CA Versailles, 12e ch., 15 décembre 2015, n° 14-01504
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Epargne Prévoyance Internationales " L'Epi " (SARL)
Défendeur :
Developpement Et Finances " Defi " (SARL), Ageas France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
M. Leplat, Mme Soulmagnon
Avocats :
Mes Jullien, Ricard, Minault, Fichoux, Giovannetti, de la Bastide
Exposé du litige
La société à responsabilité limitée Epargne Prévoyance Internationales, ci-après désignée l'Epi, créée en 1993 et ayant pour gérant Philippe Brequigny exerce une activité de courtier d'assurances et propose à ce titre à ses prospects et mandants la souscription de contrats d'assurance-vie auprès de diverses compagnies. Jusqu'en 2003 l'Epi a développé avec succès son activité tant par des collaborateurs salariés, que par des mandataires, agissant soit en leur nom ou via des structures juridiques créées à cet effet.
C'est dans ces conditions que cette dernière a notamment apporté un volume important de contrats souscrits par ses clients auprès de la Compagnie Aviva Vie. Au cours du dernier trimestre 2004, l'Epi a reçu d'Aviva Vie un nombre très important d'ordres de remplacement émis par ses mandants et clients au profit de la société à responsabilité limitée de courtage Développement et Finances, ci-après désignée la société Défi, nouvellement constituée et animée par certains de ses anciens salariés ou mandataires. L'Epi a fait part de ses soupçons et de son inquiétude à Aviva Vie qui a momentanément gelé les transferts des codes courtiers relatifs à ces ordres.
Après avoir vainement tenté de concilier, Aviva Vie a fait assigner en référé, le 10 février 2005, l'Epi et la société Défi devant le président du Tribunal de commerce de Paris, aux fins de:
Désigner un séquestre avec pour mission de recevoir les commissions dues pour les contrats visés par les ordres de remplacement pour le compte de qui il appartiendra, lorsque la société Défi et l'Epi auront, soit passé un accord mettant fin à leur litige, soit fait trancher leur contentieux par une décision définitive au fond,
Indiquer à qui les informations financières destinées aux souscripteurs concernant les contrats considérés devront être adressées, soit à l'Epi, soit à Défi, voire à un mandataire désigné.
Par ordonnance du 13 avril 2005, président du Tribunal de commerce de Paris a notamment :
Donné acte à :
' Aviva de ce qu'elle s'engageait en raison de l'urgence, à adresser toutes informations aux assurés sous le code courtier Défi, avec communication simple de ces mêmes informations à l'Epi,
' L'Epi de ce qu'elle ne s'y opposait pas sous réserve de son action au fond qu'elle entendait mettre en oeuvre sur la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle de Défi et de Même. Avignon, Heuze et Iarlori à titre personnel,
Dit n'y avoir lieu à référé sur la désignation d'un séquestre, après avoir constaté que l'urgence d'une telle mesure n'était pas rapportée et qu'il existait une contestation sérieuse entre les deux courtiers sur le règlement des commissions sur encours qui devrait être tranchée par le juge du fond.
Sur appel formé par l'Epi, la Cour d'appel de Paris a, par arrêt du 25 novembre 2005 déclaré celle-ci irrecevable en son appel de cette ordonnance, irrecevables ses demandes nouvelles formées à titre reconventionnel.
C'est dans ces circonstances, que par acte d'huissier délivré à personne le 26 avril 2005, l'Epi a fait assigner la société Aviva Vie devant le Tribunal de commerce de Nanterre en lui demandant de :
Vu les usages du courtage,
Dire que les ordres de remplacement accordés à la société Défi ne sont pas accompagnés d'une dénonciation des contrats apportés par L'Epi,
Dire qu'en application du 3e usage, L'Epi en sa qualité de courtier créateur, conserve son droit aux commissions générées par les versements effectués par les assurés antérieurement à l'émission des ordres de remplacement ci-dessus exposés,
Condamner en conséquence Aviva à lui payer les commissions ainsi déterminées afférentes aux contrats d'assurance-vie faisant l'objet des ordres de remplacement figurant au bordereau joint et ce, dans les 8 jours de la signification du jugement à intervenir, le tout sous astreinte de la somme de 1 500 euro par jour de retard,
Condamner Aviva aux intérêts calculés au taux légal sur le montant des commissions dues à compter de leur date d'exigibilité contractuelle et ce, jusqu'à complet paiement, Dire qu'elle a subi un préjudice dont elle est bien fondée à demander réparation en raison de la résistance abusive au paiement d'Aviva,
Condamner Aviva à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
Condamner Aviva aux entiers dépens.
Cette instance a été enrôlée sous le numéro 2005 F 02039.
Par acte d'huissier délivré à, personne le 1er juin 2005, la société Aviva Vie a fait assigner la société Défi en intervention forcée devant le Tribunal de commerce de Nanterre, lui demandant de :
Dire Aviva recevable en sa demande en intervention forcée,
Déclarer le jugement à intervenir commun à Défi avec toutes conséquences de droit,
Condamner Défi défenderesse à l'intervention forcée, en tous les dépens et frais de l'instance.
Cette instance a été enrôlée sous le numéro 2005 F 0253 S.
Par actes d'huissier délivrés :
- Le 6 février 2008, à personne, à la société MMA Iard,
- Le 8 février 2008, à personnes aux sociétés Aviva Life, Interinvest, Fortis Assurances ci-après Fortis, Generali et à M. Heuze, M. Campe, en étude M. Avignon,
- Le 12 février 2008, en étude à M. Iarlori et à la société Conseils et Patrimoines,
- Le 18 février 2008, en étude à la société AFGP et à Madame Schwartz épouse Florin et M. Florin,
- Le 19 février 2008, selon procès-verbal établi en vertu de l'article 659 du Code de procédure civile à M. Nogues, l'Epi a fait assigner ces personnes et sociétés en intervention forcée devant ce même tribunal auquel il était demandé de :
Vu les articles 331 à 333 du Code de procédure civile,
Dire L'Epi recevable et bien fondée en son assignation en intervention forcée.
Dire que Défi s'est livré au pillage systématique de sa clientèle avec le concoure de ses anciens mandataires et en particulier, Messieurs Larlori, Heuze, Avignon, Nogues, Campe, Florin et son épouse Madame Schwartz ainsi que les sociétés Interinvest, AFGP, Conseils et Patrimoines,
Dire que ce pillage systématique est parfaitement établi, ne serait-ce que par la production du nombre tout à fait considérable d'ordres de remplacement émis au profit de Défi ou encore de rachat total ou partiel effectué par certains clients sur tes conseils de cette dernière et enfin, par le fait que la quasi-totalité des contrats apportés par Défi à Fortis provient de sa clientèle,
Dire qu'en agissant de la sorte et en se livrant à ce pillage systématique, la société Défi, Messieurs Larlori, Heuze, Avignon, Nogues, Campe, Florin et son épouse Madame Schwartz ainsi que les sociétés Interinvest, AFGP, Conseils et Patrimoines se sont rendus coupables de manœoeuvres constitutives de concurrence déloyale et doivent être condamnées de ce chef,
Déclarer le jugement à intervenir, commun aux sociétés Aviva, Generali, MMA et Fortis,
Dire que compte tenu de l'énormité du préjudice subi par L'Epi, il y a lieu de désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission :
- En présence des parties, d'examiner tous documents, contrats, ordres de remplacement, ordres de rachat,
- De se faire préciser toutes informations par les compagnies concernées et en particulier par les sociétés Aviva, MMA, Generali et Fortis,
- D'entendre tous sachants,
- De donner à la juridiction saisie tous éléments lui permettant d'apprécier le préjudice subi par L'Epi,
Condamner Même. Avignon, Heuze, Iarlori, Nogues, Campe, les époux Florin et les sociétés Interinvest, AFGP, Conseils et Patrimoines à lui payer la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
Condamner MÊME. Avignon, Heuze, Iarlori, Nogues, Campe, les époux Florin et les sociétés Interinvest, AFGP, Conseils et Patrimoines aux entiers dépens.
Cette instance a été enrôlée sous le numéro 2018 F 01212,
Par actes d'huissier délivrés en étude le 17 décembre 2009 à la société JCG Finances, ci-après JCG et à M. Geyer, l'Epi les a fait assigner en intervention forcée devant le Tribunal de commerce de Nanterre et lui demandant de :
Vu les articles 331 à 333 du Code de procédure civile,
Dire L'Epi recevable et bien fondée en son assignation en intervention forcée,
Dire que Défi s'est livré au pillage systématique de sa clientèle avec notamment le concours de M. Geyer et de JCG,
Dire que ce pillage systématique est parfaitement établi, ne serait-ce que par la production du nombre tout à fait considérable d'ordres de remplacement émis au profit de Défi ou encore de rachat total ou partiel effectué par certains clients sur les conseils de M. Geyer et de JCG,
Dire qu'en agissant de la sorte et en se livrant à ce pillage la société Défi, MM. Arlori, Heuze, Avignon, Nogues, Campe, Geyer, Florin et son épouse Madame Schwartz ainsi que les sociétés Interinvest, AFGP, Conseils et Patrimoines et JCG, se sont rendus coupables de manœuvres constitutives de concurrence déloyale et doivent être condamnées de ce chef,
Dire que compte tenu de l'énormité du préjudice subi par L'EPI, il y a lieu de désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission ;
- En présence des parties, d'examiner tous documents, contrats, ordres de remplacement, ordres de rachat,
- De se faire préciser toutes informations par les compagnies concernées et en particulier par les sociétés Aviva, MMA, Generali et Fortis,
- D'entendre tous sachants,
- De donner à la juridiction saisie tous éléments lui permettant d'apprécier le préjudice subi par L'Epi,
Condamner MM. Avignon, Heuze, Iarlori, Nogues, Campe, Geyer les époux Florin et les sociétés Interinvest, AFGP, Conseils et Patrimoines, JCG à lui payer la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
Condamner MM. Avignon, Heuze, Iarlori, Nogues, Campe, Geyer, les époux Florin et les sociétés Interinvest, AFGP, Conseils et Patrimoines, JCG aux entiers dépens.
Cette instance a été enrôlée sous le numéro 2010 F 00041.
Par jugement entrepris du 19 septembre 2013 le Tribunal de commerce de Nanterre a :
Joint les instances enrôlées sous les numéros 2005 F2039, 2005 F02538, 2008 F01212 et 2010 F00041,
Dit Messieurs Heuze, Avignon, Iarlori et Campe recevables et partiellement fondés en leur exception d'incompétence,
S'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Nanterre pour statuer sur les demandes formées par la société Epargne Prévoyance Internationales - L'Epi à leur encontre,
Constaté les usages du courtage,
Dit que ces usages devaient trouver application dans ce litige dès lors qu'il est établi que dans le cadre de leurs relations, la société Aviva Vie et les courtiers n'ont pas prévu par convention d'autres règles y dérogeant,
Dit qu'en application du 3e usage, la société Epargne Prévoyance Internationales, en sa qualité de courtier créateur, conservait son droit aux commissions générées par les versements effectués par les assurés antérieurement à l'émission des ordres de remplacement émis au profil de la société Développement et Finances - Défi,
Condamné en conséquence la société Aviva Vie à payer à la société Epargne Prévoyance Internationales les commissions ainsi déterminées afférentes aux contrats d'assurance-vie faisant l'objet de ces ordres de remplacement figurant sur le listing établi par Aviva Vie avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité contractuelle des dites commissions, et ce, jusqu'à parfait paiement, déboutant du surplus,
Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte,
Débouté la société Epargne Prévoyance Internationales de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre des sociétés Aviva Vie et Développement et Finances,
Dit la société Epargne Prévoyance Internationales irrecevable en ses demandes en concurrence déloyales formées à rencontre de M. Geyer et de la société JCG Finances et l'en a débouté,
Débouté la société Epargne Prévoyance Internationales de ses demandes en concurrence déloyale à l'encontre de Madame Schwartz épouse Florin, Messieurs Florin et Nogues, des sociétés Développement et Finances, Interinvest, Conseils et Patrimoines et AFGP,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée par la société Epargne Prévoyance Internationales,
Débouté Madame Schwartz épouse Florin, Monsieur Nogues, les sociétés AFGP, Conseils et Patrimoines de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamné la société Epargne Prévoyance Internationales à payer la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive à Monsieur Geyer et à la société JCG Finances, les déboutant du surplus de leurs demandes reconventionnelles,
Dit la société Développement et Finances recevable en sa demande reconventionnelle à l'encontre de la société Epargne Prévoyance Internationales,
Condamné la société Epargne Prévoyance Internationales à payer à la société Développement et Finances la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du dénigrement dont elle a été l'auteur, déboutant du surplus,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner les mesures de publication sollicitées par la société Développement et Finances,
Condamné au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :
- La société Développement et Finances à payer la somme de 2 500 euro à la société Aviva Vie, déboutant du surplus,
- La société Epargne Prévoyance Internationales à payer les sommes suivantes :
- 1 000 euro à chacune des parties suivantes : Madame Schwartz épouse Florin, Messieurs Avignon, Campe, Florin, Heuze, Iarlori, Nogues, les sociétés AFGP et Conseils et Patrimoines, Fortis Assurances, Generali et MMA Vie, déboutant du surplus,
- 2 000 euro à la société Interinvest, déboutant du surplus,
- 3 000 euro à la société JCG Finances, déboutant du surplus,
- 2 500 euro à la société Aviva Vie, déboutant du surplus,
- 6 000 euro à la société Développement et Finances, déboutant du surplus,
Condamné la société Epargne Prévoyance Internationales aux entiers dépens,
Ordonné l'exécution provisoire de la décision sans constitution de garantie.
Prétentions des parties
Vu l'appel interjeté le 26 février 2014 par la société Epi ;
Vu les dernières écritures en date du 9 septembre 2015 par lesquelles la société Epi demande à la cour de :
Déclarer la société l'Epi recevable et bien fondé en son appel,
Y faisant droit,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'Epi de ses demandes tendant à voir ordonner une expertise avant dire droit
Et statuant à nouveau,
Vu les articles 143 à 154 du Code de Procédure Civile,
Avant-dire-droit :
Designer tel Expert qu'il plaira avec pour mission :
- en présence des parties, d'examiner tous documents, contrats, ordres de remplacement, ordres de rachat,
- d'entendre tous sachants,
- de se faire communiquer par la Compagnie Fortis l'historique du portefeuille de la Société Défi avec uniquement le nom des souscripteurs et la date de souscription,
- de dresser, le cas échéant, la liste des contrats figurant au portefeuille de la Société Défi souscrits à la suite de rachat de contrats figurant au portefeuille de la Société L'Epi,
- de préciser le pourcentage du portefeuille de la Société Défi provenant, soit d'ordres de remplacement relatifs à des contrats appartenant au portefeuille de la Société L'Epi, soit de rachats de contrats dépendant du portefeuille de la Société L'Epi puis de la souscription de nouveaux contrats,
- de préciser le pourcentage du portefeuille de la Société Défi ne provenant pas d'une manière ou d'une autre du portefeuille de la Société L'Epi,
- de déterminer le chiffre d'affaires réalisé par la Société Défi sur les contrats provenant de la Société L'Epi à la suite d'ordres de remplacement ou de rachats suivis de souscription de nouveaux contrats
- plus généralement, de donner à la juridiction saisie tous éléments lui permettant d'apprécier le préjudice subi par la Société L'Epi.
Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la Société l'Epi à payer à la Société Défi la somme de 15 000 euro en raison d'un prétendu dénigrement
En toute hypothèse,
Déclarer la Société Défi mal fondée en son appel incident
L'en débouter
Condamner la Société Défi à payer à la Société L'Epi la somme de 100 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner la Société Défi aux entiers dépens, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Emmanuel Jullien, Aarpi - JRF Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures en date du 11 septembre 2015 au terme desquelles la société Défi demande à la cour de :
Vu l'article 1382 du Code Civil,
Vu l'article 146 du Code de Procédure Civile,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit et jugé que la société Défi n'a commis aucun acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Epi et en ce qu'il a débouté la société Epi de sa demande d'expertise judiciaire,
- dit et jugé que la société Epi avait commis des actes de dénigrement au préjudice de la société Défi,
- condamné la société Epi à verser à la société Défi la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit et jugé que le préjudice subi par la société Défi du fait des actes de dénigrement s'élevait à la somme de 15 000 euro,
Et, statuant à nouveau :
Condamner la société Epi à verser à la société Défi la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts,
Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, en intégralité ou par extraits dans 10 journaux ou publications professionnels au choix de la société Défi, et aux frais de la société Epi qui procédera à leur règlement sur simple présentation des factures justificatives, et ce, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 5 000 euro H.T, soit la somme totale de 50 000 euro H.T.
En tout état de cause,
Condamner la société Epi à verser à la société Défi la somme de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel conformément à l'article 700 du Code de Procédure civile,
Condamner la société Epi aux entiers dépens de la présente procédure conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile dont distraction au profit de Maître Claire Ricard, Avocat au Barreau de Versailles,
Vu les dernières écritures en date du 15 mai 2014 par lesquelles la société Ageas France, venant aux droits de la société Fortis Assurance, demande à la cour de :
Constatant que la société Ageas France est totalement étrangère au litige existant entre les deux courtiers Epi et Défi,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Condamner la société Epargne Prévoyance Internationales à payer à Ageas France la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner la société Epargne Prévoyance Internationales aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Patricia Minault agissant par Maître Patricia Minault Avocat au Barreau de Versailles Toque 619, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
Motifs de la décision
Sur la concurrence déloyale et la demande d'expertise formée par l'Epi :
Appelante du jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 19 septembre 2013 , uniquement en ce qu'il a débouté l'Epi de ses demandes tendant à voir ordonner une expertise avant dire droit, selon le dispositif de ses dernières écritures du 9 septembre 2015, qui circonscrit la saisine de la cour, par application de l'article 954 du Code de procédure civile, l'Epi forme devant elle une unique demande aux fins d'expertise avant dire droit, au visa des articles 143 à 154 du Code de procédure civile, sans toutefois demander l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en concurrence déloyale, pourtant évoquée dans le corps de ses conclusions.
Dans ces conditions, la demande d'expertise formulée par l'Epi pour étayer l'énormité du pillage accompli à son préjudice, ne peut qu'être rejetée, puisqu'elle vise à éclairer la cour sur la réparation du préjudice résultant d'actes de concurrence déloyale dont elle a été explicitement déboutée en première instance, sans de nouveau formuler une prétention en reconnaissance d'actes de concurrence déloyale par la cour d'appel.
Le jugement qui a rejeté la demande d'expertise sera confirmé sur ce point.
Sur les actes de dénigrement allégués par la société Défi :
La société Défi entend voir l'Epi condamnée, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à l'indemniser d'actes de dénigrement que celle-ci aurait commis à son encontre.
Elle expose que l'Epi, n'acceptant pas que certains de ses clients aient émis le souhait de transférer leur contrat auprès d'elle, a entrepris de dénigrer ses contrats, ses conseils et sa réputation auprès de la société Aviva Vie, mais aussi directement auprès des clients concernés. Au soutien de sa prétention, la société Défi énonce plusieurs courriers ou courriels manifestement dénigrants, visant à mettre en cause son honnêteté et son honorabilité en la présentant notamment comme étant un pilleur de clientèle, ce qui ne saurait être accepté, particulièrement venant d'un membre d'une profession réglementée comme l'est celle des courtiers en assurance.
Elle ajoute que le fait que la société Epi poursuit ses agissements dénigrants est encore établi par les termes de son rapport de gestion en date du 22 novembre 2011 produit aux débats par Jean-Christophe Geyer, dans lequel elle indique que : Malgré la poursuite de la concurrence déloyale de la SARL Défi, constituée désormais de Iarlori, Heuze, Avignon, Florin, Nogues, Schwartz et Geyer, de l'Eurl DGS, et de ses collaborateurs Sabbaah et Furt de Pascal Campe à Biarritz, de JCG Finances à Lyon, la remontée des marchés et la réalisation de quelques belles souscriptions nous permis d'augmenter le chiffre d'affaires. En revanche, le coût des procédures contentieuses et des provisions nécessaires dégrade fortement notre résultat, alors que ce document est accessible au public puisque déposé au greffe. Elle en déduit de nouveaux actes de dénigrements à son encontre puisqu'elle est ouvertement accusée de s'être rendu coupable d'actes de concurrence déloyale alors qu'aucune décision de justice n'est venue conforter les accusations de l'Epi à son encontre.
La société Défi fait valoir qu'elle a dû se justifier auprès de ses clients du caractère mensonger des propos tenus par l'Epi, illustrant son propos par le versement d'une lettre lui ayant été adressée par l'un de ses clients Eric Vandenbulck, le 30 juin 2006, dans laquelle celui-ci indique notamment : Afin de me donner un droit de réponse à Epi je souhaiterais qu'il vous soit possible de me retourner par courrier un démenti formel quant aux soit-disant démêlés juridico-financiers dont la société Défi aurait à répondre vis-à-vis d'Epi (...) Il est en effet très difficile de croire que la performance des contrats que vous avez à gérer ne puisse être affectée par la trop grande dépense d'énergie engendrée par ce règlement de compte réciproque.
Abandonnant, en cause d'appel, sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des agissements prétendument dénigrants que la société Défi lui impute à faute, l'Epi évoque le contexte tout à fait particulier dans lequel sont intervenus ces écrits, alors qu'elle était partenaire de la société Aviva Vie, dont le directeur du courtage, Jerry Jarmoszko atteste que : Monsieur Brequigny (le gérant de la Société l'Epi) m'a présenté deux de ses collaborateurs Messieurs Avignon et Heuze.
Il m'a précisé à cette occasion que ces deux collaborateurs désiraient s'installer à leur compte et qu'il était favorable à leur entreprise et les aiderait en leur octroyant à chacun un petit portefeuille de clients et nous demandant à titre exceptionnel l'ouverture d'un compte courtage à leur profit.
A cette époque, la politique de la compagnie consiste notamment dans le refus d'accréditer les nouveaux courtiers issus d'autres cabinets déjà partenaires et ce, sans un souci légitime d'éviter les pillages de portefeuille.
Nous accédons à sa demande compte tenu de nos relations, et selon notre sentiment de l'époque, d'excellente atmosphère entre les parties.
Nous rappelons à cette occasion notre souhait de respecter la déontologie du métier notamment dans le fait de ne pas déplacer, sans accord du cédant, la clientèle initiée par le passé au sein du cabinet de Monsieur Brequigny.
Mais très vite, la situation se dégrade (décembre 2004) et nous voyons arriver en masse les demandes de remplacement des clients du cabinet de Monsieur Brequigny.
Devant cette situation, une tentative de solution de conflit entre les deux cabinets est entreprise à mi-décembre 2004.
Nous avons convoqué au siège de la compagnie tous les protagonistes concernés. Mais au dernier moment, cette tentative a échoué, car du côté du cabinet de Messieurs Avignon et Heuze une troisième personne s'est présentée, Monsieur Iarlori, qui à l'époque n'était pas membre de ce cabinet. Par la suite, un nombre important de demandes de remplacement est présenté au détriment du cabinet de Monsieur Brequigny.
Pour l'Epi, cette attestation démontre que la société Aviva Vie a tenté de jouer un rôle d'arbitre entre les deux courtiers, l'Epi et Défi, qui s'explique d'autant plus que l'accord de partenariat la liant à ses courtiers et notamment à la société l'Epi et à la société Défi précise que le courtier s'interdit d'accepter la collaboration directe ou indirecte de toute personne apportant sa production à l'assureur par quelque canal que ce soit (agent général, salarié, courtier, prescripteur, etc).
Elle ajoute que, les ordres de remplacement ayant été exécutés, la société Défi ne subit aucun préjudice, à la différence d'elle-même qui a vu ses commissions bloquées par la société Aviva Vie.
L'Epi expose encore que ces courriers sont intervenus dans le cadre de son obligation de conseil auprès de ses clients.
Mais le Tribunal a exactement relevé, qu'au terme des courriers ou courriels versés par la société Défi, il pouvait être constaté que Philippe Brequigny, en qualité de gérant de L'Epi, écrivait à :
- la société Aviva Vie, dans un courriel du 8 janvier 2005 : je me permets de vous résumer l'historique de la situation, prouvant d'une manière indiscutable, le pillage systématique organisé sur notre portefeuille de clients communs (par Défi) ... je m'emploie depuis cette date à contrer les tentatives de pillage sur mon portefeuille avec un succès certain, mais il m'est absolument impossible de lutter "à armes égales" avec les pillards ... se présentent souvent encore sous les couleurs de L'Epi, entretenant une confusion facile vis à vis d'une clientèle dont la caractéristique est l'âge. Vous observerez en particulier que les 10 premiers ordres de remplacement ont été signés par des clients âgés de plus de 75 ans, dont plusieurs de plus de 82 ans... J'ai obtenu le témoignage et l'autorisation de poursuivre en justice à la fois les démarcheurs indélicats, les courtiers ... en l'occurrence Defi...de la part de plusieurs clients qui ont été trompés et volés...Defi pille le fichier de L'Epi...diffame L'Epi...je constitue un dossier qui me permet de lancer une action au Pénal. Cette action est certaine et sera d'une grande violence...j'ai lancé des discussions avec menaces de procédure au pénal contre les partenaires financiers dé Defi afin de couper Defi de ses partenaires financiers...Aviva et L'Epi ont tout intérêt à ce que DEFI ne soit plus agréée par Aviva...la codification de Defi comme courtier Aviva n'est pas pour vous une bonne affaire. C'est le cheval de Troie et il faut le brûler.
- M. Gros dans un courrier du 30 juillet 20055 : Quels que soient les arguments ou moyens...employés....pour vous demander de confier à une autre structure, Defi, la gestion de votre dossier, cette action s'inscrit dans un véritable pillage de mon entreprise... n'est pas justifiable déontologiquement et moralement... Il me semble juste de vous demander de revenir sur ce qui est, de la part de M Avignon, un abus de confiance,
- M. Goiffon dans un courrier du 8 avril 2006 : Cette société (Défi) a été récemment créée par plusieurs ex-collaborateurs de L'Epi, dans le but exclusif de détourner sa clientèle et de piller son fichier. Ces faits délictuels trouveront leur juste sanction devant les tribunaux...,
- Madame Dumoulin:
* dans un courriel du 20 avril 2006 : La sarl Défi a en effet été créée exclusivement pour piller la clientèle de L'Epi...,
* dans un courrier du 24 octobre 2006 et le même jour également à M. Verschae : L'ordre de remplacement sollicité abusivement par le cabinet Défi a un effet négatif objectif... le cabinet Défi ne vous fait pas bénéficier du même niveau de prestations... nous pouvons rétablir une situation anormalement déstabilisée...,
- Madame Marchal dans un courrier du 21 janvier 2008 : Sur l'instance de nos anciens collaborateurs, vous avez confié le suivi de ce contrat à l'officine Défi. Nous espérons pour vous que vous n 'avez pas suivi le "conseil" de Défi de racheter ce contrat pour faire de "fructueuses opérations boursières" et sommes à votre disposition pour vous prouver qu'un tel "arbitrage" relève du défaut de conseil et vous assister pour obtenir réparation.
Le tribunal en a justement déduit qu'il ressortait des termes de ces écrits, que si, tenue à une obligation de conseil envers ses clients, l'Epi était fondée à les mettre en garde contre le caractère préjudiciable et désavantageux de leurs décisions, ses allégations qualifiant le comportement de la société Défi de pillage de sa clientèle, ou visant à discréditer la qualité de ses conseils et prestations, voire de porter atteinte à son intégrité professionnelle, procédaient du dénigrement, puisqu'elles étaient destinées à dissuader leurs destinataires d'accorder leur confiance à cette dernière ;
Qu'il en allait de même des propos tenus à l'égard de la compagnie Aviva Vie, destinés de plus, à inciter celle-ci, à mettre un terme à ses relations d'affaires avec la société Défi afin d'éliminer sa concurrence :
Qu'il ne pouvait davantage être contesté qu'est déloyale l'annonce qu'un comportement de la société Défi, qualifié d'abusif ou de frauduleux par l'Epi, fera l'objet par ses soins d'une procédure judiciaire, voire pénale mais non intervenue à ce jour ;
Que le caractère dénigrant des propos de l'Epi à l'encontre de la société Défi était ainsi caractérisé et que ces agissements fautifs ont eu pour conséquence, une diminution de son pouvoir attractif et concurrentiel par l'atteinte à son image de marque, outre le fait qu'elle a subi un préjudice moral certain ;
Qu'au regard de ces éléments, il y avait lieu de condamner l'Epi à dédommager la société Défi de son préjudice à hauteur de la somme de 15 000 euro, celui-ci se trouvant ainsi suffisamment réparé par cette allocation de dommages et intérêts et qu'il n'y avait donc pas lieu d'ordonner en sus les mesures de publication du dispositif de la décision par voie de presse et sur internet, appréciation que la cour confirme entièrement.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable d'allouer à la société Défi une indemnité de procédure de 5 000 euro et à la société Ageas France une indemnité de procédure de 1 500 euro. L'Epi, qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.
Par ces motifs, La Cour, statuant par arrêt contradictoire, Confirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris du Tribunal de commerce de Nanterre du 19 septembre 2013, Et y ajoutant, Condamne la société à responsabilité limitée Epargne Prévoyance Internationales à payer à la société Développement et Finances la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société à responsabilité limitée Epargne Prévoyance Internationales à payer à la société anonyme Ageas France, venant aux droits de la société anonyme Fortis Assurances, la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société à responsabilité limitée Epargne Prévoyance Internationales aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du Code de procédure civile. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.