CA Dijon, 2e ch. civ., 10 décembre 2015, n° 13-01344
DIJON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Bossaert
Défendeur :
Store Collon (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Ott
Conseillers :
Mme Dumurgier, M. Wachter
Avocats :
Mes Ruther, Profumo
Par contrat signé le 17 septembre 2008, Mme Marie Bossaert a passé commande auprès de la SARL Store Collon d'un store pour un prix de 1 660 euro TTC. Il a été immédiatement procédé au versement d'un acompte de 500 euro, le règlement du solde devant intervenir en fin de chantier.
Par exploit du 24 janvier 2012, faisant valoir que le bon de commande ne respectait pas les dispositions relatives au démarchage à domicile, et que le store avait été endommagé lors d'un coup de vent, Mme Bossaert a fait assigner la société Store Collon devant la juridiction de proximité de Dijon en nullité du contrat, subsidiairement en résolution de celui-ci.
La société Store Collon s'est opposée aux demandes au motif que le contrat n'était pas soumis aux règles relatives au démarchage à domicile, et qu'elle n'avait aucune responsabilité dans les dommages suis par le store.
Par jugement du 11 avril 2013, la juridiction de proximité a considéré que la vente n'était pas intervenue dans le cadre d'un démarchage, mais sur un salon, et que les désordres sont survenus par suite d'une négligence ou d'une mauvaise utilisation du store. Il a en conséquence :
- rejeté les demandes de Mme Bossaert ;
- condamné Mme Bossaert à payer la somme de 700 euro à la société Store Collon au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné Mme Bossaert aux dépens.
Mme Bossaert a relevé appel de cette décision le 9 juillet 2013.
Par conclusions notifiées le 18 septembre 2013, l'appelante demande à la cour :
Sur la recevabilité de l'appel,
- de dire et juger que le jugement rendu le 11 avril 2013 a improprement été qualifié de dernier ressort ;
- de dire et juger que la demande de Mme Marie Bossaert consistant à solliciter la nullité du bon de commande du 17 septembre 2008 est une demande indéterminée ;
- de dire et juger en conséquence l'appel de Mme Marie Bossaert recevable ;
Sur le fond,
- de dire qu'il a été bien appelé, mal jugé ;
- en conséquence, de réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau,
A titre principal,
Vu les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation,
Vu les articles 6, 1131 et 1133 du Code civil,
- de dire et juger que le bon de commande du 17 septembre 2008 a été signé au domicile de Mme Marie Bossaert ;
- de dire et juger en tout état de cause que les parties ont expressément fait référence dans le bon de commande à la loi sur le démarchage à domicile ;
- de dire et juger que les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation doivent s'appliquer au cas d'espèce ;
- de dire et juger que le bon de commande du 17 septembre 2008 ne respecte pas les dispositions impératives du Code de la consommation dans la mesure où :
Les articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du Code de la consommation ne sont pas reproduits dans le bon de commande ;
Le bordereau de rétractation est irrégulier ;
La société Store Collon a exigé de Mme Marie Bossaert la remise d'un chèque de 500 euro lors de la signature du bon de commande ;
- en conséquence, de dire et juger nul et de nul effet le bon de commande en date du 17 septembre 2008 ;
- de condamner la société Store Collon à régler à Mme Marie Bossaert les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'assignation :
1 660 euro à titre de remboursement ;
850 euro au titre du préjudice matériel ;
450 euro au titre du préjudice moral ;
420 euro au titre du remboursement des frais d'expertise privée ;
327,05 euro au titre des travaux de démontage ;
A titre subsidiaire,
Vu les articles 1146 et suivants et 1184 du Code civil,
- de dire et juger que la société Store Collon a gravement manqué à ses obligations contractuelles ;
- en conséquence, de prononcer la résolution du contrat en date du 17 septembre 2008 aux torts de la société Store Collon ;
- de condamner en conséquence la société Store Collon à régler à Mme Marie Bossaert les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'assignation :
1 660 euro à titre de remboursement ;
850 euro au titre du préjudice matériel ;
450 euro au titre du préjudice moral ;
420 euro au titre du remboursement des frais d'expertise privée ;
327,05 euro au titre des travaux de démontage ;
- de condamner la société Store Collon à régler à Mme Marie Bossaert la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner la société Store Collon aux entiers dépens de première instance et d'appel, en jugeant que Me Eric Ruther, avocat, pourra procéder à leur recouvrement comme cela est prescrit à l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 15 novembre 2013, la société Store Collon demande à la cour :
Vu les articles 1134 et 1184 du Code civil,
Vu les articles L. 121-21 et suivants, R. 121-1 et suivants du Code de la consommation,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme Bossaert ;
- de déclarer la société Store Collon recevable et bien fondée en ses observations ;
En conséquence :
A titre principal,
- de dire que les dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile sont inapplicables en l'espèce ;
- à titre subsidiaire, de dire et juger le bon de commande du 17 septembre 2008 conforme aux prescriptions du Code de la consommation et dès lors parfaitement valable ;
- de débouter Mme Marie Bossaert de l'intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- de dire et juger que la société Store Collon n'a pas manqué à ses obligations contractuelles ;
- de débouter Mme Marie Bossaert de l'intégralité de ses demandes ;
En tout état de cause,
- de condamner Mme Marie Bossaert à verser à la société Store Collon la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de la condamner aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 23 avril 2015.
Sur ce, LA COUR,
Vu les dernières écritures des parties auxquelles la cour se réfère,
A titre liminaire, il convient d'observer que c'est à tort que le jugement déféré mentionne qu'il a été rendu en dernier ressort, dès lors que, statuant sur une demande en annulation de contrat, laquelle s'analyse en une demande indéterminée, cette décision était nécessairement susceptible d'appel. L'erreur de qualification commise par la juridiction de première instance ne pouvant préjudicier aux intérêts des parties, l'appel formé par Mme Bossaert ne peut qu'être déclaré recevable, ce qui n'est au demeurant pas contesté par l'intimée.
L'appelante soutient que le contrat litigieux était soumis aux dispositions du Code de la consommation alors en vigueur en matière de démarchage, au motif qu'il a été conclu à son domicile, ce que conteste la société Store Collon, qui affirme quant à elle que le contrat a été souscrit dans le cadre d'une foire, ce qu'a d'ailleurs retenu le premier juge.
L'article L. 121-21 du Code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat litigieux, dispose qu'est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services.
Il convient de rappeler en tant que de besoin que les dispositions relatives au démarchage demeurent applicables si, après un premier contact pris hors domicile, même à l'initiative du client, le contrat est ensuite formalisé et signé à son domicile.
En l'espèce, il est incontestable que les parties sont entrées en contact dans le cadre d'un salon, ainsi qu'en atteste la pièce n° 1 produite par la société Store Collon, ainsi que la mention, apparaissant sur le bon de commande, de l'application d'une remise " Salon Maison Passion ".
Il n'en résulte toutefois pas de manière nécessaire que le contrat lui-même ait été signé sur le stand dont la société Store Collon bénéficiait sur le salon.
La pièce n° 1 de l'intimée, consistant en un listing des contacts pris au cours de la foire, fait en effet uniquement référence à une prise de rendez-vous, alors que le cadre de cette prise de contact suffit par ailleurs à expliquer l'application, dans un souci commercial, d'une remise spécifique à cette manifestation.
Il résulte par ailleurs sans ambiguïté des pièces versées aux débats que la signature du bon de commande est bien intervenue au domicile de Mme Bossaert. Si le lieu de signature porté sur ce document, à savoir " Dijon ", ne permet aucune conclusion particulière, dès lors que cette ville correspond à la fois au domicile de Mme Bossaert et au lieu de déroulement de la foire, il en va autrement de sa date. Mme Bossaert produit en effet aux débats des extraits de la presse locale de l'époque, dont il ressort que le salon Maison Passion s'est déroulé à Dijon du 12 septembre au 15 septembre 2008. Or, le bon de commande a été signé le 17 septembre 2008, soit deux jours après que le salon ait fermé ses portes. Par ailleurs, le bon de commande mentionne que la visite technique des lieux a été faire le jour-même de la signature, ce qui ne peut s'expliquer autrement que par la présence du vendeur au domicile de sa cliente. Enfin, l'appelante verse une attestation établie par M. Jean-Louis Esmieux, qui confirme que la signature s'est faite, en sa présence, au domicile de Mme Bossaert le 17 septembre 2008 après 19 heures.
C'est dès lors à tort que le premier juge a écarté l'application au contrat litigieux des dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage, dans leur rédaction alors applicable.
L'article L. 121-23 du Code de la consommation énonce que les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de service ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.
L'examen du bon de commande litigieux fait apparaître qu'il ne comporte pas l'identité du démarcheur ni l'adresse précise du lieu de conclusion du contrat, laquelle se résume à la mention de la seule commune de Dijon, et qu'il ne reproduit pas les textes visés, les conditions générales de vente figurant au verso du document renvoyant non pas aux dispositions du Code de la consommation, mais à celles de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972.
L'article L. 121-24 dispose que le contrat visé à l'article L. 121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25, et les articles R. 121-3, R. 121-4 et R. 121-5 précisent les mentions qui doivent figurer sur ce formulaire.
Or, si le bon de commande comporte bien un formulaire de rétractation, force est de constater qu'il ne répond en rien aux exigences du Code de la consommation, dès lors en particulier que n'y figure pas l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être renvoyé, ni le détail des mentions prévues par l'article R. 121-5.
L'article L. 121-25 énonce que, dans les sept jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, le client a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception, l'article L. 121-26 ajoutant qu'avant l'expiration de ce délai de réflexion nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit.
En l'espèce, il est constant que la société Store Collon a obtenu dès la signature du contrat le 17 septembre 2008 la remise d'un chèque d'acompte de 500 euro dont Mme Bossaert démontre par la production d'un extrait de son compte bancaire qu'il a été encaissé dès le 22 septembre 2008. Il a ainsi été incontestablement contrevenu aux dispositions de l'article L. 121-26.
C'est vainement que la société Store Collon soutient que les irrégularités ainsi mises en évidence ne sont pas sanctionnées par la nullité du contrat, étant rappelé que les dispositions protectrices du Code de la consommation sont d'ordre public, et qu'en application de l'article 6 du Code civil, la convention méconnaissant des dispositions d'ordre public encourt la nullité.
Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
En conséquence de l'annulation de la convention, la société Store Collon sera condamnée à restituer à Mme Bossaert la somme de 1 660 euro correspondant au prix perçu, ainsi que celle de 327,05 euro correspondant aux frais de démontage du store et de remise en état du crépis du mur sur lequel il était fixé, selon devis 21 versé aux débats. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Mme Bossaert restituera quant à elle le store litigieux à l'intimée, cette restitution découlant nécessairement de la demande d'annulation de la vente qu'elle a formée.
La demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance sera rejetée, compte tenu de l'annulation prononcée. Il en sera de même du préjudice moral, lequel est insuffisamment établi au regard des circonstances de l'espèce. Le rejet s'impose également s'agissant de la demande de prise en charge par la société Store Collon des frais d'expertise privée, dès lors que cette mesure n'a pas été utile à la solution du litige, et qu'il ressort au demeurant de l'expertise que le dommage subi par le store est imputable à une utilisation inadaptée, à savoir son déploiement par temps de grand vent.
La société Store collon sera condamnée à verser à Mme Bossaert la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Déclare Mme Marie Bossaert recevable et bien fondée en son appel, Y fait droit, En conséquence, Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 avril 2013 par la juridiction de proximité de Dijon, Statuant à nouveau, Annule le contrat signé le 17 septembre 2008 signé entre Mme Marie Bossaert et la SARL Store Collon, Condamne la SARL Store Collon à rembourser à Mme Marie Bossaert la somme de 1 660 euro, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Condamne la SARL Store Collon à payer à Mme Marie Bossaert la somme de 327,05 euro à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Dit que Mme Marie Bossaert restituera le store objet du contrat à la SARL Store Collon, Condamne la SARL Store Collon à payer à Mme Marie Bossaert la somme de 2 000 euro en application l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Store Collon aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.