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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 26 janvier 2016, n° 14-00321

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SNN Eco (SAS)

Défendeur :

Ouest Négoce (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme André

Conseillers :

Mmes Gaillard, Gueroult

Avocats :

Mes Lhermitte, Etienne, Perreau

T. com. Quimper, du 29 nov. 2013

29 novembre 2013

I - EXPOSE DU LITIGE

En 2005, l'EURL Ouest Négoce s'est vue confier un mandat d'agent commercial par la société SNN Eco exerçant une activité de collecte, de transport et de traitement des ordures ménagères et des déchets industriels, pour commercialiser des conteneurs.

Le 25 octobre 2012 la société Ouest Négoce a informé la société SNN Eco qu'elle mettait un terme à la collaboration en respectant un préavis de trois mois.

Par courrier du 12 novembre 2012 la société SNN Eco mentionnait ne pas souhaiter donner suite au préavis et mettre fin à la collaboration à réception du courrier.

Par lettre du 19 décembre, la société Ouest Négoce réclamait le paiement de certaines sommes au titre de son préavis ainsi que des commissions restant dues ou à percevoir, en vain.

C'est dans ces circonstances que la société Ouest Négoce a assigné la société SNN Eco par acte de l'huissier du 2 juillet 2013.

Par jugement réputé contradictoire du 29 novembre 2013, le Tribunal de commerce de Quimper a :

Condamné la société SSN Eco à payer à l'EURL Ouest Négoce les sommes de :

- 34 140 euro à titre de préavis

- 134 549,40 euro au titre des commissions

Condamné la société SNN Eco à payer à la société Ouest Négoce la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du CPC, outre aux dépens.

La société SNN Eco a formé appel.

L'appelant demande à la cour de :

A titre principal, de prononcer l'annulation du jugement

Sur le fond :

Donner acte à la société SNN Eco qu'elle reconnaît devoir à la société Ouest Négoce la somme de 5 807 euro au titre des commissions dues sur des commandes conclues avant la cessation du mandat d'agent commercial sur la base d'un chiffre d'affaires HT de 82 957 euro

Pour le surplus :

Dire et juger irrecevables les demandes présentées par la société Ouest Négoce pour la première fois en cause d'appel au titre des commissions prétendument dues pour les marchés de Brest, Sirdomdi et Côte Basque Adour,

Réformant le jugement :

Débouter la société Ouest Négoce de sa demande d'indemnisation au titre d'un préavis

La débouter de ses demandes tendant à l'octroi de commissions supplémentaires,

En tout état de cause :

Condamner la société Ouest Négoce à verser à la société SNN Eco une somme de 4 500 euro au titre de l'article 700 du CPC, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'intimé demande à la cour de :

Condamner la société SNN Eco à payer à la société Ouest Négoce :

- la somme de 34 540 euro à titre de préavis

- la somme de 120 076 euro au titre des marchés Pays de Locminé, Arc Sud Bretagne, Nantes Métropole

- la somme de 1 996,40 euro au titre du marché Côte Basque Adour

- la somme de 11 455,95 euro au titre du marché Sirdomdi

- la somme de 2 150,54 euro au titre du marché Brest Métropole Océane

Pour le surplus, confirmer le jugement

Condamner la société SNN Eco à verser à la société Ouest Négoce la somme de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC, outre aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est du 25 octobre 2015.

La cour a sollicité des parties la production du contrat d'agent commercial. L'appelant a précisé qu'aucun contrat n'avait été formalisé.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux conclusions régulièrement signifiées des parties :

- du 28 octobre 2014 pour l'appelant

- du 29 août 2014 pour l'intimé

II- MOTIFS

Sur l'annulation du jugement sollicité par l'appelant au visa des articles 455 et 472 du CPC.

Il est constant qu'après simple rappel des faits tels qu'exposés par la société Ouest Négoce, le tribunal mentionne simplement que la demande principale de la partie demanderesse se trouve à l'examen, justifiée et fondée au vu des pièces qui l'accompagnent et qui attestent de son apparent bien fondé et que cette demande ne se heurte de facto à aucune contestation en l'absence d'observations écrites ou de comparution.

Cette motivation ne satisfait pas aux exigences des articles 455 et 472 du Code de procédure civile, alors qu'aucune analyse, même sommaire n'est faite sur les éléments de preuve sur lequel le tribunal s'est fondé. Il y a lieu en conséquence d'annuler le jugement.

Compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel la cour tranchera le litige.

Sur le préavis

La société SNN Eco soutient que la société Ouest Négoce a mis fin à sa collaboration pour commercialiser le même type de conteneurs au profit de la société concurrente CB et a perçu de novembre 2012 à janvier 2013 des commissions à ce titre pendant la durée du préavis non effectué.

Mais en application de l'article L. 134-11 du Code de commerce, chacune des partie peut mettre fin au contrat d'agence à durée indéterminée et la durée du préavis est de trois mois pour la 3e année commencée, ce qui est le cas en l'espèce puisque le contrat d'agent est de 2005 et qu'en 2012, plus de trois ans s'étaient écoulés.

Le 12 novembre 2012 la société SNN Eco en dispensant l'agent de l'exécution du préavis a créé de fait une rupture immédiate du contrat sans respect du préavis puisque le retrait du pouvoir de représentation conféré à l'agent entraîne nécessairement la fin du contrat. L'obligation de non-concurrence pesant sur l'agent et constituant une des obligations de l'agent pendant le contrat, a donc pris fin.

La société SNN Eco ne justifie pas avant le 12 novembre 2012 d'une collaboration de son agent avec la société concurrente CB et donc d'une prétendue faute grave rendant inapplicable les dispositions relatives au préavis par application de l'article L. 134-11 dernier alinéa. La société SNN Eco qui n'a donc pas respecté le préavis réciproque de cessation du contrat, a privé l'agent d'une somme correspondant à deux mois et demi de commissions ce qui ouvre droit à indemnité correspondante.

Les parties s'accordent à dire que le montant des commissions versées au cours de l'année 2012 jusqu'à la date de rupture à l'agent est de 161 877 euro.

La société SNN Eco mentionne qu'en toute hypothèse l'indemnisation doit être calculée par référence au montant des commissions versées sur 2012 de laquelle doit être imputée la somme de 5 340,15 euro payée par avance et qui correspond à deux marchés dont l'exécution est remise en cause alors que les conteneurs livrés font l'objet de dysfonctionnement majeurs.

Mais la société SNN Eco a transmis un état des commissions à revenir à l'agent sur les marchés qui avaient été traités au 26 septembre 2012 pour un montant total de 20 470,56 euro, précision apportée que les marchés en cause représentent non la somme de 5 340,15 euro mais celle de 5 364,90 euro. Les commandes sur les conteneurs ont été émises et livrées.

Cette somme a été réglée à l'agent après facturation de l'agent et entrée en comptabilité de la société SNN Eco.

Le fait que des désordres ou non-conformité sur lesdits marchés soient intervenus est inopérant alors que par application de l'article L. 134-9 du Code de commerce le droit à commission naît dès que le mandant a exécuté l'opération et que selon L. 134-10 du Code de du Code de commerce seule la certitude de l'inexécution du contrat entre le tiers et le mandant peut éteindre le droit à commission et pour autant que l'inexécution ne soit pas due à des circonstances imputables au mandant. L'agent ne peut être responsable des difficultés techniques qui relèvent de la seule responsabilité technique du mandant.

Les clients des marchés en cause, Locminé et Arc Sud Bretagne, se prévalent de difficultés techniques qui sont sans lien avec le travail de l'agent commercial et résultent de dysfonctionnements imputables au seul mandant.

L'indemnité de préavis sera donc calculée sur la somme de 161 877 euro, représentant le montant des commissions de l'année 2012 jusqu'à la rupture mi-octobre 2012, soit sur 10 mois et demi, soit une moyenne mensuelle de 15 416 euro. La société Ouest Négoce ne demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions que la somme de 34 540 euro. Il sera fait droit à cette demande.

Sur les commissions restant dues

Les parties s'accordent à reconnaître que la société Ouest Négoce avait recueilli des commandes avant son départ pour un montant total de 82 957 euro, donnant droit à une commission de 7 % sur le montant total, soit la somme de 5 807 euro.

La société Ouest Négoce sollicite en premier lieu des commissions à hauteur de 120 076 euro sur des appels d'offres en cours relatifs au Pays de Locmine, Arc Sud Bretagne et Nantes Métropole et en second lieu les sommes de 1 996,40 euro au titre du marché Côte Basque Adour, 11 457,95 euro au titre du marché Sirdomdi, 2 150,54 euro au titre du marché Brest Métropole.

L'appelant soutient que l'agent ne démontre pas que ces opérations commerciales aient été principalement dues à son activité et qu'elles ne sont pas intervenues dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat alors que la jurisprudence fixe ce délai à trois mois et que celles réclamées pour les marchés de Brest, Sirdomdi et Côtes Basque Adour sont nouvelles et donc irrecevables devant la cour.

Il convient d'indiquer sur ce dernier point qu'il ne s'agit pas de demandes nouvelles alors que par ces différentes demandes l'agent ne fait qu'élever le montant de sa réclamation faite devant les premiers juges au titre des commissions restant dues. Elles sont donc recevables.

L'article L. 134-6 du Code de commerce dispose notamment que :

Pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre (...)

L'article L. 134-7 du Code de commerce dispose notamment que :

Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclu dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat (...)

Ces marchés sont des marchés à bons de commandes qui ont été passés par les collectivités pendant la durée du contrat d'agent à la suite d'une prospection et d'un travail fourni par la société Ouest Négoce ce qui n'est pas réellement discuté. Nonobstant le fait que les commandes, soit les opérations aient pu intervenir plusieurs mois après la rupture du contrat, le principe même de ces marchés permet d'affirmer que l'ensemble des commandes résultent, sauf preuve contraire, de l'activité principale de l'agent.

Concernant le marché Arc Sud Bretagne, celui-ci a été conclu pour une durée d'exécution de 36 mois à compter du 8 novembre 2011. Il s'agit d'un marché à bons de commande prévoyant un seuil minimum et un seuil maximum.

Des commandes ont été émises en février 2012 mais également en 2013.

La société SNN Eco qui mentionne des initiatives et des efforts déployés par son président M. Rousset pour obtenir cette commande, ne produit aucun élément à cet égard.

Malgré les difficultés de fonctionnement du système il est justifié que des commandes ont continué d'être passées.

Dans le tableau récapitulatif qu'il présente en pièce 13 l'intimé mentionne une estimation de commande à hauteur de 334 950 euro qui ne fait pas l'objet de discussion alors que c'est au mandant, qui seul détient tous les éléments de preuve permettant d'établir le montant des commandes passées, qu'il revient de le produire en intégralité.

Comme indiqué supra le fait que le matériel puisse être affecté de désordres est inopérant.

Une commission de 23 446,50 euro est donc due.

Concernant le marché Pays de Locmine

L'agent mentionne dans son tableau un reste de commande de 1 308 865 euro produisant donc une commission de 91 620,55 euro.

La société Ouest Négoce ne justifie pas des termes de la commande dont elle se prévaut. Elle ne justifie pas qu'il se soit agi d'un marché à bons de commande et qu'un montant minimum de commandes ait été prévu.

La société SNN Eco justifie qu'aucune livraison n'a pu intervenir après les premières du fait des dysfonctionnements du matériel livré. Si les premières livraisons, même défectueuses, donnent droit à commission, celles qui n'ont pas été effectuées et n'ont donc pas été facturées ne peuvent y donner lieu. Il y a lieu de rejeter les demandes de commissions supplémentaires afférentes au contrat Pays de Locmine.

Concernant le marché Nantes Métropole

Il s'agit d'un marché public obtenu par la société Ouest Négoce, ce qui n'est pas contesté, en janvier 2011 (pièce 7 intimé) et non le 21 octobre 2013 comme prétendu par l'appelant. Le 21 octobre 2013 est en effet la date d'un bon de commande consécutif (pièce 14 de l'appelant), pour lequel est mentionné au vu du tableau récapitulatif de l'intimé un reste de commande de 71 550 euro ouvrant droit à une commission de 5 008,50 euro. Ce montant n'est pas utilement discuté.

Concernant le marché Siromdi

Il s'agit d'un marché de location de conteneurs qui n'est pas arrivé à expiration en décembre 2012 mais qui a été reconduit jusqu'au 31 mai 2014 comme le reconnaît l'appelante.

La société SNN Eco mentionne que le montant du chiffre d'affaires réalisé entre le 1er octobre 2012 et le 31 mai 2014 représente une somme totale de 34 085 euro HT et produit à cet effet seulement quelques factures mensuelles visant les périodes de location pendant laquelle la facture mensuelle est due.

L'avenant au contrat de location longue durée mentionne un loyer mensuel HT de 1 698 euro HT soit un loyer annuel de 20 376 euro, pour dix conteneurs livrés le 21 décembre 2011.

L'avenant du 24 février 2014 mentionne une location mensuelle de 1 698 euro HT, toujours pour 10 conteneurs, une durée de 5 mois soit un total de 8 490 euro HT, outre frais de gestion mensuel de 25 euro par mois soit 125 euro HT pour cinq mois. La mention d'un loyer mensuel total HT de 8 615 euro est erronée et vise en fait le coût total de la location sur cinq mois et non une location pour un mois.

Les factures produites par la société SNN Eco sont conformes aux stipulations contractuelles et couvrent toute la période de location. Le chiffre d'affaires sur la période était bien de 34 085 euro HT, ouvrant droit à commission pour 2 385,95 euro.

La société SNN Eco sera condamnée à payer cette somme.

Concernant le marché Brest Metropole contrairement à ce qu'indique l'appelante en produisant encore un bon de commande du 20 novembre 2013, ce marché n'a pas été conclu à cette date. Il est d'ailleurs précisé sur le bon qu'il s'agit d'une reconduction du marché 475-2009, pour lequel l'intimé produit d'ailleurs aux débats deux bons de commande du 20 novembre 2012 pour une somme totale de 30 722 euro.

L'agent réclame au titre de ce marché la commission résultant de ces deux bons de commande du 20 novembre 2013, soit pour un montant total de 2 150,54 euro. Il sera fait droit à cette demande.

Concernant le marché Côte Basque Adour, elle justifie d'un bon de commande à hauteur de 28 520 euro qui lui ouvre droit à une commission de 1 996,40 euro.

La société SNN Eco sera en conséquence condamnée à verser à la société Ouest Négoce les sommes de 5 807 euro HT au titre des commandes avant son départ, 23 446,55 euro HT au titre du marché Arc Sud Bretagne, 5 008,50 euro HT au titre du marché Nantes Métropole, 2 385,95 euro au titre du marché Siromdi, 2 150,54 euro au titre du marché Brest Métropole, 1 996,40 euro HT au titre du marché Côte Basque Adour.

Sur les frais irrépétibles et les dépens la société SNN Eco qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens et ne peut de ce fait prétendre aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de la société Ouest Négoce sur le fondement de ce texte.

Par ces motifs LA COUR, Annule le jugement, Statuant à nouveau, Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société SNN Eco au titre de la nouveauté de certaines prétentions, Condamne la société SNN Eco à payer à la société Ouest Négoce la somme de 34 540 euro HT au titre du préavis, Condamne la société SNN Eco à payer à la société Ouest Négoce les sommes de 5 807 euro HT au titre des commandes avant son départ, 23 446,55 euro HT au titre du marché Arc Sud Bretagne, 5 008,50 euro HT au titre du marché Nantes Métropole, 2 385,95 euro au titre du marché Siromdi, 2 150,54 euro HT au titre du marché Brest Métropole, 1 996,40 euro HT au titre du marché Côte Basque Adour, Rejette les autres demandes de la société Ouest Négoce, Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société SNN Eco aux entiers dépens.