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Décisions

Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-15.704

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Dufour, Assurance-crédit Devilleneuve Dufour (Sté), Silvestri (ès qual.)

Défendeur :

Assurtis (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix

T. com. Paris, 19 ch., du 19 oct. 2011

19 octobre 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 2006, la société Assurance-crédit Devilleneuve Dufour (la société ACDD), ayant pour gérant M. Dufour, et la société Assurtis (le franchiseur) ont conclu un contrat de franchise portant sur la distribution de contrats d'assurance et de crédits à la consommation au sein d'un réseau exploité sous l'enseigne Assurtis ; qu'après avoir été mise en redressement judiciaire le 1er juillet 2009, la société ACDD a été placée en liquidation le 24 février 2010, M. Silvestri étant nommé liquidateur judiciaire ; que M. Silvestri, ès qualités, et M. Dufour ont assigné le franchiseur en résiliation du contrat à ses torts exclusifs et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le second moyen : - Attendu que M. Dufour et M. Silvestri, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société Assurtis au titre de ses manquements contractuels alors, selon le moyen : 1°) que la violation de conventions légalement formées permet au juge d'en prononcer la résiliation et de sanctionner les manquements contractuels, sanctions qui ne sont pas subordonnées à l'existence d'un préjudice ; que la résiliation d'un contrat ou la sanction d'un manquement contractuel peut résulter d'un manquement d'une certaine gravité imputable au débiteur de l'obligation indépendamment des conséquences qui en résultent pour le créancier de l'obligation inexécutée ; qu'en retenant qu'aucun grief ne peut être retenu contre la société Assurtis du fait de la suppression unilatérale, par cette dernière, du comparateur-auto, au motif que la société ACDD ne s'est pas plainte de cette suppression et ne justifie pas que ses résultats en ont souffert, la cour d'appel, qui constatait dans le même temps que ce comparateur avait pris une part importante dans l'argumentaire développé par Assurtis, et faisait ainsi ressortir des motifs de son arrêt que la suppression du comparateur auto constituait un manquement contractuel d'une particulière gravité de la part de la société Assurtis, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ; 2°) qu'en estimant qu'aucun grief ne peut être retenu contre la société Assurtis du fait de la suppression unilatérale, par cette dernière, du comparateur-auto, au motif que la société ACDD ne s'est jamais plainte, sinon lors de l'instance judiciaire, de la suppression de ce comparateur, et qu'elle n'a pas indiqué avoir souffert de cette suppression, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier son arrêt, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le comparateur-auto, présenté par le franchisé comme la " principale plus-value " de son cabinet, avait pris une part importante dans l'argumentaire développé par le franchiseur, l'arrêt retient que le franchisé ne justifie toutefois pas que ses résultats aient souffert de sa suppression en octobre 2007 et constate qu'il n'a jamais adressé aucune remarque ni plainte à ce sujet si ce n'est lors de la procédure introduite en 2010 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le comparateur-auto n'avait pas constitué un élément essentiel de la franchise, de sorte que sa suppression aurait caractérisé un manquement contractuel d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du franchiseur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée contre le franchiseur au titre de manquements précontractuels, l'arrêt retient que si le document d'information précontractuelle remis à M. Dufour ne comporte pas la présentation de l'état du marché local et ses perspectives de développement, son expérience de courtier en assurances, développée pendant trente ans dans la région de Bordeaux pour le compte de compagnies d'assurance, lui permettait d'avoir une bonne connaissance du marché local ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l'expérience du franchisé, acquise dans le seul secteur de l'assurance, était suffisante pour lui permettre d'apprécier l'état du marché local d'un concept novateur alliant crédit et assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de M. Silvestri, ès qualités, et de M. Dufour au titre des manquements précontractuels de la société Assurtis et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 février 2014 (RG n° 11-20167), entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.