Cass. com., 9 décembre 2014, n° 13-17.098
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
JLV automobiles (Sté)
Défendeur :
Dewerdt, Volkswagen Bank (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Le Prado, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, SCP Jean-Philippe Caston
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, du 4 mars 2013), que le 6 janvier 2006, la société JLV automobiles, membre du réseau de distribution de véhicules Skoda, a souscrit auprès de la société Volkswagen finance, aux droits de laquelle se trouve la société Volkswagen Bank, une convention de financement aux termes de laquelle lui ont été consenties des lignes de crédit destinées à financer son activité de distributeur ; que cette convention comportait une clause intitulée " droit de rétention sur les documents administratifs ", stipulant que les documents d'immatriculation remis en garantie seraient conservés par la société Volkswagen finance qui les transmettrait au distributeur, sur sa demande, dès que le montant du financement correspondant lui aurait été remboursé intégralement ; que M. X... a, le 29 août 2006, fait l'acquisition auprès de la société JLV automobiles d'un véhicule Skoda dont il a ultérieurement reçu livraison et payé le prix ; que n'ayant pas obtenu la remise de la carte grise du véhicule, M. X... a assigné la société JLV automobiles en résolution de la vente, restitution du prix et dommages-intérêts ; que la société JLV automobiles a appelé dans la cause la société Volkswagen Bank aux fins de restitution de la carte grise afférente à ce véhicule ; que le tribunal a prononcé la résolution de la vente et statué sur les autres demandes ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société JLV automobiles fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 766,29 euro l'indemnité de jouissance mise à la charge de M. X... alors, selon le moyen, que l'effet rétroactif de la résolution d'une vente pour défaut de conformité à la commande permet au vendeur de réclamer à l'acquéreur une indemnité correspondant à la dépréciation subie par la chose en raison de l'utilisation que ce dernier en a faite, cette dépréciation due à l'usure n'étant pas limitée aux seules dégradations ; qu'en limitant l'indemnité due par M. X... à la société JLV automobiles au seul coût de la réparation des dégradations subies par le véhicule vendu, sans tenir compte de l'usure de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu qu'en raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, le vendeur n'est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant à la seule utilisation de la chose ; qu'ayant constaté que les désordres mentionnés par l'expert judiciaire étaient consécutifs à l'usage qui avait été fait du véhicule par l'acquéreur et relevé que la société JLV automobiles ne justifiait de l'existence d'aucune dépréciation supplémentaire depuis le dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que cette société n'était pas fondée à solliciter une indemnité destinée à compenser la seule vétusté du véhicule ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société JLV automobiles fait encore grief à l'arrêt de rejeter son appel en garantie dirigé contre la société Volkswagen Bank alors, selon le moyen : 1°) que le contrat de compte courant est caractérisé par la possibilité de remises réciproques s'incorporant dans un solde pouvant, dans la commune intention des parties, varier alternativement au profit de l'une ou de l'autre ; qu'en écartant l'existence d'un compte courant entre la société JLV automobiles et la société Volkswagen finance, tout en relevant que la société Volkswagen finance avait fait des versements sur un compte de la société JLV automobiles, que des paiements par compensation étaient possibles et que la société JLV automobiles avait effectué des remises pour des remboursements et le paiement d'intérêts, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que l'exercice d'un droit de rétention n'est pas légitime s'il est abusif ; qu'en excluant tout caractère abusif du droit de rétention exercé par la société Volkswagen Bank, venant aux droits de la société Volkswagen finance, et toute incidence de cet exercice sur le paiement du prix du véhicule par M. X..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cela ne résultait pas des retards de livraison, du raccourcissement des délais de paiement, de la rupture brutale de concours bancaires et de l'instrumentalisation des clients, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2286 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté que la société JLV automobiles était liée à la société Volkswagen finance par une convention de financement aux termes de laquelle étaient mises à sa disposition deux lignes de crédit destinées à lui permettre de financer les véhicules qu'elle entendait acquérir, l'arrêt relève que les sommes qui ont pu lui être versées par la société Volkswagen finance correspondaient au déblocage de fonds dans le cadre de ces lignes de crédit, que le paiement par compensation prévu par la convention de financement n'était rendu possible que dans le cas où le compte du distributeur présentait des dettes exigibles non régularisées et que, par courrier du 26 décembre 2006, la société JLV automobiles a informé la société Volkswagen finance de l'envoi de trois chèques destinés à honorer des échéances " concernant notre prêt " ; qu'il ajoute que la convention de financement stipulait que les documents administratifs remis en garantie devaient être conservés par la société Volkswagen finance et seraient transmis au distributeur sur sa demande, dès que le montant du financement correspondant aurait été intégralement remboursé ; que de ces constatations faisant ressortir que les parties n'avaient pas soumis leurs relations financières aux règles du compte courant dans le cadre duquel les créances de la société Volkswagen finance auraient perdu leur individualité, la cour d'appel a pu déduire que l'existence d'un compte courant entre la société JLV automobiles et la société Volkswagen finance n'était pas démontrée ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt retient qu'en conservant, à titre de garantie, les documents administratifs afférents au véhicule vendu à M. X..., la société Volkswagen finance a exercé son droit de rétention en conformité avec les stipulations de la convention de financement qui la liait à la société JLV automobiles ; qu'il retient également qu'à supposer fautif le comportement des sociétés du groupe Volkswagen à l'égard de la société JLV automobiles, celle-ci ne démontre pas qu'une telle faute ait été à l'origine du défaut de paiement du véhicule de M. X... à la société Volkswagen finance dans la mesure où le prix de ce véhicule avait été réglé par le client final ; qu'il en déduit que le droit de rétention n'a pas été exercé abusivement par la société Volkswagen finance ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer des recherches que ses constatations et appréciations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.