Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-15.707
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Hervé, Hervé A&N associés (Sté)
Défendeur :
Assurtis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 2005, la société Hervé A&N associés, représentée par son gérant, M. Hervé (les franchisés) et la société Assurtis (le franchiseur) ont conclu un contrat de franchise portant sur la distribution de contrats d'assurance et de crédits à la consommation au sein d'un réseau exploité sous l'enseigne Assurtis ; qu'en 2010, les franchisés ont assigné le franchiseur en résiliation du contrat à ses torts exclusifs et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le second moyen : - Attendu que les franchisés font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts au titre des manquements contractuels commis par le franchiseur, et de condamner la société Hervé A&N à payer à ce dernier une somme au titre des redevances impayées alors, selon le moyen : 1°) que la violation de conventions légalement formées permet au juge d'en prononcer la résiliation et de sanctionner les manquement contractuels, sanctions qui ne sont pas subordonnées à l'existence d'un préjudice ; que la résiliation d'un contrat ou la sanction d'un manquement contractuel peut résulter d'un manquement d'une certaine gravité imputable au débiteur de l'obligation indépendamment des conséquences qui en résultent pour le créancier de l'obligation inexécutée ; qu'en retenant qu'aucun grief ne peut être retenu contre la société Assurtis du fait de la suppression unilatérale, par cette dernière, du comparateur-auto, au motif que la société Hervé A&N s'est plainte de son caractère inutilisable en août 2007 et ne justifie pas que ses résultats ont souffert de sa suppression en octobre 2007, la cour d'appel, qui constatait dans le même temps que ce comparateur avait pris une part importante dans l'argumentaire développé par Assurtis, et faisait ainsi ressortir des motifs de son arrêt que la suppression du comparateur-auto constituait un manquement contractuel d'une particulière gravité de la part de la société Assurtis, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ; 2°) qu'en estimant qu'aucun grief ne peut être retenu contre la société Assurtis du fait de la suppression unilatérale, par cette dernière, du comparateur-auto, au motif que la société Hervé A&N s'est plainte de son caractère inutilisable en août 2007 et ne justifie pas que ses résultats ont souffert de sa suppression en octobre 2007 [sic], la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier son arrêt, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le comparateur-auto, présenté par le franchisé comme la " principale plus-value " de son cabinet, avait pris une part importante dans l'argumentaire développé par le franchiseur, l'arrêt retient que le franchisé ne justifie toutefois pas que ses résultats aient souffert de sa suppression en octobre 2007 et constate qu'il ne s'est plaint de son caractère inutilisable qu'en août 2007 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le comparateur-auto n'avait pas constitué un élément essentiel de la franchise, de sorte que sa suppression aurait caractérisé un manquement contractuel d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du franchiseur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée contre le franchiseur au titre de manquements précontractuels, l'arrêt retient que si la présentation de l'état du marché local n'est manifestement pas conforme à l'esprit de l'article R. 330-1 du Code de commerce, en ce qu'il est peu détaillé et repose sur des données anciennes qui ne donnent pas les perspectives de développement, les fonctions d'agent général d'assurance dans la région vannetaise exercées par M. Hervé depuis vingt ans lui permettaient d'avoir une bonne connaissance du marché local ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l'expérience du franchisé, acquise dans le seul secteur de l'assurance, était suffisante pour lui permettre d'apprécier l'état du marché local d'un concept novateur alliant crédit et assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par les franchisés au titre des manquements précontractuels du franchiseur et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 février 2014 (RG n° 11/19868), entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.