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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 26 janvier 2016, n° 14-00310

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Westcom (SAS)

Défendeur :

Abbadie (ès qual.), Opticom (SARL), Totaro

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme André

Conseillers :

Mmes Gaillard, Gueroult

Avocats :

Mes Dumont, Le Couls-Bouvet, Bellet

T. com. Vannes, du 22 nov. 2013

22 novembre 2013

Exposé du litige

Exploitant depuis mai 1997 sur l'agglomération de Vannes un magazine bimensuel dénommé " Le P'tit Zappeur ", distribué gratuitement dans les boîtes aux lettres et financé par les annonceurs, M. Cautru a développé un réseau de franchisés en constituant parallèlement, en 2002, la société Westcom pour succéder à l'agence de publicité créée en 1995. Le 14 avril 2006, celle-ci a transmis à M. Totaro, intéressé par l'exploitation du concept sur la région de Tarbes, un avant-contrat de partenariat puis a conclu avec lui, le 19 mai 2006, un contrat repris par la société Opticom immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 5 juillet 2006. Le 20 avril 2007, un avenant au contrat accordait au franchisé une zone géographique plus étendue sans paiement de droits supplémentaires.

Le droit d'entrée s'est élevé à 6 000 euro HT, le contrat mettant en outre à la charge du franchisé une redevance de 975 euro HT par numéro édité.

Le 15 septembre 2008, se plaignant de difficultés de trésorerie, la société Opticom, utilisant le nom commercial " Le P'tit Zappeur Pyrénées ", a sollicité des délais de paiement des redevances échues impayées correspondant aux numéros 39, 40 et 41, le numéro 42 étant annulé.

La société Opticom ayant été mise en liquidation judiciaire le 19 janvier 2009, la société Westcom déclarait entre les mains de Me Jean-Pierre Abbadie, ès qualité de liquidateur judiciaire, une créance de 8 328 euro.

Le 28 juillet 2011, le liquidateur de la société Opticom et M. Totaro, agissant à titre personnel, ont fait assigner la société Westcom en annulation du contrat de franchise et en paiement des sommes suivantes :

- 6 000 euro au titre du remboursement du droit d'entrée.

- 41 925 euro au titre du remboursement des redevances,

- 87 357 euro au titre du passif de la liquidation judiciaire,

- 72 000 euro à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 22 novembre 2013, le Tribunal de commerce de Vannes a :

- prononcé la nullité du contrat de franchise du 19 mai 2006 pour violation des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce ;

- dit et jugé que la société Westcom ne pouvait se prétendre créditrice de la société Opticom d'une somme de 8 328,30 euro au titre de factures demeurées impayées ;

- condamné la société Westcom à payer à Me Abbadie, ès qualités de liquidateur de la société Opticom la somme de 6 000 euro HT au titre de remboursement du droit d'entrée outre celle de 41 925 euro au titre du remboursement des redevances ;

- débouté Me Abbadie de sa demande au titre de la prise en charge du passif de la liquidation judiciaire.

- débouté M. Totaro de sa demande de dommages et intérêts pour manque à gagner au titre de sa rémunération.

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

- condamné la société Westcom à payer à Me Abbadie la somme de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles ainsi qu`aux entiers dépens.

La société Westcom a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de :

" A titre principal, débouter Maître Abbadie, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Opticom et M. Totaro de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre reconventionnel, condamner Me Abbadie ès qualités de liquidateur de la société Opticom à payer la somme de 222 725,10 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat de partenariat ;

Condamner solidairement Maître Abbadie, ès qualités de liquidateur de la société Opticom et M. Totaro au versement de la somme de 8 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. "

En réponse, Me Abbadie et M. Totaro demandent à la cour de :

" Vu les articles 1118, 1134, 1184 et 2000 du Code civil, L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce et le Code de déontologie de la Franchise,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise du 19 mai 2006 pour violation des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la société Westcom ne pouvait se prétendre créditrice de la société Opticom d'une somme de 8 328,30 euro au titre de factures demeurées impayées ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condanmé la société Westcom à payer à Me Abbadie ès qualités de liquidateur de la société Opticom la somme de 6 000 euro HT au titre du remboursement du droit d'entrée et celle de 41 925 euro au titre du remboursement des redevances, outre les intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2011, avec capitalisation des intérêts ;

L'infirmer pour le surplus et statuant de nouveau :

- dire et juger l'action de Me Jean-Pierre Abbadie ès qualités de liquidateur de la société Opticom recevable et bien fondée.

- dire et juger que M. Julien Totaro est recevable et bien-fondé dans son action personnelle ;

- dire et juger l'action de Me Jean-Pierre Abbadie ès qualités de liquidateur de la société Opticom et de M. Julien Totaro non prescrite ;

- dire et juger que le contrat de franchise est nul pour défaut de cause, le franchiseur n'ayant pas justifié avoir expérimenté son concept et testé sa rentabilité ;

- dire et juger que le consentement de M. Julien Totaro a été vicié et qu'il n'a pu s'engager en toute connaissance de cause aux motifs que la société Westcom :

n'a pas remis un document d'information précontractuelle conforme aux dispositions d'ordre public des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ;

n'a pas informé M. Totaro de l'évolution de l'entreprise et du réseau d'exploitants ;

n'a pas établi d'état du marché local sur Tarbes, ni déterminé les perspectives de développement ;

n'a pas communiqué des chiffres sérieux et prudents sur la rentabilité du concept ;

- dire et juger que la société Westcom est à l'origine de l'erreur de M. Totaro sur la rentabilité du concept " P'tit Zappeur " sur la ville de Tarbes ;

- dire et juger que la société Westcom a violé son obligation d'aide et assistance ;

- constater que la société Westcom a gravement manqué à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat.

- dire et juger que la société Westcom doit réparer l'intégralité des préjudices commerciaux consécutifs à ses fautes et notamment ceux nés de la rupture anticipée du contrat de franchise ;

A titre principal :

- prononcer la nullité du contrat de franchise pour défaut de cause, erreur et dol ;

- dire et juger que Me Jean-Pierre Abbadie ès qualités de liquidateur de la société Opticom est recevable et bien fondé à opposer à la société Westcom une exception d'inexécution et que partant, elle est irrecevable et mal fondée à produire au passif de la liquidation ;

- replacer les parties dans l'état antérieur à la signature du contrat et ordonner la restitution par la société Westcom des sommes versées ;

En conséquence :

- condamner la société Westcom à verser à Me Jean-Pierre Abbadie ès qualités de liquidateur de la société Opticom :

6 000 euro HT au titre du remboursement du droit d'entrée,

41 925 euro au titre du remboursement des redevances,

87 357 euro à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds ;

- condamner la société Westcom à verser à M. Julien Totaro :

la somme de 72 000 euro à titre de dommages et intérêts correspondant au manque à gagner à titre de rémunération, sur la base du compte d'exploitation prévisionnel en année l (2 250 euro x 32 mois, pour la période du 19 mai 2006 au 15 janvier 2009);

A titre subsidiaire :

- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société Westcom,

- dire et juger que Me Jean-Pierre Abbadie ès qualités de liquidateur de la société Opticom est recevable et bien fondé à opposer à la société Westcom une exception d'inexécution et que partant, elle est irrecevable et mal fondée à produire au passif de la liquidation,

- condamner la société Westcom à verser à Me Jean-Pierre Abbadie ès qualités de liquidateur de la société Opticom la somme de 87 357 euro à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds ;

- condamner la société Westcom à verser à M. Julien Totaro :

- la somme de 72 000 euro à titre de dommages et intérêts correspondant au manque à gagner à titre de rémunération, sur la base du compte d'exploitation prévisionnel en année l (2 250 euro x 32 mois, pour la période du 19 mai 2006 au 15 janvier 2009) ;

- dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil ;

- condamner la société Westcom au paiement d'une somme complémentaire de 6 000 euro, qui s'ajoute à celle de 4 000 euro allouée en première instance, sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- condamner la société Westcom aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par la société appelante le 17 avril 2014 et par Me Abbadie ès qualités le 16 octobre 2015.

Exposé des motifs

Sur la demande de la nullité du contrat de franchise signé le 19 mai 2006

a) la fin de non-recevoir de la prescription

La société Westcom oppose à la demande de nullité du contrat, la fin de non-recevoir tirée de la prescription édictée par l'article 1304 du Code civil, en faisant valoir que le contrat a été signé le 19 mai 2006 alors que la nullité a été demandée, plus de cinq ans plus tard, par assignation du 28 juillet 2011.

Mais si l'article 1304 du Code civil prévoit que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans, il précise que ce temps court... dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Il en résulte que la demande de nullité du contrat fondée sur l'absence de cause est prescrite mais qu'en revanche, le contrat n'ayant été exécuté qu'à compter du mois de septembre 2006, l'erreur sur la rentabilité invoquée n'a pu être découverte qu'à cette date.

b) sur le vice du consentement allégué

Le liquidateur judiciaire de la société Opticom se plaint d'un dol, ou subsidiairement d'une erreur sur la rentabilité de l'exploitation du magazine, qu'il impute aux manquements du franchiseur dans l'exécution de l'obligation d'information précontractuelle à sa charge.

Il rappelle les dispositions :

- de l'article L. 330-3 du Code de commerce aux termes desquelles, " Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent. "

- de l'article R. 330-1 du Code de commerce selon lequel "Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :

1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;

2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie,

3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires;

4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du Code monétaire et financier ;

5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :

a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;

b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;

Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;

c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;

d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;

6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.

Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation. "

La société Westcom justifie avoir porté à la connaissance de M. Totaro, le 14 avril 2006, un avant-contrat de partenariat contenant les informations prescrites par les dispositions sus-reproduites. Cependant les intimés soutiennent que ces informations étaient insuffisantes, au regard des prescriptions édictées par l'article R. 330-1 4° et 5°, en ce que le franchisé n'a pas été informé de l'évolution de l'entreprise et du réseau d'exploitants.

Mais le document précontractuel donnait les informations exigées par les dispositions sus-rappelées en page 7 et en page 14, la seule indication manquante étant la date de conclusion ou de renouvellement des contrats de franchise déjà conclus. Cet élément n'était cependant pas de nature à vicier le consentement du candidat à l'affiliation au réseau dans la mesure où les autres informations communiquées concomitamment lui permettaient de prendre conscience du caractère récent et peu développé du réseau. Les intimés n'indiquent d'ailleurs pas en quoi la précision manquante aurait dissuadé M. Totaro de conclure le contrat.

En second lieu, le liquidateur judiciaire de la société Opticom reproche à la société Westcom de ne pas avoir remis au gérant un document contenant un état du marché local et de ses perspectives de développement. Mais au paragraphe 1-4 de l'avant-contrat, le franchiseur effectuait une présentation du marché à la fois sur le plan général et local, au cours de l'année 2004 dernière année dont les résultats étaient publiés, cette présentation étant étayée par des annexes. Ainsi à l'annexe 8 était analysée la structure de la demande publicitaire locale, la population et le tissu économique de la ville de Tarbes et du département des Hautes Pyrénées, chiffres qui comparés à la moyenne nationale française révélaient le manque de dynamisme de la zone concernée. Ces éléments qu'il appartenait au candidat à la franchise d'étudier attentivement satisfaisaient aux prescriptions du texte sus-rappelé. En effet, si le franchiseur doit un certain nombre d'informations sur son propre réseau, il ne lui incombe pas de se substituer au candidat pour l'appréciation du risque de l'entreprise, en effectuant, à sa place, sauf convention contraire non souscriste en l'espèce, une étude de marché pour déterminer la clientèle potentielle. Il incombait notamment au franchisé de se renseigner sur la viabilité économique de son projet en se procurant les résultats des sociétés se trouvant dans une situation comparable à la sienne, telle la société établie à Carcassonne qui lui a procuré la formation promise par le franchiseur.

Au demeurant, les pièces produites révèlent que M. Totaro, antérieurement VRP dans le secteur de la publicité pour radio dans la même zone géographique qu'il connaissait et avait choisie, était expérimenté et informé de l'état du marché local. Il rappelait ainsi préalablement à la souscription du contrat, le nombre peu important d'habitants du département (220 000), l'existence de deux gratuits sur Tarbes édités à 60 000 exemplaires et obtenait des informations sur le budget prévisionnel en fonction de la pagination du magazine et sur les tarifs pratiqués par les membres du réseau, informations dont le caractère inexact n'est pas soutenu (pièce 57 de l'appelante). Le 29 juin 2006, il sollicitait de nouvelles précisions quant aux expériences locales antérieures tandis qu'il informait la société Westcom de l'arrivée d'un nouveau gratuit "Paru-Vendu" aggravant la concurrence locale tout en se prévalant de son expérience en matière de vente de publicité. Il ne démontre pas dès lors en quoi le caractère prétendument insuffisant des informations contenues dans l'avant-contrat aurait provoqué une erreur de sa part sur la rentabilité de son projet.

Vainement reproche-t-il au franchiseur de n'avoir pas réalisé le chiffre d'affaires escompté alors qu'il a établi seul le prévisionnel que le franchiseur n'avait pas à valider et dont les résultats n'étaient d'ailleurs pas grossièrement sous-évalués par rapport au chiffre d'affaires effectivement réalisé par la société Opticom. En effet, le prévisionnel, qui portait sur la période comprise entre les mois d'octobre 2006 et septembre 2007, prévoyait un chiffre d'affaires mensuel moyen, sur cette période, de 23 333 euro alors que le chiffre d'affaires réalisé au titre de l'exercice s'achevant le 30 septembre 2007 s'est élevé à 190 543 euro, soit sur douze mois une moyenne de 15 878 euro, ce qui représentait une réalisation de 68 % de l'objectif qui n'avait rien d'anormale. De même, au cours de la seconde année d'exploitation, le prévisionnel s'élevait à 345 000 euro pour un chiffre d'affaires effectif de 285 209 euro, soit une moyenne équivalente au chiffre d'affaires escompté pour le premier exercice (23 767 euro réalisé contre 23 333 euro attendu pour le premier exercice et 28 750 euro pour le second). Ces chiffres ne peuvent caractériser une erreur substantielle sur la rentabilité du concept et encore moins une erreur provoquée par le franchiseur qui démontre qu'avec une production identique, d'autres membres du réseau parviennent à dégager des résultats bénéficiaires.

La société Opticom ne démontre pas non plus l'existence de manœuvres dolosives du franchiseur constitutives d'un dol commis à son détriment. En effet, l'information pré-contractuelle fournie ne comportait pas les bilans de la société franchisée de Tours mais seulement, et conformément à l'article R. 330-1, les comptes annuels arrêtés au titre des deux derniers exercices de la société franchiseur, soit au 31 décembre 2003 et 2004, d'ailleurs peu flatteurs puisque révélant un déficit de 62 778 euro en 2003 et un bénéfice de seulement 2 929 euro en 2004, insuffisants pour reconstituer les fonds propres de la société dont les capitaux propres restaient négatifs de 38 424 euro. Le fait que le 23 mars 2006, préalablement à la communication du DIP, la société Westcom, sollicitée par M. Totaro, ait transmis les bilans comptables de son franchisé de Tours (qui révélait un résultat bénéficiaire de 12 760 euro sur quatorze mois pour un chiffre d'affaires de 393 482 euro, soit une moyenne mensuelle de 28 105 euro) ne constitue pas une manœuvre dolosive de nature à induire en erreur dès lors que l'information était exacte, que le secteur géographique concerné était porté à la connaissance du destinataire qui avait les compétences nécessaires pour en extrapoler les résultats en fonction du secteur sur lequel il envisageait de s'installer dont il connaissait, mieux que le franchiseur, le potentiel, et enfin que ceci répondait à une sollicitation de M. Totaro qui indique dans ses écritures avoir pris contact avec la société Westcom après avoir eu connaissance de la publication diffusée à Tours.

Le franchiseur démontre d'ailleurs que la société ZAP exploitant la franchise de Carcassonne depuis le 8 septembre 2000 réalisait en 2001, un chiffre d'affaires de 225 085 euro et en 2002 un chiffre d'affaires de 383 103 euro, porté en 2003 à 432 069 euro, en cohérence avec le chiffre d'affaires prévisionnel de la société Opticom pour une activité s'exerçant dans des conditions similaires.

De même, la société JC Com représentée par M. Jégou, franchisée de l'agglomération briochine, a réalisé au 30 septembre 2002 un chiffre d'affaires de 256 155 euro et au 30 septembre 2003 de 256 332 euro pour 177 715 euro au 30 septembre 2001 premier exercice de l'activité qui a dégagé un bénéfice de 4 191 euro.

Enfin contrairement à ce que soutiennent les intimées, le choix du lieu d'implantation de la franchise ne relevait pas du savoir-faire du franchiseur mais de la responsabilité du franchisé. Dès lors qu'aucune étude du marché local, ni aucun prévisionnel n'avaient été effectués par le franchiseur à qui n'incombaient pas ces diligences, le franchisé ne peut lui reprocher d'avoir provoqué l'erreur qu'il soutient avoir commise sur l'appréciation de la rentabilité de son projet.

Au demeurant, le fait que la rentabilité du contrat se soit avérée inférieure aux résultats escomptés s'explique par des paramètres multiples et en particulier, les choix de gestion du franchisé qui s'est démarqué du concept en multipliant les activités accessoires, génératrices de charges d'exploitation (local commercial, recours à plusieurs salariés, etc...). Ainsi par exemple, alors que le prévisionnel qu'il avait établi ne comptabilisait de charges de personnel, hors rémunération du gérant, que pour un montant de 7 840 euro au titre de la première année s'achevant le 30 septembre 2007, M. Totaro a engagé au nom de la société qu'il dirigeait, pour cette période, des frais de personnel salarié d'un montant de 24 545 euro.

Il n'est dès lors justifié d'aucun vice du consentement justifiant l'annulation du contrat de franchise.

Sur la demande de résolution pour inexécution du contrat de franchise

Les intimés soutiennent que la société Westcom aurait manqué aux obligations essentielles du contrat. Mais ils se fondent sur la lettre adressée le 26 décembre 2008 par M. Totaro en réponse à une lettre du 8 décembre 2008 qui n'est pas communiquée, dans un contexte de cessation d'activité imminente. Les griefs ainsi exposés ne sont soutenus par aucune pièce probante et leur véracité n'est pas étayée par le contenu des échanges antérieurs entre les parties.

Le contrat proposé était ainsi décrit dans le DIP : " le partenaire devient Directeur du magazine sur la ville et commercialise les espaces publicitaires auprès des annonceurs locaux à son propre compte. Westcom SAS met à la disposition la marque et le concept du magazine et peut se charger pour ceux qui le souhaitent de la partie technique (réalisation de publicités, programmes TV, achat de photos, photogravure, papier, imprimerie, livraison) et de la gestion du réseau des partenaires (suivi, régie nationale, etc..). Une grande autonomie était ainsi laissée au franchisé qui avait le choix de recourir ou non aux services de la société Westcom laquelle ne facturait que les prestations effectivement commandées. Ainsi le contrat litigieux décrivait à l'article 11.3 les prestations de services assurées en l'espèce par Westcom de la façon suivante : " Prestations : Grilles de programme TV des chaînes françaises en pages entières ou 1/2 pages... Les programmes TV incluent également le Zapping sur une page (sorties cinéma et tops) et l'horoscope sur 1/2 ou 1 page. ", seule cette prestation dont le coût était déterminé faisant l'objet de l'accord des parties. Elle constituait donc l'obligation essentielle dont la non-réalisation aurait justifié la résiliation du contrat.

Or si les intimés se plaignent de retards répétés dans la communication des programmes TV et de l'incapacité du franchiseur à fournir la page " Jeux ", ils n'en justifient pas. Au contraire, la société appelante communique, en pièce 42, un courriel de M. Totaro ainsi rédigé " je te demande en contrepartie [des paiements promis] de remettre en marche les différents services qui ont été coupés au plus vite afin de ne pas perturber plus la sortie de mon prochain numéro... tout en te reprécisant tout de même que j'ai toujours souhaité te régler ce que je te dois et que je regrette que cette coupure ait eu lieu alors que j'avais repris les paiements ". En réponse, la société Westcom indiquait " Pour le cahier auto, il est actuellement en correction, il sera disponible dans l'après-midi. "

Ceci dément les allégations selon lesquelles aucune contrepartie réelle au paiement des factures n'était fournie par le franchiseur. Il s'infère de ces échanges que contrairement à ce qui est soutenu, le franchiseur assumait les prestations convenues au contrat au moins tant qu'il ne se prévalait pas légitimement de l'exception d'inexécution contractuelle.

Il est également reproché à la société Westcom d'avoir manqué à son obligation d'aide et d'assistance en n'effectuant pas de visite et en ne prenant aucune mesure pour venir en aide à son franchisé. Mais l'organisation de visites périodiques ou de réunions des franchisés n'était pas prévue par le contrat, seule une assistance téléphonique étant promise. De surcroît, pour remédier au manque de chiffre d'affaires déploré par son franchisé, la société Westcom lui a accordé gratuitement une extension de sa zone d'exclusivité à l'agglomération de Pau, ce qui constituait un avantage conséquent qui contredit le grief. Elle a également accepté l'échéancier de paiement sollicité le 15 septembre 2008 par M. Totaro alors que cinq redevances étaient impayées. Enfin, il sera relevé que le franchiseur ne s'est pas opposé à la diversification par le franchisé de ses activités, en le laissant pour ce faire utiliser sa marque.

L'absence de livraison du pack de démarrage n'est pas non plus démontrée étant fait observer que le grief est tardif et contredit par le mail envoyé le 22 mai 2006, indiquant " Je n'ai pas emporté le précontrat vendredi, merci de me le faire parvenir avec le reste du pack par courrier ", ce qui révèle qu'il avait déjà reçu une partie de celui-ci. Ultérieurement le 6 juin 2006, M. Totaro indiquait pouvoir télécharger des éléments sur le site (pièce 65) après avoir reçu les Codes d'accès le 29 mai 2006 (pièce 51).

M. Totaro se plaint d'une absence de formation mais les éléments du dossier révèlent que cette affirmation est fausse puisqu'il a obtenu, de même que sa compagne, de l'adhérent de Carcassonne, la formation promise. C'est ainsi qu'il écrivait le 6 juin 2006 (pièce 65) " J'ai aussi contacté Nicolas à Carcassonne et nous nous sommes mis d'accord pour la formation ". Ce dernier a attesté le 24 août 2011 avoir dispensé une formation de deux jours les 8 et 9 juin 2011 aux frais du franchiseur.

Enfin, rien n'établit non plus que le retard dans la réception des affiches soit imputable à un non-respect par la société Westcom de ses engagements contractuels.

Les griefs formulés, non démontrés, ne justifient pas dès lors la résolution du contrat pour inexécution aux torts de la société Westcom, ni de l'invocation tardive par celle-ci d'une exception d'inexécution pour justifier l'absence de paiement des redevances qu'elle s'était engagé à régler.

Sur la demande reconventionnelle de la société Westcom

Se plaignant tant de la violation des obligations contractuelles que de la résiliation anticipée du contrat, la société Westcom réclame la condamnation du liquidateur ès qualités au paiement d'une somme de 222 725,10 euro à titre de dommages-intérêts. Mais selon ses propres déclarations et pièces, elle n'a déclaré qu'une créance de 8 328 euro de sorte que sa demande qui n'aurait pu d'ailleurs que consister en la fixation au passif de la créance, toute condamnation étant proscrite par les dispositions applicables aux procédures collectives, est irrecevable.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions supportera la charge de ses frais et dépens.

Par ces motifs, LA COUR : Confirme le jugement rendu le 22 novembre 2013 par le Tribunal de commerce de Vannes en ce qu'il a : - débouté M. Jean-Pierre Abbadie ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Opticom de sa demande de condamnation de la société Westcom au paiement de l'insuffisance d'actif de la société Opticom ; - débouté M. Julien Totaro de sa demande de dommages-intérêts ; Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau, - Déclare prescrite la demande d'annulation du contrat conclu le 19 mai 2006 pour défaut de cause ; - Déboute M. Jean-Pierre Abbadie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Opticom, et M. Totaro de l'intégralité de leurs demandes ; - Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par la société Westcom ; - Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens.