CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 27 janvier 2016, n° 12-21773
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Traitement des Eaux Drome Ardèche (SARL), Le Meilleur de l'Eau (SARL)
Défendeur :
Culligan France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Luc
Avocats :
Mes Bourgeon, Fisselier, Bernabe, Dary
FAITS ET PROCÉDURE
En mars 1975, la société à responsabilité limitée Traitement des Eaux de la Drôme et de l'Ardèche (TEDA) est devenue concessionnaire de matériels et solution pour le traitement de l'eau de la société Culligan sur un territoire correspondant aux départements de la Drôme et de l'Ardèche outre quatre cantons situés dans l'Isère et le Vaucluse.
Monsieur Rup a acquis les parts de la société TEDA.
Le 26 septembre 1997, Monsieur Rup a signé avec la société Culligan un contrat de concession et a transféré ce contrat à la société TEDA. Le contrat avait une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction ensuite chaque année. Il permettait à la société TEDA de vendre des matériels sur le territoire donné à titre exclusif. Un avenant du même jour précisait que Monsieur Rup et la société TEDA avaient la distribution exclusive des fontaines et eau de boisson pour le territoire et la durée du contrat initial.
Un contrat de concession a été signé le 17 décembre 2001 avec Monsieur Rup pour qu'il exploite sous la forme de la société à responsabilité limitée Le Meilleur de l'Eau qu'il avait créée à cette fin certains cantons sud des départements concédés qui étaient de ce fait retirés à la société TEDA. Le contrat d'une durée initiale de trois ans était renouvelable par tacite reconduction chaque année. Un avenant du même jour était signé, ayant le même objet et dans les mêmes termes que l'avenant au profit de TEDA.
La relation entre les sociétés TEDA, Le Meilleur de l'Eau et la société Culligan s'est poursuivie jusqu'en 2010.
Le 7 juin 2010, la société Culligan a notifié sa décision de ne pas renouveler les contrats de concession expirant le 26 septembre 2010 pour la société TEDA et le 17 décembre 2010 pour la société Le Meilleur de l'Eau. La société Culligan a maintenu le préavis jusqu'au 31 mars 2011.
Les sociétés TEDA et Le meilleur de l'eau ont contesté cette décision et ont assigné par acte du 10 mars 2011 la société Culligan France pour rupture brutale des relations commerciales.
Par jugement du 12 novembre 2012, le Tribunal de commerce de Lyon a :
- constaté que les sociétés TEDA et Le meilleur de l'eau ont commis des manquements contractuels de nature à justifier la rupture des relations commerciales,
- jugé le délai de préavis de résiliation des contrats de concession suffisant,
- débouté les sociétés TEDA et Le meilleur de l'eau de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné solidairement les sociétés TEDA et Le meilleur de l'eau à payer à la société Culligan la somme de 15 000 euro en remboursement des redevances liées à la vente des fontaines à eau,
- dit que la société TEDA n'a pas respecté ses obligations de fin de contrat en ne retirant pas le panneau " Boutique de l'eau ",
- rejeté partiellement la demande de la société Culligan relative à l'application de la sanction prévue par le contrat de concession en cas de retard dans la dépose des panonceaux et enseignes,
- dit que la société TEDA n'a pas contrefait les droits de propriété intellectuelle de la société Culligan,
- condamné la société TEDA à déposer le panonceau sous astreinte de 75 euro par jour de retard, le délai commençant à courir du premier jour du mois suivant la signification du présent jugement ; le tribunal se réservant le droit de pouvoir liquider l'astreinte,
- condamné solidairement les sociétés TEDA et Le meilleur de l'eau à verser à la société Culligan la somme de 1000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les a condamnées aux entiers dépens.
La société TEDA et la société Le Meilleur de l'Eau ont interjeté appel de cette décision le 30 novembre 2012.
La dissolution anticipée sans liquidation de la société TEDA a été décidée le 24 novembre 2014. Le patrimoine de cette société a été transmis à la société Le Meilleur de l'Eau.
Vu les dernières conclusions du 19 octobre 2015, par lesquelles la société Le Meilleur de l'Eau demande à la cour de :
- Donner acte à la société Le Meilleur de l'Eau de ce qu'elle intervient au lieu et place de la SAS Traitement des Eaux Drôme Ardèche TEDA en suite d'une transmission universelle de son patrimoine prononcée par décision du 24 novembre 2014,
- Dire la société Le meilleur de l'Eau aux droits de la société Traitement des Eaux Drôme Ardèche TEDA et la société Le Meilleur de l'Eau recevable et fondée en son appel,
- Infirmer le jugement entrepris,
Sur les demandes principales de la société Le Meilleur de l'Eau aux droits de la société Traitement des Eaux Drôme Ardèche TEDA et de la société Le Meilleur de l'Eau :
- Dire et juger que la société Culligan France a rompu brutalement la relation commerciale établie qu'elle poursuivait avec la société Traitement des Eaux Drôme Ardèche TEDA et la société Le Meilleur de l'Eau,
- Condamner, en conséquence, la société Culligan France à payer, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlé de l'insuffisance du préavis de rupture de la relation commerciale :
A la société Le Meilleur de l'Eau venant aux droits de la société Traitement des Eaux Drôme Ardèche, la somme de : 1 137 758 euro
A la société Le Meilleur de l'Eau, la somme de : 754 370 euro
Sur les demandes reconventionnelles de la société Culligan France :
- Constater que la société Culligan France a implicitement mais nécessairement renoncé au paiement des redevances au titre de l'activité fontaines à eau poursuivie par les sociétés Traitement des Eaux Drôme Ardèche et Le Meilleur de l'Eau postérieurement au 1er Janvier 2007,
En conséquence :
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Traitement des Eaux Drôme Ardèche et Le Meilleur de l'Eau au paiement d'une somme " forfaitaire " de 15 000 euro en " remboursement " desdites redevances,
Débouter la société Culligan France de son appel incident aux fins de condamnation de la société Traitement des Eaux Drôme Ardèche au paiement d'une somme de 76 376,13 euro en principal et intérêts,
- Constater que la société Culligan France ne justifie pas du maintien de l'enseigne " La Boutique de l'Eau " sur les locaux de la société Le Meilleur de l'Eau à Montélimar postérieurement à sa première mise en demeure du 9 mars 2012,
- Infirmer, en conséquence, le jugement en ce qu'il a condamné la société Traitement de Eaux Drôme Ardèche au paiement d'une astreinte de 75 euro jusqu'à dépose de ladite enseigne,
- Condamner la société Culligan France à payer à la société Le Meilleur de l'Eau la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société Culligan France aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP AFG, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions du 25 septembre 2015 par lesquelles la société Culligan demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement du 12 novembre 2012 rendu par le Tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions et réviser le montant dû au titre des redevances et le porter à 76 373,16 euro, et fixer le point de départ de l'astreinte au 9 décembre 2011 jour des conclusions valant mise en demeure.
A titre subsidiaire,
- constater que les sociétés TEDA, aux droits de laquelle vient la société Le Meilleur de l'Eau, et Le meilleur de l'Eau n'établissent pas la réalité de leur préjudice,
- constater l'absence de tout préjudice subi par TEDA, aux droits de laquelle vient la société Le Meilleur de l'Eau, et Le Meilleur de l'Eau en relation directe avec la brutalité de la rupture de relations commerciales par Culligan France.
Par conséquent,
- débouter TEDA et Le Meilleur de l'Eau de l'intégralité de leurs demandes.
En tout état de cause,
- condamner solidairement la société TEDA aux droits de laquelle vient la société Le Meilleur de l'Eau et Le Meilleur de l'Eau à payer à Culligan France la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société TEDA aux droits de laquelle vient la société Le Meilleur de l'Eau et Le Meilleur de l'Eau aux entiers dépens.
SUR CE :
Sur la demande pour rupture brutale des relations commerciales :
Considérant, selon la société appelante que ni le préavis contractuel de 3 mois, ni le préavis de 9 mois avec lequel la société Culligan a dénoncé la relation commerciale poursuivie avec les sociétés TEDA et Le Meilleur de l'Eau, n'étaient suffisants au regard des "circonstances de l'espèce", que la relation commerciale était caractérisée par trente-cinq années de partenariat économique entre la société TEDA et la société Culligan, ainsi qu'entre la société le Meilleur de l'Eau et la société Culligan ; que cette relation associée à une dépendance économique doit justifier un délai de préavis de trente-six mois ; qu'en effet, l'obligation d'exclusivité et de non-concurrence à laquelle les sociétés TEDA et Le Meilleur de l'Eau étaient tenues contractuellement les plaçait nécessairement dans une situation de dépendance économique à l'égard de la société Culligan France (trois quarts de leurs achats étaient effectués auprès de Culligan), qu'il n'existait pas de fournisseur de substitution ou de solution alternative, compte tenu de la position prépondérante de Culligan sur le marché des matériels de traitement de l'eau, que le maintien de la possibilité de se réapprovisionner est illusoire, et que leur reconversion ne pouvait passer que par une réorientation complète de l'activité nécessitant un préavis beaucoup plus long ; que la société Le Meilleur de l'Eau conteste les griefs que forme Culligan et qui, selon elle, sont invoqués a posteriori par la société Culligan pour ne pas faire face à son obligation de respecter un préavis suffisant,
Considérant que pour s'opposer à la demande indemnitaire formée par les sociétés TEDA et LMDE en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, la société Culligan fait valoir que les appelantes ont commis des fautes contractuelles justifiant la rupture des contrats et en toute hypothèse un préavis inférieur à celui qu'elle leur a octroyé de dix mois,
Qu'elle fait valoir que le préavis accordé était suffisant au regard des dispositions contractuelles (préavis de trois mois), qui doivent normalement être privilégiées, et au regard de ce qui a été effectivement accordé (dix mois), que compte tenu du caractère intuitu personae du contrat, la relation commerciale engagée avec Monsieur Rup en 1997 n'était pas la poursuite de la relation engagée avec d'autres auparavant, de sorte que la relation commerciale a effectivement duré douze années et demi entre Culligan et TEDA, et huit années et demi entre Le Meilleur de l'Eau et Culligan ; qu'elle ajoute que le courant d'affaires entre les parties était en diminution depuis de nombreuses années, que la société TEDA et Le meilleur de l'eau n'avaient eu aucun mal à trouver des solutions alternatives, d'autant plus qu'elle ne leur a fait aucune concurrence ; que la durée du préavis de dix mois était suffisante,
Mais considérant que la société Culligan France a adressé à la "société TEDA Monsieur Philippe Rup", un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 7 juin 2010, dans lequel elle indiquait : "Par la présente et faisant suite à notre conversation téléphonique du jeudi 3 juin dernier, je vous confirme la décision de notre société de ne pas renouveler le contrat de concessionnaire en date du 26 septembre 1997 conclu avec la société TEDA, expirant le 26 septembre 2010. A titre commercial, nous vous proposons de prolonger le préavis jusqu'au 31 mars 2011 afin de mettre un terme définitif aux relations commerciales entre nos sociétés. ..." ; que la société Culligan France a adressé à la société "Le Meilleur de l'Eau Monsieur Philippe Rup", un courrier recommandé avec accusé de réception daté également du 7 juin 2010, dans lequel elle indiquait : "Par la présente et faisant suite à notre conversation téléphonique du jeudi 3 juin dernier, je vous confirme la décision de notre société de ne pas renouveler le contrat de concessionnaire en date du 17 décembre 2001 conclu avec la société Le Meilleur de l'Eau, expirant le 17 décembre 2010. A titre commercial, nous vous proposons de prolonger le préavis jusqu'au 31 mars 2011 afin de mettre un terme définitif aux relations commerciales entre nos sociétés..." ;
Considérant que les sociétés TEDA et Le Meilleur de l'Eau contestaient la décision par courriers du 30 juin ; que par la suite, par un courrier du 23 septembre 2010, la société Culligan faisait état de différents manquements contractuels (paiement de la redevance pour les locations de fontaine et eau, violation de l'obligation d'exclusivité et de l'article 3 du contrat), que ces manquements étaient alors discutés par courriers du 29 septembre, 3 novembre 2010 de TEDA-LMDE et du 19 octobre 2010 de Culligan,
Considérant que l'article L. 442-6 I 5 ° du Code de commerce précise : "Engage la responsabilité de son auteur à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel... de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale... Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations...",
Considérant que la rupture des relations commerciales a été annoncée par deux courriers du 7 juin 2010 dans lesquels la société Culligan ne faisait état d'aucun grief concernant l'exécution par TEDA et LMDE de leurs obligations contractuelles ; qu'il apparaît en effet que la non-reconduction à son terme d'un contrat à durée déterminée est toujours possible sans qu'il y ait lieu de faire état des motifs du non-renouvellement, dès lors qu'un préavis suffisant au regard de la durée des relations entretenues par les parties est respecté,
Considérant ainsi que les griefs exposés postérieurement aux deux courriers du 7 juin 2010 n'ont pas justifié la rupture des relations et qu'il doit être observé qu'ils ne constituaient manifestement pas un obstacle à la poursuite des relations entre les parties ;
Qu'il sera indiqué en effet qu'après des lettres en date du 5 janvier 2004 et 6 décembre 2006 selon lesquelles était rappelée l'obligation de déclarer les revenus tirés de la location des fontaines et de payer les redevances, aucun courrier n'a été adressé à TEDA et à LMDE sur ce point, alors que ces sociétés ne déclaraient et ne payaient plus rien depuis plusieurs années ;
Que pour ce qui concerne la violation de l'exclusivité, Culligan avait rappelé dans un courrier fort ancien du 5 janvier 2004, l'obligation de respecter l'interdiction de vendre des matériels concurrents de la marque Culligan (il s'agissait de la vente ponctuelle de onze adoucisseurs d'eau de type collectif) et que dans un courrier du 25 septembre 2007, la société Culligan écrivait : "Vos explications et les pièces afférentes m'ont convaincu que vous n'avez pas enfreint vos obligations de concessionnaire en matière d'approvisionnement... Lorsqu'un adoucisseur "autre marque" est vendu et facturé en raison d'un manque de notre gamme, il conviendrait par cohérence que la facture mentionne "installation d'un adoucisseur autre marque" et non "installation d'un Mark", propos qui excluent toute gravité dans la violation commise par Culligan Drôme Ardèche ; que de même, la baisse du volume des commandes de produits Culligan depuis 2004 constante, excepté pour l'année 2005 (part du CA volume achat Culligan France pour TEDA - LMDE en 2005 : - 38,84 %, en 2006 : + 6,43 %, en 2007 : - 1,10 %, en 2008 : - 28,55 %, en 2009 : - 22,28 %) n'a pas fait l'objet d'observation de la part de Culligan, même si la baisse était supérieure à la moyenne de celle qui a pu affecter le volume des autres concessionnaires Culligan ;
Que l'article 1 .1 du contrat précisait que TEDA et LMDE devaient indiquer sur leurs papiers commerciaux leur qualité de concessionnaire Culligan et il apparaît que ces sociétés ne l'ont pas indiqué ; qu'en le reprochant pour la première fois au cours de la procédure, Culligan montre qu'elle ne tenait pas ce manquement pour grave d'autant plus que rien ne permet de dire qu'il n'ait résulté confusion et préjudice pour la société Culligan ;
Qu'enfin, le défaut de respect des délais de paiement est postérieur à la rupture ;
Qu'il apparaît que ces divers griefs viennent justifier sans efficacité une décision de rompre les relations commerciales que Culligan pouvait prendre sans donner d'explications particulières, ayant pour seule obligation de respecter un délai de préavis suffisant,
Considérant que selon les pièces du débat, le contrat était "strictement personnel et conclu intuitu personae" et le contrat était conclu en considération de la personne du concessionnaire, qu'il s'agisse d'une personne physique ou d'une personne morale, la structure et la personnalité des dirigeants étant un élément important ; que la société Culligan entendait avoir avec ses concessionnaires un lien personnel fort ; que lors de la signature du contrat avec "M. Rup et la société TEDA" en 1997, elle n'a à aucun moment manifesté la volonté de reprendre et continuer le partenariat économique qui existait avec la société TEDA dont Madame Echart était la gérante ; que c'est par conséquent à la date de la signature du contrat intervenu entre "'M. Rup la société TEDA'" et la société Culligan que les relations commerciales ont commencé ; qu'en revanche, le contrat signé en 2001 entre "M. Rup la société LMDE" et la société Culligan est la reprise simple et dans la continuité, des relations existant entre "'M. Rup la société TEDA" et la société Culligan, s'agissant alors d'opérer une division du territoire concédé à titre exclusif à TEDA au profit de LMDE, ce qui ne modifiait pas la relation commerciale engagée en 1997 ; qu'ainsi, il peut être admis que la relation commerciale avec LMDE a commencé le jour du contrat du 26 septembre 1997 ; que la durée des relations commerciales de la société Culligan avec les sociétés TEDA et LMDE est de 13 ans 9 mois,
Considérant que les appelantes font état de la durée des relations entretenues, leur dépendance économique, de l'absence d'alternative compte tenu de la position prépondérante de Culligan, de circonstances particulières qui justifieraient un allongement de la durée du préavis ; que certes en contrepartie de l'exclusivité territoriale qui leur était consentie, elles avaient l'interdiction de vendre des produits concurrents de ceux de la société Culligan pour lesquels elles détenaient une exclusivité et qui étaient listés ; que toutefois, si la cour constate que si la société TEDA réalisait 63 % et la société LMDE 84 % de ses achats avec Culligan, elle constate également que ces sociétés vendaient, outre les produits Culligan "listés", des produits Culligan "non listés" tels que les produits de régénération Culligan ainsi que tout autre produit non concurrent, et que contrairement à ce qu'elles soutiennent, la dépendance des deux sociétés ne peut être appréciée qu'au regard du seul chiffre d'affaires réalisé avec les produits "listés" ; qu'il apparaît que le chiffre d'affaires total des deux sociétés TEDA et LMDE n'a pas baissé dans les mêmes proportions que le chiffre d'affaires réalisé avec la vente des produits Culligan "listés" qui était en régression depuis 2007, ce qui permet de dire que les deux sociétés diversifiaient leurs activités, n'offrant plus seulement des produits à la vente mais proposant des services d'entretien et réparation ; qu'enfin, par la présence d'autres acteurs sur le marché du traitement de l'eau, des solutions alternatives existaient ;
Considérant que dans ces circonstances, le préavis de dix mois était suffisant ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société Culligan : la demande en paiement des redevances pour les fontaines d'eau et bouteilles d'eau :
Considérant que la société Culligan fait valoir que les redevances n'ont pas été payées depuis 2004, ce que les sociétés TEDA et LMDE ne contestent pas ; qu'elle ajoute que ces sociétés n'ayant jamais produit les documents permettant d'en fixer le montant, les redevances doivent être estimées pour la période de 2004 jusqu''en 2010, à la somme de 76 373, 16 euro ; que Culligan fait valoir que la "demande" de prescription ne saurait être accueillie en appel et qu'en toute hypothèse, la prescription n'est pas acquise ; que les sociétés TEDA et LMDE contestent la demande en paiement, faisant état d'une renonciation de Culligan et ajoutant que la demande en paiement est prescrite pour les sommes dues avant 2007 ;
Mais considérant que le défaut de réclamation pendant plusieurs années du paiement des redevances pour les locations de fontaines ne peut valoir renonciation à ultérieurement en solliciter le paiement, et que seule la prescription peut éventuellement être valablement invoquée ;
Considérant que selon les articles 122 et 123 du Code de procédure civile, la prescription est une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état des causes, y compris devant la cour ; que s'agissant d'un moyen de défense, elle ne peut être qualifiée de "demande nouvelle" ; que toutefois, il apparaît que la prescription ne peut avoir couru pour la demande en paiement de sommes d'argent à échéance périodique lorsque la détermination de la créance est subordonnée à des éléments non connus du créancier, notamment des déclarations que doit faire le débiteur, et qu'en l'espèce, la détermination des sommes effectivement dues est subordonnée aux éléments d'informations sur les locations que devaient fournir les deux concessionnaires ;
Considérant que si le principe du bien-fondé de la demande en paiement est établi, il appartient cependant à la société Culligan de ventiler les sommes estimées dues par chaque société quand bien même la société Le Meilleur de l'Eau qui vient en son nom propre mais également au nom de la société TEDA, se trouve désormais seule débitrice des sommes effectivement dues ; qu'il sera enjoint à la société Culligan de produire un décompte ventilant ce qui est du par chacune des sociétés,
Sur le non-respect des obligations post-contractuelles : utilisation des droits de propriété intellectuelle de Culligan :
Considérant que la société Culligan fait valoir que la société TEDA a continué à utiliser sans droit ni titre l'enseigne "La boutique de l'eau" marque dont elle est titulaire après la fin du préavis, et ce, malgré une mise en demeure du 9 décembre 2011, et qu'il appartient désormais à TEDA de justifier qu'elle a déféré à la demande de dépose ; que les appelantes expliquent avoir été mises en demeure de ne plus utiliser la marque "La boutique de l'eau" le 19 mars 2012, et avoir immédiatement déféré à la demande, et estiment ne pas avoir à le prouver, sauf à inverser la charge de la preuve,
Mais considérant que les contrats signés par les parties ne font référence aucunement à la marque "La boutique de l'eau" dont la société Culligan est titulaire ; que la mise en demeure adressée le 8 mars 2011 à LMDE a pour objet de "préparer le terme du contrat" et précise que LMDE doit arrêter l'usage des signes distinctifs de ralliement du réseau Culligan, sans jamais faire référence à la marque "La boutique de l'Eau" ; que ce n'est que par un courrier du 9 mars 2012 qu'il est rappelé à TEDA que la marque "La Boutique de l'Eau" est une marque de Culligan ; qu'il résulte de ces éléments que rien ne permet de constater que TEDA et LMDE savaient que cette marque appartenait à Culligan ; que par ailleurs, dès lors que la société TEDA expose qu'il a été déféré immédiatement à la mise en demeure du 9 mars et que la preuve contraire qui incombe à Culligan n'est pas faite, il y a lieu de débouter la société Culligan de ses demandes ;
Par ces motifs LA COUR, Infirmant le jugement sur les manquements, Sur la dépose du panonceau sous astreinte, Dit que les sociétés TEDA et Le Meilleur de l'Eau n'ont pas commis des manquements graves de nature à justifier la rupture des relations commerciales, Dit n' y avoir lieu à dépose du panonceau sous astreinte, Avant dire droit sur la demande en paiement non prescrite des redevances liées à l'activité "Fontaines d'Eau", Enjoint à la société Culligan de ventiler les sommes dues par chaque société au titre des redevances liées à la vente des Fontaines d'Eau, Sursoit sur cette demande en paiement, Réserve les dépens.