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Décisions

Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-15.705

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Malfaisan (ès qual.), Marfi (Sté), Dumoulin

Défendeur :

Assurtis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel, Rameix SCP Fabiani, Mes Luc-Thaler, Pinatel

Cass. com. n° 14-15.705

5 janvier 2016

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu que M. Dumoulin et M. Malfaisan, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts formée au titre des manquements précontractuels du franchiseur alors, selon le moyen :

1°) que le franchiseur doit fournir au candidat à la franchise une présentation sincère et sérieuse du marché local des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ; que la bonne connaissance du marché local par le franchisé n'affranchit pas le franchiseur de son obligation dès lors qu'il est seul à détenir des informations sur le potentiel de rentabilité et de compétitivité de son concept et de ses produits au plan local ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de M. Dumoulin et de M. Malfaisan, ès qualités, que le non-respect par la société Assurtis des exigences légales relatives à la fourniture d'une présentation du marché local était en l'espèce indifférent au motif que M. Dumoulin aurait eu une bonne connaissance du marché local en raison de ses fonctions passées de courtier en produits bancaires et assurances dans la ville d'Haubourdin, alors qu'il appartenait en toute hypothèse à la société Assurtis de fournir une présentation du marché local à la lumière de la spécificité de son concept et de ses produits, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ;

2°) que le franchiseur doit fournir au candidat à la franchise une présentation sincère et sérieuse du marché local des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ; que la bonne connaissance du marché local du franchisé n'affranchit pas le franchiseur de son obligation dès lors qu'il est seul à détenir des informations sur le potentiel de rentabilité et de compétitivité de son concept et de ses produits au plan local ; qu'en se bornant à énoncer par des motifs inopérants que M. Dumoulin avait une bonne connaissance du marché local pour avoir été courtier en produits bancaires et en assurances dans la ville d'Haubourdin et que le concept proposé par la société Assurtis présentait un caractère innovant, sans rechercher si la société Assurtis n'était pas en mesure de fournir à ses franchisés, et à M. Dumoulin en particulier, des informations sur le taux d'emprise, au moins potentiel, de son concept et de ses produits au plan local, et ce alors même qu'elle constatait que le concept était issu d'un savoir-faire conjugué, ce dont il résultait que la société Assurtis était pleinement capable de remettre à M. Dumoulin une présentation du marché local intégrant le taux d'emprise, au moins potentiel, de son concept et de ses produits sur le territoire contractuel concédé au franchisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ;

3°) qu'on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs ; que le franchiseur doit fournir au candidat à la franchise une présentation du marché local des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ; qu'en jugeant qu'il incombait à M. Dumoulin, alors simple candidat à la franchise Assurtis, de faire une étude de marché au motif qu'une stipulation du contrat de franchise prévoyait que le franchisé " déclare avoir effectué sous sa propre responsabilité une étude de marché, et le cas échéant, une étude d'implantation dans la zone de recherche " et qu'il " assume la responsabilité de son étude d'implantation, de son étude de faisabilité et du choix de son point de vente s'il n'en dispose pas déjà d'un ", alors que le franchiseur ne pouvait mettre à la charge de M. Dumoulin l'obligation d'ordre public lui imposant de communiquer au candidat à la franchise un état du marché local et de ses perspectives de développement, la cour d'appel, qui a fait prévaloir une stipulation contractuelle sur des dispositions légales d'ordre public mettant à la charge exclusive du franchiseur la réalisation d'un état du marché local, a violé l'article 6 du Code civil, ensemble les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ;

4°) qu'il appartient au franchiseur de transmettre au franchisé un savoir-faire effectif ayant fait l'objet d'une expérimentation préalable ; qu'en énonçant, pour écarter tout manquement précontractuel de la part de la société Assurtis, que l'exploitation préalable du concept n'est pas une obligation à la charge du franchiseur avant la création du réseau, alors qu'il incombe au franchiseur de communiquer à ses franchisés un savoir-faire éprouvé, nécessaire pour que le contrat de franchise puisse conférer un avantage concurrentiel aux franchisés, la cour d'appel a violé les articles 1108, 1131 et 1134 du Code civil ;

5°) que les juges du fond doivent analyser, fût-ce sommairement, les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en énonçant péremptoirement que M. Dumoulin avait été parfaitement informé de l'absence d'expérimentation préalable du concept, ce sans analyser, fût-ce sommairement, les documents sur lesquels elle fondait son appréciation alors que M. Dumoulin soutenait dans ses écritures d'appel, offres de preuve à l'appui, qu'il n'avait jamais été informé de l'absence d'expérimentation du savoir-faire et du concept Assurtis mais simplement de son caractère innovant, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile ;

6°) que le franchiseur doit fournir au franchisé des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ; qu'en énonçant, pour écarter toute responsabilité de la société Assurtis au titre de la transmission d'information non sincères et déloyales, que les objectifs exposés par le franchiseur dans le contrat de franchise devaient être considérés comme tels et non comme des prévisions, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à établir que la société Assurtis n'avait pas sciemment transmis des chiffres exagérément optimistes sur la rentabilité de son réseau et de son concept de nature à exercer une influence sur le consentement du franchisé, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 330-3 du Code de commerce et 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt rappelle que les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code du commerce imposent au franchiseur de remettre au franchisé un document d'information précontractuelle (DIP) contenant, notamment, une présentation de l'état général et local du marché des produits devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ; qu'après avoir relevé que le DIP remis à M. Dumoulin ne comportait pas ces éléments, l'arrêt constate que celui-ci exerçait la profession de courtier en produits bancaires et assurances depuis le mois de janvier 1996 dans la ville d'Haubourdin ; qu'il en déduit que M. Dumoulin avait une bonne connaissance du marché local dans lequel il évoluait depuis vingt ans et constate également qu'aux termes du contrat, le franchisé déclare avoir effectué sous sa propre responsabilité une étude de marché ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, qui ne méconnaissent pas l'étendue des obligations légales pesant sur le franchiseur, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ; 

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que le DIP mentionnait que la société Assurtis ne pouvait communiquer au franchisé aucun résultat chiffré du fait de sa création récente et précisait le domaine dans lequel chacune des deux sociétés fondatrices avait développé son expertise, ce dont il se déduisait que l'expérience acquise par ces dernières ne portait pas sur le concept innovant associant l'assurance et le crédit, l'arrêt retient que le franchisé a été informé de l'absence d'exploitation préalable du concept ; qu'en cet état, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer davantage sur les éléments de preuve qu'elle retenait, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en dernier lieu, qu'après avoir retenu qu'il n'est pas établi que le franchiseur ait participé à la réalisation du compte d'exploitation prévisionnel sur la base duquel le franchisé a envisagé la rentabilité du concept, l'arrêt relève qu'aucun résultat n'a été contractuellement prévu par le franchiseur, ni n'a été garanti ; qu'il retient que les objectifs de souscription de contrats mentionnés dans la convention ne sont pas des prévisions, faisant ressortir qu'ils ne pouvaient raisonnablement servir de base d'analyse pour apprécier la rentabilité du contrat, et en déduit que rien n'établit que le franchisé ait été conduit, par le fait de la société Assurtis, à apprécier d'une façon erronée la rentabilité de l'exploitation projetée et qu'il lui appartenait, en sa qualité de commerçant indépendant et responsable, d'apprécier la valeur économique du projet ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen : - Attendu que M. Dumoulin et M. Malfaisan, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter la demande de résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs du franchiseur, de rejeter leur demande de dommages-intérêts au titre des manquements contractuels commis par le franchiseur, de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Marfi, et de fixer la créance du franchiseur au passif de la procédure collective de la société Marfi à la somme de 12 999,05 euro alors, selon le moyen :

1°) que la violation de conventions légalement formées permet au juge d'en prononcer la résiliation, laquelle n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice ; que la résiliation d'un contrat peut résulter d'un manquement contractuel d'une certaine gravité imputable au débiteur de l'obligation indépendamment des conséquences qui en résultent pour le créancier de l'obligation inexécutée ; qu'en retenant qu'aucun grief ne peut être retenu contre la société Assurtis du fait de la suppression unilatérale, par cette dernière, du comparateur auto, au motif que la société Marfi ne s'est jamais plainte, sinon lors de l'instance judiciaire, de la suppression de ce comparateur, et qu'elle n'a pas fait état de ce que ses résultats en assurance-auto ont été affectés par cette suppression, la cour d'appel, qui constatait dans le même temps que ce comparateur avait pris une part importante dans l'argumentaire développé par Assurtis pour la signature du contrat de franchise, faisant ainsi ressortir des motifs de son arrêt que la suppression du comparateur-auto constituait un manquement contractuel d'une particulière gravité de la part de la société Assurtis, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ;

2°) qu'en estimant qu'aucun grief ne peut être retenu contre la société Assurtis du fait de la suppression unilatérale, par cette dernière, du comparateur-auto, au motif que la société Marfi ne s'est jamais plainte, sinon lors de l'instance judiciaire, de la suppression de ce comparateur, et qu'elle n'a pas fait état de ce que ses résultats en assurance-auto ont été affectés par cette suppression, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier son arrêt, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le comparateur-auto présenté par la société Marfi comme la " principale plus-value " de son fonds avait pris une part importante dans l'argumentaire développé par le franchiseur, l'arrêt retient que la société Marfi ne justifie toutefois pas que ses résultats aient été affectés par sa suppression en octobre 2007 et constate qu'elle ne s'est jamais plainte de cette suppression, sinon lors de l'instance judiciaire introduite en 2010 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le comparateur-auto n'avait pas constitué un élément essentiel de la franchise, de sorte que sa suppression aurait caractérisé un manquement contractuel d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du franchiseur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.