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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 12 janvier 2016, n° 14-03013

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pires Rodriguez

Défendeur :

Botton, Bexley (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Morin

Conseillers :

M. Defrasne, Mme Zagala

Avocats :

SCP Aguiraud, Nouvellet, SCP Becker-Szturemski-Vauthier-Klein Desserre, SCP Baufume, Sourbe, Me Stouls

TGI Lyon, prés., du 1er avr. 2014

1 avril 2014

La SAS Bexley a réservé les noms de domaine bexley.fr et bexley.com, les 2 février 1996 et 26 novembre 1997, et exploite les sites Internet correspondants pour assurer la promotion et la vente en ligne de ses produits.

Elle est notamment titulaire de la marque française semi-figurative "Bexley" n° 1330125, déposée le 05 novembre 1985, et de la marque française verbale "Bexley", n° 96606235 déposée le 12 janvier 1996, désignant toutes deux les produits suivants, en classes 18 et 25 : "Cuirs et imitations de cuir, peaux d'animaux, malles, valises, parapluies, cannes, sellerie. Vêtements, chaussures, chapellerie".

Constatant que Madame Pires Rodriguez offrait à la vente et/ou vendait sur le site marchand "eBay", exploité par la SARL eBay, des chaussures sous la dénomination "Bexley", indiquant qu'ils sont d'authentiques produits "Bexley", qu'elle acquiert auprès du fournisseur de Bexley au Portugal, la société Bexley a fait établir par Maître Mamet, huissier de justice à Lyon, un constat de ces utilisations.

Par acte du 28 octobre 2013, la SAS Bexley a fait assigner Madame Pires Rodriguez devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Lyon, aux fins notamment de voir :

- faire défense à Madame Monica Pires Rodriguez d'utiliser et exploiter la marque Bexley, sous quelque forme que ce soit, pour tous produits identiques, similaires et/ou complémentaires aux chaussures et ordonner à Madame Monica Pires Rodriguez de cesser toute commercialisation des produits litigieux, de quelque manière que ce soit dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir à peine d'une astreinte provisoire de 200 euro par infraction constatée, et par jour de retard,

- condamner Madame Pires Rodriguez à payer à la SAS Bexley la somme provisionnelle de 50 000 euro à valoir sur son préjudice, et celle 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens, comprenant les frais de constat.

Par décision rendue le 1er avril 2014, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Lyon a :

- fait défense à Madame Monica Pires Rodriguez d'utiliser et d'exploiter la marque Bexley, sous quelque forme que ce soit, pour tous produits identiques, similaires et/ou complémentaires aux chaussures et sur quelque support que ce soit, en particulier sur le site Internet disponible à l'adresse www.ebay.fr dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance, sous peine d'astreinte de 200 euro par infraction constatée, l'infraction s'entendant de tout usage de la marque Bexley et par jour de retard,

- ordonné la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits portant atteinte aux droits de la société Bexley SAS sur sa marque et la communication par Madame Monica Pires Rodriguez, de documents notamment bancaires, comptables et commerciaux, permettant de déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie,

- condamné Madame Monica Pires Rodriguez à payer à la société Bexley la somme de 10 000 euro à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon,

- ordonné à Madame Monica Pires Rodriguez de cesser toute commercialisation des produits litigieux, de quelque manière que ce soit, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, sous peine d'astreinte de 200 euro par infraction constatée et par jour de retard,

- condamné Madame Monica Pires Rodriguez à payer à la société Bexley la somme de 10 000 euro à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant de la concurrence déloyale et celle de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 14 avril 2014, Madame Monica Pires Rodriguez a formé appel général de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, Madame Monica Pires Rodriguez demande à la cour de :

- la dire recevable et fondée en son appel, et infirmant ladite ordonnance :

- dire qu'il existe à tout le moins une contestation sérieuse,

En conséquence,

- dire et juger le juge des référés incompétent,

- renvoyer monsieur Botton et la SAS Bexley à mieux se pourvoir,

Subsidiairement :

- dire les demandes de monsieur Botton et la SAS Bexley radicalement mal fondées,

En conséquence,

- débouter monsieur Botton et la SAS Bexley de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner monsieur Botton et la SAS Bexley à lui rembourser toute somme qu'elle aurait été amenée à régler au titre de l'ordonnance déférée,

- condamner monsieur Botton et la SAS Bexley au paiement d'une somme de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner monsieur Botton et la SAS Bexley aux entiers frais et dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions, la SAS Bexley et monsieur Eric Botton demandent à la cour :

- dire et juger que Madame Monica Pires Rodriguez a commis des actes de contrefaçon et des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SAS Bexley,

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance du 1er avril 2014 en toutes ses dispositions,

- débouter Madame Monica Pires Rodriguez de toutes prétentions plus amples et/ou contraires,

- condamner Madame Monica Pires Rodriguez à payer à la SAS Bexley la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens comprenant les frais de constats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon.

Il résulte des dispositions de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui interdit notamment, sauf autorisation du propriétaire, l'usage d'une marque, que la commercialisation de produits revêtus d'une marque constitue un acte d'usage.

Le titulaire d'une marque peut donc s'opposer à la commercialisation desdits produits, s'il n'a pas donné son consentement.

Il n'est pas contesté en l'espèce que la SAS Bexley est titulaire des marques nominales et semi-figuratives "Bexley".

Si l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle ne permet pas au titulaire d'une marque d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque par lui-même ou avec son consentement, il convient de relever que la SAS Bexley commercialise elle-même ses produits au travers de ses points de vente et de sa boutique en ligne, et que Madame Pires Rodriguez ne justifie pas avoir acquis chacun des produits qu'elle vend sur le site eBay auprès d'une société autorisée par la SAS Bexley à mettre ces produits dans le commerce en dehors de son réseau sélectif de distribution.

Alors que la seule authenticité des produits commercialisés par Madame Monica Pires Rodriguez n'est pas de nature à exclure la qualification de contrefaçon, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a, sans avoir à examiner la bonne ou mauvaise foi de Madame Pires Rodriguez, retenu que des actes de contrefaçon avaient été commis par cette dernière et ordonné, en application des dispositions de l'article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle, les mesures permettant d'empêcher la poursuite d'actes de contrefaçon ainsi que la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie.

Il n'est pas sérieusement contestable que ces atteintes au droit privatif de la marque commis par Madame Pires Rodriguez ont causé à la SAS Bexley un préjudice justifiant la provision de 10 000 euro accordée par le premier juge à ce titre.

Par ailleurs, le fait pour Madame Pires Rodriguez de commercialiser ces chaussures sur le site eBay à des prix très inférieurs à ceux pratiqués dans le réseau de distribution sélective de la SAS Bexley, en s'affranchissant totalement des exigences résultant de l'appartenance à un réseau et de tirer ainsi profit de la réputation et du travail et des investissements de la SAS Bexley, sans en assumer aucun coût, constitue un acte de parasitisme distinct de la contrefaçon. Cette concurrence déloyale commise par Madame Pires Rodriguez constitue un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés afin de faire cesser de tels agissements.

Si l'action en concurrence déloyale requiert la preuve de l'existence d'un préjudice, nécessairement direct, personnel et certain, le préjudice est simplement constitué par le fait de la rupture de l'équilibre dans la compétition.

Il en résulte que la SAS Bexley, qui a un intérêt certain à faire cesser de tels agissements, peut, sans avoir à démontrer devant le juge des référés l'ampleur du dommage subi, obtenir une provision à valoir sur son préjudice, dont l'existence se déduit nécessairement des actes déloyaux commis.

Il convient de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a justement accordé à la SAS Bexley une somme provisionnelle de 10 000 euro à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a condamné Madame Pires Rodriguez aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il convient de condamner en outre Madame Pires Rodriguez à payer une somme complémentaire de 2 000 euro pour les frais engagés devant la cour.

Par ces motifs LA COUR, Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, Condamne Madame Monica Pires Rodriguez aux dépens d'appel qui seront distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne Madame Monica Pires Rodriguez à payer à la SAS Bexley la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais engagés devant la cour.