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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 5, 2 février 2016, n° 14-00021

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Européenne de Règlement (GIE)

Défendeur :

BPCE Assurances (SA), ABS Expertises (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le François

Conseillers :

M. Byk, Mme Lefevre

Avocats :

Mes Baechlin, Frety, Siu-Billot, Gosset, Ravayrol

T. com. Paris, du 25 oct. 2013

25 octobre 2013

La société ABS Expertises a pour objet la réalisation de missions d'expertise en matière automobile pour le compte de sociétés d'assurance et notamment de la société BPCE Assurances, par l'intermédiaire de son mandataire le GIE Européenne de Règlement (EDR).

En raison de la rupture en 2008 de leurs relations, qu'elle estime brutale, la société ABS a assigné devant le Tribunal de commerce de Paris, par acte du 15 novembre 2010, la société BPCE Assurances qui, par acte du 10 novembre 2011, a attrait en garantie le GIE Européenne de Règlement.

Par jugement du 25 octobre 2013, ce tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné la société BPCE Assurances à payer à la société ABS Expertises la somme de 25 124 euro à titre de réparation du préjudice né de la rupture brutale des relations commerciales, 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens et a condamné le GIE Européenne de Règlement à garantir la BCPE Assurances des condamnations prononcées à son encontre.

Par déclaration du 31 décembre 2013, le GIE Européenne de Règlement a interjeté appel. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 10 juillet 2014, il sollicite l'infirmation du jugement, demandant à la cour de juger qu'il n'a commis aucun manquement dans l'accomplissement de son mandat, de rejeter toutes les demandes formées par la société BPCE Assurances, à titre subsidiaire, de juger que les conditions d'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ne sont pas remplies et que le préjudice allégué n'est pas justifié. En tout état de cause, il sollicite la condamnation de la société BCPE Assurances ou de toute partie succombante à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 18 juillet 2014, la société BPCE Assurances demandent à la cour, à titre principal, de constater que les conditions d'applications de l'article L. 442-6 du Code de commerce ne sont pas réunies, à titre subsidiaire, de faire sommation à la société ABS Expertises de communiquer ses comptes et ses bilans pour les années 2008 à 2012 ainsi que le détail de son compte client de 2005 à 2012, le détail des honoraires mensuels perçus à compter du mois de février 2008, de condamner le GIE Européenne de Règlement à la garantir de toutes condamnations et, en tout état de cause, de condamner les sociétés ABS Expertises et le GIE EDR à lui payer chacun 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 mai 2014, la société ABS Expertises sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a évalué la durée raisonnable du préavis à 8 mois et fixé son préjudice à la somme de 25 124 euro, demandant à la cour de juger qu'elle entretenait depuis 10 ans une relation commerciale établie avec la société BCPE Assurances, que cette dernière société a engagé sa responsabilité en rompant abusivement et sans préavis la relation commerciale alors qu'elle aurait dû lui accorder un préavis de 12 mois, en conséquence de condamner in solidum la société BCPE Assurances et le GIE Européenne de Règlement à lui payer la somme de 69 341,51 euro à titre de dommages et intérêts et 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 novembre 2015.

Ce sur quoi, LA COUR

Sur la rupture brutale des relations commerciales :

Considérant que la société ABS fait valoir que la compagnie BPCE Assurances, qui lui avait confié un grand nombre de dossiers par an, a cessé brutalement ses relations avec elle sans préavis raisonnable ;

Considérant que la société BPCE conteste toute rupture abusive dans la mesure où elle estime avoir joué un rôle minime pendant l'exécution des contrats, l'ensemble des sinistres automobiles étant gérés par le GIE EDR par l'intermédiaire d'un réseau de prestataires qu'il avait seul référencé et que le Cabinet ABS Expertises a été informé par le GIE EDR, comme l'ensemble des sociétés d'expertise du réseau (courrier du 1er février 2008 avec effet au 30 avril suivant), du retrait de ses missions ;

Qu'elle précise que ce courrier ne peut être analysé comme une rupture de relations contractuelles avec ABS puisque cette société n'a reçu des missions pour le compte de la concluante que du fait de son appartenance au réseau EDR et que les relations commerciales entre le Cabinet ABS Expertises et EDR étaient préexistantes à l'arrivée de BPCE dans le GIE et ont perduré après le retrait de BPCE;

Qu'elle ajoute que, même dans l'hypothèse où la rupture brutale des relations contractuelles serait retenue, il ne pourrait être fait droit à la demande d'indemnisation, la durée effective du préavis étant totalement compatible avec la durée des relations contractuelles et le constat de l'absence de préjudice résultant de la baisse des missions relatives à la seule compagnie BPCE Assurances ;

- existence des relations commerciales entre ABS et BPCE

Considérant que par contrat du 22 décembre 1997, l'assureur ECA (devenu BPCE) a délégué au GIE EDR, auquel elle a ainsi adhéré à compter du 31 décembre 1997, la mission de gérer des sinistres automobiles et de la représenter à cette fin auprès des prestataires intervenants et de signer en son nom les accords et engagements consécutifs;

Que notamment, le contrat prévoyait que le GIE peut proposer des prestataires agréés, en faire le choix dans le cadre de la gestion des dossiers et assurer le suivi des prestataires ;

Qu'en conséquence, les dossiers, qui ont été attribués par le GIE à la société ABS, l'ont été dans le cadre du mandat ainsi donné et établissent la preuve de la relation contractuelle existant entre la BPCE et la société ABS ;

Qu'il s'ensuit que le retrait de la BPCE du GIE doit s'analyser en une rupture des relations entre BPCE et ABS ;

Qu'il importe peu que la société ABS ait continué à avoir des relations commerciales, gérées par le GIE, avec d'autres assureurs ;

- durée et caractère établi des relations

Considérant que la société ABS produit des bordereaux de décomptes d'honoraires payés par la société BPCE pour les années 1999 (4 expertises à compter de juin) 2000 (103), 2001 (13 680,30 euro TTC), 2002 (23 493,93 euro TTC), 2003 (30 198 euro TTC),2004 (35 521,62 euro TTC) 2005 (12) 2006(12),2007(11) et 2008 (2 expertises), que ces éléments démontrent l'existence de relations établies de juin 1997 à février 2008 ;

- nature de la rupture

Considérant qu'au vu de la durée des relations contractuelles continues sur une période de plus de 8 ans, il convient de dire que la société ABS aurait dû bénéficier d'un préavis de 8 mois alors que l'assureur n'établit pas qu'elle avait été informée, comme il le prétend, de la rupture par lettre du 1er février 2008 annonçant un préavis de 3 mois, la lettre produite étant celle adressée à la société CEVA ;

Que la rupture est donc bien brutale ;

Sur le préjudice:

Considérant qu'au vu de la durée de leurs relations, la société ABS estime que BPCE Assurances aurait dû la faire bénéficier d'un préavis de 12 mois courant à compter du mois de juin 2008 et qu'elle estime son préjudice à la somme de 69 341,51 euro ;

Considérant que la BPCE réplique qu'au vu des explications qu'elle a données sur l'absence de rupture brutale des relations, il en résulte que le volume des affaires soumises à ABS n'a pas brutalement diminué compte tenu de la présence de nombreux autres assureurs au sein du GIE ;

Qu'elle demande à cette fin que la société ABS Expertises communique :

- ses comptes et bilans en intégralité pour les années 2008 à 2012 ainsi que le détail de son compte client de 2005 à 2012,

- le détail des honoraires mensuels perçus à compter du mois de février 2008,

Considérant que le préjudice doit s'apprécier au regard de la marge brute que la société ABS aurait pu dégager au cours des 8 mois du préavis, que faisant le calcul sur la base du chiffre d'affaires moyen HT calculé sur les 3 années pleines précédant la rupture et appliquant une marge brute de 65 %, il y a lieu, approuvant l'estimation du premier juge, de fixer le préjudice à la somme de 25 124 euro ;

Sur l'appel en garantie

Considérant que pour justifier cet appel en garantie, la société BPCE fait valoir que le GIE EDR a géré pour son compte, comme pour l'ensemble de ses membres, un service après-vente après sinistre et doit nécessairement de ce fait sa garantie ;

Considérant que le GIE EDR fait valoir qu'il n'a commis aucun manquement dans le cadre du mandat le liant à la société BPCE Assurances, qu'en effet, il n'était pas tenu, en l'absence de mandat spécial, de représenter l'assureur au titre de sa "relation commerciale" avec les experts et, en particulier, il n'intervenait pas dans la décision d'y mettre un terme;

Qu'à titre subsidiaire, il estime que les conditions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ne sont pas remplies, la société ABS ayant bénéficié d'un préavis et qu'en outre, son préjudice n'est pas justifié ;

Considérant que le GIE était mandataire de la BPCE et chargé, à ce titre, de représenter celle-ci auprès des prestataires intervenants, que ce statut impliquait nécessairement de faire connaître aux experts de BPCE, dont elle assumait la gestion, la rupture de leurs relations avec cet assureur ;

Qu'en effet, il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du GIE en date du 31 mai 2007 que cette assemblée a pris acte de ce que " début 2007, il a été mis fin au partenariat avec la société BPCE et (qu') un accord a été signé le 27 mai 2007 afin de déterminer les conditions de sortie de celle-ci du GIE ", étant précisé que "la fin des nouveaux dossiers confiés au GIE se terminera le 30 avril 2008 à minuit" ;

Qu'ainsi, bien qu'informé de ce retrait et de ses modalités au 31 mai 2007, le GIE, qui n'a adressé aucun préavis à la société ABS alors qu'elle était alors en mesure de respecter un préavis de 8 mois, a manqué à ses obligations de mandataire et doit, de ce fait, sa garantie à la société BPCE ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande de condamner le GIE EDR à payer la somme de 1 200 euro à la société BPCE, qu'en revanche il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes du GIE et de la société ABS à ce titre ;

Par ces motifs, Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré et, y ajoutant ; Condamne le GIE Européenne de Règlement à payer la somme de 1 200 euro à la société BPCE Assurances ; Déboute le GIE Européenne de Règlement et la société ABS Expertises de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel ; Dit que la société ABS Expertises et le GIE Européenne de Règlement conserveront la charge de leurs dépens d'appel et que le GIE Européenne de Règlement sera condamné à payer ceux de la société BPCE Assurances, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.