Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 4 février 2016, n° 13-10597

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Stanley Security France (SAS)

Défendeur :

Dufaux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Sider, Ermeneux-Champly

T. com. Salon-de-Provence, du 18 janv. 2…

18 janvier 2013

EXPOSE DU LITIGE

Madame Yveline Dufaux a exploité en nom personnel un fonds de commerce de prêt à porter à l'enseigne " Boutique Gaelle " du 1er janvier 1979 au 31 décembre 2011 à Salon-de-Provence.

Le 11 mai 2010, Madame Dufaux exerçant à l'enseigne " Boutique Gaelle " a conclu avec la société Générale de Protection un contrat d'abonnement de télésurveillance et de location n° 282561 d'une durée de 48 mois pour un prix mensuel de 136,86 euro.

Le 3 juin 2010, Madame Dufaux a signé le certificat de réception d'installation.

Suivant acte sous seing privé du 31 décembre 2011, Madame Dufaux a cédé son fonds de commerce de prêt à porter à la société Anaïs qui a poursuivi l'activité dans les mêmes locaux.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 janvier 2012, Madame Dufaux a informé la société Générale de Protection de la cession de son fonds de commerce, lui a notifié la résiliation du contrat n° 282561 et a cessé de régler les mensualités.

Par lettre du 23 février 2012, la société Générale de Protection a réclamé à Madame Dufaux le règlement de l'échéance du mois de février 2012.

Par lettre du 13 mars 2012, Madame Dufaux a rappelé à la société Générale de Protection les termes de sa précédente lettre de résiliation du 18 janvier 2012.

Par lettre du 4 avril 2012, la société Générale de Protection a informé Madame Dufaux que la cessionnaire du fonds de commerce n'était pas intéressée par la reprise du contrat et lui a proposé :

La transmission du matériel vers un autre repreneur que la société Anaïs cessionnaire du fonds de commerce

La réinstallation du système " en tout lieu qu'il vous serait agréable de nous indiquer "

Le solde du contrat par règlement d'une indemnité contractuelle de résiliation

Par lettre du 11 avril 2012, Madame Dufaux a répondu qu'il n'entrait pas dans ses pouvoirs de décider d'un transfert de matériel au cessionnaire, que la réinstallation du système à son domicile était inenvisageable étant déjà locataire d'un matériel de télésurveillance auprès de la société Générale de Protection et que le contrat était résilié de plein droit suite à la cession de son fonds de commerce de sorte qu'aucune indemnité de résiliation ne saurait lui être appliquée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 avril 2012, la société Générale de Protection a répondu que la vente du fonds de commerce ne constituait pas une clause résolutoire de plein droit et que le versement d'une indemnité de résiliation s'imposait.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 avril 2012, la société Générale de Protection a mis en demeure Madame Dufaux de lui régler les échéances impayées pour un total de 457,73 euro sous huitaine à défaut de quoi le contrat serait résilié de plein droit et la somme de 4 822,60 euro serait exigible se décomposant ainsi qu'il suit :

Echéances impayées 410,49 euro

Intérêts de retard 6,19 euro

Indemnité forfaitaire 10 % 41,05 euro

Indemnité de résiliation 3 968,07 euro

Majoration de 10 % 369,60 euro

En lui précisant que le matériel serait démonté ultérieurement à ses frais.

La société Générale de Protection a obtenu le 10 août 2012 une ordonnance d'injonction de payer signifiée le 3 septembre 2012 à laquelle Madame Dufaux a formé opposition le 13 septembre 2012.

Par jugement du 18 janvier 2013 rendu sur l'opposition à injonction de payer, le Tribunal de commerce de Salon de Provence a :

- dit recevable l'opposition,

- débouté la société Générale de Protection de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions non conformes au présent jugement,

- condamné Madame Dufaux à payer à la société Générale de Protection la somme de 457,73 euro (échéances impayées, intérêts de retard au taux conventionnel et indemnité forfaitaire de 10 %),

- laissé les frais irrépétibles à la charge de la société Générale de Protection

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la société Générale de Protection aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour du 22 mai 2013, la SAS Générale de Protection a régulièrement relevé appel de cette décision à l'encontre de Madame Yveline Dufaux.

Dans ses dernières conclusions du 4 décembre 2013, la SAS Stanley Security France venant aux droits de la SAS Générale de Protection suivant fusion-absorption du 30 juin 2013, demande à la cour au visa des articles 1134, 1153 et 1154 du Code civil de:

- réformer le jugement entrepris,

- dire que le contrat a été résilié de plein droit huit jours après l'envoi de la mise en demeure du 23 avril 2012,

- condamner Madame Dufaux à payer à la société Stanley Security France venant aux droits de la société Générale de Protection la somme de 5 081,09 euro TTC en principal assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 avril 2012,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus,

- condamner Madame Dufaux à payer à la société Stanley Security France venant aux droits de la société Générale de Protection la somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Madame Dufaux aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Stanley Security France soutient :

- que la seule cession de l'un de ses fonds de commerce ne peut permettre la résiliation du contrat, ce cas de figure étant uniquement prévu dans les conditions générales en cas de cession de fonds de commerce avec extinction de la personne morale contractante, et reste de la faculté du bailleur,

- que selon extrait Kbis du 22 octobre 2012, Madame Dufaux est toujours inscrite au registre du commerce et des sociétés pour une activité complémentaire de location de meublés dans les locaux situés <adresse>,

- qu'en cessant de régler les loyers, Madame Dufaux a manqué à ses obligations contractuelles,

- que le contrat a été conclu pour une durée ferme et irrévocable de 48 mois soit jusqu'au 9 octobre 2014,

- que par application de l'article 16 des conditions générales du contrat du 11 mai 2010, celui-ci s'est trouvé résilié de plein droit huit jours après l'envoi de la mise en demeure du 23 avril 2012 par suite des impayés,

- que le montant de l'indemnité de résiliation est égal au montant des loyers restant à échoir, et que la résiliation anticipée entraîne le versement d'une indemnité de résiliation et non la poursuite du paiement des loyers sans contrepartie,

- que les dispositions du Code de la consommation concernant l'annulation des clauses abusives ne sont pas applicables dès lors que le contrat a été conclu pour les besoins de l'activité professionnelle de Madame Dufaux ainsi qu'il résulte du contrat.

Dans ses dernières conclusions du 17 octobre 2013, Madame Yveline Dufaux demande à la cour au visa des articles 1111, 1134, 1184 du Code civil, des articles L. 132-1 et suivants du Code de la consommation et de la recommandation CCA n° 97-01, de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Générale de Protection de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions non conformes au présent jugement,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Madame Dufaux à payer à la société Générale de Protection la somme de 457,73 euro,

- constater que le contrat n° 28561 en date du 11 mai 2010 est résilié depuis le 18 janvier 2012,

- débouter la société Stanley Security France de sa demande en paiement des échéances postérieures et de capitalisation des intérêts,

Dire que le contrat litigieux entre dans le domaine de la loi sur les clauses abusives et relève du droit de la consommation,

- considérer comme abusives les clauses du contrat litigieux en ce qu'elles prévoient une durée d'engagement de 48 mois irrévocables (article 22 CG) et mettent à la charge du consommateur une indemnité de résiliation (article 16-1 CG),

- prononcer leur annulation,

- débouter la société Stanley Security France de sa demande en paiement de cette indemnité et de capitalisation des intérêts,

- condamner la société Stanley Security France au paiement de la somme de 3 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile - la condamner aux entiers dépens, ceux d'appel avec distraction.

Madame Dufaux fait valoir :

- que la société Générale de Location n'a pas fait preuve de bonne foi en proposant à deux reprises à la concluante d'installer le matériel dans 'un autre endroit' suite à la cession du fonds de commerce alors qu'elle savait pertinemment que Madame Dufaux était déjà équipée d'un matériel de télésurveillance pour l'avoir installée elle-même en 2007, et en lui proposant de transmettre le matériel à un autre repreneur,

- qu'il y a lieu en conséquence de constater la résiliation du contrat à compter du 18 janvier 2012 sur le fondement de l'article 1184 du Code civil,

- que le contrat conclu entre les parties relève du droit de la consommation concernant les clauses abusives,

- que le contrat de télésurveillance conclu par la concluante est sans rapport directe avec son activité professionnelle, et n'a pas pour objet le développement de cette activité,

- que la jurisprudence assimile au consommateur le professionnel qui, à l'occasion de sa profession, passe un contrat dont l'objet n'est pas directement destiné à la mise en œuvre de son activité professionnelle,

- que la concluante doit dès lors bénéficier des dispositions d'ordre public de l'article L 132-1 et suivants du Code de la consommation,

- que la concluante est fondée à demander la résolution du contrat qui contient des clauses abusives avec pour effet de créer à son détriment un déséquilibre significatif sur le fondement de ces dispositions, en ce que le contrat prévoit une durée de 48 mois irrévocable sans possibilité de rupture anticipée par le consommateur ainsi qu'une indemnité de résiliation correspondant aux loyers à échoir majorée de 10 %.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 22 des conditions générales du contrat d'abonnement et de surveillance du 11 mai 2010 :

" le présent contrat entrera en vigueur à la date de signature par les parties ou à l'issue du délai de renonciation lorsque celui-ci est applicable, et prendra fin à l'issue d'une période irrévocable et indivisible de 48 mois choisie par l'abonné, l'abonné s'étant vu proposé, préalablement à la signature du contrat, d'autres durées. La date anniversaire du contrat est la date de signature du procès-verbal de réception du matériel "

Aux termes de l'article 16 des mêmes conditions générales :

" Le présent contrat pourra être résilié de plein droit par le prestataire ou par toute personne désignée par lui 8 jours après une mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception demeuré sans effet :

- à défaut de paiement par l'abonné à son échéance de l'une des mensualités prévues au contrat ou de toute somme due par l'abonné au titre du contrat

- en cas d'inexécution par l'abonné de l'une quelconque de ses obligations

Le contrat pourra être également résilié de plein droit par le prestataire en cas de [...] cession amiable ou forcée du fonds de commerce de l'abonné.

La résiliation du contrat entraînera, sans deuxième mise en demeure, en réparation du préjudice subi, le paiement par l'abonné, ses héritiers ou ayants droit, en sus de toute mensualité ou somme impayée en vertu du contrat, d'une indemnité contractuelle de résiliation égale au solde TTC des mensualités restant à échoir à la date de la résiliation majorée de 10 % ".

Aux termes de l'article 2 des conditions générales du contrat de location :

" Cette location est consentie à compter de la date de signature du procès-verbal de réception de l'installation. La durée du contrat est non seulement déterminée, mais également irrévocable pour une durée de 48 mois choisie par l'abonné, chaque période devant être menée à son terme ".

Aux termes de l'article 10.1, 10.2 et 10.3 :

" En cas de non-paiement, même partiel, à sa date d'exigibilité d'une seule échéance par le locataire, comme en cas d'inexécution de l'une quelconque de ses obligations, le contrat sera résilié de plein droit 8 jours après l'envoi d'une lettre recommandée AR restée sans effet [....]. "

Le contrat se trouve également résilié de plein droit, sans aucune formalité, à la convenance du loueur, nonobstant l'exécution de toutes les obligations contractuelles [....] en cas de cession amiable ou forcée du fonds du locataire.

En cas de résiliation pour l'une des causes ci-dessus, le locataire s'oblige [...] à verser immédiatement au loueur toutes autres sommes en vertu du contrat (loyers, frais de retard, indemnité de mise à disposition du matériel etc...) le loueur se réserve en outre la faculté d'exiger le paiement d'une indemnité de résiliation égale au total des loyers TTC non encore échus, majoré de 10 % [...].

Selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le contrat de télésurveillance conclu le 11 mai 2010 avait pour objet de protéger le commerce de prêt à porter exploité par Madame Dufaux contre les vols et autres intrusions malveillantes.

En l'état du rapport direct existant entre l'objet du contrat et l'activité professionnelle exercée à titre personnelle par Madame Dufaux, cette dernière doit être considérée comme une professionnelle au sens de l'article L. 132-1, de sorte que le contrat litigieux est exclu du champ d'application de cet article et que Madame Dufaux n'est pas fondée à se prévaloir du caractère abusif des clauses concernées.

Par lettre du 4 avril 2012, la société Générale de Protection a informé Madame Dufaux que la cessionnaire du fonds de commerce n'était pas intéressée par la reprise du contrat et lui a proposé :

La transmission du matériel vers un autre repreneur que la société Anaïs cessionnaire du fonds de commerce

La réinstallation du système " en tout lieu qu'il vous serait agréable de nous indiquer "

Le solde du contrat par règlement d'une indemnité contractuelle de résiliation

Cette proposition faite à l'avantage de Madame Dufaux n'est pas de nature à caractériser la mauvaise foi de la société Générale de Location dans l'exécution du contrat.

Il est constant en l'espèce que Madame Dufaux a résilié le contrat du 11 mai 2010 et a cessé de régler les mensualités en janvier 2012 de manière anticipée par convenance personnelle, en dehors de tout manquement de la société Générale de Location à ses propres obligations.

La société Stanley Security France venant aux droits de la société Générale de Location est en conséquence fondée en sa demande de résiliation du contrat ainsi que de paiement des loyers impayés et de l'indemnité de résiliation anticipée dans les termes du contrat pour un total de 4 856,41 euro TTC, ce hors frais d'huissier qui constituent des dépens et non le principal.

Infirmant le jugement déféré, il sera fait droit à la demande de condamnation de Madame Dufaux dans la limite en principal de 4 856,41 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2012 date de la mise en demeure et capitalisation des intérêts.

Madame Dufaux qui succombe n'est pas fondée en sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il convient en équité de condamner Madame Dufaux à payer à la société Stanley Security France venant aux droits de la société Générale de Location la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu' en cause d'appel.

Par ces motifs LA COUR, statuant contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, Dit que le contrat du 11 mai 2010 a été résilié de plein droit huit jours après la lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure du 23 avril 2012 adressée par la société Générale de Location à Madame Dufaux, Condamne Madame Dufaux à payer à la société Stanley Security France venant aux droits de la société Générale de Location la somme en principale de 4 856,41 euro TTC avec intérêts au taux légal à compte rdu 23 avril 2012, date de la mise en demeure, Ordonne la capitalisation des intérêts échus, Déboute Madame Dufaux de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, Condamne Madame Dufaux à payer à la société Stanley Security France venant aux droits de la société Générale de Location la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Madame Dufaux aux entiers dépens de première instance et d'appel.