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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com., 16 décembre 2015, n° 15-01024

RIOM

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Climb (SARL)

Défendeur :

Bouchon, Hitachi Air Conditioning Europe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Riffaud

Conseillers :

ML. Juillard, Bochereau

Avocats :

Mes Lambert, Pailloncy, Lacquit, Baudesson, Millerand, Gutton-Perrin

TGI Clermont-Ferrand, du 25 févr. 2015

25 février 2015

EXPOSE DU LITIGE :

Par devis du 6 août 2013, accepté le 2 septembre 2013, Jean-Yves Bouchon a confié à la SARL Climb la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur air/eau de marque Hitachi, avec production d'eau chaude sanitaire intégrée, pour l'équipement de sa maison sise à Billom (63), moyennant le prix de 17 933,20 euro TTC.

Estimant que la pompe à chaleur ne fonctionnait pas correctement, Jean-Yves Bouchon a obtenu, en référé, le 29 avril 2014, la désignation d'un expert. L'absence de consignation totale des provisions par ce demandeur n'a pas permis la réalisation complète de l'expertise, toutefois un compte rendu de réunion a été réalisé par l'expert en date du 15 juillet 2014.

Par jugement du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, en date du 25 février 2015, la demande tendant à l'annulation du contrat liant les parties a été rejetée, par contre, la résolution de ce contrat a été prononcée et la SARL Climb a été condamnée à payer à Jean-Yves Bouchon une somme de 15 200 euro en remboursement de l'acompte versé, le solde de facture réclamé par la SARL Climb à Jean-Yves Bouchon a été rejeté, l'enlèvement de la pompe à chaleur a été ordonné aux frais de la SARL Climb qui a été condamnée à payer à Jean-Yves Bouchon une somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ailleurs, les demandes de La SARL Climb visant à obtenir la garantie de La SAS Hitachi Air Conditioning Europe ont été rejetées et cette dernière a obtenu le paiement d'une somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Enfin La SARL Climb a été condamnée aux entiers dépens avec distraction au profit de maîtres Pailloncy et Boeringer.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 10 avril 2015, la SARL Climb a interjeté appel de ce jugement.

La SARL Climb par conclusions signifiées, le 6 octobre 2015, demande la confirmation du rejet de la nullité du contrat sollicitée par l'intimé principal, la réformation de la décision et le débouté de monsieur Bouchon ainsi que sa condamnation à payer la somme de 2 774,51 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'émission de la facture, celle de 5 000 euro pour procédure abusive, outre l'octroi d'une somme 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; par ailleurs il conviendra de déclarer la société Hitachi responsable des désordres affectant l'installation et dire qu'elle garantira la concluante qui obtiendra en outre une somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; l'ensemble avec distraction des dépens au profit de maître Lambert.L'appelante fait valoir que le Code de la consommation ne trouve pas à s'appliquer comme l'a parfaitement décidé le premier juge et, qu'en outre, entre le devis du 6 août 2013 et son acceptation le 2 septembre 2013, monsieur Bouchon a disposé du temps de la réflexion. Enfin, c'est l'intimé qui a sollicité l'intervention après avoir obtenu les coordonnés de la concluante par la société Atlantic.

S'agissant de la résolution du contrat, elle fait conclure que la seule réunion d'expertise a eu lieu uniquement en été et ne peut donc servir de fondement à une condamnation qui nécessitait une vérification de fonctionnement durant l'hiver, qu'il appartenait à l'intimé d'obtenir la taxation de l'expert si le montant de ses honoraires était trop important. En outre, des propositions d'adaptation de l'installation ont été adressée par l'appelante et par la société Hitachi et se sont heurtées au refus de l'intimé principal.

Elle critique notamment les relevés de température de l'huissier qui est intervenu en période hivernale et précise que le chauffage au fioul aurait dû prendre le relais de la pompe à chaleur qui n'est qu'un système de relève.

Elle rappelle qu'un solde de facture demeure impayé et que la procédure judiciaire s'avère abusive.

Par ailleurs, la société Hitachi est intervenue lors de l'installation notamment en changeant une carte électronique. Dès lors, cette société doit garantir la concluante.

Jean-Yves Bouchon par conclusions signifiées, le 6 août 2015, sollicite la nullité du contrat comme ne respectant pas les règles du Code de la consommation, subsidiairement la confirmation de la décision frappée d'appel s'agissant de la résolution du contrat, l'obtention de la remise en état des lieux dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de 100 euro par jour de retard, ainsi que le bénéfice d'une somme de 2 500 euro à titre de dommages et intérêts et la même somme sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le bénéfice des dépens comprenant le coût du constat d'huissier et leur distraction au profit de maître Lacquit.

Il soutient que le devis du 6 août 2013 a été signé le 2 septembre 2013 à son domicile à Billom et qu'un acompte de 40 % a été prélevé, que dès lors le contrat ne respecte pas les obligations s'attachant au démarchage à domicile.

Il affirme ne pas avoir pu régler 8 203,31 euro au titre des honoraires de l'expert. Il précise que ce dernier relève néanmoins dans son rapport une série de défauts importants et une inadaptation de l'installation à la maison, que dès lors l'obligation de délivrance n'a pas été remplie par l'appelante qui devra en conséquence l'indemniser par le remboursement de somme réglée et par l'octroi d'une somme à titre de dommages et intérêts en raison notamment de l'inconfort de la maison.

La SAS Hitachi Air Conditioning Europe, par conclusions signifiées le 19 août 2015, sollicite la confirmation du jugement et le rejet des demandes de l'appelante, ainsi que sa condamnation à lui payer 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle estime n'avoir aucune responsabilité dans le litige qui provient exclusivement des manquements de l'installateur qui n'a pas su proposer une installation adaptée à la maison.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 octobre 2015.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la nullité du contrat

Pour soutenir la nullité du contrat, Monsieur Bouchon, dont il n'est pas contesté qu'il est un consommateur profane agissant pour ses besoins personnels, invoque un démarchage à domicile relevant des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014. Il estime que le devis accepté a été signé à son domicile et ne comporte pas la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-23 du Code susvisé et que l'émission d'un chèque d'acompte à hauteur de 40 % du prix lors de la signature du devis, le 2 septembre 2013, entraîne également la nullité de la convention signée par les parties.

Il appartient à cet intimé de rapporter la preuve que l'échange de consentement sur la chose et sur le prix s'est déroulé à son domicile. A cet égard, le devis accepté le 2 septembre 2013 mentionne qu'il a été rédigé à Tallende (63) lieu d'implantation de la société Climb, mais il a bien été signé à Billom, puisque cette commune figure à côté de la signature de Wiliam Gely représentant de l'appelante. Enfin, la prise de contact par l'intimé, au terme d'un mail portant la date du 2 juin 2013, auprès de la société Atlantic, pour obtenir les coordonnés d'un installateur et le fait que Monsieur Bouchon prenne l'attache de l'appelante ne permet pas de rejeter la notion de démarchage à domicile, l'article L. 121-21 du Code de la consommation prévoyant que ce dernier est constitué, même lorsque le prestataire de service intervient à la demande du consommateur.

En outre, si la nullité sanctionnant un manquement aux obligations des articles susvisés n'est que relative, il est désormais acquis que s'agissant d'une protection d'un intérêt particulier - celui du consommateur profane - il convient que le bénéficiaire de cette protection y renonce en toute connaissance de cause, et que le fait d'exécuter le contrat en payant la quasi-totalité de la facture n'empêche pas Monsieur Bouchon d'en soulever la nullité dans la mesure où rien ne démontre qu'il aurait renoncé utilement au bénéfice des règles du Code de la consommation.

En l'espèce, il est constant que le devis accepté ne contient pas la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-23 dudit Code.

Enfin, de manière surabondante, il serait possible d'ajouter que la réception d'un acompte à hauteur de 7 200 euro le 2 septembre 2013 (cf copie du chèque, pièce 21 de l'intimé) constitue également une cause de nullité du contrat.

Dès lors le jugement attaqué sera infirmé et la nullité du contrat sera prononcée, le remboursement de la somme versée (15 200 euro) par Monsieur Bouchon étant ordonné, ainsi que la reprise de la pompe à chaleur et de tous ses accessoires, sous astreinte de 50 euro par jour de retard à compter du mois suivant la signification de l'arrêt.

Sur le surplus des demandes

En raison de la nullité du contrat, il y a lieu de mettre hors de cause la société Hitachi à qui sera accordée une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement sera infirmé à ce titre.

Jean-Yves Bouchon était en droit de d'attendre une installation propre à lui permettre des économies d'énergie et n'avait pas à subir les tracas liées à une procédure judiciaire longue. C'est à juste titre que le premier juge a évalué à la somme de 1 500 euro les dommages et intérêts pouvant lui revenir.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Succombant La SARL Climb supportera les dépens d'appel avec distraction au profit de maître Sophie Lacquit et de maître Barbara Gutton, ainsi que le paiement, en faveur de Jean-Yves Bouchon, d'une somme complémentaire de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile intégrant le coût du procès-verbal de maître Dantil huissier sollicité par Monsieur Bouchon.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction, Infirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne l'octroi à Jean-Yves Bouchon d'une somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts, Statuant à nouveau, Prononce la mise hors de cause de la SAS Hitachi Air Conditioning Europe, Prononce la nullité du contrat liant la SARL Climb à Jean-Yves Bouchon, Condamne la SARL Climb à rembourser à Jean-Yves Bouchon la somme de 15 200 euro et à procéder à ses frais à la reprise de la pompe à chaleur et de ses accessoires et à la remise en fonctionnement, en tant que de besoin, de la chaudière au fuel, sous astreinte provisoire de 50 euro par jour de retard à compter du mois suivant la signification du présent arrêt, Condamne La SARL Climb aux dépens d'appel et à payer à Jean-Yves Bouchon une indemnité complémentaire de 2 500 euro et une somme de 1 000 euro à la SAS Hitachi Air Conditioning Europe, en application l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.