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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 6 janvier 2016, n° 13-24350

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupe Seb France (Sté), Groupe Seb Retailing (Sté)

Défendeur :

Président de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocat :

Me Lazarus

Avocat général :

Mme Guidoni

TGI Bobigny, JLD, du 9 oct. 2013

9 octobre 2013

Le 9 octobre 2013, le juge des libertés et de la détention de Bobigny, a rendu, en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

· Fagorbrandt

· Eberhardt Frères

· Samsung Electronics France

· Groupe Seb France et Groupe Seb Retailing

· Miele

· Smeg France

· Indesit Company France

· BSH Electromenager

· Electrolux Home Products France et Electrolux France

· LG Electronics France

· GPDIS France Sud Est (Enseigne Sld) et Pulsat Synthèse

· Gemdis Groupe Findis (Anciennement Cocelec Rhone-Alpes)

· Etablissements Darty et Fils

Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée suite à l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2°, 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Cette requête était consécutive à une demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence conformément aux dispositions de l'article L. 460-4 alinéa 1 du Code de commerce.

A l'appui de cette requête étaient joints une liste de 21 pièces ou documents en annexe.

Qu'il était allégué qu'une pratique prohibée consisterait à imposer des prix de revente dans le secteur de l'électroménager aux sites Internet qui distribuaient les produits dits " blancs " rassemblant le petit et gros électroménager notamment de lavage, de cuisine, de cuisson et de froid et les produits dits " bruns " regroupant les appareils électriques et électroniques de loisirs (annexe 21).

Il était indiqué d'une part que des distributeurs se seraient plaints de l'immixtion des fabricants et grossistes de produits " blancs " et " bruns " dans leur politique tarifaire, d'autre part que les fournisseurs encadreraient les annonces de réductions de prix proposées par les distributeurs sur Internet et enfin que les fournisseurs limiteraient le niveau de remise octroyé aux consommateurs. Il était joint des procès-verbaux d'un distributeur et de revendeurs se plaignant de ces pratiques mettant en cause plusieurs marques de fournisseurs (Magimix, Liebherr, Miele, De Dietrich, Samsung).

Il était soutenu qu'au-delà de l'encadrement de la politique promotionnelle des distributeurs, des déclarations de revendeurs auraient fait état d'un véritable contrôle des prix de revente par les fournisseurs de produits blancs et bruns et plus particulièrement GPDIS, Fagorbrandt, Eberhardt Freres, Samsung, Seb, Smeg, Indesit, Electrolux et LG. Ainsi des consignes tarifaires seraient données par les fabricants tant à l'oral (pour la plupart), que par courriels. Le contrôle tarifaire exercé par les fabricants viserait à augmenter les prix de revente comme le confirmeraient les déclarations du 21 février 2011 d'un distributeur et les extraits de courriels d'un responsable commercial notamment.

Il apparaîtrait également que les courriels comminatoires des fabricants seraient le plus souvent " codés " le terme " stock " étant utilisé à la place du mot " prix ". Ainsi ce procédé consisterait dans le fait que les revendeurs auraient été fréquemment sollicités pour remonter leurs " stocks ", alors que le stock minimal des distributeurs aurait été fixé contractuellement à une ou deux unités seulement, plusieurs courriels annexés à la requête illustrant ce procédé.

Il était par ailleurs indiqué que les directives tarifaires seraient relayées par des grossistes comme le confirmait notamment par procès-verbal du 14 janvier 2013 le gérant de la SARL Web Achat en déclarant " nous étions en litige avec GPDIS notre fournisseur car " elle " se faisait le relais des fabricants sur leur mainmise sur notre politique commerciale ", déclaration qui serait corroborée par divers autres courriels.

Il était fait état que les prix de revente imposés aux distributeurs seraient diffusés par les fabricants et les grossistes au moyen de " black list ", de noms de couleur ou de tableaux ; qu'à cet égard le gérant d'une SARL avait communiqué une liste de produits pour lesquels les prix sont dits " bloqués " c'est à dire dont le prix devait strictement correspondre au prix de vente conseillé par le fabricant ou le prix généralement constaté ainsi qu'une autre liste de produits dits " sensibles " correspondant aux références pour lesquelles " il se devait de maintenir des prix élevés pour ne pas casser le marché si nous voulions être livrés ".

Les distributeurs auraient été incités à respecter les consignes tarifaires en échange de service de mise en avant des produits par les fournisseurs, des courriels attesteraient de la soumission des distributeurs aux instructions tarifaires des fabricants et grossistes de produits " blancs " et " bruns " et qu'à défaut de remonter les prix de revente comme l'auraient exigé les fournisseurs, ceux-ci ordonneraient aux revendeurs de retirer les références concernées sur leur site Internet.

Enfin, les distributeurs récalcitrants auraient été victimes de blocages de leurs comptes, de refus ou d'arrêts de livraisons et les grossistes auraient été sollicités pour faire respecter la police des prix des fabricants.

Par ailleurs, une seconde pratique prohibée aurait consisté pour les fabricants de produits " blancs " et " bruns " à faire retirer de la vente sur Internet certaines de leurs références, les fabricants, comme pour la première pratique illicite présumée, auraient utilisé les mêmes supports de diffusion pour informer les distributeurs des produits interdits à la vente sur Internet à savoir codes de couleur et listes noires, un gérant de SARL le confirmant en déclarant que le code couleur " bleu " était utilisé par un fabricant pour désigner les appareils exclus de la vente sur Internet, étant précisé que des courriels émanant de plusieurs autres fabricants auraient confirmé cette pratique et les grossistes de la même manière que précédemment évoquée, auraient fait pression sur les revendeurs pour qu'ils retirent certains produits de leurs sites Internet.

Une troisième pratique prohibée aurait consisté à refuser l'agrément à des distributeurs. Il ressortirait des témoignages qu'à partir de 2009, la plupart des fabricants de produits " blancs " et " bruns " auraient mis en place un réseau de distribution sélective. Il en serait déduit de déclarations de plusieurs revendeurs que certains fournisseurs de produits " blancs " et " bruns " pourraient interdire à des distributeurs de commercialiser leurs produits au seul motif qu'ils les diffusent sur Internet, la déclaration du même gérant de SARL viendrait accréditer cette thèse dans sa relation commerciale avec le distributeur Boulanger ; qu'il apparaîtrait que ces pratiques prohibées auraient comme finalité de circonscrire la concurrence sur Internet.

Qu'il pourrait également en être déduit que l'objectif des fabricants des produits " blancs " et " bruns " serait d'aligner les prix de la vente en ligne sur ceux pratiqués par les grandes enseignes spécialisées de détail et plus particulièrement Darty, cette allégation émanerait d'une déclaration d'un autre distributeur invoquant un projet de négociation commerciale présumé en cours entre la marque Smeg et le distributeur Darty, ainsi que d'un autre distributeur faisant état de pression du fabricant Fagorbrandt pour augmenter les prix pratiqués sur son site Internet jusqu'au niveau des prix pratiqués par leurs gros clients principaux à savoir Darty et Boulanger. Le gérant d'une SARL a déclaré que plusieurs commerciaux lui avaient dit oralement que s'ils voulaient que leurs clients de la grande distribution spécialisée notamment Darty (leader du marché) continuent de mettre en avant leurs produits il était nécessaire que les fabricants remontent les prix de vente des produits la politique d'alignement étant essentiellement liée à la politique de commerciale de Darty qui avait plus de 20 % du marché de la distribution. Cela nous avait été précisé à l'oral par un autre commercial de Samsung notamment. Je ne peux cependant pas vous indiquer si les demandes de remontées de prix étaient uniquement liées à ce distributeur, l'objectif était qu'il existe le moins de différences possibles avec la grande distribution que les gros sites de vente en ligne comme " rueducommerce.com " et " Cdiscount " subissaient les mêmes pressions que nous mais avaient " avantage de la taille ".

Il résulterait de ces éléments que l'uniformisation des prix à la hausse serait de nature à préserver le canal de distribution des grandes enseignes de détails qui dominent le marché des produits " blancs " et " bruns " et que la stratégie des fabricants permettait aux grandes enseignes spécialisées de détails de tirer profit de l'engouement pour la vente en ligne. Dans ce contexte, les grandes enseignes de détails miseraient sur leurs sites Internet pour dynamiser les ventes de leurs réseaux physiques et que ce développement multi-canal aurait profité à plusieurs grandes enseignes spécialisées de détail.

Il s'en déduirait de ces différentes pratiques présumées illicites qu'elles limiteraient les capacités des consommateurs à faire jouer la concurrence entre le canal de la vente par Internet et celui de la distribution traditionnelle et ce en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101-1 du TFUE et que l'ensemble de ces agissements semblerait constituer les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un système d'ententes horizontales et verticales à dimension nationale entre les fabricants de produits " blancs " et " bruns ", les grossistes et les grandes enseignes spécialisées de détail. Ces actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions qui auraient pour objet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises et limiter ou contrôler l'entrée aux marchés seraient établis selon des modalités secrètes et qu'il serait nécessaire d'autoriser les agents de l'Autorité de la concurrence de rechercher la preuve desdites pratiques prohibées vraisemblablement détenues et conservées dans des lieux (en l'espèce les sociétés sus-mentionnées en début d'ordonnance) et sous des formes qui faciliteraient leurs dissimulation, leurs destruction ou altération en cas de vérification.

Selon l'Autorité de la concurrence, le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constitue le seul moyen d'atteindre l'objectif recherché et que les opérations de visite et de saisie n'apparaîtraient pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre.

Le juge des libertés et de la détention de Bobigny autorisait la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence à faire procéder, dans les locaux des entreprises sus-mentionnées et aux visites et aux saisies prévues par les dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements entrant dans le champ des pratiques prohibés par les articles L. 420-1,1°,2° et 3° du Code de commerce et 101-1 a et b du TFUE, relevées dans le secteur de la distribution des produits " blancs " et " bruns " ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée.

Il laissait le soin de désigner les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence pour effectuer les visites et saisies autorisées et désignait Jean-Michel Mimram, commissaire-divisionnaire et Philippe Tireloque commissaire-divisionnaire pour nommer les officiers de police judiciaire compétents.

Il donnait commission rogatoire pour les autres lieux de visites domiciliaires et de saisies aux juges des libertés et de la détention des Tribunaux de grande instance de Nanterre, Rouen, Senlis, Limoges, Lyon, Meaux et Strasbourg et indiquait que les occupants des lieux ou leurs représentants avaient la faculté de faire appel à un conseil de leur choix, sans que cette faculté n'entraîne la suspension des opérations de visite et de saisies ; [...] et en mentionnant que la présente ordonnance pouvait faire l'objet d'un appel devant le premier président de la Cour d'appel de Paris par déclaration au greffe dans un délai de dix jours, [...] que cet appel n'était pas suspensif et que l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris était susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées le 17 octobre 2014. Elles ont été retranscrites dans des procès-verbaux en date du 17 octobre 2014 auquel ont été annexées les observations des avocats présents.

Le 25 octobre 2014, le Premier Président de la Cour d'appel de Paris a été saisi d'un appel contre cette ordonnance par les sociétés Groupe Seb France et Seb Groupe Seb Retailing et d'un recours à l'encontre du déroulement des opérations de visite et de saisie.

Par conclusions déposées le 6 janvier 2015, les sociétés Groupe Seb France et Seb Groupe Seb Retailing ont déposé des conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance rendue le 9 octobre 2013 par le Juge des libertés et de la détention de Bobigny et celle subséquente du Juge des libertés et de la détention de Lyon en date du 17 octobre 2013.

L'affaire a été appelée à l'audience du 21 janvier 2015 à 9 heures, mise en délibéré mais n'a pas été rendue.

Une réouverture des débats a été fixée le 28 octobre 2015 et mise en délibéré pour être rendue le 6 janvier 2015.

Par conclusions récapitulatives enregistrées au greffe en date du 6 janvier 2015, la société Electrolux France conteste la régularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bobigny ainsi que celle des opérations de visite et de saisie subséquentes, et en demande l'annulation.

I. Sur l'absence de contrôle effectif du Juge des libertés et de la détention

Selon les sociétés appelantes, le Juge des libertés et de la détention, signataire de l'ordonnance, n'aurait pas exercé un contrôle effectif réalisé in concreto à partir des données et pièces justificatives fournies par l'Administration.

A l'appui de cette affirmation, il est soutenu que l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention a repris in extenso les termes de la requête de l'Autorité de la concurrence y compris une mention erronée selon les sociétés appelantes, ce qui témoigne d'une absence de contrôle effectif. Il ne fait donc aucun doute que l'ordonnance a été pré-rédigée par l'Autorité de la concurrence.

Cette absence de contrôle s'évince de l'absence de correction de la mention supposée erronée selon laquelle " l'ensemble de ces agissements semblent constituer les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer de l'existence d'un système d'entente horizontale " alors même que tout le reste de la requête vise des pratiques d'ententes verticales.

Il est soutenu que trois pratiques verticales sont visées par l'ordonnance de la concurrence et qu'aucune n'est horizontale.

Compte tenu de ce qui précède, il est allégué que le Juge des libertés et de la détention n'a pas procédé à un contrôle effectif de la demande d'autorisation et la société appelante demande l'annulation de l'ordonnance querellée.

L'Autorité en réponse, indique que si elle a présenté au juge des libertés et de la détention et, dans un souci de commodité, une requête et un projet d'ordonnance, elle le fait toujours en version papier accompagnée d'une version numérique ce qui permet au magistrat de modifier le projet d'ordonnance autant qu'il le souhaite et s'il n'est pas convaincu par les indices et les présomptions, le Juge peut simplement refuser de donner son autorisation.

Par ailleurs, l'Autorité soutient qu'il est inexact que le Juge n'a pas examiné le dossier, présenté le 4 octobre 2013 et l'autorisation ayant été délivrée le 9 octobre 2013, ces 6 jours ont laissé amplement le temps au Juge de procéder à des vérifications pour un dossier qui n'était pas particulièrement volumineux (21 pièces). La requête présentée ainsi que les annexes ont bien été examinées par le Juge des libertés et de la détention de Bobigny. De surcroît, l'Autorité fait valoir que les motifs et le dispositif de l'ordonnance d'autorisation sont réputés être établi par le Juge qui l'a rendue et signée, lequel en endosse la responsabilité. La circonstance que l'ordonnance soit la reproduction de la requête de l'Administration est sans incidence sur la régularité de la décision.

En second lieu, l'Autorité fait valoir que c'est à tort que les sociétés appelantes indiqueraient qu'aucun élément de fait contenu dans l'autorisation ne viendrait soutenir l'existence potentielle d'une entente horizontale entre les fabricants de produits " blancs " et " bruns ".

A contrario, le Juge des libertés et de la détention de Bobigny a pris soin d'indiquer aux moins deux agissements prohibés à caractère horizontal entre fabricants de produits " blancs " et " bruns " : le premier indice concerne l'utilisation du vocable " stock " à la place du mot " prix " par les fabricants comme subterfuge, pour imposer des remontées de prix aux revendeurs.

Le second indice relate la mise en place par les fabricants à compter de 2009 d'un réseau de distribution sélective et au stade de la demande d'autorisation de visite et de saisie il ne fait aucun doute que le parallélisme de comportements des entreprises peut constituer une présomption sérieuse de pratiques anticoncurrentielles et seule l'instruction en cours pourra permettre de déterminer si le parallélisme de comportements des fabricants, dont Seb, repose en réalité sur une action concertée, convention, ou entente entre eux.

Ainsi, aucune erreur ou inexactitude ne peut être reprochée au Juge des libertés et de la détention de Bobigny.

II. Sur l'insuffisance des présomptions retenues

1. Rien ne permet de présumer de l'existence de pratiques susceptibles de caractériser une entente horizontale

Selon les sociétés appelantes, alors que l'ordonnance reprend in extenso le paragraphe de la requête faisant état de présomptions d'ententes horizontales aucun des éléments au soutien de la requête ne se rapporte à l'existence d'une quelconque entente entre concurrents et encore moins d'un système d'ententes horizontales.

L'Autorité n'identifie pas clairement les pratiques horizontales et une telle présentation a pu influencer le Juge des libertés et de la détention et faciliter l'obtention de l'autorisation de procéder à des visites et des saisies.

L'Autorité fait valoir quant à la vérification par le premier juge que " les mesures autorisées portent sur des pratiques anticoncurrentielles clairement identifiées ". Il ne fait aucun doute, à la lecture de l'autorisation que celle-ci décrit et analyse trois pratiques prohibées et résumées : l'imposition des prix de revente aux sites Internet qui distribuent les produits " blancs " et " bruns ", le retrait de la vente sur Internet par les fabricants de certaines références de ces produits et le refus d'agrément à des distributeurs.

Par ailleurs, au stade de l'Autorisation de visite et de saisie où aucune accusation n'est portée l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire d'éléments de preuve de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées et qu'à ce stade de la demande d'autorisation, le rôle du Juge se limite à recueillir et analyser les faits ce qu'il a fait en l'espèce en examinant de manière détaillée 21 annexes dont la concordance en fonction des agissements reprochés lui a permis de suspecter Seb de pratiques prohibées. La mesure autorisée a par conséquent, pour unique objectif de vérifier que les comportements illicites soupçonnées existent ou non dans le secteur de la distribution des produits " bruns " et " blancs ". En aucun cas, le magistrat ne porte de qualification sur les pratiques présumées.

2. L'Ordonnance ne fait état d'aucune présomption de nature à justifier que des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société Groupe Seb Retailing aient été autorisées

Les sociétés appelantes font valoir que la société Groupe Seb Retailing n'est ni fournisseur de produits " blancs " ni de produits " bruns " cette société distribue principalement que les produits en fin de vie, des " stocks morts et dormants " ainsi que les accessoires, sous-marques du Groupe Seb.

Il en résulte que la recherche d'ententes verticales entre les fournisseurs de produits " blancs " et " brun " et leurs grossistes, est sans rapport avec l'activité de la société Groupe Seb Retailing et que à ce titre, la société Groupe Seb Retailing ne figure pas parmi les sociétés visées par l'ordonnance dans les développements relatifs aux pratiques présumées. Elle ne serait visée ni dans la requête, ni dans les pièces annexées.

Il est donc demandé la nullité de l'ordonnance.

L'Autorité de la concurrence fait valoir que Seb soutient à tort que la société Groupe Seb Retailing est inactive dans la distribution de produits " blancs " et " bruns ". Il suffit de lire les mentions portées au k-bis du 5 septembre 2013 de cette société concernant les principales activités de cette entreprise pour se convaincre du contraire " négoce aux détails par tous moyens, de tout équipements domestiques ".

La société Groupe Seb Retailing est bien mentionnée dans la requête de l'Autorité de la concurrence en page 14 contrairement à l'affirmation de la demanderesse et que les documents annexés à la requête font référence à Seb sans autre précision ce qui autorisait à visiter Seb France et Seb Retailing. Et enfin, le Juge a retenu la société Groupe Seb Retailing d'une part parce qu'elle partageait ses locaux à la même adresse du siège social du Groupe Seb France qui était directement impliquée par les indices et d'autre part, parce que les deux sociétés appartiennent au même groupe à savoir la société Seb SA et ont le même Président Monsieur Gérard Salommez. Dès lors, ces deux entreprises partagent des locaux et les documents pouvant établir des pratiques anticoncurrentielles peuvent se trouver dans des locaux dépendants matériellement de l'une ou de l'autre société.

Ainsi, Groupe Seb Retailing, société du même groupe que Groupe Seb France sise à la même adresse n'était concernée par les investigations qu'en tant que ces locaux à une adresse clairement définie étaient susceptibles d'abriter des éléments de preuve et non en qualité de participante aux pratiques collusoires, frauduleuses suspectées à ce stade de l'enquête.

L'Autorité cite deux arrêts de la Cour de cassation l'une permettant d'autoriser des visites et saisies en tous lieux même privés dès lors qu'il constate que des documents se rapportant à des pratiques anticoncurrentielles présumées sont susceptibles de s'y trouver et l'autre énonçant qu'il suffit que la personne morale visée ait le même dirigeant et/ou la même adresse que les autres sociétés soupçonnées de comportements anticoncurrentiels et/ou des liens capitalistiques pour que la mesure soit justifiée, ce qui était le cas en l'espèce.

3. Sur l'absence de présomptions suffisantes concernant l'existence de pratiques d'ententes verticales

- Sur l'absence de présomptions concernant l'imposition de prix de revente par Groupe Seb France et sa volonté de faire retirer certains produits de la vente sur Internet

- Sur l'absence de présomptions de la volonté du Groupe Seb France de limiter l'accès au marché à certains revendeurs

Les sociétés appelantes font valoir que les déclarations des plaignants prises individuellement ou ensemble ne permettent pas de présumer ni de l'existence d'une imposition de prix de revente par le groupe Seb France, ni de sa volonté de faire retirer certains produits de la vente sur Internet.

Il est soutenu que les déclarations de Monsieur Philippe ne sauraient constituer une présomption à l'encontre de la société Groupe Seb France compte tenu des propos généraux qu'il aurait tenu " qu'il est lui est arrivé que des fournisseurs lui demande de ne plus livrer un article chez un client pour non-respect du prix public indiqué (PPI) " et ne désigne à aucun moment le groupe Seb France comme l'auteur de ces pratiques et ne joint aucun élément permettant d'étayer ces déclarations.

Par ailleurs, les déclarations de Monsieur Kaci ne sont pas probantes car s'il indique que la société Magimix " a adressé un courrier nous demandant de retirer l'ensemble des produits Magimix sous 72 heures ont suivi les sociétés Seb (par téléphone) sur certaines gammes : Lagostina (marmites, autocuiseurs, poëles...) ". Cependant, Monsieur Kaci qui a précisé avoir égaré les courriels de la société Magimix " n'a été en mesure de produire aucun courrier attestant que la société Arobase Trade avait réellement reçu les lettres demandant le retrait des produits de Groupe Seb ".

Monsieur Herbin mettrait en cause tous les fournisseurs dont Seb qui serait concerné par la mise en place du " sélectif " ou de " liste noire de produits " ; que cependant, il indique qu'il ne dispose pas de traces des demandes exercées par ce fabricant ; que les éléments produits par Monsieur Herbin censés étayer ses déclarations ne sauraient constituer des présomptions de pratiques anticoncurrentielles.

L'échange de courriel entre Monsieur Julien Herbin, gérant de la SARL Webachat.fr et Monsieur Gérard Gouy, directeur régional du Groupe Seb France aurait été interprété d'une manière particulièrement extensive et douteuse, le Juge des libertés et de la détention faisant sienne l'interprétation subjective et contestable de Monsieur Herbin sans chercher à corroborer les déclarations de ce dernier avec d'autres éléments de preuve. Ce courriel pourrait être altéré, ce qui serait de nature à remettre en cause l'authenticité et l'exhaustivité de l'échange de courriel.

Il est également précisé que ce courriel serait incomplet dans la mesure où il manquerait l'indication du destinataire et au vu de ces éléments le courriel de Monsieur Gouy n'est pas constitutif d'une présomption de pratiques anticoncurrentielles de la part de la société Groupe Seb France. Le Juge des libertés et de la détention ne pouvait donc pas se fonder sur ce courriel pour fonder les opérations de visite et de saisie.

Le fichier Disteo serait en outre un fichier interne au grossiste interne Gemdis et le Groupe Seb France n'aurait pas été en contact avec Gemdis dans le cadre de son élaboration étant précisé que le groupe Seb France a découvert avec étonnement l'existence de cette liste lorsqu'il a pris connaissance du dossier.

Au vu de l'ensemble des éléments sus-visés les indices retenus par l'ordonnance ne sauraient constituer des présomptions suffisantes d'imposition de prix et de retrait de produits de la vente sur Internet par le Groupe Seb France et qu'en conséquence, l'ordonnance devrait être annulée.

Il est affirmé enfin que le Juge des libertés et de la détention se serait fondé uniquement sur deux déclarations de revendeurs Internet pour présumer de l'existence de ces agissements présumés à l'encontre du groupe Seb France alors qu'aucun élément matériel ne permet de corroborer les déclarations des revendeurs Internet et qu'il est souligné à cet égard que Monsieur Kaci aurait été dans l'incapacité de produire une seule demande d'agrément. Le juge ne pouvait pas retenir des éléments pouvant constituer des présomptions de refus d'agrément de la part du Groupe Seb France.

L'Autorité fait valoir que le fait d'analyser les indices un par un ou les pièces annexées une à une, comme le fait la requérante, pour en tirer la conclusion que le Juge des libertés et de la détention n'avait rien dans le dossier lui permettant d'autoriser la visite de ses locaux et que seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs présomptions de pratiques anticoncurrentielles et bien plus c'est l'ensemble des agissements des différentes entités dans un secteur considéré de l'économie qui importe, les agissements présumés de l'appelant sont examinés par le Juge de l'autorisation à la lumière des comportements expresses ou tacites des autres acteurs du secteur économique concernés car l'entente soupçonnée nécessite la mise au point de stratégies et de tactiques communes par les acteurs suspectés.

En l'espèce, le juge a satisfait à son obligation de contrôle en s'assurant de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation, du caractère suffisant des faits produits par l'Autorité de la concurrence ayant débouché après description et analyse sur des soupçons de comportements illicites dans le secteur de la distribution de produits " blancs " et " bruns " et ce n'est qu'au terme d'une analyse particulièrement motivée que le magistrat a estimé que des divers documents versés à l'appui de la requête de l'Autorité de la concurrence permettait de retenir une présomption d'entente, notamment à l'encontre de l'appelante.

A l'appui de son argumentation, l'Autorité fait valoir qu'après description et analyse des 21 annexes dont 6 mentionnaient Seb, le Juge des libertés et de la détention de Bobigny a relevé plusieurs indices laissant apparaître des présomptions simples à l'encontre de la société Seb dans les agissements prohibés, indices qu'elle développe dans ses écritures.

Après l'énumération de ces indices laissant apparaître des présomptions simples dans les annexes concernées, l'Autorité de la concurrence soutient qu'il suffit que la société appelante apparaisse impliquée dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée. Or, tous les indices semblent mêler directement la société appelante aux pratiques prohibées présumées (ce qui aurait pour dessein d'imposer des prix de reventes aux sites Internet, de faire pression sur les revendeurs pour qu'ils retirent certains produits de leurs sites Internet et de refuser l'agrément à des distributeurs).

L'Autorité de la concurrence énumère dans ses écritures des exemples de parallélisme de comportements entre les fabricants et indique que le Juge des libertés et de la détention a retenu que le fournisseur Seb serait susceptible de perpétuer une ou des pratiques susvisées dès lors que son nom figurait dans la démonstration des trois pratiques illicites présumées.

Dans une matière où par hypothèse les participations à l'entente dissimulent avec une grande habilité leurs faits répréhensibles il est de plus en plus rare qu'une preuve parfaite soit trouvée par les enquêteurs dès les premières investigations. Le plus souvent, les rapporteurs ont souvent des indices issus de divers documents qui pris dans leur ensemble, suivant la méthode du faisceau d'indices, sont de nature à faire présumer les comportements litigieux, justifiant les visites et saisies. C'est donc, selon l'Autorité, à tort qu'en l'espèce, pour contester la demande d'autorisation de visite et saisie la concernant, la société demanderesse a examiné isolément les pièces et les indices produits par l'Autorité de la concurrence pour nier l'existence d'une présomption d'entente du fait de ces agissements suspects.

Au surplus, la circonstance que les éléments retenus par le Juge des libertés et de la détention de Bobigny puissent faire l'objet d'une interprétation divergente de la part de l'entreprise Seb ne saurait empêcher qu'ils constituent des indices suffisamment sérieux au moment de l'enquête, dès lors que l'analyse de l'Autorité de la concurrence apparaît plausible.

Quant au courriel du 22 juillet 2010 de M. Gérard gouy, directeur régional groupe Seb, et la réponse du même jour de M. Julien herbin, gérant de la société web achat France, pour lequel Seb suppute qu'il pourrait s'agir d'un faux de part sa présentation, une telle assertion relève simplement d'une méconnaissance des diverses présentations possibles de l'historique des courriers électroniques. Par ailleurs, les mentions contenues dans l'ordonnance d'autorisation signée par le premier juge font foi jusqu'à inscription en faux.

En définitive, seule l'instruction en cours, par l'examen des documents saisis lors des investigations pourra permettre de connaître la véritable motivation de l'entreprise Seb et l'existence ou non de pratiques prohibées à son encontre.

Dès lors, l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de Bobigny faisait bien état d'entente anticoncurrentielle et de l'éventualité que des documents incriminant puissent se trouver chez Seb.

Le Premier président ne pourra que conclure à la validité de l'autorisation de visiter ces locaux et rejeter le moyen tiré d'une violation de l'article L. 450-4 du Code de commerce et la jurisprudence en vigueur.

Dans son avis en date du 15 décembre 2014, Madame l'Avocat général indique que l'argumentation selon laquelle le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bobigny n'aurait pas réalisé de contrôle effectif ne saurait être retenu ; en effet la jurisprudence ne prohiberait pas la pratique de projet d'ordonnance accompagnant la requête et ses annexes; d'autant qu'aucun élément probant n'aurait été versé à l'appui du grief fait au Juge des libertés et de la détention de Bobigny de n'avoir pas procédé à l'examen attentif des 21 pièces annexées à la requête. Par ailleurs, aucune accusation n'étant porté à l'encontre des sociétés au stade de l'autorisation de visite et de saisie, l'Autorité n'avait pas à produire d'éléments de preuves de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées.

Le Juge des libertés et de la détention aurait rempli sa mission en l'espèce et satisfait aux exigences de l'article L. 450-4 du Code de commerce. L'ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bobigny faisait état de présomptions d'ententes anticoncurrentielles et de l'éventualité que des documents incriminant se trouvaient dans les locaux des sociétés visées dans la requête de l'Autorité.

La société Group Seb Retailing ne saurait enfin soutenir qu'elle n'est pas mentionnée dans la requête de l'Autorité, étant mentionnée à la page 14 de la requête ainsi que dans les divers documents annexés ; le juge des libertés et de la détention pouvant autoriser des opérations de visite et de saisie dans les locaux d'une entreprise non directement visée par les présomptions dès lors qu'elle appartient à un même groupe, a le même dirigeant et/ou est domiciliée à la même adresse.

Madame l'Avocat Général conclut à la validité de l'autorisation de visiter les locaux de ces sociétés et d'écarter le moyen tiré de l'absence d'éléments sérieux présumant de la participation des sociétés du groupe Seb à une pratique anticoncurrentielle.

En conséquence, les sociétés appelantes demandent à Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Paris de constater que le Juge des libertés et de la détention de Bobigny n'a pas exercé le contrôle des présomptions présentées par l'Autorité de la concurrence qui lui incombait en vertu de l'article L. 450-4 du Code de commerce et ce faisant d'ordonner l'annulation de l'ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 9 octobre 2013.

L'Autorité de la concurrence demande qu'il soit constaté que l'autorisation judiciaire visait à bon droit l'entreprise Seb et demande la confirmation de l'ordonnance rendue le 9 octobre 2013 par le Juge des libertés et de la détention de Bobigny.

SUR CE

I. Sur l'absence de contrôle effectif du Juge des libertés et de la détention

Le juge qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation doit comporter tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite; que par suite le juge doit s'assurer que les éléments produits par l'Administration aient une apparence de licéité et sont suffisants pour justifier que la mesure intrusive de visite et de saisie soit justifiée; qu'à cette fin le juge des libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments d'informations fournis par l'Autorité qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies de documents s'y rapportant sans qu'il soit nécessaire que soit caractérisées des présomptions précises, graves et concordantes ou des indices particulièrement troublants des pratiques; que les présomptions sont appréciées par le juge en proportion de l'atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées.

S'agissant du Juge des Libertés et de la détention de Bobigny, signataire de l'ordonnance querellée et qui de ce fait se l'est approprié, étant précisé qu'il est destinataire d'une copie de l'ordonnance en version numérique, entre le moment où la requête est déposée à son greffe et la signature de celle-ci un délai de 5 jours s'est écoulé, ce qui a laissé amplement le temps au juge des libertés et de la détention d'examiner la pertinence de la requête, d'étudier les pièces jointes à celle-ci, de vérifier les habilitations et le jour de la signature, de demander aux agents de l'Autorité de la concurrence toute information pertinente préalablement à la signature de son ordonnance. Il disposait donc de la faculté de modifier l'ordonnance proposée et le cas échéant de refuser de l'accorder.

L'examen in concreto effectué par le juge des libertés et de la détention sur l'ordonnance et ses 21 annexes permet d'écarter l'absence de contrôle de l'autorisation délivrée.

Concernant l'existence supposée d'ententes horizontales entre les fabricants de produits courants " blancs " et " bruns " il est à noter que cette notion figure dans l'ordonnance d'autorisation et a été recherchée dans l'examen des 21 pièces en annexe de la requête ; que plusieurs sociétés visées à la requête ont utilisé le vocable " stocks " à la place du mot " prix " et l'analyse dans son ensemble de ces pièces visant plusieurs fabricants a permis au Juge des libertés et de la détention de constater cette analogie laquelle par un subterfuge sémantique laissait apparaître des indices susceptibles de constituer des présomptions simples d'agissements prohibés dans le secteur des produits " blancs " et " bruns ".

Il importe peu que les pièces examinées isolément mettent en cause directement ou indirectement telle ou telle société, le parallélisme du comportement entre entreprises du même secteur étant susceptible de constituer une présomption simple de pratique anticoncurrentielle, au même titre que les actions concertées dans le même laps de temps. Comme il a été indiqué précédemment, cet élément n'est qu'une présomption parmi d'autres qui en elle seule n'est pas significative mais qui ajoutée à d'autres éléments peut constituer un indice, qu'il sera laissé à l'appréciation de la juridiction du fond.

Ce moyen sera écarté.

II Sur l'insuffisance des présomptions retenues

1. Rien ne permet de présumer de l'existence de pratiques susceptibles de caractériser une entente horizontale

Concernant l'existence de pratiques susceptibles de caractériser une entente horizontale, il a déjà été répondu à ce moyen précédemment.

Le juge qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation doit comporter tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite; que par suite le juge doit s'assurer que les éléments produits par l'Administration aient une apparence de licéité et sont suffisants pour justifier que la mesure intrusive de visite et de saisie soit justifiée; qu'à cette fin le juge des libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments d'informations fournis par l'Autorité qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies de documents s'y rapportant sans qu'il soit nécessaire que soit caractérisées des présomptions précises, graves et concordantes ou des indices particulièrement troublants des pratiques; que les présomptions sont appréciées par le juge en proportion de l'atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées.

En l'espèce, il ressort de l'ordonnance querellée que le juge des libertés et de la détention près du Tribunal de grande instance de Bobigny, a sur requête de la Rapporteure Générale de l'Autorité de la concurrence rendu une ordonnance visant les produits " blancs " qui rassemblent le petit et le gros électroménager notamment de nettoyage, de lavage, de cuisine, de cuisson et de froid et les produits " bruns " qui regroupent les appareils électriques et électroniques de loisirs au motif que les distributeurs ou revendeurs se sont plaints de l'immixtion des fabricants et grossistes de produits " blancs " et " bruns " dans leur politique tarifaire; que cette immixtion s'effectue selon trois pratiques : la première, consistant à imposer des prix de reventes à des sites Internet qui distribuent les produits précités, la seconde pratique prohibée consisterait pour les fabricants de produits " blancs " et " bruns " de faire retirer de leur sites Internet certaines de leurs références et une troisième pratique prohibée, à refuser l'agrément à des distributeurs.

Le juge des libertés et de la détention de Bobigny qui n'est pas le juge du fond mais le juge de l'apparence a relevé dans l'ordonnance des présomptions d'ententes horizontales entre les fabricants et verticales entre les fabricants, les grossistes et le cas échéant des sociétés de grande distribution de détail et après un examen " in concreto " des 21 annexes jointes à la requête selon la méthode dite " du faisceau d'indices " a estimé qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies.

Ainsi, il a examiné les 21 annexes jointes et a constaté que des grossistes étaient susceptibles de participer à une entente verticale notamment en comparant certaines annexes qui prises isolément n'établissent pas en elles-mêmes des indices mais par leurs comparaisons, leurs rattachements à d'autres annexes concernant les fabricants ou des revendeurs peuvent établir un faisceau d'indices.

Ainsi, dans les annexes présentées il pouvait être déduit que certains protagonistes de ces ententes échangeaient des courriels avec des mots codés, le vocable " stocks " remplaçant celui de " prix " ; que ces listes étaient établies concernant des produits à retirer si des revendeurs ne s'alignaient pas sur les Prix Publics Indiqués (PPI) des fabricants, que des produits étaient siglés par couleur (le bleu étant utilisé pour exclure certains produits), que des courriels comminatoires émanaient de représentants des fabricants, que des grossistes n'étaient pas exclus de ces schémas d'ententes; que leur rôle consistait à relayer les instructions des fabricants auprès des revendeurs.

A la lumière de ces éléments, certains documents étaient relevés notamment des procès-verbaux et des courriels de revendeurs de proximité tels que Monsieur Julien Herbin qui mettait en cause un autre grossiste.

Ce moyen sera rejeté.

2. L'Ordonnance ne fait état d'aucune présomption de nature à justifier que des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société Groupe Seb Retailing aient été autorisées

Contrairement à ce que font valoir les sociétés appelantes, la société Groupe Seb Retailing est citée en page 14 de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention. Il est à constater que la société Seb Retailing occupe les mêmes locaux que la société Groupe Seb France à Ecully (69). Les annexes jointes à l'ordonnance faisaient référence à " Seb " et le juge a pu présumer qu'elle pouvait être directement ou indirectement impliquée du fait de leurs locaux communs et de leur appartenance " ès qualités " de sociétés soeurs dépendantes d'une société mère, à savoir la société Seb SA et dirigées par le même Président M. Gérard Salommez.

Dès lors, le juge des libertés et de la détention de Bobigny a estimé qu'elle était susceptible de détenir des documents relatifs à la fraude présumée.

Ce moyen sera écarté.

3. Sur l'absence de présomptions suffisantes concernant l'existence de pratiques d'ententes verticales

- Sur l'absence de présomptions concernant l'imposition de prix de revente par Groupe Seb France et sa volonté de faire retirer certains produits de la vente sur Internet

- Sur l'absence de présomptions de la volonté du Groupe Seb France de limiter l'accès au marché à certains revendeurs

S'agissant de l'absence de présomptions suffisantes relatives à l'existence de pratiques verticales le même raisonnement ayant conduit à retenir les indices laissant apparaître des présomptions simples d'ententes horizontales peut être retenu pour les pratiques verticales.

Le Juge des libertés et de la détention de Bobigny a retenu selon la méthode du faisceau d'indices qu'un certain nombres de fabricants dans le secteur des produits " blancs " et " bruns " demandaient à des grossistes ou à des revendeurs d'aligner leurs prix sur les prix publics indiqué (PPI), soit en leur adressant des courriels, soit en établissant " des blacklists ", soit en attribuant à tel ou tel produit une couleur bleue afin d'imposer leur politique de distribution, voire de prix. Comme nous l'avons indiqué précédemment, il importe peu d'étudier les pièces annexées isolément.

A titre illustratif et sans être exhaustif, même si les déclarations de Monsieur Herbin, directeur de Webachat revendeur (annexe 5) sont critiquées par les sociétés appelantes et le mail échangé entre celui-ci et Monsieur Gérard Gouy, directeur régional du Groupe Seb France dont l'objet est "divers" et l'intitulé pièce jointe est la suivante : "Re - Rdv groupe Seb-Webachat-retraitproduitreponsewaf.pdf " est suspecté par les sociétés appelantes d'avoir été modifié, il n'en demeure pas moins que les pièces jointes produites par Monsieur Herbin concernent essentiellement les produits Seb ; que ces éléments qui s'ajoutent au parallélisme des comportements susmentionnés constituent bien des indices laissant apparaître des présomptions simples de pratiques verticales.

Ce moyen sera rejeté.

Par ces motifs, Statuant contradictoirement et en dernier ressort, Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 9 octobre 2013 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bobigny et de celles subséquentes du Juge des libertés et de la détention de Lyon en date du 15 et du 17 octobre 2013, Disons que la charge des dépens sera supportée par les sociétés appelantes.