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Décisions

Commission, 26 juillet 2012, n° M.6410

COMMISSION EUROPÉENNE

Résumé de la décision

UTC/Goodrich

Commission n° M.6410

26 juillet 2012

I. LES PARTIES

(1) United Technologies Corporation ("UTC") est spécialisée dans la fabrication d'un large éventail de produits de haute technologie ainsi que dans la prestation, à l'échelon mondial, de services d'assistance pour la construction et l'industrie aérospatiale. Le groupe UTC comprend plusieurs pôles d'activité majeurs, tels que: le chauffage et la climatisation (Carrier), les ascenseurs (Otis), la sécurité incendie et les systèmes de sécurité (UTC) et les piles à combustible (UTC Power). En outre, trois entreprises occupent une place particulièrement importante aux fins de l'opération envisagée: i) Hamilton Sundstrand pour les systèmes aéronautiques et les produits industriels, ii) Pratt & Whitney pour les moteurs d'avions et iii) Sikorsky pour les hélicoptères.

(2) Goodrich Corporation ("Goodrich") produit et vend, à l'échelon mondial, des systèmes et des services destinés aux industries aérospatiales, de la défense et de la sécurité. Les principaux domaines d'activité de Goodrich sont les suivants: i) systèmes de commande et d'atterrissage, ii) nacelles et équipements intérieurs et iii) systèmes électroniques.

II. L'OPÉRATION

(3) Le 20 février 2012, la Commission a reçu une notification officielle, conformément à l'article 4 du règlement (CE) n° 139-2004 (le "règlement sur les concentrations"), selon laquelle UTC acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), dudit règlement, le contrôle de l'ensemble de Goodrich, par achat d'actions. UTC et Goodrich sont dénommées ci-après "les parties". UTC est également désignée par l'expression "partie notifiante".

(4) L'opération était de dimension européenne, en vertu de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

III. LA PROCÉDURE

(5) Sur la base des résultats de la première phase de son enquête, la Commission a émis des doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération envisagée avec le marché intérieur et a décidé, le 26 mars 2012, d'engager la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.

(6) Le 4 avril 2012, la partie notifiante a présenté ses observations écrites sur la décision prise en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point c), dudit règlement.

(7) Le 15 mai 2012, le délai pour l'adoption d'une décision finale dans cette affaire a été prolongé de quinze jours ouvrables en vertu de l'article 10, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement sur les concentrations.

(8) La partie notifiante a présenté des engagements le 11 juin 2012, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. À la suite des résultats de la consultation des acteurs du marché sur ces engagements, elle a présenté, le 29 juin 2012, une version révisée de ses engagements et, le 12 juillet 2012, sa version définitive ("les engagements").

(9) Le comité consultatif, après avoir examiné le projet de présente décision le 12 juillet 2012, a émis un avis favorable.

IV. EXPOSÉ DES MOTIFS

(10) L'opération envisagée concerne un nombre important de marchés de produits d'équipements aéronautiques, ainsi que les marchés en aval des moteurs d'avions et des hélicoptères.

(11) La Commission considère que l'opération envisagée entraverait de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur le marché affecté horizontalement des générateurs électriques de courant alternatif, ainsi que sur le marché affecté verticalement i) des commandes de moteurs et des moteurs de petits avions et ii) des injecteurs et des moteurs de gros avions commerciaux.

(12) La Commission n'a pas soulevé d'objections en ce qui concerne les autres marchés affectés. Ces autres marchés ne seront donc pas abordés dans le présent résumé (2).

A. Les marchés en cause

1. Générateurs électriques de courant alternatif

(13) Un générateur électrique sert à produire de l'énergie électrique pour les différents systèmes et instruments installés à bord de l'avion. Comme dans les générateurs classiques, les générateurs d'avions convertissent l'énergie mécanique en énergie électrique par un processus d'induction électromagnétique.

(14) Un avion comporte normalement deux types principaux de générateurs: 1) un générateur de puissance (moteur) et 2) un groupe auxiliaire de puissance (GAP). Les générateurs principaux produisent de l'électricité induite par les moteurs de l'avion. Ils constituent la principale source d'énergie électrique de l'avion en conditions normales de vol. Les générateurs GAP entraînés par le groupe auxiliaire de l'avion fournissent l'énergie électrique aux systèmes et instruments de l'avion tant qu'il est au sol. L'avion comporte également un groupe de secours ("EPU"), équipement qui produit de l'électricité en cas de défaillance des systèmes primaires.

(15) La Commission a déjà analysé, dans le passé, plusieurs marchés de composants pour l'aéronautique et a généralement conclu que chaque composant représente un marché en soi. Dans ce contexte, l'enquête sur le marché a largement confirmé que le générateur électrique, le groupe auxiliaire de puissance et le groupe de secours constituent des marchés de produits distincts.

(16) La partie notifiante estime qu'il convient de distinguer dans les systèmes électriques des avions entre la technologie du courant alternatif ("CA") et celle du courant continu ("CC"), du fait de la substituabilité limitée du côté de la demande pour des raisons techniques. Chaque technologie a tendance à être privilégiée dans des applications finales particulières: les systèmes à courant continu sont habituellement utilisés dans les appareils de plus petite taille et les avions d'affaires qui ont besoin d'une moindre puissance, tandis que les systèmes à courant alternatif sont généralement utilisés dans les avions de ligne long- et moyen-courriers qui ont besoin de plus de puissance et dans lesquels le courant est distribué sur des distances plus longues, comme dans les avions commerciaux gros porteurs. L'enquête sur le marché a largement confirmé que les systèmes électriques qui utilisent la technologie CA ou la technologie CC constituent des marchés de produits distincts.

(17) La partie notifiante fait valoir que les générateurs de CA constituent un marché de produit unique sans qu'une segmentation supplémentaire soit nécessaire en fonction du type de générateur. Toutefois, l'enquête menée sur le marché a largement confirmé que les systèmes de génération de courant alternatif basés sur une fréquence variable et ceux basés sur une fréquence constante constituent des marchés de produits distincts. Comme un moteur tourne à des vitesses variables pendant le vol, le générateur devrait en principe produire de l'électricité à fréquence variable. Cependant, si le générateur est équipé d'un régulateur de vitesse, il est capable de générer une fréquence constante. Alors que les générateurs de CA à fréquence constante équipent la plupart des long-courriers actuels, ils représentent une technologie ancienne, et pratiquement toutes les nouvelles plates-formes sont conçues et construites avec des générateurs de CA à fréquence variable. Du point de vue de la demande, la substituabilité est limitée étant donné que les générateurs diffèrent sensiblement les uns des autres en termes de conception, de spécifications et de performances. En outre, les spécifications de l'architecture du système électrique sont déjà définies dans les termes de l'offre. Du côté de l'offre, le nombre de fournisseurs diffère sensiblement.

(18) Aux fins de la présente décision, la question de savoir si les générateurs destinés aux différentes tailles de plates-formes d'avion doivent être définis comme un marché de produits distinct peut être laissée ouverte dans la mesure où elle ne modifie pas les conclusions de l'appréciation sous l'angle de la concurrence.

(19) De plus, la question de l'opportunité de segmenter davantage le marché des générateurs électriques en fonction des applications militaires ou commerciales peut être laissée en suspens dans le cadre de la présente décision, dans la mesure où elle n'affectera pas sensiblement l'appréciation de l'opération envisagée.

(20) En ce qui concerne la portée géographique, la Commission a constaté, dans des décisions antérieures, que des éléments tels que les marchés des générateurs électriques destinés à des applications commerciales sont des marchés de dimension mondiale, ce que l'enquête sur le marché a largement confirmé. En outre, la partie notifiante fait valoir que la dimension géographique du marché des composants pour applications militaires est mondiale, et, dans ses décisions antérieures, la Commission ne s'est pas prononcée sur la question de savoir si ces marchés sont nationaux ou s'étendent à l'EEE.

(21) Aux fins de la présente décision, la définition géographique exacte du marché des générateurs électriques de CA pour avions militaires peut être laissée en suspens dans la mesure où elle n'affectera pas sensiblement l'appréciation de l'opération envisagée.

2. Moteurs d'avions

(22) Un moteur d'avion est destiné à alimenter l'avion en électricité et à le propulser. Les réacteurs sont les systèmes de propulsion des avions à réaction. On peut distinguer, au sein de cette grande catégorie de moteurs, les réacteurs à double flux, les turbopropulseurs et les turbomoteurs. Les réacteurs à double flux (turbofan) sont ceux dans lesquels les pales d'une soufflante entraînée par une turbine fournissent de l'air supplémentaire à la chambre de combustion et produisent une poussée supplémentaire. Dans les turbopropulseurs (turboprop), la poussée provient d'une hélice extérieure plutôt que de la soufflante interne. Les turbopropulseurs produisent une forte poussée pour une faible consommation de carburant sur des avions court-courriers. Les turbomoteurs (turboshaft) produisent une puissance sur l'arbre, plutôt qu'une poussée du réacteur et équipent généralement les hélicoptères.

(23) Dans le passé, la Commission a segmenté le marché des avions à réacteurs à double flux en plusieurs catégories, réparties selon le "profil de mission" (c'est-à-dire la destination de l'avion, déterminée par référence à sa capacité passagers, son autonomie, son prix et son coût d'exploitation) de l'avion sur lequel le moteur est installé: i) les réacteurs pour les long-courriers [(> 100 passagers, autonomie de 2 000 à 8 000 milles nautiques), qui incluent les avions à fuselage fin/monocouloir et les avions à fuselage large/bicouloir; ii) les réacteurs pour les moyen-courriers (> 70 passagers, autonomie jusqu'à 2 000 milles nautiques) ; iii) les réacteurs pour les court-courriers (30-50 passagers, autonomie jusqu'à 2 000 milles nautiques) et iv) les réacteurs pour les avions d'affaires. Les turbopropulseurs et les turbomoteurs n'ont encore jamais été pris en compte dans des décisions de la Commission.

(24) L'enquête sur le marché n'a pas permis de déterminer s'il existe des seuils qui scindent le marché de l'offre des moteurs.

(25) Aux fins de la présente décision, la question de savoir si le marché devrait être strictement défini en fonction des profils de mission, ou s'il devrait être considéré comme un marché unique comprenant à la fois les turboréacteurs à double flux et les turbopropulseurs, peut rester en suspens car l'appréciation des effets verticaux de l'opération sur les moteurs ne dépend pas de l'étendue précise du marché des moteurs.

3. Commandes de moteurs

(26) La première fonction des commandes du réacteur est de convertir les ordres du pilote en modifications du dosage du carburant qui alimente le moteur de l'avion afin de pouvoir contrôler la poussée produite par le réacteur et, en fin de compte, la vitesse de l'avion. Les activités des parties se chevauchent dans le domaine des commandes électroniques ("EEC"), des pompes principales à carburant, des unités de dosage du carburant ("FMU"). Ces trois éléments sont essentiellement vendus à des fabricants de moteurs.

(27) L'enquête sur le marché a confirmé que chacun des éléments qui précède est un marché en soi. Les possibilités de substituabilité de ces éléments du côté de la demande sont très limitées, étant donné que chacun d'entre eux joue un rôle capital et distinct dans le fonctionnement des types d'appareils auxquels ils sont destinés. La partie notifiante n'a pas fourni d'arguments susceptibles de remettre en cause l'absence de substituabilité au niveau de la demande.

(28) En outre, la partie notifiante considère qu'une segmentation suivant la taille de l'avion ou du moteur ne se justifie pas vu la substituabilité élevée du côté de l'offre. Elle fait également valoir qu'il n'est pas utile d'opérer une distinction entre les marchés de commandes de moteur destinés à une application civile et ceux destinés à une application militaire (c'est-à-dire selon leur destination) puisque les fonctionnalités de base sont les mêmes, que très souvent un moteur pratiquement identique (y compris au niveau des commandes du moteur) est utilisé, et qu'il y aurait un nombre équivalent d'autres fournisseurs quelle que soit la définition du marché retenue.

(29) L'enquête de la Commission a montré que les conditions de concurrence dans le domaine des commandes de moteurs varient en fonction des segments représentés par la taille du moteur et la destination de l'avion, compte tenu des différences en ce qui concerne les exigences concernant le produit et ses performances. L'enquête a confirmé que les commandes de moteurs qui équipent les différents segments de plates-formes d'avions constituent des marchés distincts, essentiellement du fait d'un manque évident de substituabilité du côté de la demande. Même si la substituabilité du côté de l'offre représente un facteur d'une certaine importance, les obstacles à l'entrée sur le marché afin de passer à des plates-formes adjacentes sont importants, vu la sophistication des commandes de moteurs, les besoins élevés en R & D correspondants, le coût de l'obtention de la certification des produits et la nécessité de posséder une solide capacité technologique ainsi qu'un réseau mondial d'assistance technique pour le produit. En outre, toute entrée potentielle sur le marché d'un autre fournisseur de commandes de moteurs est neutralisée par les coûts élevés que représente un changement de fournisseur pour les clients. En résumé, chaque type de commandes de moteur mentionné ci-dessus constitue un marché en soi pour chacune des plates-formes d'avions auxquelles elles sont destinées.

(30) La partie notifiante considère que la dimension géographique des marchés des commandes de moteurs est mondiale. Dans des décisions antérieures, la Commission a elle aussi considéré que l'étendue géographique des marchés de commandes des moteurs pour les applications de l'aéronautique civile est mondiale, ce que l'enquête sur le marché confirme. Dans le cas des applications militaires et des marchés de la défense, les marchés en cause sont considérés comme des marchés de dimension nationale lorsqu'il existe un fournisseur national; sinon, ils ont la dimension de l'EEE ou une dimension mondiale.

(31) Dans la présente décision, l'appréciation se fera sur la base d'un marché mondial. Étant donné que l'analyse de la relation verticale entre Goodrich et Pratt & Whitney aboutit à la conclusion que la concentration telle qu'elle a été notifiée entraverait de manière significative une concurrence effective entre les applications civiles, et puisque la cession proposée, combinée au rachat d'UTC par Rolls-Royce dans la société Aero Engine Controls ("AEC"), permettra de supprimer la totalité du chevauchement horizontal entre Goodrich et UTC dans le domaine des commandes de moteurs, il n'est pas nécessaire d'examiner les marchés géographiques potentiellement plus restreints des applications militaires.

4. Injecteurs de carburant

(32) Les injecteurs de carburant sont des pièces de turbomachines de moteurs d'avion, dont la fonction est la distribution de carburant dans les chambres de combustion du moteur. Les injecteurs sont composés de plusieurs pièces usinées (gicleur, tamis et raccord) assemblées sur une base forgée ou moulée. Les injecteurs sont vendus directement aux fabricants de moteurs ou à l'utilisateur final en tant que pièces de rechange sur le marché de l'après-vente. Le marché des injecteurs se caractérise par des passations de marchés importantes mais peu fréquentes.

(33) La Commission a déjà établi, dans le passé, un marché distinct pour les pièces usinées utilisées dans les moteurs d'avions. Toutefois, la question de savoir si chaque type de pièces usinées devrait constituer un marché de produits distinct et/ou si une distinction devrait être établie selon le type d'avion ou de moteur a été laissée ouverte.

(34) Aux fins de la présente décision, la définition exacte du marché de produits peut être laissée en suspens, car l'appréciation des effets verticaux de l'opération envisagée en ce qui concerne les moteurs ne dépend pas de la portée exacte du marché en amont des injecteurs.

(35) La partie notifiante fait valoir que le marché géographique en cause pour les injecteurs est mondial. L'enquête sur le marché a confirmé que la plupart des fournisseurs d'injecteurs servent leur clientèle quelle que soit sa localisation géographique, et que les clients font de même au moment du choix d'un fournisseur. La Commission considère par conséquent que le marché géographique en cause de la fourniture d'injecteurs de carburant pour les applications civiles est mondial.

B. Appréciation sous l'angle de la concurrence

1. Effets horizontaux

1.1. Générateurs de courant alternatif

(36) UTC est actuellement numéro un du marché des générateurs de courant alternatif d'avions, par l'intermédiaire de sa filiale Hamilton Sundstrand. L'enquête sur le marché a confirmé que l'opération envisagée renforcerait cette position. Si l'on considère les générateurs de courant alternatif dans leur ensemble, la part de marché cumulée des parties était, en 2010, de [80-90] % (avec une augmentation de [10-20] % pour Goodrich). Une ventilation des générateurs de courant alternatif entre applications militaires et applications commerciales ou selon la taille des avions montre que l'opération envisagée conduirait également à des parts de marché cumulées très élevées.

(37) L'enquête sur le marché a révélé trois grandes tendances influant sur le développement actuel des systèmes électriques des avions: i) abandon des systèmes électriques à fréquence constante au profit de systèmes à fréquence variable; ii) tendance du secteur à privilégier de plus en plus des avions plus électriques; et iii) accroissement de la demande de capacités d'intégration de systèmes.

(38) La part de marché élevée que détient Hamilton Sundstrand sur le marché des générateurs de courant alternatif est essentiellement imputable aux plates-formes utilisant des systèmes de génération de courant alternatif basés sur une fréquence constante. Toutefois, depuis que le contrat portant sur des générateurs à fréquence variable pour l'A380 lui a échappé en 2001, Hamilton Sundstrand a acquis une position de premier plan dans le domaine des générateurs à fréquence variable destinés aux long-courriers.

(39) En ce qui concerne la présence spécifique de Goodrich sur le marché des générateurs de courant alternatif, Goodrich a, par l'intermédiaire de son entreprise commune Aerolec, remporté l'appel d'offres pour l'Airbus A380 en 2001 et pour l'Airbus à turbopropulseur A400M, destiné au transport militaire, en 2003. Elle est également présente, de façon autonome, sur le marché des générateurs de courant alternatif à fréquence variable, sur plusieurs plates-formes plus petites. Bien que Goodrich se soit retirée depuis plus de quinze ans du secteur des générateurs à fréquence constante, certains de ses générateurs sont toujours en service sur diverses plates-formes.

(40) L'enquête approfondie a révélé que, selon certains acteurs du marché, UTC dispose d'une très grande capacité en ce qui concerne les générateurs de courant alternatif pour les long-courriers, moyen-courriers et avions d'affaires, tandis que Goodrich dispose d'une très grande capacité, sur une base autonome ou par l'intermédiaire de son entreprise commune Aerolec, pour ce qui est des générateurs de courant alternatif destinés plus particulièrement aux moyen-courriers et aux avions d'affaires.

(41) Une analyse au cas par cas des offres récentes a révélé que les parties sont en réalité de proches concurrents et que Goodrich exerce une forte pression concurrentielle sur les générateurs de courant alternatif à fréquence variable produits par Hamilton Sundstrand.

(42) Quant aux concurrents, aucun ne peut se prévaloir à ce jour, sur une base autonome, d'un générateur à fréquence variable en service sur un long-courrier. Aucun concurrent de Hamilton Sundstrand et de Goodrich ne possède donc de technologie éprouvée qui lui permettrait de devenir un concurrent crédible sur le marché des générateurs dans un avenir proche. L'enquête approfondie menée sur le marché a montré que Honeywell est considérée comme occupant une position restreinte en ce qui concerne les générateurs de courant alternatif sur toutes les plates-formes, à l'exception des hélicoptères, et une position particulièrement faible pour ce qui est des long-courriers. Les acteurs du marché estiment par ailleurs que la position de GE est limitée pour l'ensemble des segments. Quant à Thales, elle est considérée comme occupant une position limitée en ce qui concerne les long- et moyen-courriers, mais comme possédant une forte capacité pour ce qui est des avions d'affaires et des hélicoptères.

(43) En outre, l'enquête sur le marché a révélé que la concentration entre UTC et Goodrich contribuerait à renforcer la capacité des parties à la concentration sur le marché de l'intégration des systèmes électriques.

(44) Les obstacles à l'entrée et au repositionnement sur le marché des générateurs sont relativement élevés, en particulier pour ce qui est des générateurs utilisés sur la plupart des long-courriers. Les fournisseurs historiques détiennent un avantage sur les nouveaux arrivants de par le rôle que jouent, sur ce marché, la réputation, les heures de vol accumulées et l'expérience acquise sur le plan de l'exploitation des systèmes. En outre, les dépenses cumulées dans le domaine de la recherche et du développement confèrent un avantage significatif aux opérateurs historiques dans ce secteur largement axé sur la technologie.

(45) De nombreux concurrents et clients ont exprimé des craintes quant à l'incidence négative de l'opération envisagée sur la concurrence, ainsi qu'à l'impact qu'elle pourrait avoir du fait de la réduction des incitations à l'innovation dans le domaine des générateurs de courant alternatif.

(46) Il semble que l'expertise et la technologie éprouvée de Goodrich dans le domaine des générateurs de courant alternatif à fréquence variable soient jugées importantes pour le secteur. Certaines craintes ont trait au fait qu'à l'issue de l'opération, il n'y aura plus d'autre partenaire crédible avec lequel s'allier pour permettre à des concurrents de proposer une alternative à Hamilton Sundstrand sur le marché des générateurs de courant alternatif. Les investissements nécessaires pour garantir une présence autonome sur le marché des générateurs de courant alternatif destinés aux long-courriers seraient manifestement si élevés qu'il est crucial de s'associer à un autre partenaire industriel pour limiter les risques liés au développement.

(47) Eu égard aux considérations qui précèdent, l'enquête approfondie a confirmé les doutes sérieux existant quant à la compatibilité de la concentration avec le marché intérieur, tels qu'exprimés dans la décision adoptée au titre de l'article 6, paragraphe 1, point c), de la décision, en ce qui concerne le marché des générateurs de courant alternatif (ou, à titre subsidiaire, ses éventuels sous-marchés).

2. Effets verticaux

2.1. Moteurs d'avions

(48) UTC est présente sur le marché des moteurs d'avions par l'intermédiaire de sa filiale Pratt & Whitney, ainsi que de deux entreprises communes, International Aero Engines ("IAE") et Engine Alliance (laquelle appartient à parts égales à Pratt & Whitney et à GE). Selon la partie notifiante, les principaux concurrents sur ce marché sont GE, Safran/Snecma, CFMI (entreprise commune détenue à 50 % par GE et à 50 % par Safran), Rolls-Royce, Honeywell et Williams.

(49) Sur le segment des long-courriers à réacteurs à double flux, Engine Alliance et Pratt & Whitney détiennent respectivement [0-5] % et [0-5] % du marché au niveau mondial. Par ailleurs, UTC n'est pas présente sur le segment des moyen-courriers à réacteurs à double flux, alors que les parties n'ont pas fait état de parts de marché pour les petit-courriers à réacteurs à double flux également utilisés à l'échelle régionale, faisant valoir qu'elles n'en produisent pas actuellement. Pratt & Whitney détient [20-30] % du marché des avions d'affaires à réacteurs à double flux, alors qu'elle se place en première position sur le segment des turbopropulseurs/turbomoteurs, avec une part de marché de [40-50] %.

2.2. Commandes de moteurs pour petits avions

(50) L'opération envisagée fait apparaître une relation verticale entre la fourniture en amont de commandes électroniques, de pompes principales à carburant et d'unités de dosage du carburant (ci-après les "commandes de moteurs"), domaine d'activité de Goodrich et d'UTC, et la fourniture en aval de moteurs d'avions, domaine dans lequel UTC est présente par l'intermédiaire de Pratt & Whitney.

(51) UTC est spécialisée dans la fabrication de commandes de moteurs par l'intermédiaire de Hamilton Sundstrand. Goodrich produit des commandes de moteurs par l'intermédiaire d'AEC et de Goodrich Pump & Engine Control Systems ("GPECS"). GPECS produit des commandes pour moteurs de toutes tailles, et plus particulièrement pour moteurs d'une poussée inférieure à 4 000 lbs. Elle compte parmi ses clients quelques-uns des principaux concurrents de Pratt & Whitney sur le segment des petits moteurs, dont Honeywell et Williams.

(52) En ce qui concerne les commandes électroniques, l'entité issue de la concentration détiendrait, sur la base des données chiffrées de 2010, une part de marché de [40-50] % au niveau mondial. Sa part de marché cumulée la plus élevée selon une segmentation affinée concernerait les avions d'affaires ([70-80] %). S'agissant des pompes principales à carburant, sa part de marché cumulée à l'échelle mondiale s'élèverait à [30-40] %. Elle tirerait sa part de marché cumulée la plus élevée à l'échelle mondiale, selon une segmentation affinée, des applications militaires ([50-60] %). Quant aux unités de dosage du carburant, l'entité issue de la concentration atteindrait une part de marché de [20-30] % au niveau mondial. Sa part de marché la plus élevée à l'échelle mondiale, selon une segmentation affinée, concernerait les moteurs de plus petite taille ([40-50] %).

(53) Au cours de l'enquête sur le marché, Honeywell et Williams ont toutes deux indiqué qu'elles craignaient que l'entité issue de la concentration verrouille les intrants en ce qui concerne la fourniture des commandes de moteurs destinées à leurs propres moteurs. À l'issue de l'opération, Goodrich n'aurait plus les mêmes incitations en tant que fournisseur à l'égard de Williams et de Honeywell, puisqu'elle ferait désormais partie du même groupe que Pratt & Whitney, qui concurrence Williams sur le marché des moteurs d'avions d'affaires et Honeywell sur les segments des avions d'affaires, des moyen-courriers et des hélicoptères.

(54) L'enquête approfondie, si elle a montré que Goodrich pourrait encore se tourner vers d'autres fournisseurs, révèle également que l'entité issue de la concentration serait à même de cesser, d'entraver ou de restreindre par tout autre moyen la fourniture de commandes de moteurs à Honeywell et à Williams. Un changement de fournisseur serait particulièrement onéreux, et il faudrait au moins trois ans pour mettre au point d'autres systèmes de contrôle des moteurs. Cela affecterait les relations de fourniture existantes entre Honeywell, Williams et leurs clients équipementiers respectifs.

(55) En outre, l'enquête approfondie a montré que l'entité issue de la concentration serait incitée à cesser, à entraver ou à restreindre par tout autre moyen la fourniture de commandes de moteurs à Honeywell et à Williams. D'une part, elle a révélé qu'aucune plate-forme ne recourait à un double approvisionnement auprès de Williams ou Honeywell et de Pratt & Whitney et n'a mis en avant aucune possibilité à court terme, pour Williams ou Honeywell, de concurrencer Pratt & Whitney en ce qui concerne le choix du moteur sur les nouvelles plates-formes d'avions d'affaires.

(56) L'enquête a cependant confirmé, d'autre part, que plusieurs plates-formes d'avions sont équipées de moteurs Pratt & Whitney et concurrencent les avions équipés de moteurs Williams et Honeywell qui utilisent les commandes de Goodrich. La Commission a comparé les pertes et les gains qu'entraînerait un éventuel verrouillage des intrants. Une telle stratégie aurait une incidence considérable sur les activités de Williams: en effet, le préjudice potentiel ne se limiterait pas à la non-réalisation de ventes, mais pourrait également conduire au versement de dommages et intérêts et à une perte de réputation. Ce scénario profiterait à l'entité issue de la concentration, car Williams serait contrainte de consacrer du temps et des ressources à ces aspects au lieu d'investir dans de nouveaux produits.

(57) En ce qui concerne l'incidence sur l'exercice effectif de la concurrence, l'enquête sur le marché a révélé qu'une stratégie de verrouillage des intrants aurait des effets préjudiciables sur la concurrence et, partant, sur les consommateurs. Honeywell et Williams détiennent à elles deux [20-30] % du marché des réacteurs à double flux pour avions d'affaires, contre [20-30] % pour Pratt & Whitney. Toutefois, eu égard aux spécifications différentes des moteurs constituant ce marché, la concurrence exercée pour chaque moteur est susceptible de porter sur un nombre relativement limité de moteurs spécifiques.

(58) Si Honeywell et Williams n'étaient pas en mesure d'honorer les commandes de moteurs passées en vertu des contrats de fourniture existants, leurs clients (à savoir, les avionneurs) pourraient ne pas être à même de livrer des appareils aux clients finals (tels que les compagnies aériennes). Les clients finals pourraient par conséquent opter pour l'achat d'un avion concurrent équipé d'un moteur Pratt & Whitney. Leur choix entre différents avions pourrait donc diminuer considérablement. En outre, si Honeywell ou Williams n'étaient pas en mesure de participer aux appels d'offres en vue de la livraison de nouveaux moteurs, le choix de fournisseurs de moteurs proposé aux avionneurs pour leurs nouvelles plates-formes pourrait également se réduire sensiblement, ce qui pourrait alors conduire à une augmentation du niveau des prix et à une baisse de la qualité.

(59) Au vu des considérations qui précèdent, en l'absence de contrats de fourniture entre l'entité issue de la concentration et ses clients Honeywell et Williams, la Commission conclut que l'enquête approfondie a confirmé les doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration avec le marché intérieur, tels qu'exprimés dans la décision adoptée au titre de l'article 6, paragraphe 1, point c), en ce qui concerne la relation verticale entre les commandes électroniques, les pompes principales à carburant et les unités de dosage du carburant, d'une part, et les petits moteurs, d'autre part.

2.3. Injecteurs pour moteurs

(60) L'opération envisagée fait apparaître une relation verticale entre la fourniture de moteurs d'avions, domaine dans lequel UTC est présente par l'intermédiaire de sa filiale Pratt & Whitney, et la fabrication d'injecteurs, domaine dans lequel Goodrich exerce des activités. Goodrich s'est notamment associée avec Rolls-Royce, l'un des principaux fabricants de moteurs de long-courriers concurrençant Pratt & Whitney, en vue d'activités de recherche et de développement concernant la mise au point d'une nouvelle génération d'injecteurs devant réduire les émissions des moteurs de grande taille.

(61) Contrairement aux composants plus génériques, les injecteurs sont indissociables de la construction des moteurs, chaque injecteur étant conçu spécifiquement pour répondre aux exigences, en termes de performances, liées à un moteur particulier. Il n'est pas aisé de changer de fournisseur d'injecteurs. En réalité, comme les droits de propriété intellectuelle liés au composant "injecteur" sont en principe détenus par le fournisseur, l'équipementier devrait, avant d'abandonner le fournisseur historique pour se tourner vers un nouveau fournisseur, tenir compte du temps dont ce dernier a besoin pour concevoir et mettre au point le nouveau composant sur des bases tout à fait nouvelles. En outre, comme pour les autres composants des moteurs, le remplacement d'un injecteur sur une plate-forme certifiée existante nécessite, en tout état de cause, la réalisation d'essais et la certification de ce nouveau composant. L'enquête sur le marché a confirmé qu'un tel changement était particulièrement long et onéreux.

(62) Au cours de l'enquête approfondie, des craintes ont été exprimées en ce qui concerne la collaboration actuelle entre Goodrich et Rolls-Royce en vue de la mise au point d'une nouvelle technologie d'injection à combustion pauvre améliorant les performances des moteurs en termes d'émissions, qui devrait constituer un critère strict de participation aux futurs appels d'offres relatifs aux moteurs des long-courriers. L'enquête a révélé que l'entité issue de la concentration serait en mesure et tentée de s'engager dans une stratégie de verrouillage des intrants en ce qui concerne les nouveaux injecteurs à combustion pauvre, en particulier dans le cadre du prochain appel d'offres relatif à la plate-forme du Boeing B777X, pour laquelle Rolls-Royce et Pratt & Whitney se font concurrence.

(63) Si Rolls-Royce n'est pas en mesure de participer à cet appel d'offres, c'est Boeing qui pâtira en premier lieu d'un choix moindre, puisque le nombre de fournisseurs de moteurs se concurrençant pour décrocher le marché sera moins élevé. Ce choix plus restreint pourrait à son tour entraîner une hausse des prix et une diminution de la qualité. En outre, l'incidence négative probable sera ressentie par les clients pendant toute la durée d'utilisation de la plate-forme B777X. De surcroît, si Rolls-Royce est moins à même de concurrencer ce nouveau type de moteur plus performant en termes d'émissions, le choix des autres avionneurs en termes de fournisseurs de moteurs pourrait se restreindre considérablement à l'avenir.

(64) La Commission conclut par conséquent que la concentration notifiée entraverait de manière significative l'exercice d'une concurrence effective en ce qui concerne la relation verticale entre injecteurs et moteurs.

C. Engagements

(65) La partie notifiante a soumis des engagements afin de résoudre les problèmes recensés.

1. Générateurs de courant alternatif

(66) UTC a proposé de céder l'ensemble des activités de Goodrich ayant trait aux systèmes électriques (ci-après les "activités "systèmes électriques" cédées"), parmi lesquelles la mise au point, la production et la fourniture de systèmes de génération de courant alternatif et de courant continu à basse tension, ainsi que la mise au point, la production et la fourniture de systèmes d'alimentation électrique. Elle cédera également la participation de Goodrich dans l'entreprise commune Aerolec appartenant à Goodrich et à Thales.

(67) Les engagements résolvent les problèmes de concurrence constatés en ce qui concerne les générateurs de courant alternatif, faisant totalement disparaître le chevauchement entre les activités d'UTC et celles de Goodrich sur ce marché.

2. Commandes de moteurs pour petits avions

(68) UTC a proposé de céder i) l'activité "commandes de moteurs" de Goodrich située à West Hartford, dans le Connecticut, aux États-Unis ainsi que ii) les actifs et les droits de propriété intellectuelle afférents aux activités "commandes de moteurs" à Montréal, au Canada (les "actifs de Montréal"), qui sont actuellement transférés aux installations de West Hartford (conjointement les "activités "commandes de moteurs" cédées"). Les activités "commandes de moteurs" cédées comprennent uniquement les actifs de GPECS ayant trait aux commandes de petits moteurs.

(69) La cession proposée résout tous les problèmes relevés concernant les commandes de moteurs. Grâce à cette cession, les entreprises installées au Canada qui concurrencent Pratt & Whitney sur le marché de la fourniture de petits moteurs pourront être approvisionnées en commandes de moteurs par un tiers indépendant de l'entité issue de la concentration.

3. Injecteurs de carburants pour moteurs

(70) UTC a proposé de donner à Rolls-Royce la possibilité d'acquérir le projet de recherche et de développement relatif aux injecteurs à combustion pauvre, conformément à un protocole d'accord qu'elles ont conclu le 7 juin 2012.

(71) Elle s'est en outre engagée à respecter plusieurs obligations, y compris l'obligation d'assurer la poursuite de la collaboration en vue de soutenir l'offre de Rolls-Royce pour le programme 777X, et ce durant toute la période nécessaire pour permettre l'entrée en service du moteur à combustion pauvre.

(72) Ces engagements résolvent l'ensemble des problèmes recensés en ce qui concerne les injecteurs. Rolls-Royce aura la possibilité d'acquérir le projet de recherche et de développement relatif aux injecteurs à combustion pauvre de façon à avoir accès à ce composant essentiel pour les nouveaux moteurs plus performants en termes d'émission, qui seront de plus en plus exigés par les avionneurs. La sauvegarde de la capacité de Rolls-Royce à mettre au point un nouveau moteur performant en termes de carburant est garantie par l'existence de cette option et ne dépend pas de l'exercice de celle-ci en tant que telle. Les engagements répondent en particulier à la crainte que l'entité issue de la concentration empêche Rolls-Royce de se positionner en tant que concurrent pour le programme B777X, puisque Goodrich poursuivra sa coopération avec elle durant toute la période nécessaire pour permettre l'entrée en service du nouveau moteur.

V. CONCLUSION

(73) Pour les raisons mentionnées ci-dessus, la concentration n'entraverait donc pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

Il convient par conséquent de la déclarer compatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l'accord EEE, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations et à l'article 57 de l'accord EEE, sous réserve du respect des engagements.

Notes :

(1) JO L 24 du 29-01-2004, p. 1.

(2) Voir la section 6 de la présente décision.