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Décisions

Cass. com., 19 janvier 2016, n° 14-16.272

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Epil Sun (SARL), Sud Est (SARL), Bidan (ès qual.), Mauras (ès qual.)

Défendeur :

International esthétique (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Piwnica, Molinié

T. com. Paris, 19e ch., du 26 sept. 2012

26 septembre 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 2014), que le 22 mai 2003, M. Daniel a conclu avec la société International esthétique (le franchiseur) exploitant un réseau de franchise sous l'enseigne " Epil Center ", un contrat de " réservation multizones " destiné " à prendre date pour une réservation territoriale élargie " ; qu'agissant pour le compte de la société Epil Sun, qu'il a créée puis dirigée, il a conclu successivement plusieurs contrats de franchise sous cette enseigne, en particulier à Nantes rue de Santeuil (Nantes) ; que le franchiseur ayant procédé au cours de l'année 2006 à la substitution de cette enseigne par celle d'" Esthetic Center ", la société Epil Sun a signé un nouveau contrat de franchise pour un institut situé à Rézé, lequel a été exploité, sous cette enseigne, par la société Sud Est, également créée et dirigée par M. Daniel ; que le franchiseur a adressé à la société Sud Est, qui exploitait aussi un institut à Vertou, sous l'enseigne Esthetic Center, un contrat de franchise qui n'a pas été signé ; que des difficultés étant intervenues, la société Epil Sun a, le 9 avril 2010, résilié l'ensemble des contrats de franchise sous cette enseigne, en indiquant qu'elle cessait, ainsi que la société Sud Est, d'utiliser la marque Esthetic Center pour les instituts de Nantes, de Vertou et de Rézé, ces instituts prenant la dénomination " Top Beauté " ; que le franchiseur a assigné les sociétés Epil Sun et Sud-Est en résiliation abusive et paiement de dommages-intérêts ; que ces dernières ont opposé la nullité des contrats pour indétermination de l'objet et défaut d'écrit ; qu'elles ont été mises en redressement judiciaire par jugement du 23 janvier 2013 ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches : - Attendu que les sociétés Epil Sun et Sud Est font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'annulation des contrats de franchise, de restitutions et de dommages-intérêts et de résilier à leurs torts les contrats de franchise Epil Center et Esthetic Center alors, selon le moyen : 1°) que la société Epil Sun faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le franchiseur avait dissimulé le fait que son dirigeant avait fait l'objet d'une sanction de faillite personnelle et d'une interdiction de gérer de cinq ans et que cette dissimulation avait déterminé son consentement ; que la cour d'appel a admis que le passé judiciaire du dirigeant de la société International esthétique n'était pas connu de M. Daniel, gérant de la société Epil Sun ; qu'en se bornant à énoncer qu'il n'était pas justifié de ce que l'absence de cette information avait vicié le consentement de la franchisée, la cour d'appel s'est prononcée par voie de simple affirmation, et a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que si l'exclusivité territoriale n'est pas, en principe, un des éléments constitutifs du contrat de franchise, il en va autrement dans un contrat de franchise comportant une telle exclusivité ; que dans ce cas, la délimitation de la zone d'exclusivité constitue une élément constitutif du contrat en l'absence duquel celui-ci est nul, faute d'objet ; qu'en jugeant sans incidence l'absence de délimitation de la zone d'exclusivité dans plusieurs contrats conclus entre la société Epil Sun et la société International esthétique, au motif inopérant que l'exclusivité territoriale n'est pas un des éléments constitutifs du contrat de franchise, la cour d'appel a violé l'article 1129 du Code civil, ensemble l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 3°) qu'en relevant, pour écarter le moyen tiré de l'indétermination de l'objet de plusieurs contrats de franchise qui ne précisaient pas l'étendue géographique de l'exclusivité d'exploitation conférée au franchisé, que le contrat de réservation de 2003 avait fait référence à la zone Nantes Saint-Herblain, qu'un contrat de réservation avait été à nouveau signé en 2007 sur la zone de Beaulieu et que la somme réglée pour cette réservation a été reportée en 2009 sur la zone Saint-Sébastien - Vertou, ou encore que les sociétés Epil Sun et Sud Est pouvaient parfaitement appréhender le territoire réservé et qu'elles ont bénéficié d'une exclusivité territoriale qui ne leur a pas été contestée et sur laquelle elles n'ont jamais eu le moindre doute dont elles se seraient ouvertes au franchiseur, la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à conférer aux contrats de franchise l'objet qui leur faisait défaut, et a violé l'article 1129 du Code civil, ensemble l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 4°) qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'annexe du contrat, jamais établie, ne devait pas comporter " un plan de la ville matérialisant strictement la délimitation géographique du territoire protégé du franchisé ", ce qui excluait que la zone protégée eût couvert la totalité de la ville visée dans le contrat de réservation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1129 du Code civil, ensemble l'article L. 330-3 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant que n'était justifiée par aucun élément objectif sérieux l'allégation selon laquelle les sociétés Epil Sun et Sud Est n'auraient pas contracté si elles avaient eu l'intégralité des renseignements dont elles déplorent l'absence, la cour d'appel n'a pas méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que les contrats de réservation signés en 2003 et en 2007 faisaient respectivement référence à la zone Nantes-Saint Herblain et à la zone de Beaulieu à laquelle la zone de Saint Sebastien-Vertou a été substituée, et que la définition des territoires d'exclusivité n'a fait l'objet ni d'interrogation ni de contestation entre les parties ; qu'en l'état de ces motifs, déduits de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, pu décider que les zones d'exclusivité territoriale des contrats de franchise de l'institut Nantes/Santeuil exploité par la société Epil Sun et de l'institut de Vertou, exploité par la société Sud Est, étaient définies entre les parties ; d'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, le deuxième moyen et le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche, rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que les sociétés Epil Sun et Sud Est font encore grief à l'arrêt de les condamner au paiement d'une certaine somme pour violation de la clause de non-création de réseau concurrent alors, selon le moyen : 1°) que le contrat de franchise avec clause d'exclusivité doit, à peine de nullité, être passé par écrit et signé par les parties ; que la cour d'appel a constaté que pour l'exploitation de l'institut de Nantes (rue de Santeuil) par la société Epil Sun sous l'enseigne Esthetic Center, aucun écrit n'avait été établi ; qu'en donnant effet à un tel contrat qui ne s'était pas formé, faute d'écrit signé par les parties, et dont la preuve ne pouvait être administrée par tous moyens, la cour d'appel a violé l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 2°) que le contrat de franchise avec clause d'exclusivité doit, à peine de nullité, être passé par écrit et signé par les parties ; que la cour d'appel a constaté que pour l'exploitation de l'institut de Vertou par la société Sud Est sous l'enseigne Esthetic Center, aucun écrit n'avait été établi ; qu'en donnant effet à un tel contrat qui ne s'était pas formé, faute d'écrit signé par les parties, et dont la preuve ne pouvait être administrée par tous moyens, la cour d'appel a violé l'article L. 330-3 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, pour l'institut de Vertou, le contrat de franchise a fait l'objet d'un écrit reçu par la société Epil Sun, qui a refusé de le retourner revêtu de sa signature, tout en poursuivant l'exploitation selon les termes et conditions précises qu'il contenait, lesquelles étaient d'ailleurs identiques à celles des contrats Epil Center, et qu'il en est de même de l'institut de Nantes, l'avenant écrit n'ayant pas été retourné signé malgré le changement d'enseigne opéré par le franchisé ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, dont il résulte que les franchisés qui ont poursuivi l'exploitation des instituts conformément aux documents écrits qui leur avaient été adressés, les avaient acceptés, la cour d'appel a pu écarter la demande d'annulation formée par les sociétés franchisées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que les société Epil Sun et Sud Est font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive et de dire que les contrats de franchise sont résiliés à leurs torts alors, selon le moyen, que la cour d'appel a constaté que si le franchiseur avait maintenu la promotion de ses deux enseignes, fait des annonces publicitaires associant les deux enseignes, la société Epil Sun ne pouvait toutefois exiger d'autres efforts du franchiseur pour maintenir le réseau " Epil Center " que la quasi-totalité des franchisés avaient abandonné au profit du réseau " Esthetic Center " ; qu'en écartant néanmoins tout manquement contractuel de la part du franchiseur, après avoir admis que celui-ci avait limité ses efforts pour maintenir le réseau " Epil Center ", au motif inopérant tiré de la nécessité de promouvoir le réseau " Esthetic Center " adopté désormais par la quasi-totalité des franchisés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'adoption de la nouvelle enseigne devait entraîner une progression du chiffre d'affaires des instituts par l'extension des prestations proposées en réponse à l'évolution des besoins de la clientèle, que la nouvelle enseigne était proposée aux franchisés dans des conditions raisonnables de délai, sans investissements lourds et sans modification ni du contenu ni de l'objet du contrat initial, puis retenu que le franchiseur, qui avait maintenu la promotion de ses deux enseignes et fait des annonces publicitaires en les associant, et sans délaisser l'exploitation de la marque Epil Center, la cour d'appel n'a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations en retenant que le franchiseur n'avait pas manqué à ses obligations ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et le cinquième moyen, rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que les sociétés Epil Sun et Sud Est font grief à l'arrêt de fixer au passif de la procédure collective de la société Epil Sun la créance du franchiseur de 60 000 euro à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-création de réseau concurrent et de fixer au passif de la procédure de la société Sud Est la créance du franchiseur de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts pour violation de la même clause alors, selon le moyen : 1°) que dans ses conclusions d'appel , la société International esthétique se bornait à invoquer la violation de la clause de non-création d'un réseau concurrent contenue dans le contrat de franchise " Esthetic Center " ; qu'en reprochant à la société Epil Sun un manquement à la clause de non-création d'un réseau concurrent contenue dans les contrats de franchise " Epil Sun ", la cour d'appel a modifié les termes du litige, et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) que le bénéfice de l'exemption prévue à l'article 5 b) du règlement 2790-1999 en faveur des clauses de non-concurrence post-contractuelles est réservé uniquement à celles, d'une durée d'un an, qui sont limitées aux locaux et aux terrains à partir desquels celui qui l'a souscrite a opéré pendant la durée du contrat et qui sont indispensables à la protection du savoir-faire qui lui a été transféré par son cocontractant ; qu'en déclarant valable la clause interdisant au franchisé de créer un réseau concurrent, dans le même domaine, sur toutes les villes où sont implantés les instituts Epil Center ou Esthetic Center, quand une telle clause, pour être valable, aurait dû être limitée aux locaux où la société Epil Sun exploitait ses instituts, la cour d'appel a violé le texte précité ; 3°) qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Epil Sun faisant valoir que la clause de non-création de réseau était sans aucune portée dans la mesure où il n'existait plus de franchisés Epil Center, et qu'il n'y avait donc plus de réseau Epil Center à protéger, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que le grief de la première branche exploite une erreur de plume qui a fait écrire à la cour d'appel " Epil Sun " au lieu d' " Epil Center " et qui doit être rectifiée selon ce que la raison commande ;

Attendu, en second lieu, qu'en retenant que la clause litigieuse n'interdisait pas la poursuite de l'activité du franchisé, mais seulement la création d'un réseau concurrent, qu'elle était limitée, dans le temps, à un an et, dans l'espace, aux villes où les instituts du franchisé étaient exploités, qu'elle était proportionnée à l'intérêt du franchiseur à préserver le réseau existant, la cour d'appel, qui a répondu par là-même aux conclusions prétendument délaissées, a pu décider que la clause était valable ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.