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Décisions

CA Grenoble, 2e ch. civ., 13 janvier 2015, n° 11-05299

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

De l'Immeuble le Marathon, Boyer Torrollion Immobilier

Défendeur :

Unical France (SA), Dumolard (SAS), E2S (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Morin

Conseillers :

Mme Esparbès, M. Fournier

Avocats :

Me Bendjouya, Grimaud, Derrida, Mihajlovic, Perol, Selarl Dauphin

TGI Grenoble, du 6 octobre 2011

6 octobre 2011

Faits, procédure et moyens des parties

Dans le courant de l'année 1997, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon a commandé à la SAS Dumolard la fourniture et la pose de deux chaudières collectives de type Prexal P500 fabriquées par la SA Unical France.

Il a souscrit par l'intermédiaire de la société Dumolard une garantie constructeur d'une durée de dix ans auprès de la société Unical France.

L'entretien des chaudières a été confié jusqu'au 31 octobre 1997 à la société Dumolard.

A compter du 1er novembre 1998, cet entretien a été confié à la SAS E2S.

A la suite d'une panne constatée courant 2004 sur l'une des deux chaudières, le syndicat a sollicité en vain la remise en état de celle-ci auprès des sociétés Unical France et Dumolard.

En décembre 2005, il a fait procéder par la société E2S au remplacement du corps de chauffe de la chaudière en cause.

Par actes d'huissier des 23, 29 et 31 août 2007, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon a fait assigner les sociétés Unical France, Dumolard et E2S devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour obtenir le remboursement de la somme de 11 902,06 euro TTC, correspondant au prix des travaux de réparation et de remplacement du corps de chauffe de la chaudière défectueuse.

Par jugement du 6 octobre 2011, le tribunal a :

- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon aux dépens ;

- rejeté toute autre demande.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon a relevé appel du jugement par déclaration du 29 novembre 2011.

Par conclusions du 24 février 2014, le syndicat des copropriétaires demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1602 du Code civil et des articles L. 113-3, L. 211-15 et L. 211-16 du Code de la consommation, de :

- à titre principal :

- dire et juger que la société Dumolard, en sa qualité de vendeur et d'installateur professionnel, était nécessairement tenue d'une obligation de résultat à son égard, en ce qui concerne la fourniture et la pose de chaudières exemptes de vices et en parfait état de fonctionnement,

- dire et juger que c'est à la société Dumolard, débitrice d'une obligation de résultat, qu'il appartenait de rapporter la preuve d'une cause exonératoire de responsabilité,

- voir constater que la société Dumolard, qui n'est pas fondée à se prévaloir à son égard, d'une quelconque clause limitative ou exonératoire de responsabilité, ne rapporte nullement la preuve d'un quelconque fait étranger dans la survenance de la rupture anticipée de la chaudière litigieuse,

- voir constater que la société Unical France a précisément refusé sa garantie en raison des fautes commises par la société Dumolard dans l'installation de la chaudière litigieuse,

- dire et juger, dans ces conditions, que la société Dumolard a manqué à son obligation contractuelle de résultat relativement à la fourniture et la pose de chaudières exemptes de vices et en parfait état de fonctionnement,

- voir, par ailleurs, constater le manquement de la société Dumolard à son obligation contractuelle d'information et de conseil à son égard, puisqu'elle ne l'a pas informé sur l'ensemble des conditions attachées à la garantie décennale souscrite à l'occasion de l'acceptation du devis établi le 21 février 1997 et n'a jamais cru devoir communiquer le contrat d'entretien détaillé des chaudières,

- réformer le jugement du 6 octobre 2011 en toutes ses dispositions,

- condamner la société Dumolard à lui rembourser le prix des travaux de réparation et de remplacement du corps de chauffe de la chaudière défectueuse, pour un montant total de 11 902,06 euro TTC,

- condamner la société Dumolard au paiement d'une somme supplémentaire de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice qu'elle lui a causé par sa résistance abusive,

- condamner la société Dumolard à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant distraits au profit de son avocat sur son affirmation de droit,

- débouter les sociétés Dumolard, Unical France et E2S de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- à titre subsidiaire :

- voir constater qu'en vertu de l'article L. 211-16 du Code de la consommation, dont les dispositions sont parfaitement applicables en l'espèce, la garantie décennale litigieuse n'était pas expirée au jour de l'assignation,

- voir constater qu'il n'a pu consentir au certificat de garantie et à l'Accord Intersyndical de juillet 1969 dont il ne disposait pas au jour de la conclusion du contrat de vente des chaudières,

- dire et juger que les clauses limitatives de garantie prévues par le certificat de garantie, pas plus que les normes édictées par l'Accord Intersyndical de juillet 1969 ne sauraient consécutivement lui être opposées,

- dire et juger, en conséquence, que la société Unical France ne peut valablement s'exonérer de son obligation contractuelle de garantie à son égard en se prévalant du certificat de garantie et de l'Accord Intersyndical de juillet 1969,

- voir constater, à titre subsidiaire, qu'il appartient à la société Unical France de rapporter formellement la preuve de ce que l'obligation de garantie à laquelle elle est tenue ne serait pas applicable en raison du " non-respect des normes d'entretien et d'installation ", " d'erreurs de manipulation dues à des personnes non qualifiées pour la conduite de l'installation'ou de 'toutes causes indépendantes du constructeur ",

- dire et juger que la société Unical France est dans l'incapacité d'établir formellement l'existence d'une cause exonératoire de sa garantie,

- dire et juger, en tout état de cause, que le tribunal ne pouvait le débouter de son action dirigée à l'encontre de la société Unical France en constatant le caractère prétendument inapplicable de la garantie décennale du fait de l'existence d'une faute commise par l'installateur Dumolard, tout en accueillant pas l'action engagée à l'encontre de la société Dumolard au motif que la preuve de cette faute ne pouvait désormais plus être rapportée,

- réformer le jugement du 6 octobre 2011 en toutes ses dispositions,

- condamner la société Unical France à lui rembourser le prix des travaux de réparation et de remplacement du corps de chauffe de la chaudière défectueuse, pour un montant total de 11 902,06 euro TTC,

- condamner la société Unical France au paiement d'une somme supplémentaire de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice qu'elle lui a causé par sa résistance abusive,

- condamner la société Unical France à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant distraits au profit de son avocat sur son affirmation de droit,

- débouter les sociétés Dumolard, Unical France et E2S de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- à titre infiniment subsidiaire :

- constater l'inexécution contractuelle imputable à la société E2S, chargée de l'entretien de la chaudière défectueuse,

- constater que l'annulation de la garantie par la société E2S a notamment pour origine l'inexécution, par la société E2S, de ses obligations contractuelles,

- dire et juger que, dans l'hypothèse où les causes prétendument exclusives de garantie évoquées par la société Unical France seraient finalement retenues, il serait alors fondé à solliciter la condamnation de la société E2S, en tant qu'elle demeurerait, en ce cas, responsable des désordres ayant affecté la chaudière et ayant entraîné l'annulation de la garantie décennale souscrite par lui ;

- réformer le jugement du 6 octobre 2011 en toutes ses dispositions,

- condamner la société E2S à lui rembourser le prix des travaux de réparation et de remplacement du corps de chauffe de la chaudière défectueuse, pour un montant total de 11 902,06 euro TTC,

- condamner la société E2S à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant distraits au profit de son avocat sur son affirmation de droit,

- débouter les sociétés Dumolard, Unical France et E2S de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Par conclusions du 29 mars 2012, la société Dumolard demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon aux entiers dépens d'appel et au paiement d'une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 23 avril 2012, la société Unical France demande à la cour, au visa des articles 1134, 1135, 1147, 1165 et 1315 du Code civil, de l'article 122 du Code de procédure civile, de l'accord intersyndical du 2 juillet 1989 (spécialement annexe 2) et des pièces versées aux débats, de :

- au principal et réformant la motivation du jugement déféré, dire et juger que l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon est irrecevable ;

- subsidiairement et en tout état de cause, confirmant le jugement rendu le 6 octobre 2011 par le tribunal de grande instance de Grenoble :

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon de l'ensemble de ses demandes non fondées et injustifiées,

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon aux entiers dépens et à lui verser une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- réformant partiellement le jugement déféré, condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon à lui payer une somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation d'un prétendu préjudice lié à sa résistance abusive ;

- y ajoutant, condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon à lui payer une indemnité complémentaire de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- y ajoutant, condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon aux entiers dépens, dont distraction au profit de son avocat sur son affirmation de droit.

Par conclusions du 10 juillet 2012, la société E2S demande à la cour de :

- déclarer irrecevable et non fondé l'appel interjeté ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 octobre 2011 ;

- dire et juger irrecevable et non fondée sa mise en cause contractuelle dans la mesure où aucune faute contractuelle n'est relevée à son encontre alors même que la cause et l'origine de la panne invoquée par la copropriété n'est pas établie ;

- dire et juger, au visa de l'article 1134 du Code civile et du contrat d'entretien d'équipements techniques avec dépannage, qu'elle a parfaitement accompli la mission qui lui était confiée ;

- dire et juger qu'en dehors de toute démonstration d'une faute contractuelle qui aurait été commise, sa responsabilité ne saurait être engagée ;

- débouter en conséquence le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon de ses prétentions en ce qu'elles sont dirigées contre elle ;

- faire droit à la demande reconventionnelle présentée ;

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon à lui payer la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juillet 2014.

Motifs

Sur les demandes formées à titre principal par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon à l'encontre de la société Dumolard

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon a fait procéder en décembre 2005 par la société E2S au remplacement du corps de chauffe d'une chaudière fabriquée par la société Unical France, vendue et installée en 1997 par la société Dumolard, qui en a assuré l'entretien jusqu'au 31 octobre 1997.

Comme en première instance, l'appelant, qui n'a pas cru devoir solliciter en temps utile l'instauration d'une expertise amiable ou judiciaire, est dans l'incapacité de justifier des causes de la panne qu'il invoque, survenue courant 2004, qu'il qualifie dans ses écritures de 'rupture anticipée'du corps de chauffe et qui l'a conduit à procéder au remplacement litigieux.

A cet égard, il ne peut être tenu aucun compte de l'analyse technique réalisée de manière non contradictoire par la société Unical France et au seul vu des éléments qui lui ont été transmis par la société E2S, également en charge de l'entretien de la chaudière depuis le 1er novembre 1998, qui impute la panne d'une part à l'absence de mise en place, lors de l'installation de la chaudière, d'un pot à boues (dispositif ayant pour objet de filtrer l'eau lorsqu'elle revient dans la chaudière et destiné à récupérer les impuretés, la ferraille et la corrosion pour les empêcher de s'accumuler dans la chaudière) et d'autre part à un défaut d'entretien.

Le lien de causalité entre la panne et les prestations réalisées par la société Dumolard n'étant pas rapporté faute de connaître l'origine de celle-ci, c'est en vain que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon fait reproche à cette dernière d'avoir manqué à son obligation de fournir et de poser une chaudière exempte de vices et en parfait état de fonctionnement.

Les causes du désordre allégué n'ayant pas été établies et ne pouvant de ce fait être imputées au vendeur, c'est également en vain que l'appelant fait reproche à la société intimée d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information en lui faisant souscrire une garantie du constructeur, soumise à diverses conditions, alors qu'il pouvait selon ses dires légitimement croire, avant la réception du certificat de garantie le 18 septembre 1997, avoir souscrit une garantie totale 'vendeur'.

Le rejet des demandes présentées à l'encontre de la société Dumolard sera en conséquence confirmé.

Sur les demandes formées à titre subsidiaire par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon à l'encontre de la société Unical France

La garantie de dix ans souscrite par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon auprès de la société Unical France et qui porte sur le remplacement ou la réparation gratuite des pièces présentant des défauts de fabrication a pris effet, ainsi qu'il résulte du certificat de garantie, à compter du 1er août 1997.

Or, l'appelant a fait assigner la société intimée par acte d'huissier du 31 août 2007, soit plus de dix ans après la prise d'effet de la garantie.

C'est de manière inopérante que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon pour échapper à la prescription de ses demandes se prévaut de l'article L. 211-2 du Code de la consommation, encore en vigueur à la date de l'émission du certificat, qui prévoit que lorsqu'un consommateur demande à un professionnel, pendant le cours de la garantie contractuelle qui lui a été consentie lors de l'acquisition ou de la réparation d'un bien meuble, une remise en état couverte par la garantie, toute période d'immobilisation du bien d'au moins sept jours vient s'ajouter à la durée de la garantie qui restait à courir à la demande d'intervention du consommateur.

Un syndicat de copropriétaires n'a en effet pas la qualité de consommateur au sens de ce texte.

Les demandes présentées à l'encontre de la société Unical France seront en conséquence déclarées prescrites.

Sur les demandes formées à titre infiniment subsidiaire par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon à l'encontre de la société E2S

Au vu des développements qui précèdent, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon n'est pas en mesure de rapporter la preuve que la panne est imputable à un manquement de la société E2S à son obligation contractuelle d'entretien de la chaudière.

Le rejet des demandes présentées à son encontre sera ainsi également confirmé.

Sur les demandes de dommages-intérêts présentées par la société Unical France et la société E2S à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon

Comme l'a relevé à juste titre le tribunal l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon n'a pas été engagé de mauvaise foi.

Le rejet des demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive présentées à son encontre sera donc confirmé.

Sur les mesures accessoires

L'équité commande de ne pas faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Quant aux dépens d'appel, ils seront supportés comme en première instance par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon, partie perdante.

Par ces motifs, La Cour, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré sauf à déclarer prescrites les demandes présentées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon à l'encontre de la société Unical France ; Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Marathon aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.