CA Colmar, 1re ch. civ. A, 13 janvier 2016, n° 14-03432
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Scorpion Sports Europe (SASU)
Défendeur :
IDE Di Ioime Davide et C (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panetta
Conseillers :
Mmes Alzeari, Serafini
Avocats :
Mes Wetzel, Crovisier, Dupont
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES :
Un contrat d'agent commercial a été conclu entre la SASU Scorpion Sports Europe, qui a une activité de vente de casques et nécessaires de motos, et la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS, qui vendait sur le territoire italien les produits Scorpion.
Le contrat a été signé le 1er février 2007 et un avenant est intervenu le 1er juillet suivant.
Par courrier du 19 avril 2011, la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS a notifié la résiliation du contrat.
Par acte d'huissier du 4 mai 2012, elle a fait assigner la SASU Scorpion Sports Europe en paiement de sommes.
Vu le jugement en date du 30 mai 2014 par lequel la 2e chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la SASU Scorpion Sports Europe à payer à la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS la somme de 19 663,09 euro augmentée des intérêts au taux de 3 fois l'intérêt légal à compter du 19 avril 2011 au titre des factures impayées, une indemnité de 150 000 euro au titre de la rupture du contrat d'agent commercial, débouté les parties du surplus de leurs conclusions, condamné la SASU Scorpion Sports Europe aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 2 200 euro,
Vu la déclaration d'appel formalisée par la SASU Scorpion Sports Europe le 4 juillet 2014,
Vu les dernières conclusions de l'appelante du 28 mai 2015,
À titre principal, elle invoque l'absence d'intérêt à agir de la demanderesse et intimée et conclut donc à l'irrecevabilité de ses demandes.
Subsidiairement, elle soutient qu'elle n'était pas liée par un contrat d'agent commercial.
Reconventionnellement, elle réclame le paiement des sommes de 500 000 euro pour préjudice commercial et d'image et de 5 151,60 euro au titre de l'obligation de ducroire.
Elle s'oppose à l'appel incident en raison de son caractère non fondé.
À titre complémentaire, elle sollicite la condamnation de l'intimée à lui restituer les échantillons sous astreinte.
Elle prétend au paiement de la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures de l'intimée du 27 novembre 2014,
Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande de la SASU Scorpion Sports Europe au titre du défaut d'intérêt à agir.
Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement de sommes au titre des commissions et de l'indemnité compensatrice de rupture mais prétend à son infirmation sur ses autres demandes.
Ainsi, elle prétend à la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 19 147,44 euro au titre de l'indemnité de préavis ainsi qu'à faire procéder à l'enlèvement des casques donnés en échantillon sous astreinte.
En tout état de cause, elle réclame le paiement des sommes de 4 000 euro à titre de dommages-intérêts pour abus de procédure et résistance abusive et 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 juillet 2015 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 23 novembre 2015,
MOTIFS :
Attendu sur le défaut d'intérêt à agir que l'appelante soutient que le contrat litigieux n'a pas été signé avec la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS mais avec la société IDE Distribution de sorte que l'intimée n'a pas qualité à agir à son encontre ;
Attendu qu'en défense, l'intimée soutient que cette prétention est irrecevable en cause d'appel en application des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile ;
Attendu néanmoins que la demande aux fins de faire déclarer irrecevables les prétentions de la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS a nécessairement pour objet de faire écarter les prétentions de cette dernière ; que ce moyen sera donc examiné en son bien-fondé ;
Attendu sur ce point que l'intimée expose que la société IDE Distribution est totalement distincte d'elle-même ; qu'il résulte des pièces produites que les factures ont bien été établies au nom de la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS ;
Attendu que l'intimée justifie, par la production de son immatriculation, qu'elle dispose d'un bureau secondaire qui est indiqué dans le contrat d'agent commercial ; qu'il ressort des pièces adverses que la totalité des factures a été adressée à l'intimée avec mention de sa dénomination et de son adresse telle que précisées dans les conclusions ;
Attendu ainsi qu'il en résulte que la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS est effectivement la personne morale qui s'est engagée dans le cadre du contrat d'agent commercial ; que ses prétentions seront donc examinées dans la mesure où il est justifié de son intérêt à agir ;
Attendu qu'à titre subsidiaire, l'appelante soutient que les parties n'étaient pas liées par un contrat d'agent commercial ; que toutefois, il doit être observé qu'elle formule cette prétention sans fournir aucune explication ou démonstration pour l'étayer ;
Attendu ainsi qu'il doit être constaté que les parties ont signé un contrat intitulé " contrat d'agent commercial " dans lequel la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS est désignée comme " l'agent commercial " et la SASU Scorpion Sports Europe comme " la société " ; que ces mentions caractérisent nécessairement la commune intention des parties ;
Attendu par ailleurs que le contrat a été exécuté sur trois années puisque l'intimée a perçu des commissions en 2007, 2008 et 2009 pour les ventes intervenues en Italie et conformément aux dispositions de l'article 4 du contrat ;
Attendu que la SASU Scorpion Sports Europe a toujours transmis des copies de factures qu'elle a établies pour les livraisons de casques à des clients en Italie à la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS afin de permettre à cette dernière d'établir à son tour des factures de commissions ; que celle-ci transmettait les bons de commandes de clients situés en Italie pour les livraisons de casques ;
Attendu par ailleurs que l'intimée justifie que lorsqu'elle a démarché un nouveau client, elle a transmis une fiche intitulée " nouveau client " à l'appelante ; que ces fiches clients sont des formulaires établis par cette dernière ;
Attendu que la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS est également mentionnée comme agent commercial dans le catalogue de Scorpion ; qu'il ressort enfin des nombreux échanges de courriers et électroniques entre les collaborateurs des deux sociétés que l'intimée a, de façon constante, négocié des contrats pour le compte et au nom de sa mandante ; que le jugement entrepris a donc, à bon droit, examiné les demandes dans le cadre de l'application du statut d'agent commercial ;
Attendu à cet égard qu'en l'absence de moyens nouveaux soumis à son appréciation, faute de moyens opposés par l'appelante, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ;
Attendu en conséquence qu'il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la SASU Scorpion Sports Europe à payer à la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS la somme de 19 663,09 euro avec intérêts au taux de 3 fois l'intérêt légal à compter du 19 avril 2011 et la somme de 150 000 euro au titre de la rupture du contrat d'agent commercial avec intérêts légaux ;
Attendu que sur appel incident, l'intimée sollicite le paiement de la somme de 19 147,44 euro au titre de l'indemnité de préavis en application des dispositions de l'article L. 134-11 du Code de commerce ;
Attendu qu'elle expose que la résiliation a été provoquée par les fautes graves commises par le mandant qui ont rendu impossible pour elle le maintien des relations contractuelles ;
Attendu toutefois que la partie qui a pris la décision de rompre le contrat avec effet immédiat ne peut utilement prétendre à une indemnité de préavis ; que la demande formulée de ce chef a donc été, justement, écartée par le tribunal ;
Attendu sur l'enlèvement des échantillons que l'intimée explique que les agissements fautifs de l'intimée impliquent une restitution de ces derniers aux frais de l'appelante ;
Attendu néanmoins que l'article 10.2 du contrat d'agent commercial stipule qu'à la fin du contrat, l'agent commercial retournera à ses frais les échantillons en bon état de vente à la société mandante ;
Attendu que cette disposition contractuelle est exclusive de toute notion de faute imputable à l'une ou l'autre des parties ; qu'elle doit donc être appliquée sans qu'il y ait lieu de prendre en compte les circonstances ayant présidé à la fin du contrat ;
Attendu dans ces conditions qu'il peut être fait droit à la demande complémentaire de l'appelante au fin de restitution des échantillons mais, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte ;
Attendu sur les prétentions reconventionnelles que l'appelante soutient que la rupture brutale par l'intimée du contrat lui a causé un préjudice commercial et un préjudice d'image particulièrement importants ; que de ce chef, elle réclame une indemnisation à hauteur de 500 000 euro ;
Attendu toutefois qu'elle ne peut utilement fonder cette prétention sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce alors qu'il vient d'être statué sur l'application du statut d'agent commercial ;
Attendu en effet que l'agent commercial, par nature, ne peut être concerné par les dispositions de l'article précité ; qu'en effet, celui-ci n'est pas applicable à la relation entre l'agent commercial et son mandant ;
Attendu au demeurant qu'en l'état des fautes qui lui sont imputables et qui ont justifié la rupture, la SASU Scorpion Sports Europe ne peut utilement invoquer un comportement de son cocontractant qui lui aurait causé un préjudice commercial ou autre ; que la demande en paiement de ce chef sera donc écartée ;
Attendu que l'appelante soutient également que l'intimée s'était engagée à garantir le paiement des factures pour des produits livrés à des clients en Italie ; qu'elle soutient que sa mandataire avait une obligation de ducroire ainsi qu'il résulterait de plusieurs courriers ;
Attendu néanmoins qu'aucune disposition contractuelle ne prévoit une telle garantie ; que d'autre part, il est justifié d'aucun autre élément ayant valeur contractuelle permettant de se convaincre qu'une telle garantie avait été convenue entre les parties ; que cette réclamation sera donc également rejetée ;
Attendu enfin que l'intimée forme une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive ; qu'elle stigmatise l'attitude de l'appelante en première instance mais également en appel au regard de la légèreté des moyens invoqués ;
Attendu toutefois qu'il doit être considéré que les arguments invoqués ne permettent pas de se convaincre que l'appelante a exercé son droit d'agir avec malice, de mauvaise foi ou au moyen d'une erreur grossière équivalente au dol ;
Attendu en effet que l'utilisation des voies de recours par la SASU Scorpion Sports Europe ne peut, à elle seule, caractériser une volonté manifeste de faire échec au jugement ; que dans cette mesure, la demande en paiement de dommages-intérêts pour abus de procédure et résistance abusive doit être rejetée ;
Attendu que la SASU Scorpion Sports Europe, qui succombe à titre principal, doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'à l'opposé, il sera fait application de cet article au profit de la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS qui en fait la demande en cause d'appel ;
Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement rendu à la 2e chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg le 30 mai 2014 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Ordonne la restitution par la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS à la SASU Scorpion Sports Europe des échantillons ci-après désignés : <emplacement tableau>, Rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour abus de procédure et résistance abusive, Condamne la SASU Scorpion Sports Europe aux dépens d'appel, Condamne la SASU Scorpion Sports Europe à payer à la société IDE Di Ioime Davide & C. SAS la somme de 4 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.