CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 19 janvier 2016, n° 15-13866
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
DSL Distribution (Sté)
Défendeur :
Wiesenhof International (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guihal
Conseillers :
Mmes Dallery, Hecq-Cauquil
Avocats :
Mes Passot, Novel, Glevarec, Laget, SCP Huvelin, Associés
La SAS DSL Distribution (DSL), qui exerce une activité de commerce de gros à Rungis et la société de droit allemand Wiesenhof International GmbH (Wiesenhof), qui produit et commercialise des volailles, ont entretenu des relations d'affaires depuis 2005. Les rapports étant devenus conflictuels, Wiesenhof, par courriel du 25 avril 2012 a annoncé qu'elle cesserait ses fournitures à compter du 1er juillet 2012.
Par acte du 25 janvier 2013, DSL a assigné Wiesenhof devant le Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce pour avoir paiement de diverses sommes en réparation des préjudices causés par cette rupture brutale des relations commerciales.
Par un jugement du 29 juin 2015, le tribunal s'est déclaré incompétent en retenant que la clause attributive de juridiction aux tribunaux allemands était conçue en des termes suffisamment larges pour inclure l'action en cause.
DSL a formé contredit le 10 juillet 2015. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que le Tribunal de commerce de Paris est compétent et de lui renvoyer l'affaire.
Elle soutient qu'il résulte des termes de la clause d'élection de for que celle-ci n'est pas applicable à un litige né après la rupture des relations commerciales et qui ne concerne pas les opérations de vente, de livraison et de paiement, subsidiairement, que cette clause ne s'applique qu'aux relations contractuelles et non à un action de nature délictuelle. Elle en déduit qu'il convient de faire application des règles de compétence de droit commun qui désignent le tribunal du lieu de réalisation du dommage, lequel a été subi à son siège social à Rungis.
Par des conclusions reprises oralement à l'audience, Wiesenhof demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en retenant que la clause d'élection de for est valable, opposable à DSL et applicable au présent litige et de condamner la partie adverse à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR QUOI :
Considérant que DSL ne conteste pas que la clause d'élection de for, stipulée par les conditions générales de vente de Wiesenhof auxquelles renvoient les confirmations de commande et courriers commerciaux de cette dernière lui sont opposables ; mais elle soutient que cette clause, compte tenu de ses termes, ne s'appliquerait pas après la rupture des relations contractuelles et ne s'étendrait pas à une action de nature délictuelle ;
Considérant que Wiesenhof produit une traduction par interprète assermenté de ses conditions générales de vente, de livraison et de paiement qui stipulent:
" 1. Domaine d'application des conditions
1.1 Les conditions générales de vente, de livraison et de paiement suivantes réglementent les relations commerciales de Wiesenhof, dans la mesure où ces relations commerciales existent avec des entreprises (des personnes naturelles ou juridiques ou des sociétés de personnes ayant la personnalité juridique qui, au moment de la conclusion d'un acte juridique, agissant en exercice de leur activité professionnelle ou libérale). Les conditions exposées ci-dessous ne sont pas applicables dans le cas de rapports juridiques avec des consommateurs qui n'agissent pas dans le cadre de leur activité professionnelle ou libérale.
11. Lieu d'exécution et tribunal compétent, droit applicable
11.1 Le lieu d'exécution pour Wiesenhof est le siège du site de production concerné, le lieu de paiement pour l'acheteur est Rechterfeld.
11.2 Dans toutes les relations contractuelles dans lesquelles l'acheteur est intervenu en tant qu'intermédiaire ou dans lesquelles l'acheteur n'est pas soumis à la compétence des tribunaux en Allemagne, la compétence est attribuée aux tribunaux de D-Rechterfeld/Allemagne. Cela vaut aussi pour les demandes ayant pour objet des traites ou des chèques. Les demandes peuvent aussi être introduites au siège du défendeur. " ;
Considérant que, contrairement à ce que prétend DSL, l'expression " dans la mesure où ces relations commerciales existent " n'a pas, compte tenu de son contexte, pour objet d'exclure du champ d'application des conditions générales les litiges qui découleraient de la rupture des relations contractuelles ou les litiges de nature délictuelle entre les parties, mais seulement d'écarter de ce champ d'application les rapports avec les consommateurs ; que l'expression de " conditions générales de vente, de livraison et de paiement " est un intitulé générique dont on ne peut pas davantage déduire, contrairement à ce que soutient la contredisante, une volonté des parties d'écarter de la clause d'élection de for les différends relatifs à la rupture des liens contractuels ;
Considérant que cette clause, qui prévoit la compétence des tribunaux de Rechterfeld, " dans toutes les relations contractuelles dans lesquelles l'acheteur est intervenu en tant qu'intermédiaire ou dans lesquelles l'acheteur n'est pas soumis à la compétence des tribunaux en Allemagne ", est conçue en des termes extensifs qui incluent tous les litiges découlant du rapport contractuel, peu important qu'ils soient, en droit français, qualifiés de délictuels ;
Et considérant qu'il résulte de l'autonomie de la clause attributive de juridiction que la cessation des relations contractuelles ne met pas un terme à l'efficacité de cette stipulation ;
Considérant qu'il convient donc de rejeter le contredit et de condamner DSL, partie succombante à payer à Wiesenhof la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Rejette le contredit, Condamne la société DSL Distribution aux dépens et au paiement à la société Wiesenhof International GmbH de la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.