Cass. 3e civ., 10 mars 2015, n° 13-27.660
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Pitch Promotion (SA) ; Architecture développement (Sté) ; Cabinet Tartacede-Bollaert
Défendeur :
X
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
S : SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, du 29 novembre 2012), que par acte du 26 septembre 2006, la société Pitch promotion a vendu en l'état futur d'achèvement un appartement à Mme X ; que l'immeuble lui a été livré le 31 janvier 2008 ; que Mme X a émis des réserves sur la conformité du bien avec la description donnée dans le plan masse et assigné la société Pitch promotion en réparation de son préjudice ; que la société Pitch promotion a appelé en garantie la société Architecture développement, chargée de la maîtrise d'œuvre de conception et d'exécution de l'ensemble immobilier, et la société Tartacede-Bollaert intervenue en qualité de géomètre ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses première, deuxième, troisième, et cinquième branches, qui est recevable et préalable :
Attendu que la société Pitch promotion fait grief à l'arrêt de la condamner à payer la somme de 25 000 euro au titre de la réduction du prix de l'immeuble et celle de 10 000 euro au titre de son préjudice moral, alors, selon le moyen : 1°) que le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme aux caractéristiques convenues ; que le fait, pour le vendeur, de communiquer à l'acheteur en l'état futur d'achèvement d'un immeuble un plan de masse comportant des erreurs sur l'implantation et la hauteur d'un immeuble voisin déjà édifié, dont il n'a pas la maîtrise, n'est pas de nature à caractériser un défaut de conformité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a décidé que le plan de masse annexé à l'acte notarié comportait deux erreurs sur la hauteur et l'implantation de l'immeuble situé en face de l'appartement acheté sur plans par Mme X, et que c'était " de fait l'implantation même de l'immeuble construit par la société Pitch promotion qui s'est trouvée faussée " ; qu'elle en a déduit que cette société avait manqué à son obligation de délivrance conforme ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Pitch promotion, qui soulignait qu'elle n'avait pas édifié les immeubles avoisinants, lesquels préexistaient à la construction, si, s'agissant d'un immeuble dont la société Pitch promotion n'avait pas la maîtrise de l'implantation ou de la hauteur et qui était préexistant, il était impossible d'en tirer un défaut de conformité de l'immeuble vendu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du Code civil ; 2°) que la société Pitch promotion faisait valoir que la maquette réalisée pour représenter l'immeuble à construire et son environnement était fidèle, notamment, à l'implantation de l'immeuble voisin ; qu'elle ajoutait que Mme X s'était très souvent référée à la maquette et s'était, du reste, rendue sur place à plusieurs reprises ; qu'en décidant que les erreurs du plan de masse annexé à l'acte notarié de vente conclu entre la société Pitch promotion et Mme X, relative à l'implantation de l'immeuble voisin, caractérisaient un défaut de conformité, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la maquette mise à la disposition de Mme X et consultée par elle à plusieurs reprises était fidèle à l'implantation de l'immeuble voisin, en sorte qu'elle n'avait pu commettre aucune erreur pour l'appréciation de l'implantation de son immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du Code civil ; 3°) que la société Pitch promotion faisait valoir que l'immeuble voisin, représenté en R + 3 dans le plan masse, était en réalité en R + 4, ainsi qu'il résultait d'un plan masse rectifié et d'une photographie, produits aux débats ; qu'en décidant que l'erreur du plan masse indiquant que l'immeuble était en R + 3 " alors qu'il s'agit d'un immeuble en R + 5 " était " incontestable et au demeurant incontestée ", tandis que la société Pitch promotion contestait que l'immeuble était en R + 5, c'est-à-dire plus haut que le bâtiment B abritant l'appartement de Mme X, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions claires et précises sur ce point et violé l'article 4 du Code procédure civile ; 5°) que la cassation à intervenir du chef de dispositif condamnant la société Pitch promotion à payer à Mme X la somme de 25 000 euro au titre de la réduction du prix consécutive à un défaut de conformité, sur l'une des trois premières branches, d'où il résultera l'absence d'un tel défaut, entraînera la cassation, par voie de conséquence du chef de dispositif la condamnant à verser également la somme de 10 000 euro pour le préjudice moral résultant de ce défaut de conformité, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le plan de masse annexé à l'acte de vente qui avait seul valeur contractuelle comportait deux erreurs importantes sur la hauteur et l'implantation de l'immeuble situé juste en face de l'appartement acheté par Mme X, et relevé que celle-ci avait acheté sur plans un appartement situé au quatrième étage avec pour vis à vis un immeuble de trois étages, décalé sur la gauche par rapport à ses fenêtres, et qu'on lui avait livré un appartement situé au quatrième étage, ayant en vis-à-vis un immeuble de cinq étages situé exactement en face de son appartement, la cour d'appel, qui n'était pas tenu d'effectuer une recherche que ses constatations rendait inopérante a pu, sans dénaturation, en déduire que la société Pitch promotion avait manqué à son obligation de fournir à Mme X un appartement conforme à celui qu'elle avait choisi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ces chefs ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche, qui est recevable : - Vu les articles 1591 et 1604 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société Pitch promotion à payer à Mme X la somme de 25 000 euro, la cour d'appel retient qu'eu égard au prix de l'appartement, au fait que l'erreur des plans se traduit par une luminosité moindre et une vue plus prononcée sur un mur dépourvu de tout attrait, il convient d'évaluer la réduction du prix de l'immeuble à cette somme ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne peut pas modifier le prix de vente déterminé par les parties et que le préjudice résultant de l'inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance ne peut être réparé que par l'allocation de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que, conformément à l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation de la condamnation de la société Pitch promotion à payer la somme de 25 000 euro entraîne l'annulation par voie de conséquence des dispositions de l'arrêt condamnant la société Architecture développement à garantir la société Pitch promotion de toutes les condamnations mises à sa charge et le cabinet Tartacede-Bollaert à garantir la société Architecture développement à hauteur de moitié, des condamnations mises à sa charge ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal et sur le second moyen du pourvoi incident : casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société Pitch promotion à payer à Mme X la somme de 25 000 euro au titre de la réduction du prix de l'immeuble, condamne la société Architecture développement à garantir la société Pitch promotion de toutes les condamnations mises à sa charge et condamne le cabinet Tartacede-Bollaert à garantir la société Architecture développement à hauteur de moitié, des condamnations mises à sa charge, l'arrêt rendu le 29 novembre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles, autrement composée.