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Décisions

Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-15.555

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Selarl EMJ (ès qual.), Pixscène (SAS)

Défendeur :

Institut technique de la Fédération française du bâtiment

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Coutard, Munier-Apaire

TGI Paris, 4e ch. sect. 1, du 15 févr. 2…

15 février 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2013), que l'association Institut technique de la Fédération française du bâtiment (l'Institut technique), ayant pour objet le rapprochement des acteurs de la construction d'immeubles, a conclu un contrat, avec effet au 1er janvier 2008, pour l'organisation d'un forum itinérant présentant les enjeux et perspectives du secteur du bâtiment, avec la société Pixscène ; que ce contrat prévoyait une faculté de dédit sans indemnité si la rupture prenait effet après la réalisation de six manifestations ; que le 6 septembre 2010, l'Institut technique s'est prévalu de la clause de dédit pour les manifestations de 2011 ; que mise en redressement judiciaire, la société Pixscène, et son administrateur judiciaire, ont assigné l'Institut technique en paiement de dommages-intérêts pour rupture fautive et brutale d'une relation commerciale établie ; que la société Pixscène ayant été ensuite mise en liquidation judiciaire, son liquidateur a repris l'instance ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le liquidateur judiciaire de la société Pixscène fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que les dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence s'appliquent à toute relation d'affaires établie, portant sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service, peu important le statut, le régime juridique ou encore le caractère non lucratif des activités des parties ; qu'en excluant, pour rejeter la demande en réparation du préjudice subi, toute application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, au seul constat, inopérant, que l'Institut technique n'est pas un producteur, un commerçant ou un industriel et qu'il n'est pas non plus une personne immatriculée au répertoire des métiers, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions du texte susvisé ; 2°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait pour un acteur économique de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit respectant la durée minimale déterminée en référence aux usages du commerce ; que le respect du préavis contractuellement prévu n'est pas de nature à exclure la responsabilité fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce si la durée de ce préavis est, au regard de la durée de la relation commerciale établie et des usages du commerce, insuffisante ; qu'en ce qu'elle se serait fondée, pour exclure tout caractère brutal de la rupture, partant toute responsabilité de l'Institut technique, sur le constat que ce dernier avait respecté le préavis contractuellement prévu, sans rechercher si la durée de ce préavis était suffisante au regard de la relation commerciale établie, ensemble les usages du commerce, la cour d'appel a, en tout état de cause, privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que n'étant pas allégué que l'Institut technique exerçât une activité de producteur, de commerçant, d'industriel ou de prestation de services, ou qu'il fût immatriculé au répertoire des métiers, il ne peut être reproché à la cour d'appel, qui n'a fait qu'appliquer les critères prévus à l'article L. 442-6 du Code de commerce, de s'être fondée sur un motif inopérant pour retenir que la responsabilité de l'Institut technique ne pouvait être engagée sur le fondement de ce texte ;

Et attendu, d'autre part, que les motifs critiqués par la seconde branche ne fondent pas la décision attaquée ; d'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen : - Attendu que le liquidateur judiciaire de la société Pixscène fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que dans ses conclusions le liquidateur faisait valoir que le contrat avait été conclu, dans l'intention des parties, pour une durée de quatre ans, soit une durée d'un an de préparation et trois ans d'exploitation à raison de six manifestations par an ; qu'à l'appui de ses dires, il rappelait les dispositions de l'article 3.1 du contrat qui, quant au " montant du prix " prévoyaient expressément, quant à la phase d'exploitation, pour les consommations fixes, " un total de trois millions sept cent cinquante-cinq mille neuf cent quatre-vingt-sept euros HT pour dix-huit manifestations et un prix moyen par manifestation de deux cent huit mille six cent soixante-cinq euros quatre-vingt quatorze centimes " et, pour les consommations variables, " un prix total de trois millions cent quarante-huit mille huit cent euros, soit un prix moyen par manifestation de 3 148 800/18 = 174 933,34 € HT " ; qu'en se bornant, pour dire que l'Institut technique n'avait pas commis de faute en rompant prématurément le contrat, à affirmer qu'il ne ressort pas des termes de ce dernier que celui-ci devait conduire obligatoirement à la réalisation de dix-huit manifestations, à raison de six par an, sans s'expliquer sur le moyen, tiré des dispositions de l'article 3.1 du contrat, de nature à établir que l'intention commune des parties était effectivement de réaliser sur une durée de quatre ans dix-huit manifestations à raison de six par an, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que dans ses conclusions le liquidateur faisait valoir que le contrat avait été conclu, dans l'intention des parties, pour une durée de quatre ans, soit une durée d'un an de préparation et trois ans d'exploitation à raison de six manifestations par an ; qu'à l'appui de ses dires, il rappelait encore les dispositions de l'article 3.2.3 du contrat qui prévoyant expressément, quant au coût des préétudes réalisées, que ce coût viendrait en déduction du prix, s'imputant pour un quart sur le solde de la rémunération du prestataire restant à facturer au titre de la phase de production et " pour le reste, soit cent soixante-douze mille cinq cent euros, (172 500 €) HT, par dix-huit fractions égales de neuf mille cinq cent quatre-vingt-trois euros (9 583 €) HT sur la dernière tranche de règlement de chacune des manifestations ", établissaient également que le contrat portait effectivement sur la réalisation de dix-huit manifestations ; qu'en se bornant, pour dire que l'Institut technique n'a pas commis de faute en rompant prématurément le contrat, à affirmer qu'il ne ressort pas des termes de ce dernier que celui-ci devait conduire obligatoirement à la réalisation de dix-huit manifestations, à raison de six par an, sans s'expliquer sur le moyen, tiré des dispositions de l'article 3.2.3 du contrat, de nature à établir que l'intention commune des parties était effectivement de réaliser sur une durée de quatre ans dix-huit manifestations à raison de six par an, la cour d'appel a encore méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, le document transmis par courrier électronique le 17 janvier 2009 par la société Pixscène à l'Institut technique, en réponse à la demande d'aménagement des conditions d'annulation pendant la tournée, au cours d'une saison, indiquaient clairement le dédit dû pendant la première année d'exploitation, au regard des six manifestations devant être réalisées durant cette année 1 et que s'il était indiqué " aucun dédit annulation " en année 2, le même document était fondé sur l'hypothèse, expressément mentionnée, que six manifestations avaient d'ores et déjà été effectuées, l'année 2 commençant par la manifestation en " ville 7 " ; qu'en affirmant cependant qu'il se déduit de ce document, établi par la société Pixscène, que " les parties avaient convenu de la possibilité pour l'Institut technique de ne pas poursuivre le contrat pour les années 2 et 3, sans que celui-ci ait à verser une indemnité de rupture ", en omettant les mentions, indissociables, du document établissant que six manifestations devaient avoir d'ores et déjà été réalisées en année 1, la cour d'appel a dénaturé les termes du document qui lui était soumis, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 4°) qu'il résulte des dispositions du document transmis par la société Pixscène quant aux conditions d'annulation du contrat que l'absence d'indemnité de dédit en cas d'annulation au cours de l'année 2 ou 3 était subordonnée à la réalisation dès la première année de six représentations, et donc au paiement, dès cette première année, du montant prévu pour la réalisation de six manifestations ; qu'en énonçant cependant qu'il se déduit des éléments financiers figurant à ce document que " les conditions financières de dédit prévues uniquement dans le cadre de la première année de production étaient destinées à compenser les investissements réalisés par la société Pixscène pour la totalité de l'opération et que cette compensation, réalisée à la fin de cette première année, n'était plus due en cas de renoncement de l'Institut technique au reste de l'opération ", sans rechercher, ni constater que six manifestations avaient effectivement été commandées, réalisées et payées dès la première année d'exploitation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 5°) que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; qu'il ressort de l'échéancier financier figurant à l'annexe 01 du contrat et qui renvoie au récapitulatif financier du même document que les coûts d'investissements de production, de modules d'exposition, des structures et de la vidéo étaient répartis sur les quatre années du contrat même si la majeure partie devait être payée au cours de l'année de préparation préalable à la réalisation des manifestations, (année 0) ; qu'en énonçant cependant que l'examen de l'échéancier figurant en annexe du contrat permet de constater que les coûts d'investissements de production, de modules d'exposition, des structures et de la vidéo étaient répartis entre le 4 septembre 2008 et le 1er septembre 2009, les paiements prévus pour les autres années ne représentant plus que les prestations des années concernées, la cour d'appel a dénaturé les termes de cet échéancier, ensemble le récapitulatif financier figurant à l'annexe 01 du contrat, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, que le contrat et les documents entrés dans le champ contractuel ne précisaient ni que les six manifestations devaient avoir été réalisées pendant la première année d'exploitation, ni que dix-huit manifestations devaient être obligatoirement organisées en quatre ans, que ce nombre de dix-huit manifestations était un nombre maximum et que celui de six manifestations par an n'était qu'une moyenne indicative, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant retenu par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes du document transmis par voie électronique le 17 janvier 2009 rendait nécessaire, que les parties étaient convenues de la possibilité pour l'Institut technique de ne pas poursuivre le contrat après la première année, sans être tenu de verser une indemnité de rupture, la cour d'appel, en l'état de ces appréciations rendant inopérant le grief de la quatrième branche, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, que c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, de l'échéancier financier et du récapitulatif financier figurant l'un et l'autre à l'annexe 1 du contrat, que leur rapprochement rendait nécessaire, que la cour d'appel a considéré que les parties étaient convenues de la répartition des coûts d'investissement entre le 4 septembre 2008 et le 1er septembre 2009, les paiements pour les autres années ne représentant que les prestations ; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.