CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 6 janvier 2016, n° 13/24347
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Samsung Electronics France (Sté)
Défendeur :
Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fusaro
Avocats :
Mes Thibault, Goossens
Avocat général :
Mme Guidoni
Le 9 octobre 2013, le juge des libertés et de la détention de Bobigny, a rendu, en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :
Fagorbrandt
Eberhardt Freres
Samsung Electronics France
Groupe Seb France et groupe Seb retailing
Smeg France
Indesit Compagny France
BSH Electromenager
Electrolux Home Products France et Electrolux France
LG Electronics France
GPDIS France Sud Est (enseigne SLD) et Pulsat Synthese
Gemdis groupe Findis (anciennement Cocelec Rhone-Alpes)
Etablissements Darty et Fils
Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée suite à l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2°, 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Cette requête était consécutive à une demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence conformément aux dispositions de l'article L. 460-4 alinéa 1 du Code de commerce.
A l'appui de cette requête étaient joints une liste de 21 pièces ou documents en annexe.
Qu'il était allégué qu'une pratique prohibée consisterait à imposer dans le secteur de l'électroménager des prix de revente aux sites Internet qui distribuaient les produits dits " blancs " rassemblant le petit et gros électroménager notamment de lavage, de cuisine, de cuisson et de froid et les produits dits " bruns " regroupant les appareils électriques et électroniques de loisirs (annexe 21).
Il était indiqué d'une part que des distributeurs se seraient plaints de l'immixtion des fabricants et grossistes de produits " blancs " et " bruns " dans leur politique tarifaire, d'autre part que les fournisseurs encadreraient les annonces de réductions de prix proposées par les distributeurs sur Internet et enfin que les fournisseurs limiteraient le niveau de remise octroyé aux consommateurs. Il était joint des procès-verbaux d'un distributeur et de revendeurs se plaignant de ces pratiques mettant en cause plusieurs marques de fournisseurs (Magimix, Liebherr, Miele, De Dietrich, Samsung).
Il était soutenu qu'au-delà de l'encadrement de la politique promotionnelle des distributeurs, des déclarations de revendeurs auraient fait état d'un véritable contrôle des prix de revente par les fournisseurs de produits blancs et bruns et plus particulièrement GPDIS, Fagorbrandt, Eberhardt Freres, Samsung, Seb, Smeg, Indesit, Electrolux et LG. Ainsi des consignes tarifaires seraient données par les fabricants tant à l'oral (pour la plupart), que par courriels. Le contrôle tarifaire exercé par les fabricants viserait à augmenter les prix de revente comme le confirmeraient les déclarations du 21 février 2011 d'un distributeur et les extraits de courriels d'un responsable commercial notamment.
Il apparaîtrait également que les courriels comminatoires des fabricants seraient le plus souvent " codés " le terme " stock " étant utilisé à la place du mot " prix ". Ainsi ce procédé consisterait dans le fait que les revendeurs auraient été fréquemment sollicités pour remonter leurs " stocks ", alors que le stock minimal des distributeurs aurait été fixé contractuellement à une ou deux unités seulement, plusieurs courriels annexés à la requête illustrant ce procédé.
Il était par ailleurs indiqué que les directives tarifaires seraient relayées par des grossistes comme le confirmait notamment par procès-verbal du 14 janvier 2013 le gérant de la SARL Web Achat en déclarant " nous étions en litige avec GPDIS notre fournisseur car " elle " se faisait le relais des fabricants sur leur mainmise sur notre politique commerciale ", déclaration qui serait corroborée par divers autres courriels.
Il était fait état que les prix de revente imposés aux distributeurs seraient diffusés par les fabricants et les grossistes au moyen de " black list ", de noms de couleur ou de tableaux ; qu'à cet égard le gérant d'une SARL avait communiqué une liste de produits pour lesquels les prix sont dits " bloqués " c'est à dire dont le prix devait strictement correspondre au prix de vente conseillé par le fabricant ou le prix généralement constaté ainsi qu'une autre liste de produits dits " sensibles " correspondant aux références pour lesquelles " il se devait de maintenir des prix élevés pour ne pas casser le marché si nous voulions être livrés ".
Les distributeurs auraient été incités à respecter les consignes tarifaires en échange de service de mise en avant des produits par les fournisseurs, des courriels attesteraient de la soumission des distributeurs aux instructions tarifaires des fabricants et grossistes de produits " blancs " et " bruns " et qu'à défaut de remonter les prix de revente comme l'auraient exigé les fournisseurs, ceux-ci ordonneraient aux revendeurs de retirer les références concernées sur leur site Internet.
Enfin, les distributeurs récalcitrants auraient été victimes de blocages de leurs comptes, de refus ou d'arrêts de livraisons et les grossistes auraient été sollicités pour faire respecter la police des prix des fabricants.
Par ailleurs, une seconde pratique prohibée aurait consisté pour les fabricants de produits " blancs " et " bruns " à faire retirer de la vente sur Internet certaines de leurs références, les fabricants, comme pour la première pratique illicite présumée, auraient utilisé les mêmes supports de diffusion pour informer les distributeurs des produits interdits à la vente sur Internet à savoir codes de couleur et listes noires, un gérant de SARL le confirmant en déclarant que le Code couleur " bleu " était utilisé par un fabricant pour désigner les appareils exclus de la vente sur Internet, étant précisé que des courriels émanant de plusieurs autres fabricants auraient confirmé cette pratique et les grossistes de la même manière que précédemment évoquée, auraient fait pression sur les revendeurs pour qu'ils retirent certains produits de leurs sites Internet.
Une troisième pratique prohibée aurait consisté à refuser l'agrément à des distributeurs. Il ressortirait des témoignages qu'à partir de 2009, la plupart des fabricants de produits " blancs " et " bruns " auraient mis en place un réseau de distribution sélective. Il en serait déduit de déclarations de plusieurs revendeurs que certains fournisseurs de produits " blancs " et " bruns " pourraient interdire à des distributeurs de commercialiser leurs produits au seul motif qu'ils les diffusent sur Internet, la déclaration du même gérant de SARL viendrait accréditer cette thèse dans sa relation commerciale avec le distributeur Boulanger ; qu'il apparaîtrait que ces pratiques prohibées auraient comme finalité de circonscrire la concurrence sur Internet.
Qu'il pourrait également en être déduit que l'objectif des fabricants des produits " blancs " et " bruns " serait d'aligner les prix de la vente en ligne sur ceux pratiqués par les grandes enseignes spécialisées de détail et plus particulièrement Darty, cette allégation émanerait d'une déclaration d'un autre distributeur invoquant un projet de négociation commerciale présumé en cours entre la marque Smeg et le distributeur Darty, ainsi que d'un autre distributeur faisant état de pression du fabricant Fagorbrandt pour augmenter les prix pratiqués sur son site Internet jusqu'au niveau des prix pratiqués par leurs gros clients principaux à savoir Darty et Boulanger. Le gérant d'une SARL a déclaré que plusieurs commerciaux lui avaient dit oralement que s'ils voulaient que leurs clients de la grande distribution spécialisée notamment Darty (leader du marché) continuent de mettre en avant leurs produits il était nécessaire que les fabricants remontent les prix de vente des produits [...] la politique d'alignement étant essentiellement liée à la politique de commerciale de Darty qui avait plus de 20 % du marché de la distribution. Cela nous avait été précisé à l'oral par un autre commercial de Samsung notamment. Je ne peux cependant pas vous indiquer si les demandes de remontées de prix étaient uniquement liées à ce distributeur [...], l'objectif était qu'il existe le moins de différences possibles avec la grande distribution [...] que les gros sites de vente en ligne comme " rueducommerce.com " et " Cdiscount " subissaient les mêmes pressions que nous mais avaient l'avantage de la taille.
Il résulterait de ces éléments que l'uniformisation des prix à la hausse serait de nature à préserver le canal de distribution des grandes enseignes de détails qui dominent le marché des produits " blancs " et " bruns " et que la stratégie des fabricants permettait aux grandes enseignes spécialisées de détails de tirer profit de l'engouement pour la vente en ligne. Dans ce contexte, les grandes enseignes de détails miseraient sur leurs sites Internet pour dynamiser les ventes de leurs réseaux physiques et que ce développement multi-canal aurait profité à plusieurs grandes enseignes spécialisées de détail.
Il s'en déduirait de ces différentes pratiques présumées illicites qu'elles limiteraient les capacités des consommateurs à faire jouer la concurrence entre le canal de la vente par Internet et celui de la distribution traditionnelle et ce en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101-1 du TFUE et que l'ensemble de ces agissements semblerait constituer les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un système d'ententes horizontales et verticales à dimension nationale entre les fabricants de produits " blancs " et " bruns ", les grossistes et les grandes enseignes spécialisées de détail. Ces actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions qui auraient pour objet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises et limiter ou contrôler l'entrée aux marchés seraient établis selon des modalités secrètes et qu'il serait nécessaire d'autoriser les agents de l'Autorité de la concurrence de rechercher la preuve desdites pratiques prohibées vraisemblablement détenues et conservées dans des lieux (en l'espèce les sociétés sus-mentionnées en début d'ordonnance) et sous des formes qui faciliteraient leurs dissimulation, leurs destruction ou altération en cas de vérification.
Selon l'Autorité de la concurrence, le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constitue le seul moyen d'atteindre l'objectif recherché et que les opérations de visite et de saisie n'apparaîtraient pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre.
Le juge des libertés et de la détention de Bobigny autorisait la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence à faire procéder, dans les locaux des entreprises sus-mentionnées et aux visites et aux saisies prévues par les dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements entrant dans le champ des pratiques prohibés par les articles L. 420-1,1°,2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a et b du TFUE, relevées dans le secteur de la distribution des produits " blancs " et " bruns " ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée.
Il laissait le soin de désigner les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence [...] pour effectuer les visites et saisies autorisées [...] et désignait Jean-Michel Mimram, commissaire-divisionnaire et Philippe Tireloque commissaire-divisionnaire pour nommer les officiers de police judiciaire compétents en les personnes de Didier Geoffroy et Patrice Mahe.
Il donnait commission rogatoire pour les autres lieux de visites domiciliaires et de saisies aux juges des libertés et de la détention des Tribunaux de grande instance de Nanterre, Rouen, Senlis, Limoges, Lyon, Meaux et Strasbourg et indiquait que les occupants des lieux ou leurs représentants avaient la faculté de faire appel à un conseil de leur choix, sans que cette faculté n'entraîne la suspension des opérations de visite et de saisies ; [...] et en mentionnant que la présente ordonnance pouvait faire l'objet d'un appel devant le premier président de la Cour d'appel de Paris par déclaration au greffe dans un délai de dix jours, [...] que cet appel n'était pas suspensif et que l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris était susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation [...].
Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées les 17 et 18 octobre 2013. Elles ont été retranscrites dans des procès-verbaux en date du 18 octobre 2013 auxquels ont été annexées les observations des avocats présents.
Le 25 octobre 2013, le Premier Président de la Cour d'appel de Paris a été saisi d'un appel contre cette ordonnance par la société Samsung Electronics France et d'un recours à l'encontre du déroulement des opérations de visite et de saisie.
Par nouvelles conclusions récapitulatives déposées le 20 octobre 2015 au greffe, la société Samsung Electronics France a transmis des conclusions tendant à l'annulation des opérations de visite et de saisie effectuées les 17 et 18 octobre 2013 dans leurs locaux situés 1 rue Fructidor - 93400 - Saint Ouen.
L'affaire a été appelée à l'audience du 21 janvier 2015 à 9 heures, mise en délibéré mais n'a pas été rendue.
Une réouverture des débats a été fixée le 28 octobre 2015 et mise en délibéré pour être rendue le 6 janvier 2015.
I. Non-respect des droits de l'entreprise visitée
1) Droit à un avocat
La société Samsung Electronics France fait valoir que le droit à un avocat n'a pas été respecté dès le stade de l'enquête préalable.
Elle cite l'article L. 450-4, 5ème alinéa du Code de Code du commerce qui dispose que " l'ordonnance comporte la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou de son représentant de faire appel à un conseiller de son choix. L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie ". Elle indique que l'assistance ainsi conférée par la présence de l'avocat dès le stade de l'enquête préalable, en l'espèce, en droit de la concurrence est un droit reconnu depuis fort longtemps par la Cour de justice de l'Union européenne en tant que droit fondamental et aurait été rappelé récemment par la Cour de cassation.
La société Samsung fait valoir que le droit à l'assistance d'un conseil au démarrage des opérations de visite et de saisie est dès lors un droit fondamental et substantiel dont toute entrave entraîne la nullité des opérations de visite et de saisie. En l'espèce, les agents de l'Autorité de la concurrence aurait quant à eux préféré refuser à Samsung ce droit de faire appel au conseiller de son choix au démarrage des opérations de visite et de saisie qui s'en suivirent " afin d'éviter toute déperdition de preuve, nous avons indiqué à Monsieur Anton Carniaux qu'aucune communication vers l'extérieur n'était possible, y compris auprès des avocats tant que l'ensemble des bureaux ne serait pas scellé ". De ce fait, les conseils de Samsung n'ont pu immédiatement se faire communiquer les termes de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et ont été contactés tardivement du fait de l'obstruction des enquêteurs et n'ont pu rejoindre les locaux visités que vers 12h40 le 17 octobre 2013, 3 heures après le début des opérations.
En conséquence, il est demandé au seul constat de l'entrave au recours et à la présence des avocats par les agents de l'Autorité, l'annulation des opérations de visite et de saisie intervenus les 17 et 18 octobre 2013.
En réponse, l'Autorité de la concurrence a indiqué que s'il est exact et clairement mentionné dans le procès-verbal relatant le déroulement des opérations, qu'à l'issue de la phase de notification de l'ordonnance, (qui correspond à la présentation de chacun des rapporteurs à l'explication de l'objet de l'enquête et des modalités du déroulement des opérations et de la remise de l'ordonnance d'autorisation), il a été demandé au représentant de l'entreprise Samsung de différer toute communication vers l'extérieur, y compris celle avec ses conseils, jusqu'à la fin des opérations matérielles de sécurisation des locaux visités, au cours desquels sa présence en tant qu'occupant des lieux est indispensable.
Ces opérations de ciblage et de sécurisation des lieux ont consisté simplement en la détermination de la liste des bureaux à visiter, à l'extinction et l'emport des supports informatiques s'y trouvant pour les déposer dans une salle sécurisée par la présence de rapporteurs, d'un représentant de l'occupant des lieux et d'un officier de police judiciaire, et au placement sous scellé de ces bureaux et supports dans l'attente de leur fouille ultérieure et ont duré quelques dizaines de minutes. Ces actions sont menées par un ou plusieurs rapporteurs de l'Autorité en présence constante de l'occupant des lieux ou de son représentant et de l'officier de police judiciaire. Ces opérations ne traduisent aucune fouille stricto sensu et surtout ne donnent lieu à aucune saisie, contrairement à ce que soutient à tort l'entreprise Samsung. Le fait que les avocats soient arrivés trois heures après le début des opérations n'est pas imputable à l'Autorité et aucun acte de saisies ou même de consultation n'a été accompli durant ce délai.
L'objet évident de cette étape est d'éviter, dans l'intérêt de l'efficacité de l'enquête, mais également dans celui de l'entreprise visitée, toute déperdition de preuve, intentionnelle ou malencontreuse, au sein de l'entreprise mais également dans les autres entreprises visitées simultanément le même jour à la même heure.
Ces éléments ont été portés à la connaissance de Monsieur Carniaux, directeur juridique et représentant de l'occupant des lieux afin de lui expliquer la nécessité de différer son appel aux conseils de l'entreprise ; que les affirmations péremptoires de Samsung prétendant que les avocats n'ont pas pu prendre connaissance de l'ordonnance, des méthodes employées par les rapporteurs et de certains documents inventoriés sont purement et simplement inexactes.
Dès lors, l'exercice légèrement différé de l'appel à son conseil, indispensable pour empêcher la déperdition des preuves ne saurait porter atteinte aux droits de la défense de l'entreprise visitée.
L'Autorité demande que ce moyen soit écarté.
Dans son avis, le Ministère public fait valoir que si à cet égard la jurisprudence considère que " l'obligation d'assurer l'exercice des droits de la défense doit être respectée dès le stade de l'enquête préalable cette précision ne vient pas pour autant encadrer temporellement la faculté légale permettant au représentant de la société visitée de faire appel à un conseil ".
Cette jurisprudence récente s'attache à vérifier que les agents de l'Autorité n'ont pas fait obstacle à la présence des avocats pour assister l'occupant des lieux ou son représentant. Entendre ainsi que les agents de l'Autorité n'ont pas factuellement empêché les avocats tant d'accéder aux locaux de l'entreprise que d'entrer dans les locaux où se déroulent les investigations [...] il ressort, en effet, du procès-verbal des opérations que les conseils de la société ont assisté leur client au cours des investigations, pouvant prendre connaissance tant des termes de l'ordonnance d'autorisation que des pièces appréhendées.
Le Ministère Public estime que la Cour ne pourra que rejeter la demande d'annulation de la procédure de visite et de saisie dans les locaux de la société Samsung fondée sur la violation des droits de la défense.
2) Limitation du nombre de représentants et de conseils
La société requérante indique que l'article L. 450-4 du Code de commerce dispose que :
- l'occupant des lieux peut désigner un ou plusieurs représentants pour assister à la visite et signer le procès-verbal;
- il prévoit également la faculté de faire appel à un conseil et dans son silence il n'interdit pas de faire appel à un ou plusieurs avocats du cabinets qui est son conseil;
- les agents mentionnés à l'article L. 450-1 du Code de commerce, l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que l'officier de police judiciaire et, le cas échéant les agents et autres personnes mandatées par la Commission Européenne peuvent prendre seuls connaissance des documents avant leur saisie.
Elle soutient qu'il est donc fondamental pour l'entreprise visitée de disposer de représentants en nombre suffisant pour suivre le déroulement des opérations, faire valoir ses droits, soulever toute contestation utile [...].
En l'espèce, les agents de l'Autorité ont décidé de contrevenir à ces principes en limitant le nombre de représentants de Samsung à un seul représentant accompagné d'un avocat par équipe d'intervention. Cette limitation arbitraire n'est pas anodine, elle visait clairement à limiter la capacité de Samsung de procéder en temps réel de procéder à une vérification même sommaire des documents saisis que ce soit entre autre au regard de l'autorisation délivrée par le Juge de la liberté et de la détention ou de la confidentialité des correspondances avocat/client. De ce fait Samsung a par la suite constaté de nombreuses saisies de correspondances protégées ou hors du champ une fois son droit de faire appel au Juge des libertés et de la détention épuisé: le droit de Samsung à un recours effectif pendant le déroulement des opérations s'en est trouvé sérieusement altéré faute d'avoir disposé de ressources nécessaires à l'exercice de ce droit.
En réponse, l'Autorité fait valoir que l'argument selon lequel elle se serait opposée à la présence de plus d'un avocat par équipe de fouille est surprenant car il ressort du procès-verbal que seuls deux avocats se sont présentés dans les locaux de l'entreprise, à savoir Maître Marie-Laure Combe et Maître Mélanie d'Anglejan Chatillon, avocats du cabinet Clifford Chance appelés par la société Samsung et s'étant présentés pour suivre le déroulement des opérations tout au long de la journée.
En l'occurrence, Samsung a pu bénéficier de la présence effective et constante d'un conseil dans chacun des bureaux visités. Par ailleurs, une jurisprudence de principe de la chambre criminelle de la
Cour de cassation, qui n'a jamais été remise en cause, a reconnu que le juge constatant que trois avocats avaient assisté aux opérations à sans méconnaître les dispositions de l'article L. 450-4 susvisé, retenu à bon droit qu'en la circonstance (trois avocats pour trois équipes de travail), le droit de la personne visitée à faire appel à un conseil de son choix a été respecté.
En second lieu, s'agissant de la vérification par les avocats de la société des documents consultés et saisis l'article L. 450-4 du Code de commerce prévoit que l'occupant des lieux ou son représentant prend connaissance des documents retenus par les rapporteurs comme entrant dans le champ de leurs investigations avant leur saisie ainsi la prise de connaissance des pièces avant leur saisie par l'occupant des lieux ne concerne que ceux des documents que les rapporteurs jugent pertinents pour l'enquête et qui vont être saisis, cette prise de connaissance étant attestée dans le procès-verbal en page 8.
Dans les faits, il y lieu de noter que les rapporteurs permettent à l'entreprise alors même qu'aucune disposition légale ne l'impose de prendre copie de la totalité des documents et supports informatiques saisis, de telle sorte que l'avocat de l'entreprise peut en prendre connaissance dès la remise de ces copies à l'entreprise avant la clôture des opérations, avocat de surcroît présent au cas d'espèce dans les locaux visités.
Dans ces conditions, l'Autorité ne saurait être tenue pour responsable du fait que les avocats de la requérante n'aient pu prendre connaissance de ces documents qu'à la fin du déroulement des opérations, la diligence pour la prise de connaissance des documents saisis relevant de la seule responsabilité de l'entreprise et de son conseil.
L'Autorité rappelle qu'en aucun cas, la société Samsung et son conseil présent n'auraient pu directement et valablement discuter et s'opposer à la saisie des documents retenus par les rapporteurs de l'Autorité, lors des investigations, toute contestation ou difficulté sérieuse portant sur les droits et libertés fondamentaux devant être avant tout soumise au juge chargé du contrôle pendant le déroulement des opérations, ce qui a été fait en l'espèce, le Juge des libertés et de la détention ayant donné la conduite à tenir s'agissant de la fouille du bureau de Monsieur CARNIAUX, directeur juridique. Postérieurement à la clôture des opérations, les contestations sont portées devant le Premier Président de la Cour d'appel le cas échéant.
En troisième lieu, prétendre que l'Autorité pourrait utiliser le contenu de pièces saisies couvertes par la confidentialité avocat-client ou hors du champ de l'autorisation judiciaire pour en tirer des renseignements utiles dans le cadre de cette enquête ou d'une autre n'est que pur procès d'intention.
Il apparaît qu'en conséquence contrairement à ce qu'elle soutient les droits de l'entreprise Samsung n'ont nullement été violés.
Madame l'Avocat-Général estime qu'en l'espèce compte tenu de l'exiguïté des locaux visités dans lesquels se trouvaient déjà deux à trois rapporteurs, un occupant des lieux et l'officier de police judiciaire, il n'était pas possible de permettre à plus d'une personne supplémentaire de se trouver au même moment, dans le même bureau au risque de ralentir considérablement les opérations. Une telle mesure n'est pas en elle-même de nature à violer les droits de la défense. En outre s'agissant, de la connaissance par les avocats de la société des documents l'article L. 450-4 du Code de commerce prévoit que l'occupant des lieux ou son représentant prend connaissance des documents retenus par les rapporteurs comme entrant dans le champ de investigations avant leur saisie [...] cela ne signifie aucunement que l'occupant des lieux et/ou son conseil ont le droit de visualiser la totalité des documents simplement consultées par les rapporteurs. En outre, l'Autorité précise également dans le procès-verbal une copie de l'ensemble des documents et supports d'information a été remise au représentant de la société Samsung qui avait toute liberté pour en disposer et le remettre à leur conseil ; que dès lors il n'y a aucune violation des prérogatives de la société lorsqu'elle disposait du droit de prendre connaissance des pièces avant saisie et qu'elle a reçu un inventaire complet et qu'elle a pu continuer à disposer dans les ordinateurs de fichiers et de messageries saisis sans confusion possible.
Le Ministère Public conclut au rejet de ce moyen.
3) Le refus des réserves de Samsung au procès-verbal de fins d'opérations
La société requérante soutient que par le refus de principe d'intégrer les remarques des représentants et conseils de Samsung et plus fidèlement relater le déroulé réel des opérations, les agents de l'Autorité portent sévèrement atteinte au droit futur de la défense de Samsung: seul le procès-verbal fait dorénavant foi alors qu'il est établi que d'autres éléments déterminants ont été passés sous silence que Samsung n'a pas eu d'autre choix que de consigner dans un document distinct.
C'est donc avec surprise, à 7 heures du matin et après près de 24 heures d'opérations que la société Samsung a été informée que la seule version et la vision de l'Autorité de la concurrence serait consignée dans le procès-verbal et qu'elle n'avait au final que quelques minutes à sa disposition pour rédiger des réserves qui ne seraient de toutes façons pas annexées au procès-verbal.
La société requérante indique que les opérations de visite et de saisie les 17 et 18 octobre 2013 dans les locaux de Samsung et dans le procès-verbal du 18 octobre 2013 qui les constate encourent ainsi la nullité.
En réponse, l'Autorité rappelle à la société requérante que le procès-verbal des opérations n'est pas un acte contradictoire et cite plusieurs jurisprudences à l'appui de cette affirmation.
Les agents n'avaient donc aucune obligation d'inscrire dans le corps du procès-verbal les réserves de l'entreprise saisie dès lors qu'il lui était loisible de formuler ses observations dans un document remis à l'officier de police judiciaire pour transmission au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur Carniaux, directeur juridique de la société Samsung et représentant de l'occupant des lieux a remis aux officiers de police judiciaire présent un courrier manuscrit relatant les réserves qu'il entendait voir transmettre au Juge des libertés et de la détention (Pièce n° 5 des conclusions de Samsung).
En outre, Samsung a pu saisir l'officier de police judiciaire pour faire appel au Juge des libertés et de la détention pendant le déroulement des opérations et faire trancher une contestation à propos de la visite du bureau du Directeur juridique. Elle peut en outre porter à la connaissance du Premier
Président tous ses griefs contre le déroulement des opérations, dans le cadre de la présente instance.
En conséquence, le fait de ne pas faire figurer les réserves de la requérante dans le procès-verbal de déroulement des opérations n'a porté aucune atteinte aux droits de l'entreprise.
Donc, l'Autorité demande à ce que ces moyens soient rejetés.
Madame l'Avocat-Général soutient que le procès-verbal n'est pas un acte soumis au principe du contradictoire. De plus, lors des investigations l'occupant des lieux a la possibilité de soumettre directement ses observations au Juge des libertés et de la détention chargé du contrôle des opérations. Il peut aussi à l'issue des investigations contester le déroulement des opérations dans le cadre du contrôle juridictionnel.
En l'espèce, d'une part, le directeur juridique de la société Samsung a remis aux officiers de police judiciaire présents un dossier manuscrit relatant les réserves qu'il entendait voir transmises au Juge des libertés et de la détention. D'autre part, la société Samsung a pu saisir l'officier de police judiciaire pour faire appel au Juge des libertés et de la détention pendant le déroulement des opérations et faire trancher une contestation à propos de la visite du bureau du Directeur juridique.
Le Ministère public conclut au rejet de la demande d'annulation des opérations de visite et de saisie estimant qu'il n'y a pas eu de violation des droits de la défense.
II. L'irrégularité de certaines saisies opérées
La société Samsung indique que 134 Go de données ont été saisie ce qui représente 210 CD-ROM complets de données et 319 000 fichiers informatiques lorsque chaque courriel et leurs pièces jointes sont comptabilisés. On est bien loin des 14 781 fichiers décomptés par l'Autorité pour qui une messagerie électronique comportant des dizaines de milliers de fichiers ne compte que pour un seul fichier.
Sur les centaines de milliers de fichiers, une proportion non négligeable l'a été irrégulièrement.
1. La saisie des messageries de courriels
La requérante reproche à l'Autorité de la concurrence contrairement à la pratique des agents de la
Commission Européenne, au seul visa de la théorie de l'insécabilité d'un fichier de messagerie, de s'autoriser la collecte de courriels et de leurs documents joints, même ceux soumis à la confidentialité des correspondances avocat-client ou qui pour la plupart sont sans rapport avec le champ d'investigation autorisé par le Juge des libertés et de la détention, alors que les Autorités de concurrence européennes au premier chef desquels la Commission, utilise des outils qui sélectionnent et saisissent des courriels entrant dans le champ de l'enquête, rejetant tout principe de saisie globale des messageries.
La méthode est à ce point connue et usitée que la Commission met à disposition sa méthodologie et une démonstration d'outils Nuix et de son résultat qui permettant l'identification du courriel saisi que celle de son emplacement que son authentification certaine et la préservation de ses caractéristiques. La Commission procède aussi par scellés provisoires fermés.
La société Samsung soutient que des tests ont été effectués qui démontrent qu'une messagerie de courriel Outlook n'a aucunement besoin de faire l'objet d'une saisie globale de tous les courriels et documents qu'elle contient et la théorie de l'insécabilité d'une telle messagerie n'est pas techniquement vérifiée et justifiable.
Dès lors cette saisie globale viole les principes de confidentialité des correspondances avocat-client et excède le champ des saisies autorisées par le Juge des libertés et de la détention.
La société requérante conteste le caractère non délibéré de la saisine des correspondances protégées, l'Autorité de la concurrence ayant connaissance depuis de nombreuses années que les entreprises utilisent des messageries Outlook. Elle précise que s'agissant du service juridique de Samsung, l'officier de police judiciaire avait pris le soin d'appeler le Juge des libertés et de la détention de Paris, qui lui avait rappelé le principe de la confidentialité de la correspondance entre Samsung et ses avocats. Par contre, pour les autres messageries saisies l'Autorité est passée outre la mise en garde du Juge des libertés et de la détention.
En conséquence, la saisie des comptes de messageries de David Eberle, Stéphane Cotte, Hervé Ollien, Isabelle Livenais, Céline Noizet, Henri de Finance et Vincent Boutillier doivent être selon la société Samsung reconnues nulles et leur restitution par destruction, ordonnée.
A titre subsidiaire, il est demandé la restitution de toutes ces correspondances entre Samsung et ses avocats.
En réponse, l'Autorité de la concurrence fait valoir que la visite pratiquée dans les bureaux de Samsung n'a concerné que 16 bureaux sur plusieurs centaines que compte le bâtiment de la société et aucune saisie n'est intervenue dans 4 de ces 16 bureaux visités.
Les investigations informatiques quant à elles ont porté sur les ordinateurs de seulement 8 salariés et sur des zones précises du serveur de l'entreprise, l'un de ces ordinateurs n'a donné lieu à aucune saisie. Sur les 7 autres supports, les rapporteurs ont choisi dans un souci de proportionnalité de ne saisir que les seuls fichiers comportant des éléments entrant dans le champ de l'autorisation accordée par le Juge des libertés et de la détention. Elle produit un tableau établissant que sur près de 1,5 million de fichiers consultés les rapporteurs n'ont finalement décidé d'en retenir qu'un peu plus de 14 700 soit à peine plus de 1%, les affirmations selon lesquelles 300 000 fichiers auraient été saisies sont inexactes et sont contredites tant par le procès- verbal que par l'inventaire, Samsung aurait reconnu avoir comptabilisé plusieurs fois le même fichier (addition des fichiers et du contenu de certains de ces fichiers). Enfin, comme il a été indiqué précédemment un ciblage des bureaux visités a été effectué.
En second lieu, les messageries électroniques sont de type Microsoft Outlook et sont structurées de telle manière que les messages ne font pas l'objet d'un enregistrement individuel mais sont enfermés dans un fichier conteneur au même titre que les éléments de l'agenda ou des contacts.
Cette organisation informatique préexistait avant l'arrivée des rapporteurs dans les locaux de la société visitée. Il n'est donc pas envisageable d'individualiser les seuls messages entrant dans le champ de l'autorisation, les extrayant un par un d'Outlook sous peine d'altérer l'authenticité même de ces messages, étant précisé que ce mode opératoire suivi par l'Autorité a été validé à de nombreuses reprises par la jurisprudence.
Ce n'est qu'après avoir constaté la présence dans une messagerie d'un document ou fichier entrant dans le champ de l'autorisation, constatation dûment relatée dans le procès-verbal de visite et de saisie, que les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence décident de saisir le fichier de messagerie.
En revanche, lorsque l'analyse de la messagerie n'a pas permis de relever la présence de documents intéressant l'enquête comme c'est le cas sur l'ordinateur de Monsieur Cédric Widmann, il n'a été procédé à aucune saisie.
En troisième lieu, l'Autorité rappelle qu'il n'appartient pas à une entreprise saisie faisant l'objet d'une visite domiciliaire de déterminer et d'agréer les modalités d'investigations dont elle est l'objet.
L'Autorité détermine seule les méthodes qu'elle met en œuvre pour mener à bien sa mission dans le respect des lois et règlements qui la régissent et sous le contrôle du Juge, étant précisé que la question n'est pas de savoir si la méthode suivie par l'Autorité convient à l'entreprise saisie mais de déterminer si la méthode suivie est conforme à la loi et si les fichiers appréhendés entrent dans les prévisions de l'ordonnance d'autorisation. A cet égard, il est inopérant de comparer les pouvoirs de visite et de saisie des rapporteurs de l'Autorité agissant sur autorisation judiciaire et sous le contrôle d'un juge et d'un officier de la police judiciaire et donnera lieu à un contrôle juridictionnel effectif avec la pratique des inspections des agents de la Commission Européenne qui agissent sur le fondement d'une décision administrative sans le contrôle d'un juge [...]. Leur cadre juridique étant totalement différent.
En outre, puisque la société requérante continue de soutenir que la plupart des Autorités de la concurrence européennes procèdent de manière plus sélective, ce qui n'est en réalité pas exacte, il n'est pas inutile de rappeler que les Autorités de la concurrence danoise et allemande saisissent les copies intégrales de disque dur quand l'Autorité de la concurrence n'emporte qu'une sélection limitée de fichier entrant dans le champ des investigations. En quatrième lieu, la production par Samsung d'un rapport réalisé par une entreprise vraisemblablement spécialisée dans la commercialisation de logiciel informatique sur les possibilités techniques de divers logiciels n'est pas de nature à contredire les explications circonstanciées de l'Autorité de la concurrence dans la mesure où ce document a été commandé par la seule requérante et pour les seuls besoins de son argumentation. De surcroît l'expert n'a pas assisté aux opérations de visite et de saisie.
Il importe donc peu de savoir la marque du logiciel utilisé par telle ou telle autorité pour procéder à ses enquêtes, la validité des investigations s'appréciant au regard de la conformité des saisies et des pouvoirs de l'Autorité de la concurrence aux prévisions de la loi et de l'objet de l'enquête.
En cinquième lieu, la présence alléguée de documents protégés au titre de la correspondance avocat client dans les fichiers de messageries, dont il a été vérifié qu'ils contenaient des éléments entrant dans le champ des investigations autorisés, n'est que la résultante de la structure particulière de la messagerie Outlook et ne procède nullement d'une recherche délibérée de la part des rapporteurs, contrairement à ce que soutient Samsung la présence de documents couverts par le secret professionnel dans les saisies ne pourra avoir comme conséquence d'entraîner ni l'annulation de l'ensemble des opérations, ni l'annulation des saisies électroniques qui contiendraient des documents protégés une telle annulation conduirait en effet à priver l'Autorité de pièces régulièrement saisies utiles à l'enquête et à l'instruction et porterait irrémédiablement atteinte à l'efficacité de celle-ci.
L'annulation des seules pièces bénéficiant de la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits car elle offre à la requérante une double garantie tenant à l'élimination physique des documents protégés contenus dans les fichiers placés sous scellés en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue, prononcé par le juge.
En sixième lieu, bien que le directeur ou le responsable juridique d'une entreprise ne jouit d'aucune protection particulière, tant en droit national qu'en droit de l'Union européenne et que la saisie de documents et fichiers présents dans les bureaux de cette catégorie de salariés, au sein d'une entreprise industrielle ou commerciale, ne bénéficie, à ce jour, d'aucune procédure distincte de celle mise en œuvre pour les bureaux d'autres catégories de salariés n'exerçant aucune activité juridique dans la société, les rapporteurs ont décidé de ne pas procéder à une saisie informatique avec mise en œuvre du kit de perquisition Encase dans le bureau de Monsieur Carniaux, directeur juridique.
Par conséquent, les saisies sous forme de documents papiers sont intervenues en la présence de Monsieur Carniaux et sous le contrôle de l'officier de police judiciaire qui ont pu constater la régularité du déroulement de la saisie (scellé 13, cotes 1 à 18).
Il convient de préciser que la matérialisation sous format papier de fichiers informatiques n'est pas une modification du contenu et de l'origine du document mais seulement une modalité de saisie.
Le Ministère Public indique que la jurisprudence confirme la régularité de la méthode des saisies globales considérant qu'en l'état actuel des techniques informatiques, l'Autorité qui n'avait pas à individualiser sur place les seuls messages entrants dans le champ de l'autorisation judiciaire est fondée à préciser qu'au regard de la particularité des fichiers de messageries, les messageries professionnelles ne pouvaient être saisies que dans leur globalité. Dès lors qu'elles contiennent des éléments [...] pour partie utile à la preuve des agissements présumés. Par ailleurs, il n'appartient pas à une entreprise faisant l'objet d'une visite domiciliaire de déterminer et d'agréer les modalités d'interventions dont elle est l'objet, l'Autorité déterminant seule les méthodes qu'elle met en œuvre pour mener à bien sa mission dans le respect des lois et règlements qui la régisse et sous le contrôle du juge.
Le Ministère Public conclut au rejet de cette demande d'annulation des saisies de comptes de messageries de certains salariés de la société Samsung.
2) Saisie des documents protégés
La société Samsung s'est trouvée contrainte de devoir identifier chacune des correspondances échangées, couvertes par la confidentialité avocat-client et s'est également trouvée contrainte de devoir identifier les autres documents (hors messageries) qui seraient des documents établis par les conseils de Samsung et qui sont également protégés au titre de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et face aux centaines de milliers de messages résultants des saisies extensives opérées par l'Autorité Samsung a procédé à une identification par mots-clés des messages et des documents qui y sont joints, couverts par cette confidentialité. Après identification des noms des cabinets d'avocats et suffixes de messageries de ces conseils (sous la forme [email protected]) elle a lancé une recherche de tous les courriels et messages éventuellement accompagnés de leurs pièces jointes qui avaient pour auteurs, destinataires ou co-destinataire l'un de ses conseils.
La liste de 90 pages en pièce n° 10 est le résultat de cette recherche. Elle contient plus de 850 courriels et fichiers couverts par la confidentialité avocat-client. La cour comme l'Autorité peuvent ainsi constater la présence systématique d'avocats pour chaque correspondance listée avec, les éventuelles pièces jointes immédiatement listées suite à l'identification de la correspondance.
Dès lors, la restitution individuelle par destruction des correspondances ainsi identifiées s'impose.
L'Autorité de la concurrence fait valoir qu'il appartient au requérant d'établir la réalité de la protection qu'il invoque en produisant les pièces qu'elle entend voir annuler, ce principe serait posé par une abondante jurisprudence de la Cour d'appel et de la Cour de cassation.
En outre, ce n'est pas la simple prise de connaissance par les rapporteurs, hypothétique en l'espèce, de documents protégés par le secret professionnel qui constitue une violation de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée mais bien leur saisie comme le précise plusieurs arrêts de la Cour de cassation. Le seul fait pour un enquêteur lui-même soumis au secret professionnel de prendre connaissance de messages couverts par le secret involontairement saisis ne vicie pas la procédure et ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dès lors qu'annuler et restituer des messages ne peut en aucun servir de base dans la procédure d'instruction et a fortiori de sanction.
En l'occurrence, la société Samsung ne produit pas les documents eux-mêmes mais une liste annexée à ses écritures en pièce n° 10, il appartiendra à Monsieur Le Premier Président de rechercher si ces documents bénéficient véritablement de la protection invoquée et le cas échéant en prononcer l'annulation.
En réclamant l'annulation de l'ensemble des fichiers de messageries électroniques, et ce y compris les pièces informatiques entrant dans le champ de l'autorisation légalement saisies, la demande de Samsung outrepasse la défense de l'exercice de la protection d'avocat et de la protection des droits de la défense.
Le moyen ne pourra qu'être rejeté.
Madame l'Avocat-Général fait valoir qu'il appartient à la société Samsung d'établir la réalité de la protection qu'elle invoque en produisant les pièces qu'elle entend voir annuler. En l'espèce, la société Samsung fournit une liste annexée en pièce 10 à ses conclusions. Madame l'Avocat-Général estime que la société Samsung ne produit pas des documents couverts par le secret professionnelle mais une liste annexée en pièce 10 de ses écritures et qu'il appartiendra en conséquence à la Cour d'appel de rechercher si ces documents bénéficient véritablement de la protection invoquée.
3) Saisie de documents hors du champ de l'ordonnance du 9 octobre 2013
La société Samusung fait remarquer concernant les saisies des documents dans les bureaux des salariés que dans le bureau de Monsieur Hervé Ollien, un certain nombre de documents papiers ont été saisis dont un carnet inventorié sous les numéros de cote 1 à 240. Il apparaîtrait que ce carnet a été commencé le 2 novembre 2010 or il n'a rejoint Samsung qu'en janvier 2012. Du 2 novembre 2010 à cette date, il n'était pas employé par l'une des parties visées. Son activité professionnelle ne concernait pas l'objet de l'enquête et les parties visées par l'Autorité de la concurrence. Dans ce carnet, seuls les cotes concernant les années 2012 et suivants sauraient entrer dans le champ de l'autorisation, c'est à dire à partir de la cote 133.
En conséquence, les cotes 1 à 132 devront être déclarées étrangères au champ d'application de l'ordonnance et être restituées à Samsung et à Monsieur Ollien.
S'agissant de la saisie des documents informatiques, la requérante rappelle que certains salariés de Samsung occupent au sein de plusieurs divisions de la société autres que les divisions produits " bruns " et produits " blancs " et que la saisie par mots-clés a entraîné de fait la saisie de documents informatiques qui concernaient des activités de distribution Samsung hors du champ d'application de l'ordonnance, limitativement restreint à la distribution de produits " bruns " et produits " blancs ".
L'autorité a saisi un nombre important de documents relatifs aux téléphones mobiles, plus précisément sur l'ordinateur de David Eberle qui n'avait jusqu'au 1er janvier aucune activité dans les secteurs des produits "bruns" et 'blancs', aux appareils photos et divers matériels informatiques ou aux ampoules LED, aux appareils de climatisation, de ventilation ou de chauffage, de solarium voire même du matériel médical à la gestion des ressources humaines, a pléthore de fichiers système des ordinateurs visités (fichiers d'installation, licences utilisateurs de logiciels bureautiques, etc...) notamment sur les postes de Monsieur Eberle, Madame Noizet, Monsieur de Finance et Monsieur Ollien ainsi qu'à des affaires personnelles notamment chez MM de Finance et Ollien.
Il suffit pour s'en rendre compte que la Cour consulte les innombrables documents identifiés hors du champ des opérations de visite et saisie en pièce n° 12 et rassemblées au surplus en pièce 12.
Si en dépit de ces éléments probants, la Cour d'appel n'annulait pas l'ensemble des opérations et saisies réalisées les 17 et 18 octobre 2013, il est demandé d'annuler les saisies et documents effectuées hors du champ autorisé par l'ordonnance du 9 octobre 2013 et d'en ordonner la restitution à Samsung.
A défaut, de pouvoir procéder à une stricte identification des courriels et documents contenus dans ces messageries saisies hors du champ autorisé, il convient de considérer s'agissant de la messagerie de Monsieur David Eberle n'ayant vu ses fonctions élargies au secteur " bruns " et " blancs " qu'en date du 1er février 2013 les courriels antérieurs à cette date devront être considérés comme hors du champ des opérations autorisées par le Juge des libertés et de la détention et de considérer toutes les messageries saisies par l'Autorité, tout courriel ou document saisi ne concernant pas la distribution des produits " blancs " et/ou des produits " bruns " comme réputés étrangers aux opérations autorisées et d'en prononcer l'annulation.
L'Autorité de la concurrence répond en premier lieu s'agissant de la saisie dans le bureau de Monsieur Ollien d'un document portant les cotes 1 à 240 et placé dans le scellé n° 11 que les pièces cotes 1 à 132 relatives à la période novembre 2010-janvier 2012, période à laquelle Monsieur Ollien n'était pas salarié de la société Samsung et pour lesquels il est demandé la restitution, que sur une base concordante et constante, notamment tant les chambres commerciale et criminelle que des juges des libertés et de la détention et des cours d'appel, un document tel qu'un cahier, carnet ou agenda constitue, dans la mesure où il renferme des annotations entrant dans le champ de l'ordonnance de visite et de saisie, un document pour partie utile dont la saisie globale est régulière quel que soit le nombre que ces annotations représentent.
Ainsi, ce carnet de notes qui forme un document unique et relié constitue un document pour partie utile à la preuve des agissements suspectés puisqu'il contient de l'aveu même du requérant près de 110 pages entrant parfaitement dans le champ de l'enquête (cote 133 à 240). Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Samsung les cotes 1 à 132 dont l'Autorité produit une copie en annexe B sont loins d'être étrangères au but de l'autorisation accordée. En effet, de très nombreuses pages de ce carnet prétendument hors du champ font référence au GIFAM (syndicat professionnel des fabricants de produits blancs) à Darty, Boulanger, Conforama, Candy, BSH, Fagor, Liebherr, Electrolux, etc. et sont relatives à la distribution des produits " blancs " et " bruns " (voir par exemple les cotes 26, 28, 29, 40, 45, 76, 118, 119, 121...). L'Autorité demande à ce que la restitution soit rejetée.
En deuxième lieu, s'agissant des documents aux formats informatiques, Samsung indique avoir identifié des documents étrangers au but de l'enquête parmi les saisies sur la seule base des inventaires informatiques c'est à dire en se référant au seul nom du fichier.
Cependant, le nom d'un fichier, comme le titre d'un document ne suffit pas à décrire la totalité du contenu de la pièce et ne permet pas ainsi de conclure que celle-ci est nécessairement hors du champ des investigations autorisées. En effet, seule la lecture des documents en cause, rendues possible par la remise intégrale des fichiers à l'issue des opérations de visite et de saisie aurait pu permettre à la requérante de contester la régularité de la saisie de ces fichiers.
Il y a lieu de rappeler que les rapporteurs ne peuvent reproduire dans l'inventaire que les informations dont ils disposent : les noms des fichiers aussi peu explicites soient-ils, lesquels ne sont nullement attribués par les agents de l'Autorité mais sont ceux utilisés par la société elle-même. Ainsi Samsung ne peut tirer la conséquence que ces fichiers sont dépourvus de lien avec l'objet de l'enquête comme l'a rappelé à plusieurs reprises le Premier Président de la Cour d'appel de PARIS.
En relevant pour chaque fichier saisi, après avoir vérifié que ces derniers contenaient des éléments entrant dans le champ de l'autorisation délivré par le Juge des libertés et de la détention son nom, son chemin, sa taille et son empreinte numérique, les rapporteurs se sont parfaitement conformés aux solutions dégagées par la jurisprudence.
La critique de Samsung sur l'existence d'une seule ligne d'inventaire pour identifier chaque fichier de messagerie électronique saisi est par conséquent infondée au regard de la jurisprudence.
De surcroît, Samsung ne démontre pas que les documents identifiés en pièce 12 annexés à ses écritures sont par leur contenu et non seulement par leur intitulé étranger au champ des investigations autorisés. Pour autant, l'Autorité de la concurrence ne s'oppose pas à la restitution des documents dont il est établi qu'il ne se rattache pas à l'objet de l'enquête.
En tout état de cause, les documents n'ayant aucun lien avec l'enquête ne pourront pas être utilisés par l'Autorité de la concurrence pour fonder une instruction à l'encontre de la requérante.
En troisième lieu, s'agissant des documents hors du champ de l'enquête, présents dans les fichiers de messagerie électronique, il ne pourra qu'être rappelé que ces messageries ont été appréhendées parce qu'elles contenaient d'abord et surtout des éléments entrant dans les prévisions de l'autorisation ce qui a été vérifié par les rapporteurs et qui n'est pas contesté par la requérante.
Il ne peut être exclu que ces fichiers de messageries contiennent également des messages en dehors de l'objet de l'enquête, ce qui est sans incidence sur la régularité des messageries concernées ; c'est en effet dans la nature même d'un fichier composite comme d'un agenda ou d'un carnet de note de contenir à la fois des éléments dans le champ et hors du champ des investigations.
Il apparaît donc que non seulement ce type de document n'était pas recherché par les rapporteurs lors des fouilles mais nécessairement ne pouvait pas être décelé préalablement à la saisie. En effet, aucune messagerie personnelle de salarié n'a été vérifié par les rapporteurs, ces derniers ayant réalisé leur investigations exclusivement sur des boites de messageries électroniques professionnelles mises à leur disposition par leur employeur Samsung pour émettre et recevoir des messages à caractère professionnel dans le cadre de leur activité salariée, ce qui est confirmé de manière constante par la jurisprudence de la Cour de cassation.
La présence de documents étrangers au champ des investigations dans les messageries électroniques professionnelles saisies dans les locaux de Samsung ne porte cependant aucun grief aux intérêts de l'entreprise dans la mesure où ils ne pourront en aucun cas être utilisé pour fonder une instruction contre la requérante.
Le moyen sera écarté.
Madame l'Avocat-Général estime que s'agissant du carnet de Monsieur Ollien, il forme un document unique et relié constituant un document pour partie utile à la preuve des agissements suspectés puisqu'il contient près de 110 pages entrant dans le champ de l'enquête. En effet, de nombreuses pages de ce carnet font directement référence à des entreprises citées dans l'ordonnance et relative à la distribution de produits " blancs " et " bruns ". Elle conclut au rejet de la demande de restitution du carnet de notes (scellé n° 11).
Sur les documents informatiques étrangers à l'objet de l'enquête, la société Samsung ne peut tirer du seul nom des fichiers la conséquence que ceux-ci sont dépourvus de tout lien avec l'objet de l'enquête. De surcroît, elle ne démontre pas que les documents identifiés sont par leur contenu et non seulement par leur intitulé, étranger au champ des investigations autorisés. Par ailleurs, le simple intitulé d'un fichier qui par surcroît relève de la seule appréciation des utilisateurs ne peut en soi faire par principe obstacle aux investigations judiciairement autorisées. Il convient cependant de rappeler qu'en tout état de cause, l'Autorité ne saurait utiliser les documents saisis s'avérant être hors du champ de l'autorisation judiciaire afin de fonder une instruction à l'encontre de la société Samsung.
Le Ministère Public conclut au rejet de la demande d'annulation de la saisie des documents estimés par la société Samsung, au vu de leur intitulé, comme étant hors du champ de l'autorisation judiciaire.
La société Samsung Electronics demande :
A titre principal :
Dire et Juger que le droit fondamental de Samsung a été entravé par l'Autorité de la concurrence en violation de l'article L. 450-4 du Code de commerce et de la CESDH notamment ;
Dire et Juger que la limitation par l'Autorité de la concurrence du nombre de représentants de Samsung lors des opérations de visite et de saisie a entravé les droits de Samsung en violation de l'article L. 450-4 du Code de commerce ;
Dire et Juger que le procès-verbal du 18 octobre 2013 ne relate pas exactement le déroulement des opérations de visite et de saisie et ne peut ainsi faire foi.
En conséquence, annuler les opérations de visite et de saisies sus-mentionnées ainsi que le procès-verbal dressé le 28 octobre 2013, ordonner la restitution de toutes les pièces saisies le 17 et le 18 octobre 2013 et dire et juger que les messageries électroniques de David Eberle, Stéphane
Cotte, Hervé Ollien, Isabelle Livenais, Céline Noizet, Henri de Finance et Vincent Boutillier pratiquées en violation des droits de la défense et des instructions du Juge des libertés et de la détention, les déclarer nulles et en ordonner la restitution intégrale.
Subsidiairement:
Dire et Juger les saisis des courriels, documents et autres éléments qui sont couverts par la confidentialité avocat-client, notamment identifiées en pièce n° 10, pratiquées en violation des droits de la défense et des instructions du Juge des libertés et de la détention, les déclarer nulles et en ordonner la restitution;
Dire et Juger les saisies des documents qui ne concernent ni la distribution des produits blancs, ni la distribution des produits bruns, notamment identifiés en pièce n° 12, étrangères à l'objet et au champ de l'enquête et de l'autorisation de l'ordonnance du 9 octobre 2013, les déclarer nulles, inutilisables par l'Autorité et toute autre autorité dans toute enquête et en ordonner la restitution;
Dire et Juger les courriels saisis ne concernant ni la distribution des produits blancs, ni la distribution des produits bruns étrangers à l'objet et au champ de l'enquête et de l'autorisation de l'ordonnance du 9 octobre 2013, déclarer leur saisies nulles et inutilisables par l'Autorité et toute autre autorité dans toute enquête.
L'Autorité de la concurrence demande de :
Rejeter la demande d'annulation de l'ensemble des opérations dans les locaux de la société Samsung les 17 et 18 octobre 2013 et de restitution de toutes les pièces saisies
Rejeter la demande d'annulation de la saisie des messageries électroniques de David Eberle, Stéphane Cotte, Hervé Ollien, Isabelle Livenais, Céline Noizet, Henri de Finance et Vincent Boutillier et leur restitution
Rechercher si les documents listés en annexe 10 aux conclusions Samsung sont des correspondances protégées par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et
Procéder le cas échéant à l'annulation des seuls documents qui seraient couverts par le secret de la correspondance entre un avocat et son client et les droits de la défense
Rejeter la demande d'annulation de la saisie des cotes 1 à 132 du scellé 11; constater l'accord de l'Autorité de la concurrence pour restituer les documents identifiés en pièce 12 annexées aux conclusions de Samsung sous réserve qu'ils soient réellement en dehors du champ des investigations autorisées.
SUR CE
I. Non-respect des droits de l'entreprise visitée
1) Droit à un avocat
L'article L. 450-4, 5ème alinéa du Code de Code du commerce dispose que " l'ordonnance comporte la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou de son représentant de faire appel à un conseiller de son choix. L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie ". Il est également établi que l'assistance ainsi conférée par la présence de l'avocat l'est, dès le stade de l'enquête préalable.
Par ailleurs, ainsi que l'a fait remarquer à bon droit Madame l'Avocat Général, le texte sus-mentionné ne vient pas pour autant encadrer temporellement la faculté légale permettant au représentant de la société visitée de faire appel à un conseil.
Il ressort de la lecture à la fois du procès-verbal de visite et de saisie du 17 octobre 2013 et des conclusions de l'Autorité de la concurrence que l'interdiction faite à l'occupant des lieux d'appeler toute personne extérieure, y compris les avocats, était motivée par la sécurisation des lieux.
En effet, il est indiqué dans le procès-verbal "Afin d'éviter toute déperdition de preuve, nous avons indiqué à M. Anton Carniaux (occupant des lieux), qu'aucune communication vers l'extérieur n'était possible, y compris auprès des avocats, tant que l'ensemble des bureaux ne serait pas scellé".
L'Autorité de la concurrence a indiqué dans ses conclusions " l'objet évident de cette étape est d'éviter, dans l'intérêt de l'efficacité de l'enquête mais également dans celui de l'entreprise visitée toute déperdition de preuve intentionnelle ou malencontreuse, au sein de l'entreprise mais également dans les autres entreprises visées simultanément le même jour à la même heure." et que cette opération n'a pris que quelques dizaines de minutes.
Il ressort de la procédure que les deux avocats du cabinet Clifford Chance sont arrivés vers 12h40 d'après les conclusions de la société requérante. Il résulte du procès-verbal des opérations de saisie que dans l'attente aucun acte n'a été effectué par les rapporteurs de la concurrence, que dès lors l'inobservation des formalités en matière de visite domiciliaire ou de perquisition ne saurait donner lieu à leur annulation en l'absence de grief porté à la société (Cass. Crim., 17 et 18 novembre 2015, n° 15-83.437 et 15-83.400), il est exigé la démonstration d'un grief s'agissant des irrégularités relatives aux perquisitions et saisies.
Ce moyen sera écarté.
2) Limitation du nombre de représentants et de conseils
En l'espèce, deux équipes de rapporteurs avaient été constituées ; que l'injonction qui aurait été faite au cabinet d'avocats de ne recourir à un seul avocat par équipe soit au total deux avocats n'a aucunement porté une atteinte aux droits de la défense ; aucun grief n'étant rapporté, les droits de la défense ayant été respectés par la présence des deux conseils (Cass. crim, 30 novembre 2011, n° 10-81.748, Présidence M. Louvel).
Cet argument étant, par ailleurs, inopérant puisque le procès-verbal d'opération indique en page 2 que les deux premiers conseils ont été rejoint par Maître Patrick Hubert du cabinet Clifford Chance au cours de la soirée, étant précisé que les rapporteurs étaient toujours regroupés en deux équipes.
S'agissant du nombre de représentants, l'alinéa 8 de l'article L. 450-4 du Code de commerce dispose que " Les agents mentionnés à l'article L. 450-1, l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que l'officier de police judiciaire et, le cas échéant, les agents et autres personnes mandatés par la Commission européenne peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. Les agents mentionnés à l'article L. 450-1 peuvent procéder au cours de la visite à des auditions de l'occupant des lieux ou de son représentant en vue de recueillir les informations ou explications utiles aux besoins de l'enquête. "
Cet article mentionne le singulier pour désigner l'occupant des lieux ou son représentant, donc il est très clair dans sa rédaction et il ne convient pas de rajouter au texte des dispositions qu'il ne contient pas.
En procédant de la sorte, les officiers de police judiciaire et les rapporteurs de l'Autorité n'ont pas méconnu les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce et retenu à bon droit qu'en la circonstance, le droit de la personne visitée à faire appel à un conseil de son choix avait été respecté.
Il n'y a aucune atteinte aux droits de la défense, ni sur le nombre de représentants, ni sur le nombre d'avocats présents.
Ce moyen sera rejeté.
3) Le refus des réserves de Samsung au procès-verbal de fins d'opérations
Il est reproché aux rapporteurs de l'Autorité de ne pas avoir fait figurer dans le procès-verbal de déroulement des opérations les réserves que la société souhaitait inclure dans le corps du procès-verbal.
Il convient de rappeler que le procès-verbal de déroulement des opérations de visite et de saisie n'est pas un acte contradictoire.
En l'espèce, les conseils de la société Samsung ont pu par l'intermédiaire de l'officier de police judiciaire joindre le juge des libertés et de la détention signataire de l'ordonnance afin de faire état de certaines difficultés et ce magistrat a pu donner des instructions sur la conduite à tenir lors des opérations. Il y a lieu de constater en conséquence que ces opérations, outre le contrôle juridictionnel effectué actuellement devant notre juridiction, ont bénéficié du contrôle du juge signataire de l'ordonnance. Par ailleurs, la société Samsung a pu faire parvenir par écrit ses observations manuscrites au Juge des libertés et de la détention compétent par le biais des officiers de police judiciaire présents sur place.
En tout état de cause, l'occupant des lieux a signé le procès-verbal des opérations de visite et de saisie.
Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas eu d'atteinte aux droits de la défense.
Ce moyen sera écarté.
II. L'irrégularité de certaines saisies opérées
1. La saisie des messageries de courriels
La société Samsung fait valoir que contrairement à la pratique des agents de la Commission européenne, au seul visa de la théorie de l'insécabilité d'un fichier de messagerie, l'Autorité de la concurrence s'autorise la collecte de courriels et de leurs documents joints, même ceux soumis à la confidentialité des correspondances avocat-client ou qui pour la plupart sont sans rapport avec le champ d'investigation autorisé par le Juge des libertés et de la détention alors que les autorités de concurrence européennes au premier chef desquels la Commission, utilise des outils qui sélectionnent et saisissent des courriels entrant dans le champ de l'enquête, rejetant tout principe de saisie globale des messageries et utilisent un logiciel plus discriminant intitulé " Nuix ".
Il convient de rappeler que les inspections des agents de la Commission européenne qui agissent sur le fondement d'une décision administrative, sans contrôle d'un juge, hors la présence de tout officier de police judiciaire, qui n'ouvrent pas droit à un recours juridictionnel direct ne peut pas être transposée avec celle des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence agissant sur autorisation judiciaire, sous le contrôle d'un juge et d'officiers de police judiciaire et donnant lieu à un recours juridictionnel effectif et surtout pouvant saisir les supports informatiques (ordinateurs, serveurs) contrairement à leurs homologues de la Commission européenne.
Par ailleurs, les agents de la Commission européenne ne procède que par emport de copies alors que les rapporteurs peuvent saisir les supports informatiques. Cette pratique est celle qui permet de concilier l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée dans la mesure où si chaque fichier devait être vérifié l'activité économique de ladite société pourrait être bloquée pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui n'est pas l'objectif d'une visite domiciliaire, à savoir ralentir, voire stopper l'activité économique et commerciale d'une société (si le serveur ou les ordinateurs étaient saisis ce qui est tout à fait possible juridiquement).
En l'espèce, seuls 7 ordinateurs ont été visités sur la centaine que compte le siège et qu'un ciblage a été effectué de sorte que 1 % des documents consultés a été saisi.
L'argument selon lequel un expert informatique aurait été consulté par la société Samsung est inopérant en l'espèce. De même que le choix du logiciel de recherche de preuves employé par l'Autorité de la concurrence. Les sociétés visitées n'ayant pas à dicter aux Autorités administratives indépendantes leur manière de procéder à ces opérations de visite et de saisie.
Le moyen sera rejeté.
2) Saisie des documents protégés
La société Samsung produit un listing composé d'un tableau excel avec plusieurs colonnes:
Sort Date Date Sent/Modified Subject/ Filename From/ Author Email To Email C.C
Ce tableau fait apparaître plus de 850 courriels et fichiers qui seraient couverts par la confidentialité avocat-client au seul motif que l'auteur ou le destinataire ou bien la partie en copie aurait la qualité d'avocat. Les intitulés sont variables.
Ce tableau n'est pas suffisamment explicite pour déterminer l'atteinte à la confidentialité des correspondances avocat/client, le seul moyen pour l'effectuer serait d'avoir en notre possession les documents pièce par pièce de manière à exercer notre contrôle in concreto. En l'absence de cette production et de la caractérisation de l'atteinte aux principes susvisés, il nous est impossible au vu d'intitulés comme " Projet com de presse ", " SCX-4623-20120713-1604416040.jpg ", " Estimation 100 % Telecom " et " Parc installé Q411.pptx^Feuille-Microsoft-Office-Excel55.xlsx " de déterminer en quoi la confidentialité avocat/client a été violée.
Ces moyens seront écartés.
3) Saisie de documents hors du champ de l'ordonnance du 9 octobre 2013
S'agissant du carnet de Monsieur Ollien, il forme un document unique et relié constituant un document pour partie utile à la preuve des agissements suspectés puisqu'il contient près de 110 pages entrant dans le champ de l'enquête. En effet, de nombreuses pages de ce carnet font directement référence à des entreprises citées dans l'ordonnance et relative à la distribution de produits " blancs " et " bruns " (scellé n° 11).
Il est évident que pour ce qui concerne la partie où Monsieur Ollien n'était pas encore salarié de la société Samsung (scellé 11, cotes 1 à 133), l'Autorité d'elle-même n'utilisera pas et ne fera pas état d'éléments extérieurs au champ d'application de l'ordonnance.
La demande de restitution sera rejetée.
La société Samsung produit un listing volumineux et imprécis composé d'un tableau excel avec plusieurs colonnes:
Nom Taille Empreinte numérique MDS Description Chemin
Ce tableau n'est pas suffisamment explicite pour déterminer si ces documents entrent ou pas dans le champ d'application de l'ordonnance, le seul moyen pour l'effectuer serait d'avoir en notre possession les documents pièce par pièce de manière à exercer notre contrôle in concreto. En l'absence de cette production et de la caractérisation de l'atteinte aux principes susvisés, il nous est impossible au vu d'intitulés comme " Licence.txt " et " Aceintl.dll " de déterminer en quoi ces documents sont hors du champ de l'ordonnance.
Ces moyens seront rejetés.
Par ces motifs, Statuant contradictoirement et en dernier ressort, Confirmons l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 17 et 18 octobre 2013, Rejetons les autres demandes, Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Disons que la charge des dépens sera supportée par la société requérante.