CA Lyon, 3e ch. A, 14 janvier 2016, n° 14-06499
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Deschatre
Défendeur :
Brugg Tubes (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
Selarl Laffly & Associés-Lexavoué Lyon, SCP Cabinet Leloup, SCP Baufume, Sourbe, Selarl Croset-Broquet, Associés
Exposé du litige
Par l'effet de la transmission enregistrée le 9 septembre 2011 des 6 contrats d'agence détenus par son père, Monsieur Mickaël Deschatre et la société Brugg Tubes se sont trouvés liés par un contrat d'agent commercial, qui avait pris effet au 1er mars 2007, pour une durée indéterminée.
Par mail du 14 février 2011 destiné à Daniel Deschatre, la société Brugg Tubes a d'ailleurs autorisé la transmission de ce contrat à son fils.
Par courrier du 16 janvier 2012 la société Brugg Tubes a informé Mickaël Deschatre de la cessation de ce contrat d'agent commercial pour faute grave, moyennant un préavis de 15 jours.
Par courrier du 23 janvier 2012 Monsieur Mickaël Deschatre a réclamé une indemnité de préavis de trois mois et une indemnité de cessation de contrat égale à 24 mois de commissions.
Après différents échanges avec la société Brugg Tubes, Monsieur Deschatre l'a assignée le 22 janvier 2013 en communication des livres de ventes et factures émises entre le 1er mai 2007 et le 30 avril 2012 et en paiement de commissions, provisionnellement évaluées, d'une indemnité de préavis de 3 356,02 euro et d'une indemnité de fin de contrat de 22 454 euro. Il a également formulé dans ses dernières écritures une demande d'expertise pour le calcul de commissions d'avril 2007 à avril 2012.
Par jugement en date du 4 mars 2014 le Tribunal de commerce de Lyon :
- a dit n'y avoir lieu à une quelconque expertise judiciaire, et en conséquence,
- a rejeté la demande de ce chef formée par Monsieur Mickaël Deschatre,
- a débouté Monsieur Mickaël Deschatre de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions au titre de la rupture du contrat d'agent commercial,
- a condamné Monsieur Mickaël Deschatre à payer la somme de 2 000 euro à la société Brugg Tubes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a condamné Monsieur Mickaël Deschatre aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 30 juillet 2014 Monsieur Mickaël Deschatre a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées le 12 février 2015, Monsieur Mickaël Deschatre demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1135 du Code civil, des articles L. 134-1 à L. 134-16 et R. 134-1 et suivants du Code de commerce de déclarer recevable et bien fondé l'appel de M. Mickaël Deschatre à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 4 mars 2014.
En conséquence, reformant ce jugement pour le tout :
- condamner provisionnellement la société Brugg Tubes à verser à M. Mickael Deschatre:
- la somme hors taxe de 3 356,87 euro outre TVA à 19,60 % à titre de préavis légal de rupture du contrat d'agent commercial du 27 février 2007,
- la somme de 22 454 euro à titre d'indemnité de cessation du contrat du 27 février 2007.
- dire et juger que ces sommes seront complétées selon le résultat de l'expertise comptable ordonnée par la cour dans les termes suivants :
* ordonner une expertise comptable pour déterminer, par client, les ventes faites du 19 avril 2007 au 30 avril 2012 par Brugg Tubes dans les départements 03 - 15 - 18 - 19 - 23 - 43 - 58 - 63, appliqués à ces ventes, après déduction éventuelle des impayés, le taux de la commission de l'agent commercial Daniel puis Mickaël Deschatre et vérifier si ces commissions ont bien été perçues par l'agent commercial.
* dire que l'expert pourra examiner toutes pièces comptables, sur support papier ou sur support informatique, en quelque lieu qu'elles se trouvent, qu'il pourra entendre tout salarié de la SAS Brugg Tubes ou tout cocontractant de la SAS Brugg Tubes.
* dire que l'expertise se fera aux frais de la SAS Brugg Tubes, cette mesure d'instruction étant rendue nécessaire par le refus de la SAS Brugg Tubes d'accomplir normalement les devoirs que le Code de commerce lui impose.
* fixer la provision due à l'expert.
* désigner l'expert, lui donner un délai précis pour déposer son rapport.
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions de la SAS Brugg Tubes.
- condamner la société Brugg Tubes à verser à M. Mickaël Deschatre la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner la SAS Brugg Tubes en tous dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Laffly, Avocat.
Monsieur Deschatre soutient que la rupture de son contrat d'agent commercial par la société Brugg Tubes est infondée, cette dernière n'apportant pas le moindre commencement de preuve d'une faute grave de nature à la justifier.
Il affirme que la lettre de rupture ne mentionne aucune affaire dans laquelle il aurait consenti une remise sans l'accord du mandant, que ce dernier n'a jamais exigé de rapport mensuel depuis la signature du contrat, lui-même n'ayant d'ailleurs jamais fait l'objet d'un avertissement pour défaut de rapport mensuel, type de communication qu'il estime aujourd'hui dépassé par les échanges de mails. Il fait valoir que son travail a permis une évolution du chiffre d'affaires de son secteur beaucoup plus favorable que l'évolution globale du Brugg Tubes.
Il soutient que les documents fournis par Brugg Tubes en première instance, à titre d'informations sur sa base de rémunération, ne concernent que la période du 1er mars 2011 au 31 décembre 2012 alors qu'il a le droit de recevoir toutes les informations sur la totalité de la durée du contrat soit depuis le 27 février 2007 en raison de la transmission du contrat d'agent commercial. Étant investi de tous les droits et obligations de son père, il prétend être en droit d'obtenir justification des pièces comptables établissant les commissions de son père.
Il affirme qu'une expertise comptable s'impose si la société Brugg Tubes ne met pas les éléments demandés à sa disposition, et prétend que cette mesure d'instruction est d'autant plus nécessaire que les erreurs de comptabilité sont fréquentes chez Brugg Tubes.
Il demande une indemnité pour non-respect du préavis de 3 mois et une indemnité de cessation de contrat sur la base des 24 derniers mois de commissions.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 décembre 2014, la société Brugg Tubes demande à la cour au visa des articles 1134 du Code civil, et L. 134-1 et suivants du Code de commerce, de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 4 mars 2014, en ce qu'il a
- jugé bien fondée la rupture du contrat d'agent commercial notifiée à Monsieur Mickaël Deschatre selon courrier du 16 janvier 2012, comme étant justifiée pour faute grave dans l'exercice de son mandat (non-respect des conditions de vente, de prix et de remises commerciales, absence de retour clientèle sur secteur d'activité et absence de rapports d'activité, s'ajoutant à une baisse du chiffre d'affaires sur le secteur considéré).
En conséquence,
- rejeté l'ensemble des demandes en paiement de Monsieur Mickaël Deschatre comme étant infondées et pour le moins injustifiées.
- jugé que Monsieur Mickael Deschatre a été rempli de ses droits pour paiement du solde à devoir sur ses commissions.
A titre subsidiaire, l'intimée demande à la cour de :
- juger que Monsieur Mickaël Deschatre ne justifie pas du principe et du quantum d'une indemnité de rupture à raison du préjudice subi ni qu'il pourrait bénéficier d'un délai de préavis supérieur à un mois.
En tout état de cause,
- de déclarer comme étant irrecevable, infondée et pour le moins injustifiée la demande de Monsieur Mickaël Deschatre de désignation d'un expert judiciaire, qui serait au surplus aux frais de la société Brugg Tubes, alors qu'il confirme lui-même avoir été rempli de ses droits à paiement sur commissions.
Y ajoutant,
- condamner Monsieur Mickaël Deschatre au paiement d'une somme de 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre entiers dépens, en ce compris tous frais d'exécution, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Baufume & Sourbe, Avocats, sur son affirmation de droit.
La société Brugg Tubes affirme qu'elle a rappelé à Mickaël Deschatre par mail du 22 juin 2011 et par appel téléphonique du 5 janvier 2012, l'interdiction faite à l'agent commercial d'effectuer des remises commerciales complémentaires sans son accord.
Elle soutient que Monsieur Mickaël Deschatre a méconnu cette règle en accordant une remise commerciale sans son accord à la société Tereva, ce qu'elle lui reproche dans la lettre de rupture, et prétend qu'il ne remet pas en cause l'entretien téléphonique du 5 janvier 2012 et qu'il reconnaît le manquement qui lui est reproché dans un courrier du 6 février 2012.
Elle reproche également à Mickaël Deschatre l'absence de retour de rapports d'activité alors qu'il en était tenu contractuellement, et que cela était d'autant plus justifié par l'exclusivité dont il bénéficiait sur son secteur.
En comparant l'activité développée par Mickaël Descharte et celle développée par son père, elle affirme que Mickaël Deschatre a réduit le chiffre d'affaires de son secteur d'activité depuis le début de son mandat en mars 2011.
Elle soutient qu'en raison de la rupture du contrat d'agent commercial pour faute grave, Monsieur Deschatre ne peut prétendre à une indemnité de rupture ni à un préavis autre que de 15 jours.
A titre subsidiaire, si la faute grave n'était pas retenue, elle affirme que, ne justifiant pas d'une année d'exercice complète, Monsieur Deschatre n'a droit qu'à un préavis d'un mois et qu'il ne justifie pas d'un préjudice lui permettant de faire valoir une demande d'indemnité compensatrice équivalente à 24 mois de commissions.
Elle soutient avoir procédé au règlement du solde des commissions dues à Mickaël Deschatre après rupture de son contrat, ce qu'il a confirmé dans ses écritures, et relève que ce dernier n'a sollicité le paiement d'aucun solde de commissions, de sorte que sa demande d'expertise qui ne s'appuie sur aucune demande, ne peut être accueillie.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 septembre 2015.
L'affaire initialement fixée à plaider le 26 octobre 2015, a été renvoyée à l'audience du 26 novembre 2015, par suite d'un mouvement de grève des avocats.
Motifs de la décision
Sur le cadre contractuel
Selon accord-cadre en date des 1er mai, 11 juillet et 9 août 2011, et enregistré au service des impôts de Moulins le 9 septembre 2011, Monsieur Daniel Deschatre agent commercial, a cédé à Mickaël Deschatre, pour raisons de santé, les 6 contrats d'agent commercial sur lesquels il bénéficiait d'une exclusivité (sauf sur le produit LFX) sur le secteur Centre Auvergne, dont celui avec la société Brugg Tubes (ci-après Brugg) qui, par mail en date du 14 février 2011, avait donné son accord à ce transfert.
En contrepartie et en application des dispositions de l'article L. 134-13 3°, Monsieur Daniel Deschatre n'a pas touché d'indemnité de cessation de contrat de ses mandants, mais a perçu une indemnité de clientèle de 180 000 euro du cessionnaire.
Il résulte de cette opération de cession des contrats d'agence commerciale en cours, parfaitement licite au regard de la valeur patrimoniale de ces contrats et qui n'a d'ailleurs pas donné lieu à l'établissement d'un nouveau contrat, que le contrat initial à durée indéterminée s'est poursuivi depuis l'origine, en l'espèce depuis 2007, avec transfert des droits et obligations à l'agent cessionnaire, notamment en termes de durée de préavis et d'indemnité de cessation de contrat, la lettre de la société Bruggs, par laquelle elle notifie cette rupture à son agent faisant expressément référence à ce contrat du 1er mars 2007.
Sur la rupture du contrat d'agent commercial
En application des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, seule la faute grave, c'est-à-dire celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, est privative de l'indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale à l'initiative du mandant, et il appartient à celui-ci de rapporter la preuve d'une telle faute.
En l'espèce, Monsieur Mickaël Deschatre a dans un premier temps, par lettre du 23 janvier 2012 et pour respecter le délai fixé à peine de déchéance par les dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, fait valoir ses droits en termes d'indemnité de fin de contrat et de préavis, puis a contesté, point par point, par lettre du 6 février, la faute grave reprochée en ces termes dans la lettre de rupture de la société Brugg en date du 16 janvier 2012:
" Nous faisons suite à l'entretien téléphonique du 5 janvier 2012 lors duquel je vous ai évoqué, une nouvelle fois, l'interdiction d'appliquer des remises complémentaires sans notre accord.
Vous n'avez pas d'avantage tenu compte de nos avertissements et autres rappels (mes courriels du 14 février 2011 et du 22 juin 2011 ainsi que nos échanges téléphoniques de cet été concernant des affaires similaires) pour éviter une cessation de votre contrat.
Outre ce point, j'ai également noté le recul de chiffre d'affaires sur le secteur que vous occupez.
Nous n'avons jamais réceptionné de rapports d'activité de votre part, votre portefeuille clients n'a pas évolué.
Il s'agit donc d'un ensemble de manquements graves à vos obligations contractuelles selon les dispositions du contrat d'agent commercial que vous avez repris par succession de Monsieur Daniel Deschatre à compter du 1er janvier 2011.
De ce qui précède, nous sommes donc contraint de vous notifier, par la présente, la résiliation de votre contrat d'agent commercial pour faute grave, laquelle prendra effet à première présentation du courrier, sans préavis ni indemnité de rupture (sauf respect du délai contractuel de 15 jours à l'article 11.4).... "
Dans le cadre de l'instance engagée par Monsieur Deschatre, la société Brugg Tubes n'émet pas d'autres griefs que ceux visés dans cette lettre, griefs qui doivent être établis et constituer dans leur ensemble une faute grave au sens de la définition ci-dessus rappelée.
Concernant le manquement par l'agent d'adresser un rapport mensuel écrit et détaillé sur les ventes en unités et en valeur des produits réalisés dans le secteur concédé, cette obligation résulte bien des dispositions de l'article 6.6 du contrat d'agent commercial signé avec la société Bruggs et cette obligation n'est nullement incompatible avec l'indépendance dont jouit l'agent dans l'organisation de son activité, comme le rappelle l'article 6.3 de ce même contrat.
Il reste que la société Bruggs dispose, grâce à la communication électronique, comme le confirment les documents qu'elle produit, de ces informations en temps réel et que pendant le temps qu'a duré la collaboration avec Monsieur Mickaël Deschatre, c'est-à-dire 11 mois environ, il n'est justifié d'aucun rappel à ce dernier sur ce point, ni précisé quelles étaient les pratiques avec le précédent titulaire du contrat.
Il est reproché, au passage, à Monsieur Mickaël Deschatre d'avoir un portefeuille clients inchangé, c'est-à-dire implicitement un défaut de prospection, mais il n'est fourni aucun élément sur ce portefeuille ni sur son état avant sa cession, permettant de vérifier l'exactitude de cette assertion, étant observé, là encore qu'aucune remarque sur ce point, n'a été formulée par la société mandante pendant la durée de la collaboration, et que Monsieur Deschatre indique que celle-ci n'a pas, de son côté, organisé les réunions trimestrielles prévues au contrat entre mandant et agent, sans être contredit sur ce point.
La baisse de chiffre d'affaires, qui est reprochée à Mickaël Deschatre sur le secteur attribué, n'est pas chiffrée ou quantifiée dans la lettre mettant fin au contrat, étant observé que sur la période de référence d'un peu moins d'un an (février 2011-janvier 2012), aucun objectif n'a été fixé à la différence de la période de trois ans qui a suivi la signature en février 2007 du contrat d'agent commercial avec Monsieur Daniel Deschatre (annexe 2 du contrat).
Dans ses écritures, la société Bruggs reproche à Monsieur Deschatre de ne pas avoir fait évoluer son secteur d'activité sur la courte période de son mandat depuis mars 2011, mais bien au contraire d'avoir réduit le chiffre d'affaires afférent, par comparaison entre les commissions perçues par le père et le fils pour chacune des périodes considérées, sachant que la référence aux commissions n'est pertinente pour apprécier une baisse de chiffres d'affaires que dans la mesure où le taux de commission est resté inchangé.
Pour justifier de cette baisse de chiffre d'affaires, donc d'activité, la société Bruggs se réfère à la pièce 10 produite par Monsieur Deschatre qui est un tableau sur les factures de commissions versées du 28 février 2010 au 31 janvier 2012. Or sur la période d'activité antérieure à la cession, c'est-à-dire de février 2010 au 31 janvier 2011, il a été versé à Monsieur Deschatre père, 11 141,57 euro de commissions, sous réserve le cas échéant de révision en cas d'expertise, et à son fils sur une période identique entre février 2011 et le 31 janvier 2012, 11 314,99 euro à titre de commissions, outre le rappel de commissions de 294,01 euro versé après rupture, ce qui ne traduit aucune baisse d'activité, d'autant qu'il n'est nullement établi, ni même invoqué, que cette stabilité, plutôt que cette baisse, du chiffre d'affaires, serait imputable à une activité insuffisante de démarchage et de prospection.
Monsieur Deschatre produit au contraire le tableau des chiffres d'affaires globaux réalisés par la société Bruggs et publiés sur Infogreffe, tous produits et secteurs confondus, démontrant que la progression de cette société est en baisse entre 2009 et 2011 alors que la progression personnelle de l'agent commercial Deschatre sur le portefeuille Bruggs est en hausse sur la même période.
Enfin, concernant le grief principalement formulé à l'encontre de Monsieur Mickaël Deschatre, consistant dans le fait pour ce dernier d'avoir, à plusieurs reprises, accordé des remises complémentaires aux clients, sans accord de la société Bruggs, cette dernière fait état des courriels de rappel qui lui ont été adressés les 14 février 2011 et 22 juin 2011 et de nombreuses conversations téléphoniques.
Or le courriel du 14 février 2011 a été adressé à Monsieur Daniel Deschatre, à l'occasion de la cession du portefeuille à son fils, et le courriel du 22 juin 2011 de Monsieur Fischer, qui marque clairement le désaccord de la société Bruggs pour une remise qualifiée de " dumping " proposée par Monsieur Mickaël Deschatre pour le client Tereva, a été suivi d'une confirmation de commande (pièces 17 et 18 de l'appelant) pour une remise supplémentaire de 5 %, avec accord de Monsieur Fischer, suite à l'acceptation par l'agent commercial d'une baisse de sa commission à 4,2 % (pièces 15 et 16 de l'appelant).
Au demeurant, ce différend sur une remise client est survenu 6 mois avant la rupture et en l'absence d'exemples précis et justifiés démontrant que Monsieur Deschatre serait de nouveau passé outre, à la position de la société Bruggs qui établit seule au final les confirmations de commande et les factures, force est de constater que cette dernière ne démontre pas, là encore, la réalité de ce manquement.
Dans ces conditions, en l'absence de preuve d'une faute grave de son agent commercial rendant impossible le maintien du mandat d'intérêt commun, la société Bruggs doit à ce dernier un préavis de trois mois, eu égard à l'ancienneté du mandat commercial à durée indéterminée qui s'est poursuivi après la cession acceptée par le mandant et une indemnité de cessation de contrat réparant exactement la perte de clientèle à hauteur, selon un usage constant, de 2 années de commissions.
Indépendamment des dispositions de l'article R. 134-3 du Code de commerce qui imposent au mandant de communiquer les éléments servant de base au calcul de la rémunération de son agent, la cour constate que Monsieur Deschatre fait simplement état, pour justifier sa demande d'expertise, d'erreurs de calcul de commissions qu'aurait commises la société Bruggs mais ne formule aucune demande de rappel de commissions sur sa période d'activité comme sur celle de son père, justifiant une telle mesure.
Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une expertise comptable, et Monsieur Deschatre doit être accueilli en sa demande en paiement, nécessairement comprise dans sa demande provisionnelle des sommes de 3 356,87 euro HT outre TVA à 19,60 % et de 22 454 euro correspondant respectivement au préavis et à l'indemnité de cessation de contrat, calculés sur la base, non contestée par la société Bruggs, des commissions réglées.
Le jugement qui a débouté Monsieur Mickaël Deschatre de toutes ses demandes et qui l'a condamné à payer à la société Bruggs une indemnité de procédure, doit être infirmé.
La société Bruggs doit être condamnée à lui verser une indemnité de procédure de 5000 euro.
Par ces motifs, La cour, statuant contradictoirement, Infirme le jugement entrepris ; Et statuant à nouveau, Condamne la société Brugg Tubes à verser à Monsieur Mickaël Deschatre les sommes suivantes, - 3 356,87 euro HT outre TVA à 19,60 % à titre de préavis légal de rupture du contrat d'agence commerciale, - 22 454 euro à titre d'indemnité de cessation de contrat; - 5 000 euro d'indemnité de procédure, Condamne la société Brugg Tubes aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.