CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 6 janvier 2016, n° 13/23293
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Electrolux France (SAS)
Défendeur :
Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fusaro
Avocats :
Mes Teytaud, Delaunay
Avocat général :
Mme Guidoni
Le 9 octobre 2013, le juge des libertés et de la détention de Bobigny, a rendu, en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :
· Fagorbrandt
· Eberhardt Frères
· Samsung Electronics France
· Groupe Seb France et Groupe Seb Retailing
· Miele
· Smeg France
· Indesit Company France
· BSH Electromenager
· Electrolux Home Products France et Electrolux France
· LG Electronics France
· GPDIS France Sud Est (Enseigne Sld) et Pulsat Synthèse
· Gemdis Groupe Findis (Anciennement Cocelec Rhone-Alpes)
· Etablissements Darty et Fils
Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée suite à l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2°, 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Cette requête était consécutive à une demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence conformément aux dispositions de l'article L. 460-4 alinéa 1 du Code de commerce. A l'appui de cette requête étaient joints une liste de 21 pièces ou documents en annexe. Qu'il était allégué qu'une pratique prohibée consisterait à imposer des prix de revente dans le secteur de l'électroménager aux sites Internet qui distribuaient les produits dits " blancs " rassemblant le petit et gros électroménager notamment de lavage, de cuisine, de cuisson et de froid et les produits dits " bruns " regroupant les appareils électriques et électroniques de loisirs (annexe 21).
Il était indiqué d'une part que des distributeurs se seraient plaints de l'immixtion des fabricants et grossistes de produits " blancs " et " bruns " dans leur politique tarifaire, d'autre part que les fournisseurs encadreraient les annonces de réductions de prix proposées par les distributeurs sur Internet et enfin que les fournisseurs limiteraient le niveau de remise octroyé aux consommateurs. Il était joint des procès-verbaux d'un distributeur et de revendeurs se plaignant de ces pratiques mettant en cause plusieurs marques de fournisseurs (Magimix, Liebherr, Miele, De Dietrich, Samsung).
Il était soutenu qu'au-delà de l'encadrement de la politique promotionnelle des distributeurs, des déclarations de revendeurs auraient fait état d'un véritable contrôle des prix de revente par les fournisseurs de produits blancs et bruns et plus particulièrement GPDIS, Fagorbrandt, Eberhardt Freres, Samsung, Seb, Smeg, Indesit, Electrolux et LG.
Ainsi des consignes tarifaires seraient données par les fabricants tant à l'oral (pour la plupart), que par courriels. Le contrôle tarifaire exercé par les fabricants viserait à augmenter les prix de revente comme le confirmeraient les déclarations du 21 février 2011 d'un distributeur et les extraits de courriels d'un responsable commercial notamment.
Il apparaîtrait également que les courriels comminatoires des fabricants seraient le plus souvent " codés " le terme " stock " étant utilisé à la place du mot " prix ". Ainsi ce procédé consisterait dans le fait que les revendeurs auraient été fréquemment sollicités pour remonter leurs " stocks ", alors que le stock minimal des distributeurs aurait été fixé contractuellement à une ou deux unités seulement, plusieurs courriels annexés à la requête illustrant ce procédé.
Il était par ailleurs indiqué que les directives tarifaires seraient relayées par des grossistes comme le confirmait notamment par procès-verbal du 14 janvier 2013 le gérant de la SARL Web Achat en déclarant " nous étions en litige avec GPDIS notre fournisseur car " elle " se faisait le relais des fabricants sur leur mainmise sur notre politique commerciale ", déclaration qui serait corroborée par divers autres courriels.
Il était fait état que les prix de revente imposés aux distributeurs seraient diffusés par les fabricants et les grossistes au moyen de " black list ", de noms de couleur ou de tableaux ; qu'à cet égard le gérant d'une SARL avait communiqué une liste de produits pour lesquels les prix sont dits " bloqués " c'est à dire dont le prix devait strictement correspondre au prix de vente conseillé par le fabricant ou le prix généralement constaté ainsi qu'une autre liste de produits dits " sensibles " correspondant aux références pour lesquelles " il se devait de maintenir des prix élevés pour ne pas casser le marché si nous voulions être livrés ".
Les distributeurs auraient été incités à respecter les consignes tarifaires en échange de service de mise en avant des produits par les fournisseurs, des courriels attesteraient de la soumission des distributeurs aux instructions tarifaires des fabricants et grossistes de produits " blancs " et " bruns " et qu'à défaut de remonter les prix de revente comme l'auraient exigé les fournisseurs, ceux-ci ordonneraient aux revendeurs de retirer les références concernées sur leur site Internet.
Enfin, les distributeurs récalcitrants auraient été victimes de blocages de leurs comptes, de refus ou d'arrêts de livraisons et les grossistes auraient été sollicités pour faire respecter la police des prix des fabricants.
Par ailleurs, une seconde pratique prohibée aurait consisté pour les fabricants de produits " blancs " et " bruns " à faire retirer de la vente sur Internet certaines de leurs références, les fabricants, comme pour la première pratique illicite présumée, auraient utilisé les mêmes supports de diffusion pour informer les distributeurs des produits interdits à la vente sur Internet à savoir Codes de couleur et listes noires, un gérant de SARL le confirmant en déclarant que le Code couleur " bleu " était utilisé par un fabricant pour désigner les appareils exclus de la vente sur Internet, étant précisé que des courriels émanant de plusieurs autres fabricants auraient confirmé cette pratique et les grossistes de la même manière que précédemment évoquée, auraient fait pression sur les revendeurs pour qu'ils retirent certains produits de leurs sites Internet.
Une troisième pratique prohibée aurait consisté à refuser l'agrément à des distributeurs. Il ressortirait des témoignages qu'à partir de 2009, la plupart des fabricants de produits " blancs " et " bruns " auraient mis en place un réseau de distribution sélective. Il en serait déduit de déclarations de plusieurs revendeurs que certains fournisseurs de produits " blancs " et " bruns " pourraient interdire à des distributeurs de commercialiser leurs produits au seul motif qu'ils les diffusent sur Internet, la déclaration du même gérant de SARL viendrait accréditer cette thèse dans sa relation commerciale avec le distributeur Boulanger; qu'il apparaîtrait que ces pratiques prohibées auraient comme finalité de circonscrire la concurrence sur Internet.
Qu'il pourrait également en être déduit que l'objectif des fabricants des produits " blancs " et " bruns " serait d'aligner les prix de la vente en ligne sur ceux pratiqués par les grandes enseignes spécialisées de détail et plus particulièrement Darty, cette allégation émanerait d'une déclaration d'un autre distributeur invoquant un projet de négociation commerciale présumé en cours entre la marque SMEG et le distributeur Darty, ainsi que d'un autre distributeur faisant état de pression du fabricant Fagorbrandt pour augmenter les prix pratiqués sur son site Internet jusqu'au niveau des prix pratiqués par leurs gros clients principaux à savoir Darty et Boulanger. Le gérant d'une SARL a déclaré que plusieurs commerciaux lui avaient dit oralement que s'ils voulaient que leurs clients de la grande distribution spécialisée notamment Darty (leader du marché) continuent de mettre en avant leurs produits il était nécessaire que les fabricants remontent les prix de vente des produits [...] la politique d'alignement étant essentiellement liée à la politique de commerciale de Darty qui avait plus de 20 % du marché de la distribution. Cela nous avait été précisé à l'oral par un autre commercial de Samsung notamment. Je ne peux cependant pas vous indiquer si les demandes de remontées de prix étaient uniquement liées à ce distributeur [...], l'objectif était qu'il existe le moins de différences possibles avec la grande distribution [...] que les gros sites de vente en ligne comme " rueducommerce.com " et " Cdiscount " subissaient les mêmes pressions que nous mais avaient l'avantage de la taille ".
Il résulterait de ces éléments que l'uniformisation des prix à la hausse serait de nature à préserver le canal de distribution des grandes enseignes de détails qui dominent le marché des produits " blancs " et " bruns " et que la stratégie des fabricants permettait aux grandes enseignes spécialisées de détails de tirer profit de l'engouement pour la vente en ligne. Dans ce contexte, les grandes enseignes de détails miseraient sur leurs sites Internet pour dynamiser les ventes de leurs réseaux physiques et que ce développement multicanal aurait profité à plusieurs grandes enseignes spécialisées de détail.
Il s'en déduirait de ces différentes pratiques présumées illicites qu'elles limiteraient les capacités des consommateurs à faire jouer la concurrence entre le canal de la vente par Internet et celui de la distribution traditionnelle et ce en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101-1 du TFUE et que l'ensemble de ces agissements semblerait constituer les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un système d'ententes horizontales et verticales à dimension nationale entre les fabricants de produits " blancs " et " bruns ", les grossistes et les grandes enseignes spécialisées de détail.
Ces actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions qui auraient pour objet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises et limiter ou contrôler l'entrée aux marchés seraient établis selon des modalités secrètes et qu'il serait nécessaire d'autoriser les agents de l'Autorité de la concurrence de rechercher la preuve desdites pratiques prohibées vraisemblablement détenues et conservées dans des lieux (en l'espèce les sociétés sus-mentionnées en début d'ordonnance) et sous des formes qui faciliteraient leurs dissimulation, leurs destruction ou altération en cas de vérification.
Selon l'Autorité de la concurrence, le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constitue le seul moyen d'atteindre l'objectif recherché et que les opérations de visite et de saisie n'apparaîtraient pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre.
Le juge des libertés et de la détention de Bobigny autorisait la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence à faire procéder, dans les locaux des entreprises sus-mentionnées et aux visites et aux saisies prévues par les dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements entrant dans le champ des pratiques prohibés par les articles L. 420-1,1°,2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a et b du TFUE, relevées dans le secteur de la distribution des produits " blancs " et " bruns " ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée.
Il laissait le soin de désigner les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence [...] pour effectuer les visites et saisies autorisées [...] et désignait Jean-Michel Mimram, commissaire-divisionnaire et Philippe Tireloque commissaire-divisionnaire pour nommer les officiers de police judiciaire compétents.
Il donnait commission rogatoire pour les autres lieux de visites domiciliaires et de saisies aux juges des libertés et de la détention des tribunaux de grande instance de Nanterre, Rouen, Senlis, Limoges, Lyon, Meaux et Strasbourg et indiquait que les occupants des lieux ou leurs représentants avaient la faculté de faire appel à un conseil de leur choix, sans que cette faculté n'entraîne la suspension des opérations de visite et de saisies ; [...] et en mentionnant que la présente ordonnance pouvait faire l'objet d'un appel devant le premier président de la Cour d'appel de Paris par déclaration au greffe dans un délai de dix jours, [...] que cet appel n'était pas suspensif et que l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris était susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation [...]. " Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées le 17 et 18 octobre 2013. Elles ont été retranscrites dans des procès-verbaux en date du 18 octobre 2013 auquel ont été annexées les observations des avocats présents.
Le 29 octobre 2013, le Premier Président de la Cour d'appel de Paris a été saisi d'un appel contre cette ordonnance par la société Electrolux France et d'un recours à l'encontre du déroulement des opérations de visite et de saisie.
Par conclusions déposées le 31 octobre 2014 lors de l'audience, la société Electrolux France a déposé des conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance rendu le 9 octobre 2013 par le Juge des libertés et de la détention de Bobigny et celle subséquente du Juge des libertés et de la détention de Senlis.
L'affaire a été appelée à l'audience du 21 janvier 2015 à 9 heures, mise en délibéré mais n'a pas été rendue.
Une réouverture des débats a été fixée le 28 octobre 2015 et mise en délibéré pour être rendue le 6 janvier 2015.
Concernant les opérations de visite et de saisie, des conclusions récapitulatives aux fins d'annulation en date du 31 octobre 2014 ont été déposées.
I) La nullité des opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux d'Electrolux France
1. Les enquêteurs ont utilisé des méthodes disproportionnées au regard de l'article 8 de la CESDH
- Les atteintes aux principes d'inviolabilité du domicile de la personne morale doivent être strictement proportionnées au regard de l'objectif poursuivi
- En procédant à une saisie massive des messageries des fichiers informatiques sans prévoir de 5 garanties adéquates au respect des droits de la défense, les enquêteurs ont eu recours aux méthodes les plus intrusives de manière injustifiée La société Electrolux France fait valoir que l'inviolabilité du domicile des personnes physiques est protégée par l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et du citoyen (ci-après " CESDH ") et l'article 9 du Code civil et que cette protection a été étendue aux personnes morales par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (ci-après " CEDH ") qui assimile le domicile des personnes privées, aux locaux commerciaux des entreprises.
Or, une ingérence de l'Etat est possible si trois conditions sont réunies : l'ingérence doit être prévue par la loi, viser un but légitime et être nécessaire dans une société démocratique. Il sera prouvé que tel n'est pas le cas pour les opérations de visite et de saisie opérées au sein des locaux de la société Electrolux France qui aurait été victime de saisies massives et indifférenciées.
La société requérante indique que l'Autorité de la concurrence aurait procédé à des saisies massives et indifférenciées car plutôt qu'individualiser sur place les seuls documents et fichiers informatiques pertinents pour l'enquête, les agents ont procédé à une copie intégrale des fichiers informatiques sur les ordinateurs des salariés en question ce qui aurait conduit à une saisie massive et indifférenciée. Pour justifier le caractère massif et indifférencié des saisies, l'Autorité se réfugierait derrière le caractère insécable des fichiers informatiques. Or, en se référant au procès-verbal de visite et de saisie, on constaterait qu'il existerait des méthodes moins intrusives que ce type de saisie. En effet, pour une partie des ordinateurs visités, les enquêteurs auraient consulté les fichiers informatiques susceptibles d'entrer dans le champ de l'ordonnance, auraient imprimé les fichiers pertinents et mis sous scellés. Néanmoins, pour une autre partie des postes visités, les enquêteurs auraient abandonné cette méthode et saisis globalement tous les fichiers présents. Ce changement de méthode serait prouvé par l'inventaire alors qu'aucun motif n'a été avancé par l'Administration pour le justifier.
Au surplus, cette méthode serait d'autant moins légitime que la Commission européenne, lors de saisies procède à une véritable sélection préalable sur site. Ce n'est que dans le cas où cette sélection ne peut être achevée que les agents de la Commission Européenne finissent par effectuer une saisie globale. Et même dans une telle hypothèse, cette saisie sans sélection préalable est placée sous enveloppe scellée qui ne sera ouverte qu'en présence de représentant de l'entreprise visitée dans les locaux de la Commission afin de poursuivre cette saisie.
La société Electrolux France considère qu'elle serait en droit d'attendre de l'Autorité de la concurrence qu'elle s'aligne sur les standards de la Commission Européenne en matière de respect des droits de la défense lorsqu'elle procède à des visites domiciliaires.
Au surplus, la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation semble permettre aujourd'hui la mise en cause des conditions dans lesquelles les saisies informatiques sont effectuées.
D'une part, dans deux arrêts récents, la Cour de cassation aurait consacré le droit fondamental des entreprises visitées à être assistées par un avocat, la violation de ce droit entraînant la nullité des opérations de visite et de saisie. La société visitée considère que ce droit aurait pour conséquence le droit de prendre connaissance des documents avant leur saisie afin de pouvoir vérifier que lesdits documents entrent bien dans le champ d'application de l'ordonnance d'autorisation et/ou que les documents ne sont pas protégés par le secret des correspondances avocats-clients.
Si une saisie globale et indifférenciée est effectuée, l'Autorité devrait permettre comme le fait la Commission Européenne la présence des avocats ou des représentants de la société visitée dans les locaux de l'Autorité lorsque les agents procèdent à leur sélection. Or, tel n'est pas le cas.
D'autre part, la Cour de cassation aurait jugé dans l'arrêt Medtronic que la saisie d'une correspondance avocat-client entraînait nécessairement sa nullité et que la restitution du document était insuffisante pour rétablir les droits de l'entreprise visitée. Cette solution serait parfaitement justifiée dans la mesure où la confidentialité de cette correspondance est absolue et que sélection doit s'effectuée a priori et non pas a posteriori.
Au surplus, comme la société n'est pas invitée à assister à la sélection des documents par les agents de l'Administration au sein des locaux de l'Autorité de la concurrence, l'entreprise visitée ne dispose d'aucune garantie adéquate pour empêcher les agents de prendre connaissance de ces documents. Partant, seule la nullité des saisies peut rétablir la société visitée dans ces droits.
Selon l'Autorité de la concurrence, la violation alléguée de l'article 8 de la CESDH est écartée quand elle est justifiée par l'article 8-2 de la CESDH. Elle cite plusieurs jurisprudences en indiquant notamment que la visite domiciliaire n'apporte pas une atteinte disproportionnée au droit fondamental que constitue le respect de la vie privée, dont le domicile est une composante dès lors que prévue par la loi et placée sous le contrôle du juge, elle a pour objet d'assurer le bien-être économique du pays.
L'Administration fait valoir qu'il n'appartient pas à une entreprise visitée, en l'espèce Electrolux France, de déterminer et d'agréer les modalités d'investigations dont elle fait l'objet. L'Autorité de la concurrence détermine seule les méthodes qu'elle met en œuvre pour l'accomplissement de sa mission dans le respect des lois et règlements qui la régissent sous le contrôle du Juge.
C'est ainsi que l'Administration a procédé soit à des fouilles sommaires, soit à une fouille plus approfondie compte tenu des contraintes de déroulement des opérations et en ciblant des salariés détenant potentiellement des documents relatifs aux pratiques suspectées. Pour quatre salariés, il a été décidé de ne pas procéder à une saisie informatique avec mise en œuvre du kit de perquisition Encase et en conséquence, des éditions papiers sont intervenues sous le contrôle de l'officier de police judiciaire et en la présence d'un représentant de l'entreprise qui ont pu constater la régularité des impressions réalisées par les rapporteurs et que celles-ci figurent avec une description suffisante dans les inventaires papiers, permettant sans équivoque de les identifier et de constater qu'elles entrent dans le champ d'application de l'autorisation, ce qui n'est pas contesté par la requérante.
Ainsi donc, les rapporteurs ont fait le choix de n'éditer que quelques documents informatiques s'agissant des salariés précités, ce qui par ailleurs ne met pas en cause la saisie par copie numérique d'une sélection de fichiers informatiques, dont le fichier de messageries électronique professionnel pour les huit salariés visés par les investigations informatiques (MM Lopez, Raimbaud, Poullier, Heredia, Jouin, Thiercy, Nouvellet et Madame Martel) dès lors qu'il a été constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation; de sorte qu'il n'y a pas eu de saisie massive et indifférenciée.
2. Les enquêteurs n'ont pas respecté l'obligation de délivrer un inventaire exhaustif en violation des articles L. 450-4, R.450-2 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale - Les enquêteurs sont légalement tenus de tenir un inventaire de toutes les pièces et documents saisis et de les placer sous scellés fermés et provisoires en cas de difficulté - Les inventaires papiers et informatiques communiqués par les enquêteurs ne remplissent pas les conditions posées par le législateur Selon la société appelante, les articles L. 450-4, R.450-2 du Code de commerce ainsi que les articles 56 du Code de procédure pénale obligeraient les agents de l'Administration d'une part à faire figurer toutes les pièces et documents saisis sur l'inventaire, d'autre part si des difficultés surviennent à mettre les pièces litigieuses sous scellés.
L'inventaire poursuivrait un double objectif, garantir l'authenticité des pièces saisies et individualiser de manière suffisamment précise les documents pour que l'entreprise saisie puisse vérifier que les documents saisis entrent dans le champ d'application de l'ordonnance. Pour satisfaire le second objectif, l'Autorité de la concurrence ne peut pas se réduire à l'énoncé du nom et la place d'un fichier alors qu'il contient des milliers de documents.
En réponse à l'argumentation de l'Administration selon laquelle les articles précités n'obligent pas les agents à respecter un certain formalisme, la société Electrolux France fait valoir que le caractère précis de l'inventaire découle de la définition même du terme " inventaire ".
La jurisprudence citée ne vient aucunement validée la pratique d'inventaires imprécis et ledit inventaire n'est respectueux des droits de la défense que s'il est suffisamment précis.
En outre, même si la Cour de cassation aurait considéré que la mise sous scellés des fichiers informatiques saisis n'est qu'une possibilité laissée aux enquêteurs, l'article 56 du Code de procédure pénale prévoit qu'en cas de difficulté, la mise sous scellés fermés provisoires est requise. Ainsi, en cas d'impossibilité d'établir un inventaire complet, les enquêteurs seraient tenus de procéder à la mise sous scellés fermés provisoires des fichiers saisis.
Il s'agit d'ailleurs de la méthode utilisée par la Commission européenne et mise en place alors qu'elle utilisait le même logiciel que l'Autorité de la concurrence, le logiciel Encase.
La société Electrolux France fait valoir que les enquêteurs ont réalisé un inventaire en version papier des pièces saisis ainsi qu'un inventaire informatique des fichiers informatiques saisis sur un CD-ROM tous deux annexés au procès-verbal du 17 octobre 2013.
Dans le cadre des opérations de visite et de saisie l'inventaire serait imprécis. L'inventaire en version papier ferait référence de manière très générale à la présence de fichiers issus des ordinateurs de cadres de la société. Par ailleurs, le détail des inventaires informatiques saisis sont retranscris en langage informatique et ne permettent pas de prendre connaissance de la nature des documents contenus dans les fichiers. Mis à part, l'identité de la personne dont un fichier ou la messagerie électronique ont été saisis, aucun élément ne permet d'identifier le type de document contenu dans chaque fichier et de détecter la présence le cas échéant de correspondance avocat-client ou relevant de la vie privée.
Compte tenu du nombre de fichiers ou documents saisis, les enquêteurs étaient tenus de préciser le contenu desdits fichiers pour permettre au juge d'exercer un contrôle effectif comme ils l'ont fait pour les fichiers de Messieurs Demeulster, Laffon, Dufoulon et de Madame Rouxel où les enquêteurs ont notamment pris la peine de détailler de façon précise les expéditeurs, les destinataires, la date, l'heure d'envoi ainsi que les objets des e-mails imprimés.
Par conséquent, les inventaires informatiques réalisés par les agents de l'Autorité étaient insuffisants et n'auraient pas permis à la société Electrolux France de prendre connaissance des documents saisis et le cas échéant de s'opposer à la saisine de certains documents lors des opérations de visite et de saisie, ce qui rendrait ces opérations irrégulières.
Selon l'Administration, s'agissant du non-respect par les enquêteurs de délivrer un inventaire exhaustif, elle fait valoir que les articles L. 450-4, R. 450-2 du Code de commerce et l'article 56 du Code de procédure pénale n'imposent de forme particulière à l'inventaire des pièces et documents saisis. De surcroît, la réalisation d'un inventaire aux saisies papier est irréalisable s'agissant de saisies informatique.
Afin de garantir l'authenticité de la preuve les enquêteurs de l'Autorité se sont assurés que chaque fichier saisi sur les ordinateurs investigués soient bien identifiés par les éléments suivants figurant dans l'inventaire : le nom du fichier, la taille logique du fichier, l'empreinte numérique du fichier et le chemin complet.
L'Autorité de la concurrence précise que les messageries constituent des ensembles indivisibles contenues dans les fichiers objets de la saisie, l'inventaire de ces messageries consiste en conséquence à décrire à la fois des supports de stockages placés sous scellés et les caractéristiques des fichiers eux-mêmes. Ainsi, la lecture du procès-verbal établi les 17 et 18 octobre 2013 permet de constater que cet inventaire a été effectué sur place le jour des opérations puisqu'il mentionne " l'inventaire des fichiers informatiques a été gravé sur CD-R et placé en annexe n°6 du présent procès-verbal. " Dès lors que les messages électroniques sont regroupés au sein d'un même fichier, il n'est pas nécessaire que l'inventaire dresse la liste de tous les messages saisis.
Par ailleurs, à la différence de ce qui se passerait pour des documents papiers le support informatique original reste au sein de la société et la copie intégrale de ce qui a été saisi permet à l'occupant des lieux à qui elle a été remise, comme il a été dit plus haut, et vérifier en l'espèce la garantie de ses droits. Ces copies font partie intégrante de la procédure et sont mentionnées dans le procès-verbal. L'occupant des lieux reçoit de la sorte les moyens concrets de vérifier ce qui a été saisi et d'exercer les recours qu'il juge utiles.
Dans le cas d'espèce, si la justification de la tenue de l'inventaire des pièces saisies prévue par l'article 56 du Code de procédure pénale est de mettre logiquement l'entreprise en mesure de connaître la nature des documents emportés en original et dont elle n'aura plus la disposition pendant un certain temps et de pouvoir par suite en réclamer la restitution, il n'en reste pas moins que dans le locaux de l'entreprise Electrolux France non seulement il a été procédé par copie et non par emport de supports informatiques originaux mais encore une copie intégrale de ce qui a été saisi a été remise à l'occupant des lieux pour précisément permettre à celui-ci d'effectuer une vérification des fichiers qui ont été appréhendés et d'exercer un recours ce qu'il fait aujourd'hui sur la base de la copie intégrale qui lui a été remise. Cette remise a été actée au procès-verbal en page 5, 6 et 22. Ces copies dont un exemplaire est tenu par les enquêteurs à la disposition du Juge pour qu'il puisse précisément s'assurer que les extractions opérées par l'Administration sont bien issues de la saisie ont la triple caractéristique, d'être identiques entre elles, d'être identiques aux DVD ROM ou CD ROM placés sous scellés et de n'être en aucun cas modifiable car réalisées sur support vierge non réinscriptible ce qui exclut toute fraude ou toute erreur par ajout ou par substitution.
Chaque fichier informatique saisi ayant été inventorié dans ces conditions et des copies intégrales de ces fichiers ayant été laissées à l'entreprise, il apparaît que les prescriptions des articles L. 450-4, R.450-2 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale ont été respectées. Sur la pratique des scellés provisoires évoquée par la société Electrolux France, l'Administration fait valoir que si l'article 56 du Code de procédure pénale ordonne de réaliser l'inventaire et la mise sous scellés des documents saisis immédiatement sur place, par exception et uniquement lorsque cet inventaire sur place présente des difficultés, les documents peuvent être placés sous scellés fermés provisoires jusqu'à l'établissement de leur inventaire et placement sous scellé définitif. Dans le cas d'espèce, les rapporteurs n'ayant constaté aucune difficulté à l'inventaire sur place des fichiers de messageries électroniques professionnels et des autres fichiers sélectionnés, ont pu procéder à l'élaboration immédiate et sur place d'un inventaire précis des fichiers saisis dans les locaux de l'entreprise Electrolux France en reprenant leurs tailles exprimées en octets, leurs empreintes numériques et leurs dénominations (chemin, nom et extension comme en atteste le procès-verbal de visite et de saisie et ses annexes).
Dans ces conditions, les fichiers informatiques saisis dans les locaux d'Electrolux France ayant été inventoriés conformément aux prescriptions de l'article 56 du Code de procédure pénale et placés sous scellés définitifs, dont copie a été laissée à l'entreprise, le recours à la procédure de scellé provisoire, qui n'a aucun caractère obligatoire, n'avait pas à être mis en œuvre.
De surcroît, l'arrêt Ravon c/France du 21 février 2008 ne s'applique pas en l'espèce, la société requérante n'étant pas concernée par le dispositif ancien de l'article L. 450-4 du Code de commerce puisqu'elle bénéficie de celui introduit par l'ordonnance n°2008-1161 du 13 novembre 2008 qui lui permet de contester la légalité des ordonnances ainsi que le déroulement des opérations de visite et de saisie devant le Premier Président de la Cour d'appel de Paris. Elle bénéficie donc d'un contrôle juridictionnel effectif en fait et en droit, dans le cadre d'un débat contradictoire, tant de l'autorisation judiciaire que de l'exécution de la mesure autorisée. En conclusion, l'Administration demande à ce que l'inventaire des fichiers dont ceux des messageries électroniques soit déclaré régulier et conclut au rejet des moyens soulevés.
3. Les enquêteurs ont porté une atteinte grave au secret des affaires d'Electrolux France lors des opérations de visite et de saisie La société Electrolux France invoque l'obligation du respect du secret des affaires des entreprises lequel se maintient tout au long de la procédure devant l'Autorité et même au-delà comme le prévoit l'article L. 463-4 du Code de commerce. Or, à l'issue des opérations de visite et de saisie, les enquêteurs de l'Autorité ont dressé un unique procès-verbal pour Electrolux France et Electrolux Home Products France ce qui aurait porté atteinte au secret des affaires d'Electrolux France. En effet, un seul et même inventaire a été réalisé pour les deux sociétés. Dans le cadre de cet inventaire, les enquêteurs ont gravé sur un même DVD-R les fichiers électroniques saisi sur les ordinateurs à la fois des salariés d'Electrolux France MM Poullier, Thiercy et Raimbaud) et des salariés d'Electrolux Home Products France (MM Heredia et Jouin).
De ce fait, il en résulte qu'Electrolux Home Products France a eu un accès à l'inventaire détaillé des documents saisis en version papier sur les postes des salariés d'Electrolux France ainsi qu'au contenu des fichiers informatiques saisis et gravés sur le DVD-R sus-mentionné.
Il en ressort que les sociétés Electrolux France et Electrolux Home Products France soient situés dans les mêmes locaux et appartiennent au même groupe ne justifient aucunement que le droit au respect au secret des affaires de chaque société ne soit pas respecté vis-à-vis de l'autre et que le fait qu'Electrolux France du capital d'Electrolux Home Products France ne permet pas à lui seul de considérer que ces deux sociétés forment une seule et même entité économique au sein de laquelle les informations commerciales stratégiques s'échangeraient librement. Elles sont deux entités juridiques différentes gérées d'un point de vue opérationnelle de manière distincte et ne partageant pas le même type d'information saisie par les enquêteurs, par exemple les courriels de leur salarié. Il convenait d'établir deux procès-verbaux de visite et de saisie distincts.
En conclusion, il apparaît que le déroulement de ces opérations a irrémédiablement porté atteinte au secret des affaires de la société Electrolux France.
En conséquence, les opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux de la société d'Electrolux France doivent être annulées dans leur intégralité. A tout le moins, les saisies des documents concernant Electrolux France doivent être annulées.
A titre subsidiaire, si cette annulation n'était pas prononcée, il conviendrait à tout le moins d'annuler les saisies de fichiers de messagerie électroniques contenant la correspondance avocat-client et la correspondance privée. L'Administration en réponse indique que les procès-verbaux établis sont valides dès lors que les conditions de forme suivantes ont été respectées : il n'a de valeur probante que s'il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l'exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu'il a vu, entendu ou constaté personnellement. L'Autorité de la concurrence reprend les termes de l'article L. 450-2 du Code de com merce et en particulier la disposition selon laquelle les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire ainsi que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce lesquelles indiquent que les procès-verbaux relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées. Ils sont dressés sur le champ, et comportent l'inventaire des pièces et des documents saisis [...].
Au cas présent, l'Administration fait valoir qu'il s'agissait de deux sociétés du même groupe visées par les investigations et situées dans les mêmes locaux, le procès-verbal a été établi par les agents habilités à rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui ont agi dans l'exercice de leurs fonctions et ont rapporté sur une matière de leur compétence ce qu'ils ont constaté et saisi personnellement. Ce procès-verbal a été signé par tous les agents de l'Administration, les officiers de police judiciaire, ainsi que par les représentants de l'occupant des lieux. En conséquence, le procès-verbal est régulier en la forme et fait foi jusqu'à preuve contraire.
Au surplus, rien n'interdit de dresser un procès-verbal commun pour plusieurs personnes morales ou physiques.
Le procès-verbal contesté, établi pour les deux sociétés ne porte aucunement atteinte au secret des affaires: en effet la société requérante ne soutient pas que la société Electrolux Home Products France n'a aucun lien économique, organisationnel et juridique avec la société Electrolux France car non seulement celle-ci partage ses locaux, mais encore ces deux sociétés appartiennent à un même groupe et ont le même président, et qu'il est admis en droit de la concurrence que la notion d'entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique pouvant être constituée de plusieurs personnes morales. Il est admis de la même manière qu'une société à de fortes chances de voir son comportement commercial déterminé par l'entreprise qui détient 100 % de son capital.
En conséquence, chacune des deux sociétés n'a aucun secret à protéger de l'autre notamment le secret des affaires dans le secteur concerné par les investigations.
Enfin, le secret des affaires est inopposable aux enquêteurs dans le cadre de l'article L. 450-4 du Code de commerce, il est en revanche opposable aux entreprises concurrentes d'Electrolux. L'Administration conclut au rejet du moyen.
B) La nullité des saisies de fichiers de messageries électroniques contenant des documents protégés 1. Les enquêteurs ont saisi des fichiers de messagerie électronique en violation du droit fondamental à la confidentialité des correspondances avocats-clients - Le droit fondamental au respect de la confidentialité des correspondances avocats-clients - Les fichiers de messagerie électronique saisis par l'Autorité comprennent des correspondances avocats-clients - La seule présence des correspondances avocats-clients entraîne nécessairement la nullité de la saisie des fichiers informatiques : la violation du secret intervient dès que le fichier est saisi par l'enquêteur, le caractère prétendument insécable des fichiers de messageries électroniques, la sanction juridique appropriée est la nullité de la saisie du fichier informatique et non la restitution du document protégé.
Selon la société requérante, les enquêteurs ont porté atteinte au respect de la confidentialité des correspondances avocats/clients découlant de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et consacrée par l'article 6§1 de la CESDH sur le respect du droit au procès équitable. Il a été saisi lors de ces opérations dans leur globalité les fichiers de messagerie électronique de certains salariés d'Electrolux France et par la même occasion des e-mails protégés par la confidentialité des correspondances avocat/client.
Il a été communiqué à titre d'exemples les échanges de correspondances entre MM Thiercy, Poullier et Maître Dominique Sardi, de la société Sardi Rampazzo. De ce fait, la saisie injustifiée des correspondances avocats/clients par les enquêteurs est irrégulière en ce qu'elle porte irrémédiablement atteinte aux droits de la défense de la société Electrolux France. L'acte de la saisie de la correspondance avocat/client et non sa divulgation ou son utilisation par l'Autorité constitue une violation du secret protégé par les textes sus-mentionnées.
Il est de jurisprudence constante que la Cour de Cassation valide le principe de l'insécabilité des fichiers de messageries électroniques mais la pratique d'autres pays et de la Commission Européenne attestent que les saisies sélectives de messages électroniques peuvent être réalisées sans compromettre l'authenticité des fichiers.
Les agents de l'Autorité disposent de garanties procédurales leur permettant d'assurer le respect de la confidentialité des correspondances avocats/clients lors du déroulement des opérations de visite et de saisie, comme la faculté de procéder à une mise sous scellé sous fermé provisoire de fichiers informatiques.
Par conséquent, Electrolux France sollicite conformément aux dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce l'annulation des actes de saisie informatiques qui contenaient des messages protégés et donc la restitution de l'intégralité des fichiers contenant des documents couverts par la confidentialité des correspondances avocat-client dont la liste est fournie en annexe
1. En réponse l'Administration fait valoir qu'elle est intervenue de manière sélective et ciblée, que la visite pratiquée dans les locaux de la requérante n'a concerné que 17 bureaux sur plusieurs centaines que compte le bâtiment Electrolux à Senlis et aucune saisie n'est intervenue dans 6 de ces 17 bureaux visités. Ainsi, les investigations informatiques ont porté sur les ordinateurs de seulement 11 salariés et 6 messageries rapatriées par le réseau. Les rapporteurs ont choisi, eu égard aux circonstances de l'espèce et afin de respecter le principe de proportionnalité de ne saisir que les éléments entrant dans le champ de l'autorisation accordée par le juge des libertés et de la détention. Cette sélection ressort clairement de la lecture des inventaires des fichiers saisis par les rapporteurs et placés en annexe 6 au procès-verbal et ainsi qu'il ressort du tableau produit dans les écritures de l'Administration. Les enquêteurs n'ont saisi au total que 449 fichiers sur les 588.951 soit un ratio de 0.08 %.
En pratiquant ainsi, les rapporteurs ont fait montre de discernement et de proportionnalité dans le processus de saisie. Sur les messageries électroniques saisies, l'Administration fait valoir que celles-ci sont du type Lotus note et sont structurées de telles manières que les messages ne font pas l'objet d'enregistrements individuels mais sont enfermés dans un fichier conteneur au même type que les éléments de l'agenda ou des contacts. Cette organisation informatique n'est en aucun cas le fait des rapporteurs mais préexiste avant leur arrivée dans les locaux de la société visitée. L'Administration soutient qu'elle ne peut que constater ce mode de stockage dans un fichier unique des éléments contenus dans Lotus note et ne peut en aucun cas le modifier. Ainsi, s'il est possible pour l'Autorité de saisir des documents ou supports d'information se trouvant dans l'entreprise le jour de la visite, il n'est en aucun cas envisageable pour elle d'individualiser les messages entrant dans le champ de l'autorisation, en les extrayant un par un de Lotus note sous peine de créer sur les ordinateurs visités des éléments qui n'existaient pas avant son intervention et de compromettre aussi l'authenticité même des messages (et également d'altérer les attributs des fichiers).
En conséquence, la structure particulière d'un fichier de messagerie de Lotus Note implique nécessairement la saisie globale du fichier de messagerie. Par ailleurs, l'Administration estime qu'il est inopérant de comparer des pouvoirs de visite et de saisie des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence agissant sur autorisation judiciaire [...] et donnant lieu à un recours juridictionnel effectif avec la pratique des agents de la Commission européenne qui exercent dans un autre cadre, les pouvoirs des agents de la Commission sont différents puisqu'ils ne peuvent emporter que des copies de documents alors que les agents de la DGCCRF ont le pouvoir de saisir des supports informatiques (article L. 450-4 du Code de commerce).
Compte tenu de ces éléments, toute comparaison est superfétatoire et il importe peu de connaître la marque de logiciel employé par telle ou telle Autorité pour procéder à ces enquêtes, la validité des investigations s'appréciant au regard de la conformité des saisies aux prévisions de la loi et de l'objet de l'enquête. En dernier lieu, la présence alléguée de documents protégés au titre de la correspondance avocat/client (la requérante n'en produit aucun et ne produit également aucune liste de courriels couverts par la production accordée à la correspondance avocat/client et se contente de prétendre, à titre d'exemple, que la messagerie de M.Lopez en contiendrait) dans les fichiers de messagerie dont il a été vérifié le contenu des éléments entrant dans le champ des investigations autorisées n'est que la résultante de la structure particulière des messageries Lotus note et ne procède nullement d'une recherche délibérée de la part des rapporteurs.
Contrairement à ce que soutient Electrolux France, la présence de documents couverts par le secret professionnel dans les saisies ne pourra avoir pour conséquence ni d'entraîner l'annulation de l'ensemble des opérations ni même l'annulation de la saisie des messageries électroniques qui contiendraient des documents protégés, une telle annulation porterait irrémédiablement atteinte à l'efficacité de l'enquête.
L'annulation des seules pièces bénéficiant de la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits car elle offre à la requérante une double garantie tendant à l'élimination physique des documents protégés contenus dans les fichiers placés sous scellés en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue, prononcée par le juge.
Ainsi, la saisie des messageries électroniques effectuée dans les locaux d'Electrolux a été opérée de manière régulière, il n'est pas établi et pas contesté par la société requérante que les messageries électroniques appréhendées contiennent des informations entrant dans le champ des investigations autorisées et se trouvent donc à ce titre pour partie utiles à la preuve des agissements suspectés. Electrolux France n'a pas établi la liste des documents qu'elle juge couverts par le secret des correspondances échangées avec ses avocats ni produits les documents eux-mêmes et qu'il lui appartenait d'établir la réalité de la protection qu'elle invoque en produisant les pièces qu'elle entend voir annuler. Par conséquent, la simple allégation de la présence de documents couverts par le secret des correspondances avocat/client dans la seule messagerie de M.Lopez ne peut amener l'annulation de la saisie de celle-ci pour les raisons invoquées ci-dessus et a fortiori à l'annulation des fichiers de messageries saisies des autres salariés. Eu égard à ces éléments, l'Autorité de la concurrence conclut au rejet de ces moyens.
2. Les enquêteurs ont saisis des fichiers de messagerie électronique en violation du droit fondamental au respect de la vie privée - Le droit fondamental au respect de la vie privée - La saisie globale des fichiers de messagerie électronique opérée par l'Autorité comprend de nombreux e-mails personnels Electrolux France rappelle que le droit au respect de la vie privée est un intérêt supérieur consacré par l'article 9 du Code civil, l'article 8 de la CESDH et d'autres chartes ou déclarations. De ce fait, les ingérences dans l'exercice du droit au respect de la vie privée doivent demeurer exceptionnelles et sont strictement encadrées par l'alinéa 2 de l'article 8 de la CESDH. Par conséquent, si la préservation du libre jeu de la concurrence justifie que l'Autorité puisse avoir recours à des opérations de visite et de saisie, sa mission est limitée par le respect de libertés publiques et individuelles tels que le droit fondamental au respect de la vie privée. C'est pourquoi Electrolux France sollicite l'annulation des actes de saisies des fichiers informatiques qui contenait des messages protégés et donc la restitution de l'intégralité des fichiers contenant des documents couverts par le droit au respect de la vie privée dont la liste est fournie en annexe
1. La seule présence de messages strictement personnels entraîne nécessairement la nullité de la saisie globale des fichiers de messageries électroniques.
En réponse, l'Autorité indique que la société Electrolux France produit pour prouver des messages personnels de salariés saisis dans des messageries électroniques professionnelles une dizaine de courriels, joints dans deux annexes 26, sur l'ensemble des saisies effectuées ces courriels ont été anonymisés avec tant de soin qu'il est difficile de dire d'où ils proviennent et s'ils concernent la totalité des correspondances privées. Eu égard au très faible volume de courriels contestés dont il ne peut que s'agir d'une saisie accidentelle l'Autorité ne s'oppose pas à restituer ces courriels à condition qu'ils soient précisément identifiés et qu'ils soient jugés comme relevant intégralement de la vie privée car certains d'entre eux pourraient très bien avoir un caractère mixte relevant à la fois de la vie privée et du champ d'application de l'ordonnance.
De surcroît, aucune messagerie personnelle de salariés n'a été vérifiée par les rapporteurs, ces derniers ayant réalisé leur investigation exclusivement sur des boites de messageries électroniques professionnelles mises à leur disposition par leur employeur Electrolux pour émettre et recevoir des messages à caractère professionnel dans le cadre de leur activité salariée.
L'Administration fait valoir que la jurisprudence s'est à plusieurs reprises prononcée sur la saisie d'éléments à caractère personnel conséquence de la saisie globale d'une messagerie électronique et a systématiquement rappelé que ces éléments n'étaient pas par nature exclus du champ des investigations.
L'Administration indique également que la présence de documents étrangers au champ des investigations dans les messageries électroniques professionnelles saisis dans les locaux d'Electrolux France ne porte cependant aucun grief aux intérêts de l'entreprise dans la mesure où ils ne pourront en aucun cas être utilisés pour fonder une instruction contre la société requérante.
L'Autorité conclut au rejet de ces moyens.
Madame l'Avocat général estime que la demande d'annulation de la procédure d'opération de visite et de saisie dans les locaux de la société Electrolux France n'est pas fondée sur l'utilisation de méthodes disproportionnées et conclut au rejet de ce moyen, ainsi que sur ceux tendant à l'annulation des opérations fondées sur l'imprécision de l'inventaire, à l'atteinte au secret des affaires. S'agissant de la protection du secret avocat/client, elle indique que c'est à la société Electrolux France d'établir la réalité de la protection qu'elle invoque en produisant les pièces qu'elle entend voir annuler et laisse à la Cour l'appréciation du caractère confidentiel des correspondances visées en annexe 1 et le cas échéant d'en prononcer l'annulation dans l'hypothèse où cette protection du secret avocat/client aurait été violé.
Concernant les pièces protégées par le principe du secret de la vie privée, Madame l'Avocate général nous invite à suivre la même méthode.
La société Electrolux France demande d'annuler les opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de la société Electrolux France sis 43, avenue Felix Louat 60300 Senlis, - Annuler le procès-verbal du 17 octobre 2013 - A tout le moins, annuler les saisis de documents concernant la société Electrolux France; - A titre subsidiaire, annuler et restituer la saisie des fichiers informatiques indiqués en annexe 1 effectuées dans les locaux de la société Electrolux France sis 43, avenue Felix Louat 60300 Senlis, La société Electrolux France demande la condamnation à hauteur de 10.000 euro de l'Autorité de la concurrence au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'Autorité de la concurrence demande que la confirmation de la régularité des opérations de visite et de saisie et le rejet de la demande d'annulation de la saisie des messageries électroniques d'Electrolux France de l'annexe 1 et de leur restitution, de constater son accord pour restituer les 15 courriels dans les deux annexes 26 aux conclusions d'Electrolux France sous réserves qu'ils soient véritablement couverts par la protection de la vie privée et la condamnation à hauteur de 10.000 euro de la société Electrolux France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE
I) La nullité des opérations de visite et de saisie réalisée dans les locaux d'Electrolux France
1. Les enquêteurs ont utilisé des méthodes disproportionnées au regard de l'article 8 de la CESDH
- Les atteintes aux principes d'inviolabilité du domicile de la personne morale doivent être strictement proportionnées au regard de l'objectif poursuivi
- En procédant à une saisie massive des messageries des fichiers informatiques sans prévoir de garanties adéquates au respect des droits de la défense, les enquêteurs ont eu recours aux méthodes les plus intrusives de manière injustifiée
L'article 8§2 de la CESDH dispose, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, que " Il ne peut y avoir ingérence d'une Autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
Sur le caractère massif et indifférencié de la saisie, il y a lieu d'indiquer que la pratique en matière de visite domiciliaire consiste à effectivement introduire des mots clés mais également à introduire d'autres mots ou noms qui permettent une discrimination pour éviter de copier notamment, les correspondances échangées entre le ou les avocats et leurs clients. Ceci étant précisé, une saisie lorsqu'elle est opérée dans ces conditions, ce qui semble être le cas en espèce, ne présente pas un caractère massif et indifférencié sous réserve que l'extraction des fichiers informatiques opérée par des agents de l'Administration, assistés d'un officier de police judiciaire, soit faite à partir de mots-clés dont l'intitulé est en lien avec le champ d'application de l'autorisation du juge.
Par ailleurs, le procès-verbal de visite et de saisies fait état d'un logiciel " Encase " utilisé par les administrations ou les Autorités administratives indépendantes, lequel un logiciel d'investigations et de recherche de preuves cryptées ou effacées directement dans le serveur.
Ce logiciel n'a pas été utilisé pour quatre salariés pour lesquels des éditions papiers ont été imprimées sous le contrôle de l'officier de police judiciaire et en la présence d'un représentant de l'entreprise qui ont pu constater la régularité des saisies effectuées par les rapporteurs et que celles-ci figurent avec une description suffisante dans les inventaires papiers, permettant sans équivoque de les identifier et de constater qu'elles entrent dans le champ d'application de l'autorisation. En l'espèce, il ressort de la lecture de l'inventaire que l'Administration est intervenue de manière sélective et ciblée que cette sélection ressort d'une part du nombres de fichiers saisis sur la totalité des fichiers existants (ratio de 0.08 % selon l'Autorité de la concurrence) et de quelques personnes dont les postes ont été visités et saisis et dont le nom de certaines apparaissaient dans les annexes de la requête de l'Administration (cf : courriels comminatoires visés dans notre décision concernant l'appel contre l'ordonnance).
Par ailleurs, la pratique de la mise sous scellés provisoires n'est qu'une faculté laissée à la discrétion de l'Administration lorsqu'une difficulté survient au cour des opérations de visite et de saisie.
En ce qui concerne, les techniques moins intrusives ou plus discriminantes comme celles qui seraient utilisées par les services d'enquêtes de la Commission européenne, l'Administration n'a pas à justifier de la méthode qu'elle emploie si celle-ci est appropriée au but recherché par l'ordonnance. Cette pratique est celle qui permet de concilier l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée dans la mesure où si chaque fichier devait être vérifié l'activité économique de ladite société pourrait être bloquée pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui n'est pas l'objectif d'une visite domiciliaire, à savoir ralentir, voire stopper l'activité économique et commerciale d'une société.
Les articles L. 450-4 et suivants du Code de commerce ne prévoient pas que la présence de l'avocat instituée dans les textes permette à celui-ci de valider une saisie effectuée. Une copie des fichiers informatiques saisis est remise à l'occupant qui a la possibilité de la comparer avec l'original toujours présent dans son support de stockage et le cas échéant de la contester devant le Premier Président de la cour d'appel, ce qu'elle a fait en l'espèce.
Ces moyens seront rejetés.
2. Les enquêteurs n'ont pas respecté l'obligation de délivrer un inventaire exhaustif en violation des articles L. 450-4, R. 450-2 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale
- Les enquêteurs sont légalement tenus de tenir un inventaire de toutes les pièces et documents saisis et de les placer sous scellés fermés et provisoires en cas de difficulté
- Les inventaires papiers et informatiques communiqués par les enquêteurs ne remplissent pas les conditions posées par le législateur
La réalisation des inventaires est régie par les dispositions de l'article R.450-2 du Code de commerce qui mentionne que les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-4 dudit code relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées. Ils sont dressés sur le champ. Ils comportent l'inventaire des pièces et documents saisis.
Il s'en déduit de cet article et de plusieurs décisions de jurisprudences significatives qu'aucune forme particulière de l'inventaire des pièces et des documents saisis n'est imposée, que celui-ci peut, à titre illustratif, prendre la forme d'une arborescence.
La lecture attentive du procès-verbal de visite et de saisie établi le 18 octobre 2013 fait apparaître qu'il est repris le déroulement des opérations et ce en compagnie constante du représentant de la société visitée et des officiers de police judiciaire désignés; que les agents de l'Administration ont procédé à une visite des bureaux et que les documents ont été saisis et côtés.
Des données informatiques ont été examinées ; que par exemple pour Madame Sylvie Chowanski aucun document n'a été imprimé. Pour d'autres personnes des ordinateurs ont été remis à l'équipe informatique pour être analysés. Pour d'autres responsables, les données informatiques accessibles depuis leurs ordinateurs ont permis de constater la présence de documents entrant dans le champ des autorisations de visites et de saisies accordées par le Juge des libertés et de la détention.
Il a été procédé à une analyse approfondie de cet ordinateur puis après avoir procédé à leur authentification numérique, les agents ont extrait des données numériques de cet ordinateur. Ils ont élaboré un inventaire informatique de ces fichiers puis gravé un DVD-R vierge non réinscriptible ces fichiers et ont finalisé la gravure afin d'interdire tout ajout, retrait ou modification de son contenu s'agissant des fichiers informatiques de Monsieur Lopez, avant d'être placé sous le scellé n° 16 ce DVD-R a été copié en deux exemplaires, l'un destiné au rapporteur de l'Autorité de la concurrence et l'autre laissé à la société Electrolux. L'inventaire informatique des fichiers saisis a été gravé sur CD-R et placé en annexe 6 du procès-verbal et les documents papiers saisis et placés dans le scellé n° 11 (côté 1 à 98) après avoir été inventoriés.
S'agissant des ordinateurs cryptés informatiquement, un travail minutieux a été effectué pour procéder à leur analyse et ce en présence constante du représentant des lieux et de l'officier de police judiciaire et la même démarche consistant à retranscrire fidèlement des fichiers du disque dur ou de l'ordinateur ont été accomplis avec la même minutie sans que les supports soient altérés, gravés sur des DVD-R copiés en double exemplaire placés sous des scellés numérotés et identifiables. La même pratique a été constatée dans d'autres bureaux ou des documents issus de messageries ont été placés dans des scellés numérotés et côté et ce toujours en présence de l'occupant des lieux et de l'officier de police judiciaire.
S'agissant de la précision de l'inventaire des saisies informatiques il convient de rappeler que deux copies ont été effectuées, l'une étant remise à l'occupant des lieux et de la société requérante en comparant cette copie avec l'original (ce qui se trouve dans le support informatique) était à même de vérifier si le contenu pouvait être contesté et de le soumettre, le cas échéant, à notre juridiction. L'inventaire des documents saisis a été retranscris dans le procès-verbal de la page 9 à la page 21 et émargé en page 22 par les agents de l'Administration, les représentants des lieux et les officiers de police judiciaire sans qu'aucune difficulté n'ait été mentionnée dans le procès-verbal et qu'aucune réserve n'ait été annexée à ce procès-verbal.
En l'espèce, aucune difficulté n'ayant été relevée les agents de l'Administration ont estimé que la pratique des scellés provisoires était inutile. Au terme d'un examen in concreto du procès-verbal de visite et de saisie établi le 18 octobre 2013, force est de constater qu'aucune irrégularité ne peut être retenue.
Ces moyens seront rejetés.
3. Les enquêteurs ont porté une atteinte grave au secret des affaires d'Electrolux France lors des opérations de visite et de saisie
Les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce n'excluent pas du champ des documents pouvant faire l'objet d'une saisie ce qui serait de nature à porter atteinte à la protection du secret des affaires.
Par ailleurs à la supposer établie, l'article L. 463-4 du Code de commerce permet en cas de contentieux devant l'Autorité de la concurrence à la partie mise en cause de demander le retrait total ou partiel et l'occultation des pièces ayant porté atteinte audit secret. La lecture de l'ordonnance et de ses annexes permet de constater que les sociétés bien que distinctes sont installées dans les mêmes lieux, ont le même dirigeant, un serveur informatique commun puisque les salariés de la société Electrolux France et ceux de d'Electrolux Home Products France ont le même nom de domaine (@electrolux.fr) et l'une est une filiale détenue à 100 % par l'autre. Dans ces conditions la violation du secret des affaires apparaît difficile à caractériser. A contrario, si les deux entreprises avaient été en position concurrentielle, le grief aurait pu être établi.
Enfin, il n'est pas interdit dans ces conditions de dresser un procès-verbal commun pour plusieurs personnes morales ayant un lien de dépendance l'une envers l'autre même si ce sont des personnes morales distinctes dans la mesure où elles appartiennent au même groupe. La rédaction d'un procès-verbal unique étant dans ces conditions régulières dès lors que les pièces saisies avaient un lien avec les agissements prohibés visés dans l'autorisation du juge.
Ce moyen sera écarté.
B) La nullité des saisies de fichiers de messageries électroniques contenant des documents protégés
1. Les enquêteurs ont saisi des fichiers de messagerie électronique en violation du droit fondamental à la confidentialité des correspondances avocats-clients
- Le droit fondamental au respect de la confidentialité des correspondances avocats-clients
- Les fichiers de messagerie électronique saisis par l'Autorité comprennent des correspondances avocats-clients
- La seule présence des correspondances avocats-clients entraîne nécessairement la nullité de la saisie des fichiers informatiques : la violation du secret intervient dès que le fichier est saisi par l'enquêteur, le caractère prétendument insécable des fichiers de messageries électroniques, la sanction juridique appropriée est la nullité de la saisie du fichier informatique et non la restitution du document protégé
Il est invoqué qu'il aurait été porté atteinte à la confidentialité des correspondances entre avocat/client liée au secret professionnel protégé par les dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et consacrée par l'article 6§1 de la CESDH sur le respect du droit au procès équitable.
S'il est établi que le secret professionnel sus-mentionné doit être respecté de manière stricte, il est constant que les agents peuvent prendre connaissance des documents afin de juger s'ils doivent ou non les saisir et qu'il n'est nullement discuté que les documents couverts par le secret professionnel de l'avocat ne sont pas saisissables.
Il convient cependant de préciser que seules sont couvertes les correspondances échangées entre le client et son avocat ou entre l'avocat et ses confrères ce qui ne seraient pas le cas d'une correspondance échangée entre un avocat et un expert-comptable, les correspondances d'avocats directement adressées à la partie adverses ou de factures; que le seul fait qu'un courrier émane d'un avocat n'a pas pour effet d'en interdire la saisie (dans l'hypothèse où il serait susceptible d'être impliqué dans la fraude présumée) et il est nécessaire d'en prendre connaissance pour en apprécier le caractère saisissable ou non.
Il y a lieu cependant de préciser que l'Administration est tributaire des informations qui sont données sur place par le représentant de la société et notamment des noms des avocats représentant la société mais également des noms des anciens avocats l'ayant représentée et des avocats avec laquelle cette société est en contact.
S'agissant des investigations informatiques, en l'espèce un fichier informatique indivisible peut être saisi dans son entier, s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête. Les rapporteurs de l'Autorité qui constatent la présence dans une messagerie de documents entrant dans le champ de l'ordonnance et qui les autorisent à procéder aux opérations de visite et de saisie n'ont d'autre choix que de procéder à la copie intégrale de celle-ci afin de préserver l'origine, l'intégrité et l'authenticité des documents saisis et ce dans le but de garantir les droits de l'entreprise par ces opérations.
En l'espèce, le logiciel de messagerie utilisé serait du type " Lotus note " et est structuré de telle manière que les messages ne font pas l'objet d'enregistrements individuels mais sont enfermés dans un fichier conteneur au même type que les éléments de l'agenda ou des contacts. Les agents de l'Administration n'ont pu que constater ce mode de stockage dans un fichier unique des éléments contenus dans " Lotus note ", n'ont pu en aucun cas le modifier (sauf à altérer son contenu) et ont été dans l'obligation de saisir le fichier conteneur dans son intégralité.
Enfin, s'agissant de l'annexe n° 1 citée dans les conclusions de la requérante en date du 31 octobre 2014 force est de constater que la société requérante produit un document intitulé " Annexe 1 Liste de fichiers informatiques saisis contenant des documents saisis couverts par la confidentialité des correspondances avocats-clients et/ou le droit au respect de la vie privée "; que ces fichiers seraient des fichiers du scellé n° 17 extrait du disque dur de la société Electrolux et proviendrait des ordinateurs de cinq cadres dirigeants de cette société qu'ils sont intitulés : " efmaneur.nsf, araimbau.id, tfranck.nsf, fthierrc.id, fpoullie.nsf, Fpoullie.id et araimbau.id "; qu'à l'appui de cette annexe la société requérante ne caractérise pas la violation de la confidentialité de la correspondance avocat/client.
La seule pièce ayant un lien avec les correspondances litigieuses est la pièce n° 31 du dossier de plaidoiries, rapportant trois courriels du même jour (29 avril 2013) échangés entre la SCP Sardi Rampazzo et Monsieur Franck Thiercy. Aussi, pour toutes les autres correspondances litigieuses, les sociétés requérantes ne démontrent pas en quoi chaque fichier serait hors du champ d'application de l'ordonnance (même en s'y rattachant indirectement ou ayant un lien avec la fraude présumée) ou porterait atteinte au secret professionnel de l'avocat.
Il est constant que la présence de l'échange de courriels contestés dans la saisie des fichiers informatiques n'entraîne pas la nullité de toute la saisie. De plus, l'annulation des seules pièces bénéficiant de la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits car elle offre à la requérante une double garantie tendant à l'élimination physique des documents protégés contenus dans les fichiers placés sous scellés en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue, prononcée par le Juge.
Compte tenu de ce qui précède, la saisie des courriels cités en pièce n° 31 sera annulée; qu'il convient en revanche de valider l'ensemble des autres saisies informatiques. Ce moyen sera rejeté à l'exception de la pièce n° 31 sus-mentionnées.
2. Les enquêteurs ont saisi des fichiers de messagerie électronique en violation du droit fondamental au respect de la vie privée
- Le droit fondamental au respect de la vie privée
- La saisie globale des fichiers de messagerie électronique opérée par l'Autorité comprend de nombreux e-mails personnels
Comme l'indique la société requérante, le droit au respect de la vie privée est un principe général consacré par l'article 9 du Code civil, l'article 8 de la CESDH et d'autres chartes ou déclarations.
De ce fait, les ingérences dans l'exercice du droit au respect de la vie privée doivent demeurer exceptionnelles et sont strictement encadrées par l'alinéa 2 de l'article 8 de la CESDH.
Par conséquent, si la préservation du libre jeu de la concurrence justifie que l'Autorité puisse avoir recours à des opérations de visite et de saisie, sa mission est limitée par le respect de libertés publiques et individuelles tels que le droit fondamental au respect de la vie privée.
Il résulte cependant que des fichiers informatiques sont susceptibles de contenir des éléments intéressant l'enquête et dès lors que la présence parmi eux de pièces insaisissables ne saurait avoir pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents. La saisie irrégulière de certains fichiers ou documents est sans effet sur la validité des opérations de visite et des autres saisies.
De surcroît un fichier informatique indivisible peut être saisi dans son intégralité s'il est susceptible de contenir des éléments entrant dans le champ d'application de l'ordonnance et ce d'autant plus que ces messages, à supposer qu'ils ne soient que strictement personnels, ne pourront pas être utilisés contre la société requérante. La société requérante a produit une dizaine de courriels anonymisés joints en annexe 26, 7 courriels dont le premier émane de François-Xavier Poullier et a comme objet : " Venue au monde d "... " et le dernier provient de Franck Thiercy et a pour objet " demande Perso ".
Même si ces courriels ont été anonymisés, les éléments subsistants laissent apparaître qu'ils concerneraient des événements extra-professionnels et qu'il y a lieu, étant précisément identifiés, d'annuler leur saisie sans pour autant que cela affecte la globalité des saisies informatiques effectuées étant précisé que les enquêteurs ont analysé les messageries professionnelles des cadres de la société et non pas leurs messageries personnelles. La saisie des sept courriels cités en annexe 26 sera annulée; qu'il convient en revanche de valider l'ensemble des autres saisies informatiques. Ce moyen sera écarté à l'exception de l'annexe 26 sus-mentionnée.
Considérant qu'aucune raison tirée de l'équité ne commande le prononcé de condamnations au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant contradictoirement et en dernier ressort ; Annulons la saisie des pièces numérotées n°30 à 31 (annexes 1 et 26); Rejetons les autres demandes; Confirmons l'ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 17 et 18 octobre 2013. Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Disons que la charge des dépens sera supportée par la société Electrolux France.