,23 euro augmentée des taux d'intérêt légal à compter du 7 octobre 2011 à titre d'indemnités de rupture ;
Condamner in solidum la société Malherbe, MM. T. Blacher et JJ. Dupont à payer à la société IHG la somme de 211 870,60 euro à raison de la résiliation unilatérale du contrat de franchise en date du 9 mars 1993, ainsi que les intérêts correspondant à compter u 20 mars 2012 ;
Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,
Condamner in solidum la société Malherbe, MM. T. Blacher et JJ. Dupont à payer à la société IHG la somme globale de 12 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles, qu'elle n'était tenue d'aucune garantie de taux d'occupation minimal ou encore d'aucune garantie de rentabilité financière vis-à-vis du franchisé.
Elle invoque la clause de changement de contrôle au bénéfice d'IHG interdisant un changement de contrôle du capital social de la société Malherbe sans l'accord préalable d'IHG, sous peine de résiliation du contrat aux torts de la société Malherbe. Elle a appliqué la procédure prévue par le contrat en faisant part au candidat des travaux de mise aux nouvelles normes en vigueur au sein de la chaine Holiday Inn.
Elle reproche à la société Malherbe des fautes : la société Malherbe n'a pas respecté les conditions de résiliation unilatérale du contrat de franchise, notamment le respect d'un préavis de 24 mois et elle n'a pas réglé toutes ses factures concernant les services fournis prévus par l'article 6 du contrat.
Enfin, elle invoque le cautionnement solidaire des obligations de la société Malherbe consenti par MM. Blacher et Dupont qu'elle a mis en demeure de régler la somme demandée le 20 mars 2012.
Vu les dernières conclusions notifiées par la SNC Malherbe et MM T. Blacher et JJ. Dupont le 14 septembre 2015 par lesquelles is demandent à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société concluante à payer la somme de 22 909 euro à titre de factures impayées,
Recevoir la société Malherbe en son appel incident et, y faisant droit,
Le réformer pour le surplus et débouter la société IHG de toutes ses réclamations,
Subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que l'article 15 du contrat s'analysait en une clause pénale,
Le confirmer également en ce qu'il a limité cette clause pénale à un trimestre de redevance et en condamnant la société concluante à payer à la société IHG une somme de 30 267,23 euro,
Condamner la société IHG à payer à la société Malherbe une indemnité de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société IHG aux entiers dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Les intimés indiquent que société IHG n'a pas respecté ses engagements : la mise à disposition du franchisé du " savoir-faire " du franchiseur qui est un élément essentiel du contrat sans lequel ce dernier n'a pas d'existence, n'a pas été transmis ; la notoriété de la marque, le réseau n'ont pas été développés, la centrale de réservation était inefficace et la société Malherbe n'a bénéficié tout au long du contrat d'aucune contrepartie réelle.
Les intimés reprochent à la société IHG d'avoir communiqué de façon "intempestive", fautive, l'audit technique à des acquéreurs potentiels, sans l'accord de la société Malherbe, alors que ce rapport prescrivait un certain nombre de travaux que n' imposait aucun texte.
La société Malherbe qui soutient que la résiliation était justifiée, estime ne pas être redevable de l'indemnité de résiliation anticipée prévue contractuellement dont elle demande à la cour de l'exonérer
Elle ajoute que la clause pénale de l'article 15 doit être limitée à un trimestre de redevances.
MOTIFS
Sur l'exécution par la société IHG de ses obligations contractuelles :
Considérant que les obligations du franchiseur sont précisées dans l'article 7 du contrat, qu'actuellement sont reprochés l'absence de transmission d'un savoir-faire véritable, le défaut de "rentabilité" du concept par un taux de remplissage insuffisant, le défaut de développement de la marque ; que la société IHG conteste ces griefs,
Mais considérant que c'est après un refus du franchiseur de permettre la résiliation sans respect des termes contractuels relatifs au versement de certaines sommes en raison de la résiliation que la société Malherbe a, par le truchement de son conseil, par courrier du 19 janvier 2011, invoqué diverses violations de ses obligations par IHG, qu'elle en formule de nouvelles dans ses conclusions ;
Que la société Malherbe a eu à sa disposition la marque, le système de réservation, a profité du manuel, des sessions de formations, de l'assistance de IHG et a pu proposer aux clients les services de la marque ; qu'il est constaté d'ailleurs que durant plus de quinze ans, aucun reproche n'a été formulé, de sorte que les griefs tirés du défaut de transmission du savoir-faire n'ont pas un caractère sérieux,
Que le développement du réseau Holiday Inn est déterminé par l'existence de sites touristiques que se trouve susceptible de visiter une clientèle internationale, ce qui explique l'implantation peu importante dans l'ouest de la France ; que la société IGH n'a jamais garanti à la société Malherbe une rentabilité financière, un taux d'occupation minimal ; que l'on constate néanmoins que la participation de la société Malherbe au réseau de franchise Holiday Inn lui a permis de doubler son chiffre d'affaires et de diminuer ses pertes de 50 % ; que l'enseigne n'a pas eu le succès escompté lors de l'implantation à Caen mais que le franchisé n'établit aucune faute à l'encontre du franchiseur ;
Considérant encore que la société Malherbe reproche à la société IHG d'avoir imposé des travaux trop importants et au-delà des normes exigées, d'avoir fait connaître au candidat repreneur, Mr Enne, la teneur des travaux exigés, sans l'en informer, et être à l'origine de la défection du candidat,
Mais considérant que c'est dans le cadre de ses obligations et du nécessaire respect des normes exigées par le concept qui peuvent aller au-delà de ce que la réglementation exige que la société IHG devait faire connaître au candidat à la reprise l'étendue de ses engagements avant la signature du contrat de franchise ; qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société IHG à cet égard, étant d'ailleurs observé que IHG avait déjà demandé à la société Malherbe la réalisation de travaux en 2009 que celle-ci n'avait pas exécutés,
Considérant que les différents griefs invoqués ne sont pas établis ; que la société IHG doit être déboutée de sa demande de résiliation du contrat de franchise aux torts de la société IHG invoquée pour justifier qu'elle soit déchargée de paiement d'une indemnité à la suite de la résiliation,
Sur les conséquences de la résiliation :
Considérant que le contrat avait été conclu pour une durée de vingt ans, que les conséquences de la résiliation dont le franchisé a l'initiative sont précisées dans l'article 15 a du contrat, selon lequel "Le franchisé peut décider de résilier ce contrat par notification préalable écrite au franchiseur 24 mois avant la date de la résiliation choisie par le franchisé. Pour qu'une telle notification ait ses effets, elle doit être accompagnée d'un paiement forfaitaire (considéré comme des dommages-intérêts et non comme une clause pénale, sans que cela remplace d'autres paiements exigibles en vertu des présentes) " pour les 36 mois calendrier de gestion précédant la date à laquelle la notification écrite est reçue par le franchiseur ",
Considérant que cette indemnité prévue contractuellement n'est pas une clause pénale mais une clause de dédit, c'est-à-dire précisant le prix à payer pour mettre fin au contrat avant son terme,
Considérant que par courrier du 7 octobre 2011, la société Maherbe a résilié le contrat de façon anticipée, rétroactivement au 30 juin 2011, que cette résiliation fait perdre au franchiseur les avantages qu'il pouvait espérer de la continuation du contrat jusqu'à son terme normal le 14 juillet 2013, que toutefois, il demande une indemnité équivalente à 21 mois de redevances dues à compter du mois de la lettre de résiliation ; qu'il convient de faire droit à la demande en paiement de la somme 211 870,60 euro à ce titre,
Considérant que les sommes dues au titre des factures ne sont pas contestées, d'un montant de 22 909 euro,
Sur la demande formée contre les cautions :
Considérant que cet engagement n'est pas discuté, que MM Blacher et Dupont seront condamnés en qualité de cautions solidaires des engagements de la société Malherbe au paiement des sommes dues,
Par ces motifs LA COUR, infirme le jugement sur le montant des sommes dues au titre de la résiliation anticipée du contrat, condamne in solidum la société Malherbe Hôtel, Messieurs Thierry Blacher et Jean-Jacques Dupont à payer à la société IGH Hotels Ltd la somme de 211 870,60 euro outre les intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2012, confirme le jugement pour le surplus, condamne la société in solidum Malherbe Hôtel, Messieurs Thierry Blacher et Jean-Jacques Dupont à payer à la société IGH Hotels Ltd la somme de 10 000 euro au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles, condamne la société in solidum la société Malherbe Hôtel, Messieurs Thierry Blacher et Jean-Jacques Dupont aux entiers dépens.