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Décisions

Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-15.703

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Boudet

Défendeur :

Assurtis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix

T. com. Paris, 19e ch., du 17 déc. 2010

17 décembre 2010

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 2007, M. Boudet et la société Assurtis (le franchiseur) ont conclu un contrat de franchise portant sur la distribution de contrats d'assurance et de crédits à la consommation au sein d'un réseau exploité sous l'enseigne Assurtis, dans la zone de Bergerac ; qu'en 2010, M. Boudet, alléguant un vice du consentement, a assigné le franchiseur en nullité du contrat, puis a demandé l'indemnisation de son préjudice et la résiliation du contrat aux torts du franchiseur ;

Sur le second moyen : - Attendu que M. Boudet fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs du franchiseur, de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre des manquements contractuels commis par le franchiseur, de prononcer la résiliation du contrat de franchise à ses torts, et de le condamner à payer au franchiseur la somme de 9 657,18 euro au titre des redevances impayées et de l'indemnité de résiliation alors, selon le moyen : 1°) que la violation de conventions légalement formées permet au juge d'en prononcer la résiliation, laquelle n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice ; que la résiliation d'un contrat peut résulter d'un manquement contractuel d'une certaine gravité imputable au débiteur de l'obligation indépendamment des conséquences qui en résultent pour le créancier de l'obligation inexécutée ; qu'en retenant qu'aucun grief ne peut être retenu contre la société Assurtis du fait de la suppression unilatérale, par cette dernière, du comparateur auto, au motif que M. Boudet ne s'est jamais plaint, sinon lors de l'instance judiciaire, de la suppression de ce comparateur, et qu'il n'a pas fait état de ce que ses résultats en assurance-auto ont été affectés par cette suppression, la cour d'appel, qui constatait dans le même temps que ce comparateur avait pris une part importante dans l'argumentaire développé par Assurtis pour la signature du contrat de franchise, et faisait ainsi ressortir des motifs de son arrêt que la suppression du comparateur-auto constituait un manquement contractuel d'une particulière gravité de la part de la société Assurtis, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ; 2°) qu'en estimant qu'aucun grief ne peut être retenu contre la société Assurtis du fait de la suppression unilatérale, par cette dernière, du comparateur-auto, au motif que M. Boudet ne s'est jamais plaint, sinon lors de l'instance judiciaire, de la suppression de ce comparateur, et qu'il n'a pas fait état de ce que ses résultats en assurance-auto ont été affectés par cette suppression, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier son arrêt, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le comparateur-auto, présenté par le franchisé comme la " principale plus-value " de son cabinet, avait pris une part importante dans l'argumentaire développé par le franchiseur, l'arrêt retient que le franchisé ne justifie toutefois pas que ses résultats aient souffert de sa suppression en octobre 2007 et constate qu'il ne s'en est jamais plaint, sinon lors de l'instance introduite en 2010 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le comparateur-auto n'avait pas constitué un élément essentiel de la franchise dont la suppression aurait constitué un manquement contractuel d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du franchiseur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles 455 et 458 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée au titre des manquements précontractuels du franchiseur par M. Boudet, l'arrêt retient que si l'étude de zone succincte qui lui a été remise ne peut constituer la présentation du marché local et ses perspectives de développement prévus par l'article R. 330-1 du Code de commerce, son expérience acquise depuis 1984 dans le Périgord lui permettait d'avoir une bonne connaissance du marché local ;

Qu'en statuant ainsi, sans préciser les pièces sur lesquelles elle se fondait pour affirmer ce fait, contesté par M. Boudet qui invoquait une expérience développée à Poitiers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le même moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que les fonctions d'agent général exercée par M. Boudet depuis 1984 lui permettaient d'avoir une bonne connaissance du marché local ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi l'expérience du franchisé, acquise dans le seul secteur de l'assurance, était suffisante pour lui permettre d'apprécier l'état du marché local d'un concept novateur alliant crédit et assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par le franchisé au titre des manquements précontractuels du franchiseur et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 février 2014 (RG n° 10/24829), entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.