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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 13 janvier 2016, n° 13-15961

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Pixid (SAS)

Défendeur :

Rapporteure de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocat :

Me Puel

TGI Paris, JLD, du 1er juill. 2013

1 juillet 2013

Le 1er juillet 2013, le Juge des libertés et de la détention de Paris, a rendu, en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

Manpower France Holding et Manpower France

Tapfin (nom commercial Alisia)

Adecco Groupe France et Adjust HR sise à Villeurbanne - 69100

Adecco Holding France sise à Villeurbanne - 69100

Adecco France sise à Villeurbanne - 69100

Adecco Holding France, Adecco France et Adjust FR sises à Paris 75008

Randstad France

Pixid sise à Courbevoie 92400

Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée à l'occasion de l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2°, 3° du Code de commerce et 101-1 a) et b) du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

A l'appui de cette requête était jointe une liste de 32 pièces ou documents en annexe.

Il était fait état d'informations selon lesquelles les entreprises de travail temporaires Manpower, Adecco et Randstad utiliseraient leurs filiales respectives, Alisia (groupe Manpower), Adjust HR (groupe Adecco) RSR (groupe Randstad) et commune, Pixid (société commune aux trois groupes), toutes spécialisées dans la gestion externalisée du travail temporaire, pour acquérir des informations commerciales sensibles sur leurs concurrents, de nature à orienter leurs stratégies commerciales pour faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse , et ce en violation des dispositions L. 420-1 2° du Code du commerce et de l'article 101-1 a) du TFUE.

L'Autorité de la concurrence indiquait que le marché de l'intérim était dominé par trois groupes à savoir Adecco, Manpower et Randstad et qu'il apparaissait que ces trois grands groupes avaient emporté en 2011, 58 % des contrats de missions d'intérim.

Les trois groupes Manpower, Adecco et Randstad avaient respectivement créé les filiales Alisia, Adjust HR, RSR, celles-ci proposant divers services aux entreprises utilisatrices allant de la planification de leurs besoins en intérimaires, au suivi de leurs accords-cadres conclus avec les entreprises de travail temporaire, étant précisé que leurs filiales ne disposeraient d'aucune autonomie commerciale vis-à-vis de leurs sociétés mères.

S'agissant de Manpower France Holding, elle détiendrait 99 % du capital d'Alisia, le 1 % restant étant détenu par la société Supplay, elle-même filiale de Manpower France Holding, laquelle est aussi la société mère de Manpower Business Solution. Par ailleurs, le gérant de la société Alisia cumule également les fonctions de directeur administratif et financier de Manpower France et dispose de fonctions managériales importantes au sein de la société Manpower Group et Manpower Business Solutions. D'autres cadres dirigeants cumulant aussi plusieurs fonctions dans ces trois sociétés.

De surcroît, la société Alisia aurait enregistré un résultat négatif de 2004 à 2011 la plaçant dans une situation de dépendance vis-à-vis de sa société mère.

Il s'en déduirait que la société Alisia serait en état de dépendance capitalistique, managériale, informatique et financière à l'égard de sa société mère Manpower France Holding et que privée de toute autonomie commerciale, elle formerait avec celle-ci et ses sociétés soeurs Manpower France et Manpower Business Solutions, une unité économique.

Le schéma serait similaire concernant Randstad France détenant 100 % du capital de Groupe Randstad France lequel contrôle l'intégralité du capital de Randstad Sourcerigh (RSR) et 97 % de Randstad, les liens entre la société mère et les sociétés soeurs seraient établis par le même représentant aux assemblées générales, par une adresse commune sise à Saint Denis (93) et le même responsable légal des sites Internet des trois sociétés.

Il apparaîtrait que RSR, compte tenu de sa dépendance vis-à-vis de sa société mère Groupe Randstad France, serait dépourvue d'autonomie capitalistique, managériale, informatique et financière et formerait avec sa société mère et sa société soeurs Randstad, une unité économique.

Enfin la société Adjust HR serait détenue à 100 % par Adecco Holding France qui contrôle l'intégralité du capital d'Adecco et d'Adecco Groupe France. Elles auraient le même gérant et que seraient domiciliées à proximité géographie immédiate à Villeurbanne (69).

De la même façon Adjust HR aurait enregistré des résultats financiers négatifs pendant plusieurs années et l'accumulation de ces éléments permettrait d'en déduire que cette société est en état de dépendance capitalistique, managériale, informatique et financière vis-à-vis de sa société mère Adecco Holding France, serait dépourvue de toute activité commerciale et formerait une unité économique avec sa société mère et ses sociétés soeurs Adecco France et Adecco Groupe France.

La même déduction serait faite en ce qui concerne Pixid, filiale commune des entreprises Adecco, Manpower France et Randstad qui serait aussi en état de dépendance vis-à-vis des sociétés dont elle émane, compte tenu du fait d'une part que les trois sociétés sus-mentionnées détiendraient conjointement le capital de Pixid à hauteur de 33 % chacune et d'autre part que les gérants de la société Pixid seraient ses trois actionnaires représentés par leurs présidents respectifs à savoir M. Alain X pour Adecco France, M. François Y pour Randstad et Mme Françoise Z pour Manpower France, ses gérants prenant à l'unanimité les décisions stratégiques (plan annuel, budget et désignation du personnel d'encadrement notamment). Il aurait été constaté que Pixid aurait affiché des résultats financiers de 2004 à 2011 et que de 2009 à 2011, leurs trois sociétés-mères auraient mis en place des dispositifs permettant d'assurer le financement courant de l'activité de leur filiale Pixid, cet état de fait laissant cette société dans un état de dépendance capitalistique, commerciale et financière à l'égard de ses sociétés mères alors même que la Commission européenne avait autorisé sa création sous réserve qu'elle conserve son autonomie, et qu'elle sous-entendait dans sa décision du 5 novembre 2004, que la dépendance de Pixid pouvait favoriser une coordination des entreprises de travail temporaires dans le marché du travail temporaire.

Il s'en déduirait que l'absence d'autonomie des filiales Alisia, Adjust HR, RSR et Pixid à l'égard de leurs sociétés mères serait de nature à permettre la circulation d'informations stratégiques entre sociétés mère et fille ; par ailleurs que les services proposés par ces filiales aux entreprises utilisatrices nécessiteraient, pour être accomplis, un accès à des données commerciales provenant des entreprises de travail temporaires concurrentes dont certaines seraient issues d'une négociation entre ces dernières et les entreprises utilisatrices.

Ainsi les filiales sus-mentionnées proposeraient des services d'externalisation du processus de recrutement. A titre d'exemple, la société Alisia annoncerait sur son site Internet qu'elle serait " un point de contact unique pour tous les demandeurs et toutes les agences d'intérims référencés par les entreprises utilisatrices ; qu'elle gère pour celles-ci tout ou partie du processus de planification des besoins (...) interface avec les agences d'intérim (...). "

Les filiales offriraient également des services visant à externaliser la gestion de l'intérim, ces services consistant d'une part à contrôler la bonne exécution des accords-cadres signés entre les entreprises utilisatrices et les entreprises de travail temporaires (ETT) ainsi que le proposeraient Adjust HR et RSR et d'autre part recouvriraient le suivi des contrats de travail et des factures émises par les agences d'intérim (services proposés par Adjust HR, RSR et Alisia) et enfin elles offriraient aussi des prestations d'analyse et d'optimisation du recours aux intérimaires, cette prestation étant également proposée par Pixid qui comme les filiales utiliserait différents instruments dont le " reporting ", " des réunions de suivi hebdomadaires, statistiques sur le nombre d'intérimaires, missions (...) ".

Il s'en déduirait que la nature même des services rendus par les filiales sus-mentionnées permettraient ainsi aux entreprises de travail temporaires qui les contrôlent d'accéder à de nombreuses données sensibles telles que le nombres d'intérimaires employé par chaque entreprise utilisatrice, la répartition d'intérimaires par entreprise de travail temporaire concurrente... ou encore les remises en fin d'année qui peuvent être négociées dans les accords-cadres ; que ces données commerciales pourraient être utilisées par les entreprises de travail temporaires pour coordonner leurs offres commerciales. A titre d'illustration, l'analyse de l'échantillon de factures communiquées à l'Autorité de la concurrence par les entreprises utilisatrices a révélé dans plusieurs cas une similitude des coefficients multiplicateurs et/ou des prix unitaires appliqués par les ETT de la même catégorie professionnelle (factures émanant de Manpower France, Randstad, Adecco France notamment).

Pour l'Autorité de la concurrence, ces faits pourraient constituer les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer la mise en place par les ETT concurrentes de mécanismes permettant d'échanger, indirectement par leurs filiales respectives, des informations commercialement sensibles ayant pour finalité de diminuer l'incertitude stratégique sur le marché et faciliter ainsi la coordination entre concurrents dans le but de préserver leurs marges, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 2° du Code de commerce.

Cette présomption d'entente illicite paraît d'autant plus grave que le Conseil de la concurrence devenu Autorité de la concurrence a sanctionné le 2 février 2009 les trois entreprises de travail temporaires sus-mentionnées pour s'être concertées afin de coordonner leur politique commerciale vis-à-vis de leurs clients " grands comptes " et que la portée de ces présomptions pourrait affecter également le commerce entre Etats membres et ainsi relever de l'application de l'article 101 a) TFUE.

Dans ces conditions le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constituerait le seul moyen d'atteindre l'objectif recherché.

Le juge des libertés et de la détention de Paris autorisait Madame la Rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence à faire procéder en application des dispositions susvisées à des opérations de visites et de saisies dans les locaux suivants :

Manpower France Holding et Manpower France ainsi que les sociétés du même groupe sises à Nanterre (92)

Tappin (nom commercial Alisia) sise à Paris 13e

Adecco Groupe France et Adjust HR sises à Villeurbanne (69)

Adecco Holding France sise à Villeurbanne (69)

Adecco France sise à Villeurbanne (69)

Adecco Holding France, Adecco France et Adjust HR <adresse>.

Randstad France et les sociétés du même groupe sises à Saint Denis (93)

Pixid sise à Courbevoie (92).

Il a délivré une commission rogatoire aux juges des libertés et de la détention de Nanterre, Bobigny et Lyon.

Les opérations de visites et de saisies ont été effectuées simultanément le 10 et le 11 juillet 2013.

Par déclarations d'appel et de recours en date du 19 juillet 2013 la société Pixid a demandé l'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris et celle du juge des libertés et de la détention de Nanterre rendue sur commission rogatoire ainsi que l'annulation des opérations de visite et de saisie autorisées dans les locaux et dépendances susceptibles d'être occupés par la société la société Pixid sise <adresse>.

L'affaire a été appelée à l'audience du 15 janvier 2014 à 9 heures, renvoyée au 2 juillet 2014, puis renvoyée de nouveau 3 décembre 2014, puis mise en délibéré mais n'a pas été rendue.

Une réouverture des débats a été fixée le 4 novembre 2015 et mise en délibéré pour être rendue le 13 janvier 2016.

Par conclusions récapitulatives et en réponse, déposées au greffe le 19 novembre 2014, la société Pixid demandait de constater l'irrégularité de l'ordonnance rendue le 1er juillet 2013 par le Juge des libertés et de la détention de Paris et par voie de conséquence celle du 3 juillet 2013 rendue par le Juge des libertés et de la détention de Nanterre et leur annulation, déclarer irrégulière les opérations de visite et de saisie en date des 10 et 11 juillet 2013 et menées dans les locaux sus-mentionnées.

I. Sur les erreurs manifestes d'appréciation contenues dans l'ordonnance attaquée

1. Sur l'erreur manifeste quant aux activités exercées par Pixid

La société appelante rappelle l'article L. 450-4 du Code de commerce et les obligations de contrôle du juge qui en découlent. L'article 8 de la CESDH est également cité en tant que droit au respect de la vie privée et familiale pour affirmer le contrôle fondamental du juge contre l'arbitraire.

L'ordonnance reposerait sur le postulat, manifestement erroné, que les quatre filiales impliquées, dont Pixid, offriraient des prestations de service identiques. Or ces prestations ne correspondraient pas à la réalité du métier de Pixid, qui serait présentée par l'ordonnance comme ayant une activité d'externalisation du processus de recrutement et une activité d'externalisation de la gestion de l'intérim.

En réalité Pixid n'offrirait pas de services d'externalisation du recrutement mais des outils informatiques utilisés par les tiers pour leur permettre d'externaliser leur gestion d'interim. Cela ne signifierait donc pas contrairement à ce qu'explicite l'ordonnance que Pixid procèderait elle-même à la gestion de l'intérim, ses appréciations concernant l'activité de Pixid procédant d'une mauvaise lecture de la documentation sociale et contractuelle de la société Pixid, produites en annexes à la requête et sur lesquelles l'ordonnance se fonde de sorte qu'elles apparaissent manifestement erronées.

Pixid est donc une entreprise fournisseur de solutions informatiques et elle ne dispose pas de personnels spécialisés dans l'Interim et chargés de faire fonctionner ces solutions, ni à des fins de gestion de l'Interim, ni à des fins d'analyse ou d'optimisation du recours à l'Interim.

Ces éléments ressortiraient clairement des annexes de la requête (annexes 18, 20, 25, 26) et auraient dû permettre au juge de corriger l'erreur de l'Autorité de la concurrence. Ainsi, l'Autorité de la concurrence soutiendrait notamment que les annexes 25 et 26 précitées prouveraient au contraire que la plateforme Pixid fournit des services d'externalisation de la gestion de l'intérim, ainsi que du service de reporting. Il existerait une incompréhension de la part de l'Autorité de la concurrence soit sur le sens des termes employés, soit sur les activités exercées par la société Pixid.

Concernant le service d'" externalisation de la gestion de l'intérim ", celui-ci correspond à l'activité de gérer le recours à l'intérim par une entreprise utilisatrice, c'est-à-dire gérer le recrutement du personnel intérimaire, sa rémunération, etc., en dehors de l'entreprise (de manière " externalisée "). Ces services sont notamment proposés par les sociétés Alisia, Adjust HR et RSR. En revanche, la dématérialisation du reporting via une plateforme électronique est un mécanisme complexe que Pixid valorise auprès de ses clients. Le reporting consiste à rendre compte périodiquement des actes de gestion de l'intérim opérés. Il est mis en œuvre à l'aide de modules informatiques de la plateforme Pixid par le client final (entreprise utilisatrice ou entreprise de travail temporaire). Cette activité n'est pas automatisée et nécessite l'intervention du personnel compétent sur les questions de ressources humaines dont Pixid ne dispose pas.

Pixid mettrait ainsi à disposition des entreprises de travail temporaire et des entreprises utilisatrices une plateforme électronique leur permettant de se connecter à leur propre compte et de procéder elles-mêmes à une telle gestion. Dans environ 95 % des cas, les clients de Pixid gèrent directement leurs recours à l'intérim et seuls environ 5 % d'entre eux font appel à un gestionnaire.

L'annexe 27 de la requête serait un modèle de contrat entre Pixid et ses clients entreprises utilisatrices.

L'Autorité de la concurrence ne peut se contenter, comme elle le fait dans ses observations, d'une lecture parcellaire des documents, et d'en extraire une série de mots par lesquels elle tenterait a posteriori de justifier son erreur.

Enfin, la décision de la Commission européenne ayant autorisé la création de Pixid a révélé que celle-ci proposerait la dématérialisation du reporting, ce que ne semble pas comprendre l'Autorité dans ses observations.

De la sorte, il résulte des éléments précités qu'une grave erreur d'appréciation du juge prouverait son absence de contrôle, contrôle prévu par la loi et nécessaire à la sauvegarde des libertés de l'appelante.

L'Autorité de la concurrence s'oppose au moyen de Pixid qui se prévaut de prétendues erreurs contenues dans l'ordonnance pour tenter de montrer l'absence de contrôle par le juge de la requête de l'Autorité de la concurrence. Plus précisément, Pixid prétend que le juge des libertés et de la détention aurait présenté de façon inexacte ses activités en mentionnant dans son ordonnance qu'elle proposerait, comme les filiales Alisia, RSR et Adjust HR, des prestations d'externalisation du processus de recrutement et de la gestion de l'intérim, alors qu'elle n'offrirait en réalité que des outils informatiques qui les rendent possibles.

Si effectivement Pixid met à disposition des entreprises de travail temporaire (ETT) et des entreprises utilisatrices (EU) une plateforme électronique d'échange de supports de gestion de travail temporaire dématérialisé, elle propose bien des services d'externalisation de la gestion de l'intérim, comme le confirment les annexes 25 et 26 de la requête. Pixid fournirait bien divers services dont le reporting par le biais de divers instruments informatiques, les autres filiales Alisia, Adjust HR et RSR jouant vraisemblablement l'interface entre les ETT Adecco, Manpower et Randstad et les entreprises utilisatrices, dans la mise en œuvre de ces outils électroniques développés par Pixid pour les 3 filiales précitées.

Le juge des libertés et de la détention aurait conclu à la vraisemblance d'échanges d'informations anticoncurrentielles entre entreprises de travail temporaire, en présumant l'absence d'autonomie de leurs filiales respectives et de leur filiale commune Pixid, de la nature intrinsèque des services qu'elles proposent et de l'uniformité des coefficients multiplicateurs et/ou des prix unitaires qui se dégage d'un certain nombre de factures traitées par Alisia, la filiale de Manpower.

2. Sur la pratique des ordonnances pré-rédigées

La société appelante affirme que l'ordonnance étant rédigée en des termes identiques à la requête présentée par la Rapporteure générale, il apparaîtrait que le juge se serait contenté de s'en approprier les motifs.

L'Autorité se défend de procéder ainsi par " souci de commodité " pour le juge des libertés et de la détention qui n'aurait plus qu'à amender ou signer la demande d'autorisation de mener des visites et saisies qu'il l'estime justifié. Le juge des libertés et de la détention aurait eu le temps de procéder à un examen attentif du dossier selon l'Autorité de la concurrence, ayant disposé de quatre jours entre la présentation de la requête et le moment de sa signature.

L'appelante souligne que si la requête de l'Autorité a été présentée un vendredi au juge des libertés et de la détention, c'était à une heure inconnue ; le juge ayant rendu une ordonnance strictement identique le lundi suivant, sans plus de précision sur l'horaire.

Or matériellement, si la requête a été transmise un vendredi, compte tenu des procédures internes au Tribunal de grande instance, le juge aura nécessairement eu un temps limité pour examiner l'ensemble du dossier et pour adresser le lundi suivant l'ordonnance signée à l'Autorité. Cet élément constituerait un indice du défaut de contrôle légal exercé par le juge des libertés et de la détention.

Si l'appelante ne conteste pas la pratique des ordonnances pré-rédigées en matières civile, il en est différemment pour les visites et saisies prévues par le Code de commerce aux articles L. 420-1 et suivants, ces mesures étant plus attentatoire aux droits de l'entreprise et des personnes présentes qu'en matière civile. Conformément à la jurisprudence de la CEDH (Ravon c/France), le législateur aurait introduit un recours spécifique permettant aux entreprises visitées de contester l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé les mesures (article L. 450-4 du Code de commerce) démontrant le degré de gravité des visites et saisies par les Autorités de la concurrence.

Il en résulterait que l'ordonnance attaquée, rendue par le juge des libertés et de la détention, reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation et serait entachée d'irrégularités substantielles. Elle devrait donc être annulée pour ce qui concerne Pixid.

L'Autorité de la concurrence précise que si l'administration précise au juge des libertés et de la détention, dans un souci de commodité, une requête et un projet d'ordonnance, elle le fait toujours en version papier accompagnée d'une version numérique, ce qui permet au magistrat, qui n'a nullement l'obligation d'en faire un quelconque usage, de modifier s'il désire s'en servir, le projet d'ordonnance d'autorisation qui lui est soumis. Le juge peut ainsi refuser, s'il n'est pas convaincu par les indices et présomptions apportés par l'Administration, de donner son autorisation.

Soutenir comme le fait l'appelante que le juge n'a pas examiné le dossier est inexact : les juges sont formés et habitués à traiter des dossiers fournis en quelques heures. Or au cas présent, le dossier a été présenté au juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris le 28 juin 2013 pour obtenir l'autorisation du juge, qui n'est intervenue que le 1er juillet 2013, soit 4 jours après, laissant le temps au juge de procéder aux vérifications qui s'imposaient. Par conséquent il y a bien eu un examen attentif par le juge des 32 pièces utiles annexées à la requête.

En outre, les motifs et le dispositif de l'ordonnance d'autorisation sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée, lequel en endosse la responsabilité. La circonstance que l'ordonnance soit la reproduction de la requête de l'administration est sans incidence sur la régularité de la décision, comme le confirme des jurisprudences de la cour de cassation et de la CEDH abondantes, dans la mesure où un second contrôle sera effectué en Cour d'appel.

Le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris aurait rempli sa mission et satisfait aux exigences de l'article L. 450-4 du Code de commerce en appréciant souverainement d'une part que l'ensemble des informations utiles communiquées par l'Autorité permettait de présumer l'existence d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée et d'autre part qu'il y avait bien dans le dossier annexé à la requête une demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, seule pièce obligatoire lors d'une demande d'autorisation de procéder, en tous lieux, à des visites et saisies de documents et supports d'information en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

II. Sur l'insuffisance de motivation de l'ordonnance attaquée

La société appelante rappelle que l'article 8 de la CESDH impose que les visites domiciliaires, qui constituent une ingérence au droit des entreprises au respect de leur domicile, doit apparaître nécessaire et proportionnée aux buts légitimes qui sont le bien-être économique du pays et la prévention des infractions pénales. Ces visites seraient encadrées par le Code de commerce notamment par l'article L. 450-4.

Au cas d'espèce, l'obligation de motivation ne serait pas respectée.

L'Autorité de la concurrence rappelle que l'article L. 450-4 du Code de commerce n'a jamais été remis en cause par la jurisprudence de la CEDH, ni d'ailleurs par celle des juridictions nationales. En effet, la violation alléguée de l'article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu'elle est justifiée par l'article 8.2. Pour être admissible, l'ingérence de l'Autorité publique dans le droit garanti par l'article 8-1 est subordonnée à une triple condition : être prévue par la loi (article L. 450-4 du Code de commerce), viser un but légitime (la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui constituent une mesure nécessaire au bien-être économique du pays) et être nécessaire dans une société démocratique.

L'Autorité cite une jurisprudence abondante de la cour de cassation et de la CEDH pour confirmer son argumentation.

1. Sur l'insuffisance des indices pris isolément

L'appelante rappelle que sur les 32 pièces annexées à l'ordonnance attaquée, 7 concernent la société Pixid et qu'aucune de ces pièces, prise isolément, ne permet de présumer l'existence d'une pratique anticoncurrentielle.

L'Autorité de la concurrence précise qu'au stade de l'autorisation de visite et saisie où aucune accusation n'est portée, l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire d'éléments de preuves de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison, aboutissent à une ou plusieurs présomptions de pratiques prohibées. La mesure autorisée avait pour unique objectif de vérifier que les comportements illicites soupçonnés existaient ou non dans le secteur temporaire, et le magistrat n'avait en aucun cas porté de qualification sur les pratiques prohibées retenues.

Le fait d'analyser les indices un à un ou les pièces annexées à la requête une à une, pour en tirer la conclusion que le juge des libertés et de la détention n'avait rien dans le dossier lui permettant d'autoriser les visites et saisies n'a pas de sens car seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs présomptions de pratiques anticoncurrentielles.

Par ailleurs, remettre en cause la véracité de la présomption d'une entente anticoncurrentielle contenue dans l'ordonnance d'autorisation, au seul motif qu'elle ne repose que sur 7 annexes, est dénué de fondement : une présomption pourrait en effet valablement s'appuyer sur une seule pièce pertinente et suffisante.

Le juge aurait donc satisfait à son obligation de contrôle en s'assurant de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation (recevabilité de la demande) et du caractère suffisant des faits produits par l'Autorité de la concurrence ayant débouché après description et analyse, sur des soupçons de comportements illicites dans le secteur du travail temporaire (bien-fondé de la demande).

a) Sur la décision de la Commission décidant la création de Pixid

L'appelante s'oppose à l'insinuation de l'Autorité selon laquelle la Commission, dans sa décision du 5 novembre 2004, a autorisé la création de la société Pixid à la condition qu'elle conserve son autonomie à l'égard des sociétés mères. En réalité, l'absence d'autonomie au regard des règles communautaires ne serait pas caractérisé en l'espèce, et quand bien même elle le serait, aucune règle de droit de la concurrence ne l'interdit.

L'appelante affirme donc que l'ordonnance serait entachée d'une erreur de droit et la décision de la Commission ayant autorisé la création de Pixid ne peut nullement constituer une présomption d'infraction.

Au cas d'espèce, la Commission avait conclu à l'autonomie de la société Pixid et autorisé la création de l'entreprise commune plateforme administrative de travail temporaire (Patt), devenue Pixid, en tant qu'entreprise de plein exercice. Par conséquent, le constat de l'autonomie de la société Pixid par la Commission avait pour seule finalité de contrôler que l'opération entrait bien dans son champ de contrôle. Par ailleurs, alors que l'actionnariat et la gérance de la société Pixid n'a pas évolué, l'ordonnance attaquée relève une absence d'autonomie de la société Pixid au seul motif qu'elle a bénéficié d'avances en compte courant 3 années de suite, au regard des pertes qu'elle subissait. Pourtant, le seul bénéfice d'avances en compte courant de la part de ses sociétés ne permet pas de caractériser un défaut d'autonomie au sens des règles sur le contrôle des concentrations.

Enfin, quand bien même Pixid ne jouirait plus d'autonomie opérationnelle nécessaire à sa caractérisation d'entreprise commune de plein exercice, cet élément serait neutre dans l'usage que les mères pourraient faire de leur entreprise commune comme canal d'informations sensibles.

Par ailleurs, le risque de coordination entre ses sociétés mères, via la société Pixid, sur le marché de travail temporaire, avait été écarté expressément par la Commission européenne.

L'appelante soutient dès lors que la décision de la Commission européenne constitue une pièce à décharge qui aurait dû dissuader le juge d'ordonner des mesures aussi intrusives. Si l'Autorité conclut que cette décision ne protège pas les entreprises contre toute mesure d'enquête qui aurait pu, sur une période de 9 ans, changer de comportement ; ce que l'appelante ne conteste pas ; l'Autorité n'apporte aucun élément nouveau permettant de faire douter du comportement de Pixid sur le marché.

La seule pièce visée par l'Autorité est l'annexe 26 qui se rapporte au questionnaire de l'Autorité du groupe Leader et ne concerne que la sécurité sur Internet et non les pratiques anticoncurrentielles. Or en tant que plateforme électronique, il est évident que le souci premier de Pixid est la sécurité des données qui y transitent.

L'Autorité de la concurrence affirme que l'appelante ne pouvait nier que l'autonomie de Pixid était non seulement une exigence pour la Commission européenne de se saisir du projet de concentration mais également, un élément indispensable pour garantir l'absence de coordination entre Pixid (anciennement Patt) et les sociétés mères et ainsi, justifier sa compatibilité aux règles de la concurrence.

Par ailleurs, si l'appelante invoque que le bénéfice d'avances en compte courant de la part des sociétés mères ne caractériserait pas un défaut d'autonomie de Pixid, au sens des règles relatives au contrôle des concentrations, Pixid ne saurait reprocher au juge des libertés et de la détention de ne pas s'être référé aux concepts " d'autonomie stratégique " et d'" autonomie opérationnelle " au sens de la communication consolidée sur la compétence de la Commission européenne pour rendre son ordonnance, dès lors qu'au stade de l'autorisation de visite et saisie, l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire la preuve de l'absence d'autonomie de la filiale commune mais seulement une présomption simple, conformément à la jurisprudence en vigueur.

De surcroît, 9 années se sont écoulées entre la décision de la Commission européenne et la requête (2004 à 2013), il ne peut être exclu que Pixid ait pu mettre au point des systèmes d'information par voie électronique qui permettraient secrètement les échanges d'informations commerciales sensibles entre concurrents du secteur du travail temporaire.

b) Sur les données publiques d'informations sociales

La société appelante rappelle que les résultats financiers de Pixid visés en annexes 19, 20 et 21 qui exposent sa situation déficitaire, ne sont pas une infraction aux règles de droit de la concurrence.

L'Autorité de la concurrence s'oppose à la jurisprudence citée par l'appelante concernant sa situation financière déficitaire, cette dernière ayant été cassée.

c) Sur les documents émanant de l'exercice de son droit de communication par l'Autorité de la concurrence

L'appelante précise que les trois annexes produites par l'Autorité de la concurrence (annexes 25, 26 et 27) émanent de son droit de communication dans le cadre d'une enquête menée en 2012 sur le fonctionnement concurrentiel du secteur du travail temporaire et qu'aucun de ces documents pris isolément ne permet de présumer de la participation de Pixid à une quelconque infraction. A fortiori, certains documents permettent de rassurer le juge sur le fait qu'il existe une vraie étanchéité de la plateforme Pixid qui empêche tout échange de données entre Pixid et ses sociétés mères.

La totalité des pièces ne permet pas de douter du fait que la société Pixid est prestataire informatique et non gestionnaire.

Ainsi, dans l'ordonnance attaquée, le juge résumerait sous forme d'indices les éléments précités dont aucun ne constitue un indice de pratique anticoncurrentielle de sorte qu'ensemble ils ne peuvent constituer un faisceau de présomption.

Selon l'Autorité de la concurrence, le fait que dans le cadre d'un questionnaire envoyé aux entreprises utilisatrices, ces dernières n'aient pas relevé de risque de divulgation des informations à des tiers (annexe 28), ne tend pas à discréditer l'argument selon lequel l'accès aux données commerciales sensibles serait facilité. Au surplus, la réponse n° 25 au questionnaire (annexe 26) rend compte des atteintes qui peuvent être portées à la confidentialité des informations qui transitent entre les ETT.

L'Autorité rappelle à nouveau qu'il suffit que l'appelante paraisse impliquée dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée, ce qui était le cas en l'espèce.

2. Sur l'insuffisance des documents pris en faisceau

a) Sur la prétendue absence d'autonomie de la société Pixid et ses conséquences en matière d'échange d'information

L'appelante soutient que les pertes financières de la société et le bénéficie d'avances en compte courant ne suffisent pas à eux seuls à présumer une absence d'autonomie de la société vis-à-vis de ses sociétés mères et partant un risque de coordination sur le marché du travail temporaire.

Il était convenu avec la Commission européenne que s'agissant d'une entreprise commune acteur sur un marché nouveau, Pixid ne serait probablement pas financièrement autonome pendant les cinq premières années de son existence.

Il s'avère que cette période s'est prolongée du fait de la crise de 2008, comme cela a pu être largement exposé.

Pour établir une présomption de pratiques anticoncurrentielles, l'ordonnance attaquée aurait ainsi dû tenir compte des conclusions de la Commission.

En réalité, seuls les indices permettant de douter de la confidentialité de la société Pixid auraient dû permettre de soupçonner d'éventuelles pratiques d'échanges d'informations, via la société Pixid.

L'Autorité de la concurrence précise que le juge a considéré que les services proposés par Pixid pouvaient impliquer un accès à des données commerciales sensibles provenant des entreprises de travail temporaire concurrentes et des entreprises utilisatrices au vu du faisceau d'indices établi au moyen de la requête.

En outre, l'Autorité de la concurrence a déjà répondu précédemment à ce moyen.

b) Sur le prétendu risque d'échange d'informations sensibles entre les sociétés de travail temporaire concurrentes et les entreprises utilisatrices

Sur le risque d'échanges d'informations entre les sociétés mères de Pixid dans le cadre de sa prétendue activité " d'externalisation du processus de recrutement "

Sur le risque de circulation d'information stratégique entre Pixid et ses sociétés mères dans le cadre de sa prétendue activité d'externalisation de la gestion de l'interim

La société appelante s'oppose à l'argument de l'Autorité selon lequel Pixid aurait des activités d'externalisation du processus de recrutement et de gestion de l'intérim et de ce fait, pourrait permettre des échanges d'informations sensibles. L'Autorité ne fournirait qu'une seule pièce suggérant un risque de divulgation des informations protégées par les tiers, cette dernière ne se rapportant qu'aux risques de hacking sur Internet.

L'appelante rappelle une nouvelle fois que la société Pixid ne propose pas de service d'externalisation du processus de recrutement et n'a pas accès aux négociations commerciales entre les ETT et les entreprises utilisatrices.

En conséquence, la présomption du risque d'échanges d'information entre les sociétés mères de Pixid dans le cadre de sa prétendue activité " d'externalisation du processus de recrutement " serait sans objet et ne pourrait justifier les opérations de visite et de saisie.

Dès lors, il ressortirait qu'aucun faisceau d'indices ne permettait de présumer l'existence d'une pratique anticoncurrentielle susceptible de fonder une demande de visite et de saisie. Le juge des libertés et de la détention ne pouvait dans ces conditions, sans violer l'article L. 450-4 du Code de commerce, prononcer une ordonnance autorisant des visites et saisies domiciliaires au sein des locaux de la société Pixid.

L'Autorité de la concurrence a déjà répondu à ces moyens.

Madame l'Avocat général dans son avis du 28 novembre 2014 rappelle d'une part que la jurisprudence tant nationale qu'européenne valide la pratique du projet d'ordonnance accompagnant la requête et ses annexes dès lors qu'un contrôle juridictionnel est prévu et que d'autre part le juge des libertés et de la détention n'a pas à qualifier les pratiques mais seulement à vérifier que les éléments qui lui sont fournis par l'Autorité sont de nature à présumer des comportements illicites. Le Ministère public demande donc la confirmation de l'ordonnance du 1er juillet 2013 du juge des libertés et de la détention de Paris.

En conséquence, la société appelante Pixid demande l'annulation de l'ordonnance du 1er juillet 2013 et par voie de conséquence de constater nuls et non avenus tous les actes pris en exécution de cette ordonnance en application du principe selon lequel les actes postérieurs ou subséquents à l'acte annulé perdent leur efficacité et sont annulés, à savoir l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Nanterre en date du 3 juillet 2013 ainsi que l'ensemble des procès-verbaux de visite et saisie pris en application de l'ordonnance attaquée. Il est demandé la condamnation de l'Autorité de la concurrence au paiement de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'Autorité de la concurrence demande la confirmation de l'ordonnance rendue le 1er juillet 2013 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris et, par voie de conséquence, l'ordonnance du 3 juillet 2013 rendue par le juge des libertés et de la détention de Nanterre rendue sur commission rogatoire ainsi que la condamnation de la société appelante à 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur ce

I. Sur les erreurs manifestes d'appréciation contenues dans l'ordonnance attaquée

1. Sur l'erreur manifeste quant aux activités exercées par Pixid

Le juge qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation doit comporter tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite; que par suite le juge doit s'assurer que les éléments produits par l'administration aient une apparence de licéité et sont suffisants pour justifier que la mesure intrusive de visite et de saisie soit justifiée; qu'à cette fin le juge des libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments d'informations fournis par l'Autorité qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions simples d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies de documents s'y rapportant sans qu'il soit nécessaire que soit caractérisées des présomptions précises, graves et concordantes ou des indices particulièrement troublants des pratiques; que les présomptions sont appréciées par le juge en proportion de l'atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées.

Le juge des libertés et de la détention de Paris, qui n'est pas le juge du fond, a relevé dans l'ordonnance des présomptions de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du travail temporaire et après un examen " in concreto " des 32 annexes jointes à la requête selon la méthode dite " du faisceau d'indices " a estimé qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies.

Il a constaté d'une part le parallélisme des comportements entre les entreprises de travail temporaire Adecco, Randstad et Manpower, lesquelles disposaient chacune d'une filiale non autonome et d'une filiale commune à savoir Pixid, qu'elles détenaient à part égales.

Il a relevé également que ces trois sociétés totalisaient 58 % des parts de marché dans le secteur des entreprises intérimaires et une similitude de coefficients et de prix unitaires sur des catégories professionnelles comparables.

Par ailleurs en examinant certaines annexes jointes à la requête et notamment les annexes 25 et 26 (réponses à un questionnaire), le juge a constaté qu'il existerait des présomptions simples constituant un ou plusieurs indices selon lesquels la filiale commune Pixid pourrait proposer outre des prestations informatiques divers services notamment le reporting et que cette filiale commune ainsi que les autres filiales seraient susceptibles de favoriser la transmission d'informations sensibles aux sociétés mères.

Au vu de ces éléments, le juge, qui a vérifié par une analyse concrète les pièces annexées à la requête a ainsi pu conclure à l'existence de présomptions simples, et autoriser les visites et saisies dans les locaux de la société appelante, étant précisé qu'à ce stade de l'enquête, aucune accusation n'est portée à l'encontre de l'appelante.

Le moyen sera donc écarté.

2 Sur la pratique des ordonnances pré-rédigées

Le juge des libertés et de la détention signataire de l'ordonnance et qui de ce fait se l'approprie, se fait transmettre par l'Autorité de la concurrence une copie numérique et papier de la requête, qu'il a le loisir de modifier, de supprimer ou d'ajouter des mentions et peut tout simplement refuser d'accorder son autorisation.

En l'espèce, la requête était accompagnée de 32 annexes, ce qui constitue un dossier peu volumineux.

Il est précisé que la requête a été présentée le 28 juin 2013 et signée le 1er juillet 2013, ce qui a laissé amplement le temps au juge des libertés et de la détention d'examiner la pertinence de la requête, d'étudier les pièces jointes à celle-ci, de vérifier les habilitations et le jour de la signature, de demander aux agents de l'Autorité de la concurrence toute information pertinente préalablement à la signature de son ordonnance, étant précisé que le juge en charge de ce contentieux peut également étudier les dossiers qui lui sont soumis le week-end et peut être déchargé la semaine des autres contentieux, ce qui lui laisse le temps d'analyser ce type de dossier.

Ce moyen sera écarté.

II. Sur l'insuffisance de motivation de l'ordonnance attaquée

L'article 8§2 de la CESDH dispose, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, que " Il ne peut y avoir ingérence d'une Autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

Il a lieu de rappeler que le juge des libertés et de la détention, lorsqu'il a été saisi de la requête de l'Autorité de la concurrence, a connaissance de ces éléments et des recherches effectuées a posteriori par l'administration concernant des pratiques anticoncurrentielles présumées ; qu'il effectue un contrôle de proportionnalité entre les présomptions qui lui sont produites et l'atteinte aux libertés ; que le nombre de documents saisis importe peu au regard des éléments qui lui étaient soumis au moment de sa prise de décision.

Par ailleurs, sur la motivation qui serait insuffisante, il a été déjà répondu à ce moyen ci-dessus.

Ce moyen sera rejeté.

1. Sur l'insuffisance des indices pris isolément

- Sur la décision de la Commission décidant la création de Pixid

- Sur les données publiques d'informations sociales

- Sur les documents émanant de l'exercice de son droit de communication par l'Autorité de la concurrence

Comme il a été indiqué précédemment, le juge des libertés et de la détention ne procède pas par la méthode de l'examen des indices pris isolément, mais selon la méthode du faisceau d'indices.

Seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs présomptions de pratiques anticoncurrentielles. Il importait peu que seules 7 annexes sur 32 se rapportaient à la société appelante, une autorisation de visite et de saisie pouvant valablement s'appuyer sur une seule pièce pertinente et suffisante.

Il est constant par ailleurs que la décision de la Commission européenne figurait dans les annexes (annexe 3) et que le juge des libertés et de la détention dans son examen in concreto en a eu connaissance. Cependant, neuf années se sont écoulées entre la décision de la Commission européenne et l'autorisation (2004 à 2013) et le juge a pu considérer qu'il existait des présomptions simples que Pixid avait pu mettre au point des services autres que de simples prestations informatiques et favorisant ainsi des échanges d'informations commerciales sensibles entre les sociétés du secteur du travail temporaire.

S'il peut être établi que la situation déficitaire au vu des résultats financiers de Pixid n'est pas une infraction aux règles de la concurrence, il a été retenu par le juge que c'est son manque d'autonomie qui établissait avec d'autres éléments des présomptions simples constituant des indices d'agissements prohibés.

Enfin, la circonstance que l'Autorité ait utilisé ses pouvoirs d'enquêtes simples pour recueillir les déclarations ou des documents dans le cadre d'un avis est sans incidence sur la procédure, étant précisé que l'instruction de l'avis est une procédure non coercitive où des entreprises coopèrent volontairement.

Les moyens seront écartés.

2. Sur l'insuffisance des documents pris en faisceau

- Sur la prétendue absence d'autonomie de la société Pixid et ses conséquences en matière d'échange d'information

- Sur le prétendu risque d'échange d'informations sensibles entre les sociétés de travail temporaire concurrentes et les entreprises utilisatrices

- Sur le risque d'échanges d'informations entre les sociétés mères de Pixid dans le cadre de sa prétendue activité " d'externalisation du processus de recrutement "

- Sur le risque de circulation d'information stratégique entre Pixid et ses sociétés mères dans le cadre de sa prétendue activité d'externalisation de la gestion de l'interim

Il a déjà été répondu ci-dessus à l'ensemble de ces moyens qui seront donc rejetés.

Par ces motifs, Statuant contradictoirement et en dernier ressort ; Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 1er juillet 2013 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris et celle subséquente rendue sur commission rogatoire le 3 juillet 2013 par le Tribunal de grande instance de Nanterre ; Disons n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Disons que la charge des dépens sera supportée la société appelante.