Cass. crim., 13 janvier 2016, n° 14-84.072
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Guého
Avocat général :
M. Cuny
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton
LA COUR : - Statuant sur les pourvoi formés par la société X, Mme Y, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 16 avril 2014, qui, pour infractions au Code de la consommation, a condamné la première, à 20 000 euros d'amende, la seconde, à 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire commun aux demandeurs ; - Vu le mémoire personnel produit en défense ; - Sur sa recevabilité : - Attendu que ce mémoire n'est pas signé par un avocat à la cour de cassation ; que dès lors, il est irrecevable, par application de l'article 585 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 121-1, L. 121-1-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1 et L. 213-6 du Code de la consommation, des articles 111-4, 121-2, 131-38 et 131-39 du Code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y et la société X coupables de pratiques commerciales trompeuses, a en conséquence condamné Mme Y à une peine d'amende de 10 000 euro et la société X à une peine d'amende de 20 000 euro, a reçu M. Olomo en sa constitution de partie civile, a déclaré Mme Y et la société X responsables du préjudice subi par M. Olomo et les a condamnés à lui verser la somme de 12 000 euro à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que, sur le défaut d'information sur les contrats d'adhésion relativement au droit de rétractation, l'article L. 121-1, II du Code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dispose qu'une pratique commerciale est trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale, dès lors que celle-ci ne ressort pas du contexte et précise notamment que, dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé sont considérées comme substantielles les informations relatives à l'existence d'un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi ; que la loi du 23 juin 1989, sur le courtage matrimonial a instauré un droit de rétractation pendant un délai de sept jours disposant que la renonciation au contrat est effective lorsque le consommateur a manifesté de manière non équivoque sa volonté de se rétracter, notamment par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la remise au professionnel, contre récépissé, d'un écrit contenant cette renonciation, sans toutefois prescrire de forme d'information du consommateur à peine de nullité ; que la loi du 4 août 2008, précitée a, en revanche, érigé en délit de pratique commerciale trompeuse toute communication commerciale omettant ou fournissant de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information relative au droit de rétractation ; que le procès-verbal de la direction départementale de la protection des populations du Rhône, qui fait foi jusqu'à preuve contraire en application de l'article L. 450-2 du Code de commerce, révèle que le site Internet de la société X n'inclut aucune précision concernant le prix des prestations proposées ; que la totalité de l'information reçue par le consommateur est faite dans une unité de temps au cours de l'entretien avec la conseillère, que le dossier d'adhésion est composé du contrat d'adhésion ne mentionnant pas les conditions d'exercice du droit de rétractation, d'un questionnaire d'orientation préconjugal, d'un document portant sur les questions de personnalités et les désirs de rencontres et d'un fascicule publicitaire incluant des témoignages et la charte de déontologie, laquelle ne précise pas les conditions du droit de rétractation ; que le contrat d'adhésion est proposé à la signature du client à l'issue du rendez-vous à l'agence avec une conseillère ; que comme ni la société poursuivie, ni Mme Y ne rapportent la preuve d'une information claire, précise à laquelle il peut être fait référence pendant le délai légal permettant au consommateur de réfléchir à l'abri de toute pression ou charge émotionnelle et le cas échéant d'exercer son droit de rétractation par lettre recommandée pendant sept jours après signature d'un contrat à l'agence et comme en revanche il est démontré que ni M. Cogez, ni M. Douanne, ni M. Olomo, ni aucun autre client pendant la période de la prévention, ne disposaient d'une information écrite donc intelligible et non ambiguë au sens du texte d'incrimination sus-rappelé, permettant de se rétracter après réflexion à l'abri de la charge émotive générée par un engagement touchant particulièrement à l'intimité humaine ; qu'il convient de confirmer les premiers juges qui, sans méconnaître le principe d'interprétation stricte de la loi pénale, ont retenu à bon droit qu'eu égard aux circonstances entourant la signature du contrat d'adhésion, la société poursuivie et sa représentante avaient commis en toute connaissance de cause eu égard à leur expérience professionnelle respective les faits reprochés dans les termes de la prévention ; que, sur les allégations, indications et présentations sur les caractéristiques essentielles du service, les fonctionnaires de la direction départementale de la protection des populations du Rhône habilités à dresser le procès-verbal du 4 juin 2010, après avoir procédé contradictoirement conformément aux exigences légales, ont constaté que les photographies de Véronika et Christophe et de Madina (présentée comme exerçant la profession de médecin) et Philippe (présenté comme exerçant la profession de gérant de société) désignés en qualité de témoins apparaissant sur le document publicitaire intitulé "témoignages authentiques consultables à nos bureaux " ne correspondaient pas aux images des témoins dont il était excipé ; que contrairement à ce qui est affirmé, aucune preuve contraire n'est faite par les prévenues ; qu'il a également été constaté que la page Internet du site de la société, le fascicule présenté aux consommateurs et les documents commerciaux faisaient apparaître le centre national de recherches en relations humaines et X comme deux entités distinctes, la première, contrôlant la seconde, trompant ainsi le consommateur sur la fiabilité de la société proposant le courtage matrimonial ; qu'il convient de confirmer les premiers juges qui ont retenu que ces faits avaient été commis en toute connaissance de cause, dès lors qu'à l'évidence les mentions relevées dans le procès-verbal du 4 juin 2010, telles que les phrases suivantes : " le CNRRH est le premier organisme professionnel consacré à l'avancement des Relations Humaines Internationales en Europe Francophone ; qu'il est également le seul habilité à décerner les titres de conseiller en Relations Humaines X " inscrites dans le paragraphe intitulé " A propos du CNRRH " précédant celui intitulé " une déontologie qui rassure " ou encore sur le papier à entête, les cartes, contrats d'adhésion et autres documents commerciaux la mention " X est régi par le Centre National de Recherche en Relations Humaines, SARL... ", ou encore la présentation faite par Mme Y dans les termes suivants " le fonctionnement du groupe X est sérieux et contrôlé : tout d'abord, il est régi par le CNRRH ce qui représente une garantie pour les adhérents " sont à l'évidence des allégations de nature à induire en erreur s'agissant de la publicité afférente à une seule société commerciale exerçant sous la forme d'une société ; que la multiplicité de ces mentions caractérise l'élément intentionnel contesté par les prévenues ; que les fausses allégations sur les dizaines de témoignages par jour, annoncées sur le site Internet doivent également être retenues parmi les pratiques commerciales trompeuses, dès lors qu'elles sont insérées dans l'ensemble de présentations, indications et allégations portant sur les caractéristiques essentielles du contrat ; que, sur l'affirmation mensongère concernant l'approbation par un organisme public, en utilisant le terme organisme pour désigner le CNRRH à plusieurs reprises, en mentionnant que le CNRRH est un organisme de contrôle, qu'il a une mission de contrôle de l'exercice de la profession dans les phrases telles que " Le Centre National de Recherche en Relations Humaines (CNRRH) est un organisme de référence incontournable dans le domaine des Relations Humaines et du conseil relationnel en France, Suisse et Belgique " ou " Organisme de référence incontournable dans le domaine des Relations Humaines et du conseil relationnel en France, Suisse et Belgique ", ou encore " X est membre du Centre National de Recherche en Relations Humaines, CNRRH, qui veille au respect scrupuleux de la déontologie professionnelle " ; que Mme Y et la société X sont particulièrement mal fondées à contester la réalité des éléments matériel et intentionnel de l'infraction reprochée ; qu'en conséquence, le jugement entrepris devra également être confirmé en ce qui concerne la culpabilité de ce chef ; que, sur les pratiques commerciales réputées trompeuses ayant pour objet l'utilisation du contenu rédactionnel du Nouvel Observateur, les fonctionnaires chargés du contrôle ont démontré par leurs investigations auprès du président du directoire du journal le Nouvel Observateur et leurs constatations contre lesquelles aucune preuve contraire n'est faite que la société X avait fait apparaître sur son site Internet et sur des supports papier un article comme émanant de journalistes du Nouvel Observateur alors qu'il s'agissait d'un encart jeté sous forme de " Publi-information " inséré dans le numéro 2278 du 3 juillet 2008, du Nouvel Observateur entièrement réalisé par Cap Média Communication exclusivement financé par la société X ; qu'en conséquence, la culpabilité de ce chef doit encore être confirmée ;
"1°) alors que seule l'omission d'une information sur l'existence d'un droit de rétractation prévu par la loi dans une communication commerciale constituant une invitation à l'achat est susceptible de constituer une pratique commerciale trompeuse ; qu'un contrat d'adhésion ne constitue pas une telle communication commerciale constituant une invitation à l'achat ; qu'en considérant que Mme Y et la société X se seraient rendues coupables d'une pratique commerciale trompeuse en omettant d'indiquer l'existence d'un droit de rétractation dans les contrats d'adhésion conclus avec les clients, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que l'information sur l'existence et les modalités d'exercice du droit de rétractation dont bénéficient les cocontractants d'une agence de courtage matrimonial n'est soumise à aucune condition formelle, de sorte qu'elle n'a pas nécessairement à être fournie par écrit dans les contrats conclus avec ces cocontractants ; qu'en considérant que Mme Y et la société X se seraient rendues coupables d'une pratique commerciale trompeuse en omettant d'indiquer l'existence d'un droit de rétractation dans les contrats d'adhésion conclus avec les clients, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3°) alors qu'une pratique commerciale n'est trompeuse que lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les caractéristiques essentielles du bien vendu ou du service fourni ; qu'en jugeant que Mme Y et la société X se seraient rendues coupables d'une pratique commerciale trompeuse en présentant comme des photographies de témoins des images de personnes autres que ces témoins, quand ces clichés, qui ne constituaient qu'une simple illustration de témoignages dont l'authenticité n'a jamais été contestée, n'avaient aucunement trait aux caractéristiques essentielles du service de courtage matrimonial fourni, la cour d'appel a encore violé les textes susvisés ;
"4°) alors qu'une pratique commerciale n'est trompeuse que lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les caractéristiques essentielles du bien vendu ou du service fourni ; qu'en jugeant que Mme Y et la société X se seraient rendues coupables d'une pratique commerciale trompeuse en alléguant l'existence de dizaines de témoignages par jour, quand une telle mention ne portait aucunement sur les caractéristiques essentielles du service de courtage matrimonial fourni, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ;
"5°) alors que ne sont réputées trompeuses que les pratiques commerciales qui ont pour objet d'affirmer qu'un service a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que tel n'est pas le cas ; qu'en affirmant que Mme Y et la société X se seraient rendues coupables d'une pratique commerciale trompeuse en mentionnant que le Centre National de Recherche en Relations Humaines était un organisme de référence veillant au respect de la déontologie et dont X était membre, quand il ne résultait aucunement de telles mentions que le service fourni par la société X aurait été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'un procès-verbal de constat dressé par la direction départementale de la protection des populations du Rhône, la société X ayant pour activité le courtage matrimonial, ainsi que sa gérante Mme Y, ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel pour pratiques commerciales trompeuses ; que les premiers juges les ont déclarées coupables, les ont condamnées chacune à une amende et à payer à M. Olomo, partie civile, une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; que les prévenues ainsi que le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches : - Attendu que, pour déclarer les prévenues coupables de pratiques commerciales trompeuses par omission de l'information substantielle relative au droit de rétractation, l'arrêt attaqué retient par motifs propres et adoptés qu'en l'absence d'indication de prix dans les communications publicitaires, la première et seule invitation à l'achat était la communication faite lors de l'entretien au cours duquel le contrat était signé ; que les juges ajoutent que les prévenues ne rapportent pas la preuve de la délivrance d'une information claire et précise permettant au consommateur de réfléchir sereinement, après la signature d'un contrat à l'agence, à l'exercice éventuel de son droit de rétractation et qu'en revanche, il est démontré qu'aucun adhérent ne disposait sur ce point d'une information écrite donc intelligible et non ambiguë au sens du texte d'incrimination ; qu'ils en déduisent qu'eu égard aux circonstances entourant la signature du contrat d'adhésion, la société poursuivie et sa représentante ont commis le délit reproché en toute connaissance de cause ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que l'information relative au droit de rétractation prévu en matière de contrat de courtage matrimonial n'avait pas été fournie, de façon intelligible, sans ambiguïté ni contretemps, dans le contrat lui-même ou de toute autre manière, la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet, il se déduit de l'article L. 121-1, II, du Code de la consommation, en suite des articles 2, 3 et 7 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, que sont considérées comme substantielles les informations relatives notamment à l'exercice d'un droit de rétractation prévu par la loi, dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat, que celle-ci soit antérieure ou concomitante à la transaction commerciale ; d'où il suit que les griefs ne sont pas encourus ;
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches : - Attendu que, pour déclarer les prévenues coupables de pratiques commerciales trompeuses en raison d'allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine du caractère trompeur de la pratique commerciale, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que les griefs ne sont pas davantage encourus ;
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche : - Attendu que, pour déclarer les prévenues coupables de pratiques commerciales trompeuses en raison d'affirmations mensongères relatives à l'agrément, à l'approbation ou à l'autorisation par un organisme public, l'arrêt énonce par motifs propres que les intéressées ont désigné le Centre National de Recherche en Relations Humaines à plusieurs reprises, en mentionnant qu'il était un organisme chargé d'une mission de contrôle de l'exercice de la profession ; que les juges retiennent, par motifs adoptés, que les deux mots "centre national" juxtaposés laissaient clairement penser qu'il s'agissait d'un organisme public ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que le centre susmentionné était interne à la société prévenue et que, selon l'article L. 121-1-1, 4°, du Code la consommation, sont réputées trompeuses les pratiques commerciales qui ont pour objet d'affirmer qu'un professionnel, y compris à travers ses pratiques commerciales, ou qu'un produit ou service a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce n'est pas le cas, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme,
Rejette les pourvois.